Le Moine

Chapitre 10

 

Uniquement occupé de livrer à la justice lesassassins de sa sœur, Lorenzo ne se doutait guère de tout ce queses intérêts souffraient d’un autre côté. Il ne revint à Madrid quele soir du jour où Antonia avait été enterrée. Signifier au grandinquisiteur l’ordre du cardinal-duc (formalité indispensablelorsqu’il s’agissait d’arrêter publiquement un membre de l’Église),communiquer son projet à son oncle et à don Ramirez, et assemblerune troupe suffisante pour prévenir toute résistance, c’était dequoi l’occuper pleinement pendant le peu d’heures qui lui restaientjusqu’à minuit. Il n’eut donc pas le temps de savoir des nouvellesde sa maîtresse, et il ignorait complètement la mort de la mère etde la fille.

Le marquis n’était nullement hors dedanger ; son délire avait cessé ; mais il lui restait untel épuisement, que les médecins évitaient de se prononcer sur cequi pouvait en résulter. Quant à Raymond lui-même, son souhait leplus ardent était de rejoindre Agnès au tombeau. Il espéraitapprendre au même instant qu’Agnès était vengée et lui-même perdusans retour.

Suivi des vœux les plus fervents de Raymond,Lorenzo était à la porte de Sainte-Claire une grande heure avant letemps indiqué par la mère Sainte-Ursule. Il était accompagné de sononcle, de don Ramirez de Mello, et d’une troupe d’archerschoisis.

Les nonnes étaient occupées à accomplir lescérémonies instituées en l’honneur de sainte Claire, et auxquellesjamais aucun profane n’était admis. Les fenêtres de la chapelleétaient illuminées ; du dehors on entendait l’orgue,accompagné d’un chœur de femmes, enfler sa voix grave et pleinedans le silence de la nuit. Le chœur s’éteignit, et fut remplacépar un solo mélodieux, chanté par celle qui devait remplir dans laprocession le rôle de sainte Claire. Pour cet emploi, onchoisissait toujours la plus belle fille de Madrid, et celle surqui la préférence tombait la regardait comme l’honneur le plusinsigne. Attentif à la musique, dont les sons dans l’éloignement nesemblaient que plus doux, l’auditoire était absorbé dans uneprofonde attention. Un silence général régnait dans la foule, ettous les cœurs étaient remplis de respect pour la religion ;tous, excepté celui de Lorenzo, sachant que parmi celles quichantaient avec tant de douceur les louanges de leur Dieu il enétait qui, sous le manteau de la dévotion, cachaient les crimes lesplus noirs, leurs hymnes ne lui inspiraient que de l’horreur pourleur hypocrisie. Il avait depuis longtemps observé avec blâme etmépris la superstition qui dominait les habitants de Madrid ;son bon sens lui avait indiqué les artifices des moines etl’absurdité grossière de leurs miracles, de leurs légendes et deleurs reliques supposées. Il rougissait de voir ses compatriotesdupes d’une déception si ridicule, et ne souhaitait qu’une occasionde les affranchir des entraves où les tenaient les moines :cette occasion, si longtemps et si vivement désirée, s’offraitenfin à lui ; il résolut de ne pas la laisser échapper, maisd’exposer aux yeux du peuple un tableau effrayant de l’énormité desabus qui se commettaient fréquemment dans les monastères, et del’injustice qu’il y avait à honorer indistinctement tous ceux quiportaient un habit religieux ; il lui tardait de démasquer leshypocrites, et de prouver à ses compatriotes qu’un saint extérieurne cache pas toujours un cœur vertueux.

Le service dura jusqu’à minuit. Lorsquel’horloge du couvent se fit entendre, la musique cessa, les voixexpirèrent, et bientôt les lumières disparurent des fenêtres de lachapelle.

Le couvent des Capucins n’était séparé decelui de Sainte-Claire que par le jardin et le cimetière. Lesmoines avaient été invités au pèlerinage. Ils arrivèrent, marchantdeux à deux, des torches allumées à la main, et chantant des hymnesen l’honneur de sainte Claire. Le père Pablos était à leur tête, leprieur s’étant excusé d’y aller. Le peuple fit place au saintcortège, et les moines se mirent en rangs de chaque côté del’entrée. Peu de minutes suffirent pour disposer la procession enordre : après quoi les portes du couvent s’ouvrirent, et denouveau le chœur des femmes retentit à pleine voix.

D’abord parut une troupe de chantres ;dès qu’ils eurent passé, les moines se mirent en marche deux pardeux, et suivirent à pas lents et mesurés ; puis vinrent lesnovices : ils ne portaient point de cierges, comme lesprofès ; mais ils s’avançaient les yeux baissés, et semblaientoccupés à dire leurs chapelets. À ceux-ci succéda une jeune etcharmante fille, qui représentait sainte Lucie : elle tenaitun bassin d’or, dans lequel étaient deux yeux ; les siensétaient couverts d’un bandeau de velours, et elle était conduitepar une autre nonne dans le costume d’un ange. Elle était suivie desainte Catherine, une palme dans une main et une épée flamboyantedans l’autre : celle-ci était vêtue de blanc, et son frontétait orné d’un diadème étincelant. Après parut sainte Geneviève,entourée de quantité de diablotins qui, prenant des attitudesgrotesques, la tirant par sa robe, et jouant autour d’elle avec desgestes bouffons, tâchaient de distraire son attention du livre oùses yeux étaient constamment fixés ; ces joyeux démonsamusaient fort les spectateurs, qui témoignaient leur plaisir parde fréquents éclats de rire. L’abbesse avait eu soin de choisir unenonne dont l’humeur fût naturellement sérieuse et grave ; elleeut lieu d’être satisfaite de son choix : les singeries desdiablotins ne produisaient pas le moindre effet, et sainteGeneviève s’avançait sans déranger un seul des muscles de saface.

Chacune des saintes était séparée de l’autrepar une troupe de chanteuse, célébrant ses louanges dans leurshymnes, mais la déclarant bien inférieure à sainte Claire, patronnespéciale du couvent. Après elles, parut une longue file de nonnes,portant, comme les chanteuses, chacune un cierge allumé ; puisvinrent les reliques de sainte Claire, enfermées dans des vaseségalement précieux par la matière et par le travail ; maiselles n’attirèrent pas l’attention de Lorenzo : la nonne quiportait le cœur l’occupa entièrement. D’après la description deThéodore, il ne douta point que ce ne fût la mèreSainte-Ursule ; elle avait l’air de regarder autour d’elleavec anxiété. Comme il était en avant de la haie devant laquellepassait la procession, elle l’aperçut ; un mouvement de joiecolora sa joue, jusqu’alors très pâle : elle se tournavivement vers sa compagne : « Nous sommes sauvées,l’entendit-il dire tout bas, voilà son frère ».

Le cœur maintenant à l’aise, Lorenzo regardaavec tranquillité le reste de la cérémonie. Il en vit paraître leplus bel ornement : c’était une espèce de trône, enrichi depierreries et éblouissant de lumières ; il roulait sur desroues cachées, et était mené par de jolis enfants, habillés enséraphins ; le haut en était couvert de nuées d’argent, surlesquelles reposait la plus belle personne qu’on eût jamaisvue ; c’était la jeune fille qui représentait sainteClaire : ses vêtements étaient d’un prix inestimable, etautour de sa tête une couronne de diamants formait une auréoleartificielle ; mais tous ces ornements cédaient à l’éclat deses yeux.

