Chapitre 9
Je m’exécutai…
Seigneur, où étais-je ?… Des nuages lourds et gris sebousculaient, se poursuivaient au-dessus de ma tête, comme untroupeau de monstres féroces… Et là-bas, tout en bas, une merfurieuse, déchaînée… L’écume blanche brille d’un éclat de fièvre etbouillonne en collines d’eau ; des lames échevelées se ruentavec fracas sur un rocher immense et noir comme du goudron. Leshurlements de l’ouragan, le souffle glacial du gouffre effréné, lebruit lourd des vagues, où résonnent des cris d’angoisse, des coupsde canon lointains, le tocsin, le grincement aigu et déchirant desgalets, le cri inattendu d’une mouette invisible, la coque fragiled’un navire perdu dans l’horizon de brume, tout cela me parle de lamort, de la mort et de l’épouvante…
La tête me tourna de nouveau, et je fermai les yeux…
« Qu’est-ce donc ? Où sommes-nous ?
— Sur la rive sud de l’île de Whight, et cette masse noire estle rocher de Blackgant… Bien des navires s’y sont échoués »,répondit-elle nettement cette fois-ci et non sans une joie maligne,me sembla-t-il.
« Emporte-moi loin d’ici… Oh ! très loin !… Chez moi…,chez moi !… »
Je me recroquevillai et serrai mon visage entre mes mains… Nousvolions encore plus vite ; le vent ne hurlait plus : ilpoussait des grincements aigus dans ma chevelure, dans mesvêtements… Le souffle me manquait…
« Pose tes pieds à terre », me dit Ellys.
Je m’efforçai de retrouver mes esprits, de remettre de l’ordredans mes idées… Mes semelles sentaient le ferme contact du sol… Jen’entendais plus un bruit, comme si tout s’était tu autour de moi…Seul mon sang battait à mes tempes une cadence déchaînée et la têteme tournait faiblement, avec un léger bruit intérieur… Je meredressai et ouvris les yeux…