Le trappeur La Renardière – Au Canada, la tribu des Bois-Brûlés – Voyages, explorations, aventures

Chapitre 9Le fort Nelson.

 

On fut bientôt en face du fort, où l’on avaitentendu la fusillade. L’inquiétude y était très grande ; onattribuait la fusillade aux sauvages et l’on supposait le vapeurpris.

Mais quand il parut, le directeur du forts’écria :

– Nous sommes sauvés.

» Nous allons être ravitaillés et, plustard, on nous enverra des renforts.

» Je vais pouvoir envoyer un courrierjusqu’à la plus prochaine station télégraphique ; notreSociété sera prévenue et elle avisera.

– Mais, dit un commis, peut-être lesCaramans ont-ils pris le vapeur !

– Non pas !

» Est-ce qu’ils sauraient lediriger ?

» Le bâtiment fait bonne route.

Puis il dit :

– Mais on a donc su que nous étionsassiégés ?

– Pourquoi, capitaine ?

– Je vois des habits rouges à bord.

– Des soldats ?

– Il n’y a qu’eux pour avoir des habitsrouges.

– C’est vrai.

– Des officiers.

» Il y a des galons d’or à leurcoiffure ; mais ce doit être d’un régiment colonial, car cettecoiffure à l’air d’un casque de liège couvert de velours.

– Mais, s’il y a des officiers, il doit yavoir beaucoup de soldats.

– Je ne les vois pas.

Les commentaires allaient leur train à mesureque le vapeur approchait.

Enfin il stoppa.

Le fort avait une de ses faces sur le bordmême du lac.

Le directeur monta à bord.

– Et la flottille indienne ?demanda-t-il tout de suite.

– Coulée à fond !

– Et les Caramans ?

– Beaucoup sont au fond de l’eau ;le reste s’est sauvé à la nage.

– Quels sont ces messieurs ?

– Des chasseurs français qui ont cribléles Caramans de balles.

Ici un récit succinct du combat, puisprésentations.

Le directeur remercia, complimenta, puis d’unair embarrassé :

– J’ai pris ces messieurs pour desofficiers, et j’ai cru qu’ils amenaient des soldats ; je metrompais.

» Quand vous repartirez, capitaine, aprèsm’avoir ravitaillé, je resterai bloqué tout comme devant.

» Mais je vous prierai d’emmener uncourrier et de le mettre à terre à la pointe sud du lac ; ilgagnera Norvay-House, d’où l’on fera partir un télégramme pour quel’on m’envoie du renfort.

– Inutile !

C’était La Feuille qui prononçait ce mot,lequel étonna le directeur.

– Inutile, dites-vous ?

– Oui.

– Pourquoi ?

– Je ferai déguerpir les Caramans avantune heure d’ici, si toutefois, du fort, on a vue sur leurscamps.

– Oh ! belle vue !

– À quelle distance ?

– Mille pas.

» Juste hors portée de nos fusils.

– Combien de sauvages ?

– Six cents environ.

» Nous ne sommes que trente.

– Oh ! peu importe.

» Débarquons !

La Feuille descendit du navre et entra aufort.

Le directeur lui montra que, des créneaux, ondominait les trois camps des Indiens ; La Feuilledit :

– Mais d’un camp à l’autre, ils nepeuvent se voir.

– Non.

– Alors ça va devenir très amusant,monsieur le directeur.

Il indiqua à chacun et à chacune son créneauet dit :

– La hausse à neuf cents mètres et noustirons sur le camp du centre.

» Feu de magasin !

» Il faut les piler comme des amandesdans un mortier.

» Pas trop de presse.

Il attendit.

Tout le personnel du fort assistaitcurieusement à cette scène.

Des vieux trappeurs se demandaient si lesfemmes tireraient bien.

La Feuille cria :

– Commencez le feu !

Et la fusillade crépita.

Les Indiens tombèrent comme des mouches et cequi put se sauver s’enfuit en hurlant d’effroi.

Tous les gens du fort riaient aux éclats, tantla déroute, pour sanglante qu’elle fût, était comique.

Les Indiens des autres camps se demandaient ceque les gens du fort avaient pour tirer ainsi leur poudre auxmoineaux ; car, dans leur idée, les coups ne portaient pas, nepouvaient pas porter.

Mais le camp de droite fut tout à coup servicomme celui du centre, après que les magasins des fusils eurent étéchargés ; déroute tout aussi comique que l’autre et tout aussiterrible.

Puis ce fut le tour du dernier camp qui futbouleversé comme les autres en aussi peu de temps.

Les gens du fort se tenaient les côtes ;les trappeurs étaient dans le ravissement, car ils s’ennuyaientfort du blocus.

La Feuille recommanda de nettoyer lesfusils.

Puis au directeur :

– Vous le voyez, ça n’a pas été bien longet les voilà partis.

– Ils ne reviendront pas.

» Ceux de la flotte leur diront que levapeur portait de gros renforts armés de fusils de guerre comme oun’en avait jamais vu, car ils portaient à d’incroyables distanceset terriblement juste.

Alors les Caramans parlementèrent longtempsentre eux, puis ils décidèrent qu’il fallait demander la paix.

Ils envoyèrent un parlementaire.

Celui-ci fut reçu courtoisement par ledirecteur qui lui fit néanmoins des reproches énergiques.

Il n’accorda la paix qu’après avoir imposé àla tribu une amende en pelleteries.

Puis, l’amende acceptée, les chefs vinrentfumer le calumet de la paix qui, comme toute paix indienne, devaitdurer jusqu’à l’envoi de la hache de guerre.

La loyauté des Indiens est, sous ce rapport,admirable.

Ils ne commencent jamais les hostilités sansemplir cette formalité de l’envoi de la hache.

Le fort fut ravitaillé promptement et levapeur retourna au Missiniepy qu’il remonta.

Il arriva à cet émissaire du lac Garibou quimet celui-ci en communication avec le fleuve.

Il le remonta et entra dans cette charmantepetite mer intérieure d’eau douce, au nord-est de laquelle s’élèvele fort important du Garibou, que le vapeur ravitailla ; puisil traversa, plus au nord, trois autres petits lacs qui déversentleurs eaux dans le grand fleuve par un émissaire, lequel lesunit.

Sur les rives du dernier lac, le vapeur déposales ravitaillements destinés aux forts du Mackensie.

Car du dernier lac à ce fleuve, il y aportage.

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