À mesure qu’elle avançait, un murmure decontentement courait dans la foule. Lorenzo lui-même reconnut ensecret qu’il n’avait jamais vu de beauté plus parfaite ; et sison cœur n’avait appartenu à Antonia, il l’aurait offert ensacrifice à cette fille enchanteresse ; mais, dans l’état oùétait son cœur, il ne la considéra que comme une bellestatue : elle n’obtint pas de lui d’autre tribut qu’une froideadmiration, et quand elle eut passé, il n’y pensa plus.

– Qui est-elle ? demanda un desvoisins de Lorenzo.

– C’est une beauté que vous avez dûentendre vanter souvent ; son nom est Virginie deVilla-Franca ; elle est pensionnaire du couvent deSainte-Claire, parente de l’abbesse ; et on l’a choisie, avecraison, comme l’ornement de la procession.

Le trône était suivi de l’abbesseelle-même : elle marchait à la tête du reste des nonnes d’unair dévot et recueilli, et fermait la procession. Elle s’avançaitlentement, ses yeux étaient levés au ciel ; son visage, calmeet tranquille, semblait étranger à toutes les choses de ce monde,et aucun de ses traits ne trahissait l’orgueil secret qu’elle avaitd’étaler la pompe et l’opulence de son couvent. Elle passa,accompagnée des prières et des bénédictions de la populace :mais quelles furent la surprise et la confusion générales, quanddon Ramirez, sortant de la foule, la réclama comme saprisonnière.

Un instant, la supérieure resta muette etimmobile de stupéfaction ; mais elle ne se fut pas plus tôtremise, qu’elle cria au sacrilège, à l’impiété, et invita le peupleà sauver une fille de l’Église. Les assistants s’empressaientd’obéir, lorsque don Ramirez, protégé par sa troupe contre leurfureur, leur commanda de s’arrêter, les menaçant des plusrigoureuses vengeances de l’inquisition. À ce nom redouté, tous lesbras tombèrent, toutes les épées rentrèrent dans le fourreau ;l’abbesse elle-même devint pâle et trembla : le silencegénéral lui prouva qu’elle n’avait d’espoir que dans son innocence,et, d’une voix défaillante, elle pria don Ramirez de lui apprendrele crime dont elle était accusée.

– Vous le saurez en temps et lieu,répondit-il ; mais d’abord je dois m’assurer de la mèreSainte-Ursule.

– De la mère Sainte-Ursule ? répétafaiblement l’abbesse.

En ce moment, elle jeta les yeux autourd’elle, et vit Lorenzo et le duc qui avaient suivi don Ramirez.

– Ah ! Grand Dieu ! cria-t-elleen frappant des mains d’un air frénétique ; je suistrahie.

– Trahie ? répliqua Sainte-Ursulequi arrivait, conduite par des archers, et suivie de la nonne, sacompagne dans la procession ; non pas trahie, mais découverte.Reconnaissez en moi votre accusatrice ; vous ne savez pascomme je suis au fait de votre crime. Señor, continua-t-elle, setournant vers Ramirez, je me remets moi-même entre vos mains.J’accuse l’abbesse de Sainte-Claire d’assassinat et je réponds surma vie de la justice de l’accusation.

Un cri de surprise fut poussé par tous lesassistants, et on demanda de tout côté une explication. Les nonnescraintives, épouvantées du désordre et du bruit, s’étaientdispersées et enfuies par divers chemins : les unes avaientregagné le couvent, d’autres s’étaient réfugiées chez leursparents ; et plusieurs, ne songeant qu’au danger présent, etqu’à échapper au tumulte, couraient par les rues, errant sanssavoir où. La charmante Virginie avait été une des premières àfuir. Afin de mieux voir et de mieux entendre, le peuple demandaque Sainte-Ursule parlât du haut du trône vacant. La nonneobéit : elle monta sur le char splendide, et s’adressa en cestermes à la multitude qui l’entourait :

– Quelque étrange et messéante que puisseparaître ma conduite de femme et de religieuse, la nécessité lajustifiera pleinement. Un secret, un horrible secret pèse de toutson poids sur mon âme : je n’aurai pas de repos que je nel’aie révélé au monde, et que je n’aie apaisé le sang innocent quicrie vengeance du tombeau. J’ai eu beaucoup à oser pour me procurercette occasion de soulager ma conscience : si j’avais échouédans ma tentative de dévoiler ce crime, si la supérieure avait eusoupçon que ce mystère me fût connu, ma perte était inévitable. Lesanges, qui veillent incessamment sur ceux qui méritent leur faveur,ont empêché que je ne fusse découverte. Il m’est permis à présentde faire un récit dont les détails glaceront d’horreur toute âmehonnête : c’est mon devoir de déchirer le voile del’hypocrisie, et de montrer aux parents abusés le danger auquel estexposée la femme qui tombe sous l’empire d’un tyran monastique.

Parmi les religieuses de Sainte-Claire, nullen’était plus aimable, nulle n’était plus douce qu’Agnès deMédina : je la connaissais bien ; elle me confiait tousles secrets de son cœur ; j’étais son amie, saconfidente ; je l’aimais d’une affection sincère, et jen’étais pas la seule qui lui fût attachée : sa piété vraie,son empressement à obliger et ses dispositions angéliques,faisaient d’elle la favorite de tout ce qu’il y avait d’estimabledans le couvent ; l’abbesse elle-même, fière, soupçonneuse etmalveillante, ne pouvait refuser à Agnès le tribut d’approbationqu’elle n’accordait à personne autre. Nous avons tous des défauts,hélas ! Agnès avait ses faiblesses : elle viola les loisde son ordre, et encourut la haine invétérée de l’implacablesupérieure. Les règles de Sainte-Claire sont sévères : mais,surannées et négligées, plusieurs depuis de longues années sonttombées dans l’oubli, ou ont été remplacées d’un commun accord parde plus douces punitions : la peine attachée au crime d’Agnèsétait la plus cruelle, la plus inhumaine. Cette loi depuislongtemps était désapprouvée ; hélas ! elle existaitpourtant, et la vindicative abbesse résolut de la fairerevivre : cette loi ordonnait que la coupable serait plongéedans un cachot particulier, destiné expressément à cacher pourtoujours au monde la victime de la cruauté et la tyranniesuperstitieuses. Dans cette redoutable demeure, elle étaitcondamnée à un isolement perpétuel, privée de toute société, etcrue morte par ceux que l’affection aurait pu pousser à tenter dela sauver. C’est ainsi qu’elle devait languir le reste de sesjours, sans autre nourriture que du pain et de l’eau, et sans autreconsolation que la liberté de verser des larmes.

L’indignation soulevée par cette révélationfut si violente, qu’elle interrompit pour quelques moments le récitde Sainte-Ursule. Quand le désordre eut cessé, et que le silencerégna de nouveau dans l’assemblée, elle continua son discours,pendant lequel, à chaque mot, le visage de la supérieure trahissaitune terreur croissante.

