Chapitre 5Précautions.
– Eh bien, qu’est-ce que vous en pensez,maître La Renardière ?
C’était La Feuille qui posait cette questionau trappeur.
– Nous serons attaqués ! ditcelui-ci. Une belle nuit, ils fondront sur nous comme lafoudre.
» Ils entoureront le camp en silence, àdistance, puis ils marcheront lentement, sans bruit, et, tout àcoup, ils lanceront leurs chevaux et nous les aurons sur lesbras.
– Comment comptez-vous parer à ce danger,vieux trappeur ?
– Je compte que nous sauterons à tempssur nos fusils américains.
» Nous aurons deux sentinelles chaquenuit avec deux chiens entre les jambes.
La Feuille secoua la tête.
La chose lui paraissait hasardeuse et mêmedangereuse.
– Écoutez, dit-il, mon maître m’a contéses expéditions.
» Laissez-moi établir chaque soir le campà ma guise.
– Moi, je veux bien.
– À combien évaluez-vous le nombre desguerriers que nous aurons sur les bras ?
– À quatre ou cinq cents.
– Bon !
» On en viendra à bout.
» Je réponds de tout.
» Mais j’ai ouï dire que les femmesindiennes tiraient des cordes d’écorce très solides ; il mesemble même en avoir vu à Montréal.
– Oh ! Certainement.
» Chez tous les Indiens, il y en a.
– Procurez-nous-en quatre gros paquetsauprès du sachem.
– C’est tout ?
– Oui.
» Mais que vos cordes soient très solidessurtout.
– Oh ! n’ayez crainte.
Chaque piqueur et le valet de chiens mariémontra à sa femme à se servir du fusil américain et des revolversqu’on leur donna.
– M. d’Ussonville, dit La Feuille,s’est servi des amazones de Béhanzin avec beaucoup de succès.
» Pourquoi n’armerait-on pas les femmes,qui peuvent se servir d’un fusil tout comme un homme, du moins pourtirer ?
Et il avait raison.
Les Ourses-Grises, très guerrières, montrèrentbeaucoup d’intelligence et de bonne volonté et elles furent bientôtcapables de se servir du fusil sans hausse.
Et, sans la hausse, il portait juste à sixcents mètres.
Effet de sa trajectoire très tendue.
Le troisième jour, on partit avec dixOurs-Gris pour conduire le convoi, et convention faite qu’ilsseraient neutres, s’il y avait des combats.
Les Ours ne voulaient pas se manger entreeux.
