La Jeunesse de Pierrot

Chapitre 12(Conclusion) – Prête-moi ta plume pour écrire un mot

Le soirdu même jour, la reine fut ramenée en triomphe au palais, portéepar les trente-deux esclaves noirs, qui s’étaient fait tirerl’oreille pour reprendre, après plusieurs mois de repos, l’exercicepénible du palanquin.

Sa Majesté tenait à la main une jolie cage enfils d’argent, où chantait tristement, en regardant du coin del’œil l’azur du ciel, le petit oiseau qu’elle avait enfinretrouvé.

Monté sur un grand cheval blanc que sesécuyers lui avaient amené à la tour, le roi marchait à l’amble,serrant au plus près le palanquin il se sentait si heureux derevoir la reine après une si longue séparation, qu’il ne la quittapas des yeux un seul instant pendant toute la route.

Le lendemain, Cœur-d’Or épousaFleur-d’Amandier, et reçut en apanage les États du prince Azor.

Les noces furent célébrées avec lamagnificence qui est d’usage dans les contes de fées, lorsqu’un roiépouse une bergère, ou qu’une princesse épouse un berger. La fée dulac, qui s’était rendue dès le matin au palais sur un char dediamant traîné par deux beaux cygnes blancs comme l’albâtre,présida à la cérémonie nuptiale et bénit les deux amants de sabaguette d’or, en leur promettant solennellement devant toute lacour d’être marraine de leur premier-né.

Le seigneur Renardino fut puni comme il leméritait de sa méchanceté et de sa trahison : tous ses biensfurent confisqués, rendus aux malheureux qu’il avait injustementdépouillés ; lui-même, destitué de tous ses titres, fut revêtud’habits grossiers, et voué aux plus viles fonctions de ladomesticité.

Le roi de Bohême, en reconnaissance desbienfaits de la fée, donna l’ordre à son trésorier de distribuer deriches aumônes à tous les mendiants du pays, et fit construire dansles jardins du palais un magnifique bassin de porphyre, où decharmants petits poissons rouges furent logés et entretenus auxfrais du gouvernement.

Quant à Pierrot, mes chers enfants, il n’avaiteu garde de se montrer pendant la cérémonie du mariage de Cœur-d’Oret de Fleur-d’Amandier, tant il avait peur que la résolution qu’ilavait prise la veille n’en fût ébranlée ; mais à l’heure dufestin il reparut, prit sa place au banquet, et sa blanche figure,voilée jusqu’alors d’un léger nuage de tristesse, rayonna comme auxplus beaux jours. Quand le repas fut terminé, il se leva de tableavec un grand effort, descendit à la maisonnette du bûcheron, et lepria de lui prêter sa plume pour écrire un mot.

Par ce mot, il donnait aux bonnes gens, pouraméliorer leur vieillesse, trois cent mille sequins d’or, ceux-làmêmes qu’il avait si subtilement escamotés au prince Azor, et quele roi l’avait prié de conserver pour prix de ses services.

L’acte dressé, il se jeta au cou du vieux etde la vieille qui pleuraient, les embrassa tendrement ; puis,s’essuyant les yeux avec la manche de son pourpoint, il mit à sonbras son panier de voyage et sortit de la maisonnette.

Alors on entendit une voix qui chantait dansl’avenue du palais l’air dont je vous ai déjà tant parlé.

Le roi, la reine, et tous les gens de la courécoutèrent, mais la voix allait s’affaiblissant, et s’éteignitbientôt dans l’éloignement.

C’était Pierrot qui venait de partir à larecherche d’une autre patrie, et de nouvelles aventures que je vousconterai une autre fois, mes chers enfants.

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