– On convoqua en conseil les douze nonnesles plus âgées : j’étais du nombre. L’abbesse peignit decouleurs exagérées la faute d’Agnès, et ne se fit pas scrupule deproposer la remise en vigueur de cette loi tombée en désuétude. Ilfaut le dire à la honte de notre sexe : soit que la volonté dela supérieure fût souveraine dans le couvent, soit que de vivresans avenir dans la solitude et les privations leur endurcît lecœur et leur aigrît le caractère, cette proposition barbare futapprouvée par neuf voix sur douze. Je n’étais pas une des neuf.J’avais eu de fréquentes occasions de me convaincre des vertusd’Agnès, et je l’aimais et la plaignais profondément. Les mèresBerthe et Cornélie se joignirent à moi : nous fîmes la plusforte opposition possible, et la supérieure se vit obligée dechanger de plan. Quoiqu’elle eût pour elle la majorité, ellecraignit de rompre ouvertement avec nous : elle savaitqu’appuyées par la famille Médina, nous serions de trop redoutablesadversaires, et elle savait aussi que sa perte serait certaine, siAgnès, après avoir été emprisonnée et supposée morte, venait à êtredécouverte : elle renonça donc à son dessein, quoique avecbeaucoup de répugnance ; elle demanda quelques jours poursonger à un genre de punition qui pût être approuvé de toute lacommunauté, et elle promit de convoquer le même conseil dès qu’elleaurait pris une résolution. Deux jours se passèrent : le soirdu troisième, on annonça qu’Agnès serait interrogée le lendemain,et que, suivant sa conduite en cette occasion, sa peine seraitaugmentée ou mitigée.

La nuit qui précéda l’interrogatoire, je meglissai dans la cellule d’Agnès à l’heure où je supposais lesautres religieuses ensevelies dans le sommeil ; je la consolaide mon mieux : je lui dis de prendre courage, de compter surl’appui de ses amies, et je convins avec elle de certains signespar lesquels je pourrais l’avertir de répondre affirmativement ounégativement aux questions de la supérieure. Sachant que sonennemie chercherait à la troubler, à l’embarrasser et àl’intimider, je craignais qu’on ne lui surprît quelque aveupréjudiciable à ses intérêts. Comme je tenais à ce que ma visitefût secrète, je ne restai que peu de temps avec Agnès. Jel’engageai à ne pas se laisser abattre : je mêlai mes larmes àcelles qui coulaient sur sa joue, je l’embrassai tendrement, etj’étais sur le point de me retirer, quand j’entendis des pas quis’avançaient vers la cellule. Je reculai. Un rideau qui voilait ungrand crucifix m’offrit une retraite, et je me hâtai de me mettrederrière. La porte s’ouvrit. L’abbesse entra, suivie de quatreautres nonnes. Elles s’approchèrent du lit d’Agnès ; lasupérieure lui reprocha ses erreurs dans les termes les plus amers,lui dit qu’elle était un déshonneur pour le couvent, qu’il fallaitdélivrer la terre d’un tel monstre, et lui commanda de boire lecontenu du gobelet que lui présentait une des nonnes. Soupçonnantles funestes propriétés de cette liqueur, et tremblante de se voirau bord de l’éternité, la malheureuse fille s’efforça d’exciter lapitié de la supérieure par les prières les plus touchantes ;elle demanda la vie dans des termes qui auraient attendri le cœurd’un démon ; elle promit de se soumettre patiemment à toutesles punitions, à l’opprobre, à l’emprisonnement et à la torture,pourvu qu’on la laissât vivre, oh ! seulement un mois de vie,ou une semaine, ou un jour ! Son impitoyable ennemie écoutases plaintes sans être émue : elle lui dit que d’abord elleavait eu l’intention de lui faire grâce de la vie, et que si elleavait changé d’idée, c’était l’opposition de ses amies qui en étaitcause ; elle continua d’insister pour qu’Agnès avalât lepoison, l’invitant à ne plus se recommander qu’à la miséricorde deDieu, et l’assurant que dans une heure elle serait au nombre desmorts. Voyant qu’il était inutile d’implorer cette femmeinsensible, Agnès essaya de se jeter hors du lit et d’appeler ausecours : elle espérait, si elle ne pouvait pas échapper ausort dont on la menaçait, avoir au moins des témoins de la violencequ’on commettait sur elle. L’abbesse devina son dessein : ellela saisit avec force par le bras, et la rejeta sur sonoreiller ; en même temps, tirant un poignard, et le luimettant sur le sein, elle affirma que si Agnès poussait un seulcri, ou hésitait un seul moment à boire le poison, elle luipercerait le cœur sur-le-champ. Déjà à demi morte de peur,l’infortunée ne put résister davantage. La nonne s’approcha avec lefatal gobelet ; l’abbesse la força de la prendre et d’enavaler le contenu. Elle but, et l’acte horrible fut accompli. Lesnonnes alors s’assirent autour du lit : elles répondirent àses gémissements par des reproches, elle interrompirent par dessarcasmes les prières dans lesquelles elle recommandait à lamiséricorde divine son âme prête à partir ; elles lamenacèrent de la vengeance du ciel et de la damnationéternelle ; lui dirent de désespérer du pardon, et jonchèrentd’épines encore plus aiguës l’oreiller douloureux de la mort.Telles furent les souffrances de cette jeune infortunée, jusqu’aumoment où la destinée la délivra de la malice de ses bourreaux.Elle expira entre l’horreur du passé et la crainte de l’avenir, etson agonie dut amplement assouvir la haine et la vengeance de sesennemis. Aussitôt que leur victime eut cessé de respirer, l’abbessese retira, et fut suivie de ses complices.

Ce fut alors que je sortis de ma cachette. Jen’avais pas osé secourir ma malheureuse amie, sachant bien que,sans la sauver, je n’aurais fait qu’attirer sur moi le même sort.Interdite et terrifiée au-delà de toute expression par cette scèneaffreuse j’avais à peine la force de regagner ma cellule. Quandj’eus atteint la porte de celle d’Agnès, je me hasardai à jeter unregard vers le lit où était étendu inanimé ce corps naguère siplein de grâce et de charme. Je dis une prière pour le repos de sonâme, et fis vœu de venger sa mort par la honte et le châtiment deses assassins. Après bien des peines et des dangers, j’ai tenu monserment. Égarée par l’excès de ma douleur, il m’échappa àl’enterrement des paroles imprudentes qui alarmèrent la consciencecoupable de l’abbesse. Toutes mes actions furent observées, tousmes pas furent suivis ; je fus constamment entourée desespions de la supérieure. Il se passa longtemps avant que je pussetrouver le moyen de donner avis de mon secret aux parents de lamalheureuse fille. On avait répandu le bruit qu’elle était mortesubitement : cette version fut crue par tous ses amis, nonseulement dans Madrid, mais encore dans l’intérieur du couvent. Lepoison n’avait point laissé de traces sur son corps : personnene soupçonnait la véritable cause de sa mort, et cette cause restainconnue à tout le monde, excepté à ses assassins et à moi.

Je n’ai plus rien à dire : quant à ce quej’ai dit, j’en réponds sur ma vie. Je répète que l’abbesse est unemeurtrière ; qu’elle a ôté du monde, et peut-être du ciel, uneinfortunée dont la faute était légère et pardonnable ; qu’ellea abusé du pouvoir confié à ses mains, et qu’elle a agi en tyran,en barbare et en hypocrite. J’accuse aussi les quatre nonnes,Violante, Camille, Alix et Marianne, comme ses complices etégalement criminelles.

