Guerrier De Lumière – Volume 1

Chapitre 9Caracas, 7 octobre 2003

Cher M. Paulo Coelho,

J’ai lu tous vos livres, et j’ai été plutôt surprise par ledernier. Plusieurs fois au cours de ma lecture, j’ai eu envie dem’arrêter et de pleurer, du seul fait d’être femme. En effet iln’est pas nécessaire d’avoir l’expérience d’une prostituée pourvivre les émotions et les confusions qui s’y trouvent exposées.

Cependant, permettez-moi d’ajouter certaines choses sur lesfemmes que vous ne savez peut-être pas. Nous avons toutes un peu deMaria (le personnage du roman), et nous nous promettons toujours dene plus jamais aimer, pour n’être pas blessées et ne pas blesser.Nous finissons toujours par rompre cette promesse, et toujours nousle regrettons.

Nous ne sommes ni totalement bonnes, ni totalementmauvaises.

Le plaisir sexuel n’est pas exactement notre préoccupationmajeure, c’est pourquoi pendant des générations il a été possiblede cacher le fait que nous atteignons rarement l’orgasme de lamanière que l’homme imagine. Sait-il ce qui nous donne plus deplaisir que le sexe ? La nourriture. Quand nous aimons unhomme, la première chose que nous voulons savoir, c’est s’il a déjàmangé, s’il est bien nourri, et s’il a apprécié ce que nous luiavons préparé. Même si je m’attire la haine des féministes,j’affirme qu’il est divin de voir notre homme manger ! Et vousn’en dites rien dans votre livre.

Le plus grand problème de la femme latine est qu’elle finit parêtre la mère de son homme. Amour maternel, qui pardonne toutes sesfaiblesses (parce que nous savons qu’il est faible, même si nousrépétons toute la journée qu’il est fort), qui nous pousse à croirequ’il reviendra toujours à la maison, et reconnaîtra qu’il n’y arien de mieux dans sa vie que d’être à côté de la personne qui lesoigne et le câline. Mais l’homme, bien qu’il désire être aimécomme un enfant, se comporte toujours comme un sauvage : il selaisse emporter par ses impulsions, par ses passions du moment, etmême s’il ne nous abandonne pas physiquement, son âme va et vienttrès souvent.

La femme ne perd jamais l’espoir de retrouver le passé, de serappeler chaque moment qu’elle a vécu. Et elle est effrayée quandelle constate que le passé n’est plus, que c’est maintenant untemps différent, qui court et passe très vite. Je ne parle passeulement de l’horloge biologique, mais du fait de ne plus sesentir désirée, de marcher dans les rues et de remarquer quepersonne ne tourne la tête. Alors lui vient cette peur de ne plusjamais être caressée comme quand elle était jeune, de ne plusjamais voir dans les yeux d’un homme une pensée érotique ou -j’oserais le dire – pornographique.

La femme est romantique, mais elle laisse toujours l’hommemassacrer ses sentiments – et à cause de cela, elle peut setransformer en une implacable destructrice parce qu’elle n’a plusrien à perdre.

L’autre jour je discutais avec des amies et nous nous disions àquel point nous étions capables d’être « perverses etdestructrices». Mais l’une d’elles a observé :

« Non, ce n’est pas cela, c’est bien pire ! Quand les hommessont blessés, ils prennent les armes pour se venger et venir à boutde leur adversaire. Mais nous, quand nous sommes blessées par celuique nous aimons, la seule chose qui nous passe par la tête consisteà préparer toutes sortes de stratégies pour faire revenir notrebourreau, en implorant son pardon. Voilà notre vengeance : faire ensorte qu’il souffre de notre absence et revienne.»

Je sais que dans votre nouveau livre vous cherchez à vousexprimer au nom d’une femme, et je pense que vous y êtes parvenudans plusieurs passages. Mais il s’agit d’une vision idéale du sexeféminin, et non de la réalité. Le personnage ressemble davantage àce que nous aimerions être qu’à ce que nous sommes réellement.

Mais, de toute manière, il est très important de voir un hommeessayer de penser comme une femme. Peut-être n’y arrivera-t-iljamais, mais cela n’a pas d’importance, cette voie est trèsintéressante, et cela peut encourager d’autres hommes à en faireautant.

Votre fidèle lectrice, mère d’un fils de 14 ans, que beaucoupaccusent de penser comme un homme.

M.E.

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