Ici Sainte-Ursule termina son récit. Il avaitexcité de tous côtés l’horreur et la surprise ; mais quandelle raconta le meurtre inhumain d’Agnès, l’indignation de la foulese manifesta si bruyamment, qu’il fut à peine possible d’entendrela fin du discours. Le désordre croissait d’instant en instant.Enfin, une multitude de voix s’écrièrent qu’il fallait qu’on livrâtl’abbesse à leur fureur. Don Ramirez refusa positivement d’yconsentir. Lorenzo lui-même rappela au peuple qu’elle n’avait subiaucun jugement, et l’engagea à laisser à l’inquisition le soin dela punir. Toutes les représentations furent superflues : letrouble devenait plus violent et la populace plus exaspérée. Envain Ramirez essaya d’emmener sa prisonnière hors de lafoule : de quelque côté qu’il se tournât, un attroupement luibarrait le passage, et réclamait l’abbesse à grands cris. Ramirezordonna aux archers de s’ouvrir un chemin ; pressés par lafoule, il leur fut impossible de tirer l’épée. Il menaça lamultitude de la vengeance de l’inquisition ; mais dans cetinstant de frénésie populaire, ce nom redouté lui-même avait perduson effet. Quoique le regret de la mort de sa sœur lui inspirât uneprofonde horreur pour l’abbesse, Lorenzo ne put s’empêcher d’avoirpitié d’une femme dans cette position terrible ; mais en dépitde tous ses efforts et de ceux du duc, de don Ramirez et desarchers, le peuple continua de pousser en avant : il se frayaun passage à travers les gardes qui protégeaient la victime, ill’arracha de cet asile, et se mit en devoir d’en tirer une prompteet cruelle justice. Éperdue de terreur, et sachant à peine cequ’elle disait, la malheureuse femme criait implorant un moment derépit : elle protestait qu’elle était innocente de la mortd’Agnès, et qu’elle pouvait se laver de tout soupçon jusqu’à laplus entière évidence. Les mutins, tout entiers au désir d’assouvirleur vengeance barbare, refusèrent de l’écouter, lui prodiguèrenttous les genres d’insultes, l’accablèrent de boue et d’ordures, etl’appelèrent des noms les plus odieux : ils se l’arrachèrentles uns aux autres, et chaque nouveau bourreau était plus atroceque le précédent. Ils étouffèrent sous leurs hurlements et leursimprécations ses cris suppliants, et la traînèrent par les rues, enla frappant, en la foulant du pied, en la soumettant à tous lesactes de cruauté que peuvent inventer la haine et la fureurvindicative. Enfin un caillou, lancé par une main adroite, lafrappa en plein à la tempe ; elle tomba par terre, baignéedans son sang, et en peu de minutes termina sa misérable existence.Quoiqu’elle ne sentît plus leurs insultes, les mutins continuèrentd’exercer sur son corps inanimé leur rage impuissante, de labattre, de la fouler aux pieds et de sévir contre lui jusqu’à cequ’il devînt une masse de chair informe, hideuse, etdégoûtante.

Hors d’état d’empêcher ces actes révoltants,Lorenzo et ses amis les avaient vus avec la plus grandehorreur ; mais ils furent tirés de leur inaction forcée par lanouvelle que l’on attaquait le couvent de Sainte-Claire. Lapopulace échauffée, confondant l’innocent avec le coupable, avaitrésolu de sacrifier à sa rage toutes les religieuses de cet ordre,et de ne pas laisser de leur maison une pierre sur l’autre. Alarmésà ce récit, ils coururent au couvent, décidés à le défendre s’ilétait possible, ou du moins à en sauver les habitantes de la furiedes mutins. La plupart des nonnes avaient pris la fuite ; maisquelques-unes étaient restées ; leur situation était vraimentdangereuse. Cependant, grâce à la précaution qu’elles avaient prisede barricader les portes intérieures, Lorenzo espéra contenir lepeuple jusqu’à ce que don Ramirez revînt avec des forcessuffisantes.

Entraîné par les premiers désordres àplusieurs rues de distance du couvent, il n’y parvint pas tout desuite. Quand il y arriva, la foule alentour était si considérablequ’il ne put approcher des portes. La populace cependant assiégeaitle bâtiment avec rage et persévérance : elle battait les mursen brèche, jetait aux fenêtres des torches enflammées, et juraitqu’au point du jour pas une nonne de Sainte-Claire ne serait envie. Lorenzo venait précisément de réussir à se frayer un chemin àtravers la foule, lorsqu’une des portes fut forcée. Les mutins serépandirent dans l’intérieur du bâtiment, où ils exercèrent leurvengeance sur tout ce qui se trouva sur leur passage. Ils mirent enpièce le mobilier, déchirèrent les tableaux, détruisirent lesreliques, et par haine de la servante perdirent tout respect pourla sainte. Les uns s’occupaient à chercher les nonnes, d’autres àdémolir des parties du couvent, et d’autres à mettre le feu auxtableaux et au riche mobilier qu’il contenait. Ces derniersproduisirent le plus réel dégât : en effet, les conséquencesde leur action furent plus soudaines qu’eux-mêmes ne l’avaientattendu ou désiré. Les flammes, qui s’élevaient de ces monceaux enfeu, atteignirent un côté du bâtiment qui était vieux et sec, etl’incendie gagna rapidement de chambre en chambre : les mursfurent bientôt ébranlés par l’élément dévorant ; les colonnescédèrent, le toit tomba sur les mutins et en écrasa plusieurs sousses débris. On n’entendait que des cris et des gémissements. Lecouvent était enveloppé de flammes, et le tout présentait une scènede dévastation et d’horreur.

Lorenzo était désolé d’avoir été la cause,quoique innocente, de cet effrayant désordre : il entreprit deréparer sa faute en protégeant les malheureuses habitantes ducouvent. Il pénétra avec les assaillants, et s’efforça de réprimerleur fureur victorieuse, jusqu’à ce que le progrès soudain etalarmant des flammes l’obligeât à songer à sa propre sûreté. Lepeuple se précipita dehors avec autant de violence qu’il en avaitmis à entrer ; mais ses flots s’engorgeant aux issues, et lefeu gagnant rapidement, beaucoup périrent avant d’avoir le temps des’échapper. La bonne fortune de Lorenzo le conduisit à une petiteporte, dans une galerie retirée de la chapelle. Le verrou en avaitété retiré ; il l’ouvrit, et se trouva au pied des caveaux deSainte-Claire.

Il s’arrêta pour respirer. Le duc et quelqueshommes de sa suite l’avaient accompagné, et se trouvaient ainsi ensûreté pour le présent. Ils tinrent conseil sur ce qu’ils avaient àfaire pour s’échapper de cette confusion ; mais leurdélibération fut fréquemment interrompue par la vue des masses defeu qui sortaient des murs épais du couvent, par le bruit desvoûtes pesantes qui tombaient en débris, ou par les cris confondusdes nonnes et des assaillants, ou étouffés dans la foule, oupérissant dans les flammes, ou écrasés sous le poids du bâtimentqui s’écroulait.

Lorenzo demanda où le guichetconduisait : on répondit au jardin des Capucins, et il futrésolu qu’on chercherait une issue de ce côté. Le duc, enconséquence, leva le loquet et passa dans le cimetière attenant.Les gardes le suivirent pêle-mêle. Lorenzo, qui se trouvait ledernier, allait aussi quitter la colonnade, lorsqu’il vit la portedes caveaux s’ouvrir doucement. Quelqu’un regarda au dehors, maisen apercevant des étrangers, poussa un cri perçant, recula etdescendit précipitamment l’escalier de marbre.

– Que veut dire cela ? s’écriaLorenzo. Il y a là-dessous quelque mystère. Suivez-moi sansdélai !

À ces mots, il s’élança dans le caveau, etpoursuivit la personne qui continuait de fuir devant lui. Le duc nesavait pas la cause de cette exclamation ; mais lui supposantde bonnes raisons, il le suivit sans hésiter ; les autresfirent de même, et toute la troupe arriva bientôt au bas desdegrés. La porte d’en haut étant restée ouverte, les flammesvoisines jetaient assez de lumière pour permettre à Lorenzod’entrevoir la personne qui courait par les longs passages et sousles voûtes éloignées ; mais à un détour tout à coup ce secourslui manqua ; il resta plongé dans les ténèbres, et ne putdistinguer l’objet de leur poursuite qu’au faible son des pas dufugitif. Ils furent donc forcés d’avancer avec précaution ;autant qu’ils pouvaient juger, le fugitif aussi paraissait avoirralenti sa course, car ils entendaient ses pas se suivre à de longsintervalles. À la fin, ils s’égarèrent dans ce labyrinthe degaleries et se dispersèrent dans diverses directions. Emporté parl’ardeur d’éclaircir ce mystère, et poussé par un mouvement secretet inexplicable, Lorenzo ne remarqua cette circonstance quelorsqu’il se trouva dans un isolement complet. Le bruit des pasavait cessé, tout était silencieux, et il n’avait aucun fil pour seguider vers la personne qui fuyait ; il s’arrêta pourréfléchir sur le moyen le plus propre à faciliter sapoursuite ; il était persuadé que ce n’était point un motifordinaire qui pouvait la conduire dans ce lieu lugubre à unepareille heure : le cri qu’il avait entendu lui avait paru uncri de terreur, et il était convaincu que cet événement cachait unmystère. Après plusieurs minutes d’hésitation, il continua demarcher à tâtons le long des murs. Il y avait déjà quelque tempsqu’il avançait ainsi lentement, lorsqu’il aperçut une lueur quibrillait à distance : guidé par elle et tirant l’épée, ildirigea ses pas vers l’endroit d’où la lumière paraissaitsortir.

Elle venait d’une lampe qui brûlait devant lastatue de sainte Claire ; devant se tenaient plusieursfemmes : leurs vêtements blancs flottaient agités par le ventqui grondait sous les voûtes. Curieux de savoir ce qui les avaitrassemblées dans ce lieu de tristesse, Lorenzo s’approcha aveccirconspection. Les étrangères avaient l’air d’être engagées dansune conversation fort animée ; elles n’entendirent pasLorenzo, et il avança assez près pour entendre distinctement leursvoix.

– Je vous jure, continua celle quiparlait quand il arriva, et que les autres écoutaient avec unegrande attention, je vous jure que je les ai vus de mes yeux. J’aivite descendu l’escalier, ils m’ont poursuivie, et j’ai eu bien dela peine à éviter de tomber dans leurs mains ; sans la lampe,je ne vous aurais jamais trouvées.

– Et que viennent-ils faire ici ?dit une autre d’une voix tremblante ; croyez-vous qu’ils nouscherchent ?

– Dieu veuille que mes craintes soientfausses, répliqua la première ; mais je présume que ce sontdes assassins ! S’ils nous découvrent, nous sommesperdues ! quant à moi, mon sort est certain, ma parenté avecl’abbesse sera un crime suffisant pour me condamner, et quoiquejusqu’à présent ces caveaux m’aient été une retraite…

Comme elle parlait, son œil, en se levant,rencontra Lorenzo, qui n’avait pas cessé d’avancer doucement.

– Les assassins ! cria-t-elle.

Elle s’élança du piédestal de la statue oùelle était assise, et essaya de s’échapper. Ses compagnes, au mêmeinstant, jetèrent un cri d’effroi. Lorenzo avait saisi le bras dela fugitive ; épouvantée, au désespoir, elle tomba à genouxdevant lui.

– Épargnez-moi !s’écria-t-elle ; pour l’amour du Christ, épargnez-moi !je suis innocente, en vérité, je le suis.

Sa voix était presque étouffée par la frayeur.Les rayons de la lampe donnant en plein sur son visage qui étaitsans voile, Lorenzo reconnut la belle Virginie de Villa-Franca. Ils’empressa de la relever et de la rassurer. Il lui promit de laprotéger contre les assaillants, lui protesta qu’on ignorait oùelle était cachée, et qu’il la défendrait jusqu’à la dernièregoutte de son sang. Pendant cette conversation, les nonnes avaientpris différentes attitudes : l’une était à genoux et invoquaitle ciel ; l’autre se cachait la figure dans le sein de savoisine : plusieurs, immobiles de crainte, écoutaientl’assassin supposé ; tandis que d’autres embrassaient lastatue de sainte Claire, et imploraient sa protection avec des crisfrénétiques. Quand elles s’aperçurent de leur méprise, ellesentourèrent Lorenzo, et lui prodiguèrent les bénédictions pardouzaines. Il apprit qu’en entendant les menaces du peuple, etépouvantées des cruautés que, du haut des tours du couvent, ellesavaient vu exercer contre la supérieure, plusieurs despensionnaires et des nonnes s’étaient réfugiées dans les caveaux.Au nombre des premières était la charmante Virginie. Proche parentede l’abbesse, elle avait plus de raisons que toute autre deredouter les assaillants, et elle supplia Lorenzo de ne pointl’abandonner à leur rage. Ses compagnes, dont la plupart étaientdes filles de noble maison, lui firent la même prière, qu’ilaccueillit avec empressement : il s’engagea à ne les pointquitter qu’il ne les eût remises toutes saines et sauves à leursparents ; mais il leur recommanda de ne point quitter encoreles caveaux de quelque temps et d’attendre que la fureur populairefût un peu calmée, et que l’arrivée de la force militaire eûtdispersé la multitude.

– Plût à Dieu, s’écria Virginie, que jefusse déjà en sûreté dans les bras de ma mère ! Commentdites-vous, señor ? serons-nous longtemps avant de pouvoirsortir d’ici ? chaque moment que j’y passe me met à latorture.

– Vous en sortirez bientôt,j’espère ; dit-il ; mais jusqu’à ce que vous puissiez lefaire sans danger, ces caveaux seront pour vous un impénétrableasile ; vous n’y courez aucun risque, et je vous conseille derester tranquilles encore deux ou trois heures.

– Deux ou trois heures ! s’écriasœur Hélène : si j’y reste encore une heure, je mourrai depeur ! pour tout l’or du monde je ne consentirais pas à subirce que j’ai déjà souffert depuis que je suis ici. SainteVierge ! être dans ce lieu lugubre au milieu de la nuit,environnée des cadavres de mes compagnes défuntes, et m’attendant àtout instant à être mise en pièces par leurs ombres qui rôdentautour de moi, et se plaignent et gémissent avec des accentsfunèbres qui me glacent le sang… Jésus-Christ ! c’en est assezpour me rendre folle.

– Pardonnez-moi, repartit Lorenzo, si jem’étonne que, menacée de malheurs réels, vous puissiez vous occuperde dangers imaginaires : les terreurs sont puériles et sansfondement ; combattez-les, sainte sœur : j’ai promis devous protéger contre les assaillants, mais c’est à vous-même à vousdéfendre des attaques de la superstition. Croire aux revenants estridicule à l’excès, et si vous continuez de céder à ces crainteschimériques…

– Chimériques ! s’écrièrent toutesles nonnes à la fois : mais nous l’avons entendu nous-mêmes,señor ! chacune de nous l’a entendu ! cela s’est répétésouvent, et chaque fois le son était plus sombre et plus lugubre.Vous ne nous persuaderez pas que nous nous sommes toutes trompées.Non, certes ; non, non ; si le bruit n’avait existé quedans l’imagination…

– Écoutez ! écoutez !interrompit Virginie, avec l’accent de la terreur ; Dieu nousgarde ! le voilà encore !

Les nonnes joignirent les mains, et tombèrentà genoux. Lorenzo regarda avec inquiétude, et tout près de céderaux craintes qui s’étaient emparées des femmes. Le silence étaitprofond : il examina le caveau, mais il ne vit rien. Il sedisposait à parler aux nonnes et à les railler de leurs puérilesfrayeurs, lorsque son attention fut éveillée par un sourd et longgémissement.

– Qu’est-ce que cela ? cria-t-ilétonné.

– Voilà, señor ! dit Hélène. Àprésent vous devez être convaincu ! vous avez entendu le bruitvous-même ! jugez si nos terreurs sont imaginaires ;depuis que nous sommes ici, ce gémissement s’est répété presquetoutes les cinq minutes. C’est sans doute quelque âme en peine quiréclame nos prières pour sortir du purgatoire : mais aucune denous n’a osé lui demander ce qu’elle veut. Quant à moi, si jevoyais une apparition, la frayeur, j’en suis certaine, me tueraitsur place.

Comme elle parlait, on entendit un secondgémissement plus distinct ; les nonnes firent le signe de lacroix, et s’empressèrent de réciter leurs prières contre lesmauvais esprits. Lorenzo écouta attentivement ; il allajusqu’à croire distinguer une voix qui parlait en se plaignant,mais l’éloignement en rendait les sons confus. Le bruit semblaitvenir du milieu du petit caveau où il était avec les nonnes etauquel une multitude de passages qui y venaient aboutir de toutcôté donnaient la forme d’une étoile. La curiosité de Lorenzo,toujours éveillée, le rendait impatient d’éclaircir ce mystère. Ildemanda qu’on gardât le silence ; les nonnes obéirent :tout se tut jusqu’à ce que le calme général fût de nouveau troublépar le même gémissement qui se renouvela plusieurs fois de suite.Lorenzo, qui suivait la direction du son, remarqua qu’il était plusdistinct auprès de la châsse de sainte Claire.

– Le bruit part d’ici, dit-il :quelle est cette statue ?

Hélène, à qui s’adressait cette question,resta un moment sans répondre. Tout à coup elle joignit lesmains.

– Oui ! cria-t-elle, cela doit être.Je sais d’où viennent ces gémissements.

Les nonnes l’entourèrent et la conjurèrent des’expliquer. Elle répliqua gravement que de temps immémorial lastatue avait la réputation d’opérer des miracles. Elle en inféraque la sainte était affligée de l’incendie du couvent qu’elleprotégeait, et qu’elle exprimait sa douleur par des lamentationsdistinctes. N’ayant pas la même foi dans les miracles de la sainte,Lorenzo ne trouva pas la solution du problème aussi satisfaisantequ’elle parut aux nonnes, qui l’acceptèrent sans balancer. Sur unpoint, il est vrai, il était d’accord avec Hélène ; ilsoupçonnait que les gémissements sortaient de la statue : plusil écoutait, plus il se confirmait dans cette idée. Il s’enapprocha dans le dessein de l’examiner plus attentivement ;mais lorsqu’elles virent son intention, les nonnes le supplièrent,au nom du ciel, d’y renoncer, car, s’il touchait à la statue, samort était inévitable.

– Et en quoi consiste le danger ?dit-il.

– Mère de Dieu ! en quoi ?repartit Hélène, toujours empressée de raconter une aventuremiraculeuse. Si vous aviez seulement entendu la centième partie desmerveilleuses histoires que la supérieure nous racontait à cesujet ! elle nous a assuré mainte et mainte fois que si nousosions seulement y poser un doigt, nous courrions les plus grandsrisques. Entre autres choses, elle nous a dit qu’un voleur étantentré la nuit dans ces caveaux remarqua le rubis qui est là, etdont le prix est inestimable. Le voyez-vous, señor ? il brilleau troisième doigt de la main dans laquelle elle tient une couronned’épines. Naturellement le bijou excita la cupidité de cemisérable. Il résolut de s’en emparer. Dans ce dessein, il montasur le piédestal ; pour s’appuyer, il saisit le bras droit dela sainte et étendit le sien vers la bague ; quelle fut sasurprise, lorsqu’il vit la statue lever sur lui une main menaçanteet lui annoncer sa damnation éternelle ! Pénétré d’effroi etde consternation, il se désista de sa tentative, et se disposa àquitter le caveau ; mais cet espoir aussi fut déçu : lafuite lui fut interdite, il lui fut impossible de dégager sa mainqui était appuyée sur le bras droit de la sainte ; il eut beaufaire des efforts, il resta attaché à la statue, jusqu’à ce quel’angoisse insupportable qui lui versait du feu dans les veines leforçât de crier au secours. Le caveau se remplit despectateurs ; le scélérat avoua son sacrilège, et pour ledélivrer il fallut séparer sa main de son corps : elle estrestée depuis attachée à la statue. Le voleur se fit ermite, etmena désormais une vie exemplaire ; mais l’arrêt de la saintene s’en est pas moins exécuté ; et la tradition dit qu’ilcontinue de hanter ce caveau et d’implorer le pardon de sainteClaire par ses plaintes et ses lamentations. Maintenant, j’y pense,celles que nous venons d’entendre pourraient fort bien avoir étépoussées par l’ombre de ce pécheur ; mais ceci, je ne legarantis pas. Tout ce que je puis dire, c’est que depuis lorspersonne n’a osé toucher la statue ; n’ayez donc pas cettefolle témérité, bon señor ; pour l’amour du ciel, abandonnezce dessein, et ne vous exposez pas sans nécessité à une mortcertaine.

N’étant pas convaincu que sa mort serait aussicertaine qu’Hélène paraissait le croire, Lorenzo persista dans sarésolution. Les nonnes s’efforcèrent de l’en détourner dans lestermes les plus touchants, et lui montrèrent même la main duvoleur, qui, en effet, se voyait encore sur le bras de la statue.Cette preuve, s’imaginaient-elles, devaient le persuader. Il s’enfallait de beaucoup et elles furent grandement scandaliséeslorsqu’il manifesta le soupçon que ces doigts secs et ridés avaientété mis là par l’ordre de l’abbesse. En dépit de leurs prières etde leurs menaces, il approcha de la statue. Il sauta par-dessus lagrille de fer qui la protégeait, et la sainte subit un examenminutieux. Elle lui avait paru d’abord être de pierre ; maisune plus ample inspection lui prouva qu’elle n’était que de boispeint. Il la secoua et essaya de la remuer ; mais elle avaitl’air de faire partie de sa base. Il l’examina encore dans tous lessens ; mais aucun fil ne le conduisit à la solution de cemystère, solution dont les nonnes étaient devenues aussi avides quelui, depuis qu’elles l’avaient vu toucher impunément la statue. Ils’arrêta et écouta : les gémissements se renouvelaient parintervalles, et il était convaincu d’en être le plus près possible.Il rêvait à ce singulier événement, et parcourait la statue avecdes yeux scrutateurs : tout à coup ils s’arrêtèrent sur lamain desséchée ; il fut frappé de l’idée qu’une défense siparticulière de toucher le bras de la statue n’avait pas été faitesans motif ; il remonta sur le piédestal : il examinal’objet de son attention, et découvrit un petit bouton de fer cachéentre l’épaule de la sainte et ce que l’on supposait avoir été lamain du voleur. Cette découverte le ravit : il mit les doigtssur le bouton, et le pressa avec force : aussitôt un bruitsourd se fit entendre dans la statue comme une chaîne tendue qui sedétacherait. Effrayées de ce bruit, les timides nonnes reculèrent,se préparant à fuir à la première apparence de danger ; maistout redevenant calme et silencieux, elles se rassemblèrent denouveau autour de Lorenzo, et le regardèrent agir, pleinesd’anxiété.

Voyant qu’il n’était rien résulté de sadécouverte, il descendit. Quant il retira sa main, la saintetrembla, et les spectatrices furent reprises d’effroi, croyant quela statue s’animait. Les idées de Lorenzo étaient toutesdifférentes ; il comprit aisément que le bruit qu’il avaitentendu venait de ce qu’il avait lâché une chaîne qui attachait lastatue au piédestal ; il essaya de nouveau de la remuer, et ily réussit sans de grands efforts : il la posa à terre, etremarqua que ce piédestal était creux et que l’entrée en étaitfermée par une lourde grille de fer.

La curiosité devint si générale, que les sœursoublièrent leurs dangers réels et imaginaires. Lorenzo se mit àsoulever la grille, et les nonnes l’aidèrent de toutes leursforces ; ils en vinrent à bout sans beaucoup de peine. Alorsil s’offrit à eux un abîme profond, dont l’œil cherchait en vain depercer l’épaisse obscurité. Les rayons de la lampe étaient tropfaibles pour être d’un grand secours ; on ne distinguaitqu’une suite de degrés rudes et informes qui s’enfonçaient dans legouffre béant, et se perdaient bientôt dans les ténèbres. Onn’entendait plus de gémissements ; mais personne ne doutaitqu’ils ne fussent sortis de cette fosse. En se penchant dessus,Lorenzo s’imagina distinguer quelque chose qui brillait dansl’ombre ; il regarda attentivement, et fut convaincu qu’ilvoyait une petite lueur qui se montrait et disparaissait tour àtour. Il le dit aux nonnes, et elles la virent aussi ; maislorsqu’il annonça son intention de descendre dans le trou, elles seréunirent pour s’opposer à cette résolution. Toutes leursremontrances ne purent la changer. Pas une d’elles n’eut le couragede l’accompagner, et il ne pouvait songer à les priver de la lampe.Seul donc, et dans les ténèbres, il se disposa à tenter l’aventure,tandis que les nonnes se contentaient de dire des prières pour sonsuccès et sa sûreté.

Les marches étaient si étroites et siraboteuses, que les descendre c’était comme marcher sur la pented’un précipice. L’obscurité qui l’environnait ôtait toute sûreté àson pied ; il était obligé d’avancer avec une grandeprécaution, de peur de manquer les marches et de tomber dans legouffre : il en fut bien près plusieurs fois. Cependant ilatteignit la terre ferme plus tôt qu’il ne s’y attendait ; ilreconnut que les ténèbres épaisses et les brouillards impénétrablesqui régnaient dans le souterrain le lui avaient fait croirebeaucoup plus profond qu’il ne se trouvait l’être : il parvintsans accident au bas de l’escalier, s’arrêta et chercha la lueurqui avait attiré son attention. Il la chercha en vain ; toutétait sombre. Il écouta si l’on gémissait ; mais son oreillene distingua d’autre son que le murmure lointain des nonnes quiau-dessus répétaient leurs Ave Maria. Il resta incertain de quelcôté diriger ses pas. À tout événement, il résolut d’aller enavant : il le fit, mais lentement, craignant de s’éloigner del’objet de ses recherches au lieu de s’en approcher. Lesgémissements annonçaient une personne souffrante ou du moinsaffligée, et il espérait pouvoir la soulager. Enfin des sonsplaintifs et peu éloignés se firent entendre : joyeux, iltourna ses pas de leur côté ; à mesure qu’il avançait, ilsdevinrent plus distincts, et bientôt il revit la lueur que luiavait cachée jusqu’alors l’angle d’un mur peu élevé.

Elle venait d’une petite lampe posée sur untas de pierres, et dont les rayons languissants et lugubresservaient plutôt à montrer qu’à dissiper les horreurs d’un cachotdroit et sombre, construit dans une partie du souterrain :elle faisait voir aussi plusieurs autres enfoncements semblables,mais dont la profondeur se perdait dans l’obscurité. La lumièrejouait froidement sur les murailles humides dont la surface moisiela reflétait à peine ; une brume épaisse et malsaineenveloppait d’un nuage la voûte du cachot. En avançant, Lorenzosentit un froid perçant circuler dans ses veines ; mais lesplaintes fréquentes l’engagèrent à poursuivre. Il se tourna de leurcôté, et à la faible lueur de la lampe, il vit dans un coin de ceséjour odieux une créature étendue sur un lit de paille, et simisérable, si amaigrie, si pâle, qu’il ne sut si c’était une femme.Elle était à moitié nue ; ses longs cheveux épars tombaient endésordre sur sa figure et la cachaient presque entièrement ;un bras décharné pendait négligemment sur une couverture enlambeaux qui entourait ses membres convulsés et grelottants ;l’autre était replié autour d’un petit paquet qu’elle serraitcontre son sein ; un grand rosaire était près d’elle ; enface, un crucifix sur lequel elle tenait fixés ses yeux creux, et àson côté, un panier et une petite cruche de terre.

Lorenzo s’arrêta : il était pétrifiéd’horreur ; il regardait cette misérable créature avecrépugnance et pitié. Il trembla à ce spectacle : il sentit lecœur lui manquer ; ses forces l’abandonnèrent, et ses membresfurent incapables de soutenir le poids de son corps. Il fut obligéde s’appuyer contre le petit mur qui était près de lui, sanspouvoir avancer ni parler à cette infortunée : elle jeta lesyeux vers l’escalier ; le mur cachait Lorenzo et elle ne levit point.

– Personne ne vient ! murmura-t-elleenfin.

Sa voix était creuse et râlait : ellesoupira amèrement.

– Personne ne vient !répéta-t-elle ; non ! on m’a oubliée ! on ne viendraplus !

Elle s’arrêta un instant ; puis ellecontinua tristement :

– Deux jours ! deux longs jours, etpas de nourriture ! et pas d’espoir, pas de consolation !insensée ! comment puis-je désirer de prolonger une vie simisérable !…

Elle se tut. Elle grelotta, et ramena lacouverture sur ses épaules nues.

Elle regardait le paquet qu’elle tenait contreson sein. Elle se pencha dessus, et le baisa : puis elledétourna brusquement la tête, et frissonna de dégoût.

– Il était si beau ! il aurait étési charmant, si semblable à lui ! Je l’ai perdu pourjamais ! Comme il a changé en peu de jours ! je ne lereconnaîtrais pas moi-même.

Lorenzo, en écoutant ces tristes accents, sesentit encore plus péniblement affecté. Le premier aspect d’unetelle infortune avait porté à son cœur un coup douloureux ;mais, remis de cette impression, il s’avança vers la captive :elle entendit ses pas, et, poussant un cri de joie, elle laissatomber le rosaire.

– Oui ! oui ! oui !s’écria-t-elle, quelqu’un vient !

Elle essaya de se lever, mais elle n’en eutpas la force ; elle retomba sur son lit de paille, et Lorenzoentendit un bruit de chaînes pesantes.

Se soulevant de terre et s’appuyant sur sesmains, elle regardait avidement l’étranger.

– Grand Dieu !… n’est-ce pas uneillusion ?… un homme ? Parbleu ! quiêtes-vous ? qui vous amène ? venez-vous me sauver, merendre à la liberté, à la vie, à la lumière ? Oh !parlez, parlez vite, ne me laissez pas concevoir une espérance dontla perte me tuera.

– Calmez-vous, répondit Lorenzo, d’unevoix douce et compatissante ; la cruelle abbesse dont vousvous plaignez a déjà subi la peine de ses crimes : vous n’avezplus rien à craindre d’elle. Dans quelques minutes vous allez êtrerendue à la liberté et aux embrassements de vos parents, dont vousavez été séparée ; vous pouvez compter sur ma protection.Donnez-moi la main et n’ayez pas peur : laissez-moi vousconduire en un lieu où vous puissiez recevoir les soins qu’exigevotre état de faiblesse.

– Oh ! oui ! oui ! dit laprisonnière avec un cri de joie. Il y a donc un Dieu, un Dieujuste ! Ô bonheur ! ô bonheur ! je vais respirerl’air pur, et revoir la clarté resplendissante du soleil ! Jevais avec vous, étranger ! Mais il faut que ceci vienne avecmoi, ajouta-t-elle en désignant le petit paquet qu’elle tenaittoujours serré contre sa poitrine ; je ne puis m’enséparer ; je veux l’emporter : il prouvera au mondecombien sont terribles ces demeures que l’on nomme si faussementreligieuses.

Comme Lorenzo se baissait, la lueur de lalampe frappa en plein sur son visage.

– Dieu tout-puissant !s’écria-t-elle, est-ce possible !… cet air ! cestraits !… Oh ! oui, c’est, c’est…

Elle étendit les bras pour les jeter autour delui mais son corps trop frêle fut hors d’état de soutenir lesémotions qui agitaient son cœur. Elle s’évanouit, et retomba sur lelit de paille.

Lorenzo fut surpris de cette dernièreexclamation. Il crut avoir déjà entendu des accents pareils à ceuxde cette voix creuse ; mais où ? Il vit que, dans unesituation si dangereuse, les secours immédiats de la médecineétaient absolument nécessaires, et il se hâta de l’emporter ducachot.

Peu d’instants après, Don Ramirez, aussi bienque le duc, parurent suivis de gens portant des torches : ilsl’avaient cherché dans les caveaux pour lui apprendre que la fouleétait dispersée et l’émeute entièrement finie. Lorenzo racontabrièvement son aventure dans le souterrain, et expliqua combienl’inconnue avait besoin des secours de la médecine. Il pria le ducde se charger d’elle, ainsi que des nonnes et despensionnaires.

– Quant à moi, dit-il, d’autres soinsdemandent mon attention. Tandis qu’avec la moitié des archers vousconduirez ces dames à leurs demeures respectives, je désire quevous me laissiez l’autre. Je veux examiner ce souterrain et visiterles recoins les plus secrets du sépulcre. Je n’aurai de repos quelorsque je serai certain que la malheureuse victime que voici estla seule que la superstition ait emprisonné sous ces voûtes.

Le duc applaudit à son intention. Don Ramirezoffrit de l’assister dans cette perquisition, et sa proposition futacceptée avec reconnaissance. Les nonnes, ayant fait leursremerciements à Lorenzo, se confièrent aux soins de son oncle, quiles emmena hors des caveaux. Virginie demanda que l’inconnue luifût donnée en garde, et promit de faire savoir à Lorenzo quand elleserait suffisamment rétablie pour recevoir sa visite. À vrai dire,elle fit cette promesse plutôt pour elle-même que pour Lorenzo oula captive : elle n’avait pas vu sa courtoisie, sa douceur,son intrépidité sans une vive émotion ; elle désiraitardemment de conserver des relations avec lui ; et auxsentiments de pitié que lui inspirait la prisonnière, s’ajoutaitl’espoir que les soins qu’elle prenait de cette infortunée larelèveraient d’un cran dans l’estime de son sauveur. Elle n’avaitpas lieu de se mettre en peine à ce sujet : la bonté dont elleavait fait preuve et le tendre intérêt qu’elle avait montré à lamalade lui avaient conquis une place éminente dans les bonnesgrâces de Lorenzo. Il la considérait comme un ange descendu du cielau secours de l’innocence affligée, et son cœur n’aurait purésister à tant d’attraits, s’il n’avait pas été retenu par lesouvenir d’Antonia.

La prisonnière délivrée était toujours privéede l’usage de ses sens, et ne donnait d’autres signes de vie quequelques gémissements. On la portait sur une espèce de litière.Virginie, qui était constamment auprès, craignait qu’épuisée parune longue abstinence et ébranlée par ce passage subit des fers etdes ténèbres à la liberté et à la lumière, elle ne pût soutenir cechoc. Lorenzo et don Ramirez étaient restés dans les caveaux. Aprèsavoir délibéré sur ce qu’ils devaient faire, il fut arrêté que,pour ne pas perdre de temps, les archers se diviseraient en deuxcorps : qu’avec l’un, don Ramirez examinerait le souterrain,tandis que Lorenzo, avec l’autre, pénétrerait au fond des caveaux.Cet arrangement fait, et sa suite s’étant munie de torches, donRamirez s’avança vers le souterrain. Il en avait déjà descenduquelques marches, quand il entendit des gens qui accouraient del’intérieur du sépulcre. Étonné, il remonta précipitamment.

– Entendez-vous des pas ? ditLorenzo. Allons au-devant ; c’est de ce côté qu’ils paraissentvenir.

En ce moment, un cri perçant lui fit hâter lepas.

– Au secours ! au secours !pour l’amour de Dieu ! criait une voix, dont l’accentmélodieux pénétra d’effroi le cœur de Lorenzo.

Il vola vers le cri avec la rapidité del’éclair, et fut suivi par don Ramirez avec une vitesse égale.

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