Les Contes de nos pères

III. – LE RÉGENT.

Cette même nuit, vers une heure du matin,M. de Thélouars fut éveillé par une inquiétante nouvelle.Les insurgés étaient cantonnés au château de K…, à trois lieues dePloërmel. Ils étaient au nombre de trois cents environ, et, dans cenombre, se trouvaient les deux fils de M. le marquis deGraives. On avait tenu conseil jusqu’à minuit ; Armand venaitde se mettre au lit, lorsque arriva l’un des hommes de la suite desa femme : l’escorte s’était dispersée ; on ne savait cequ’était devenue Mme de Thélouars.

Presque au même instant, un message deM. de Silz annonça le départ de Vannes d’un détachementde cent hommes, se dirigeant du côté de la Gacilly. Ce dernierévénement rendait la position d’Henriette fort dangereuse. Armandle sentit, et ne fut pas le seul à le sentir. Janet Legoff, quiétait couché sur un lit de camp dans un coin de la chambre, sautasur ses pieds, et remit silencieusement sa veste qu’il avait ôtéepour dormir.

Malgré sa préoccupation,M. de Thélouars remarqua ce mouvement.

– Que fais-tu, Janet ? dit-il.

– Va bien falloir envoyer quelqu’un poursavoir, répondit Janet le plus simplement du monde.

– C’est un homme qu’il faut pour cela,mon enfant.

– Je ne dis pas non. Envoyez un homme,notre monsieur. L’homme cherchera, moi je trouverai… si c’est uneffet de votre bonté de le permettre.

M. de Thélouars aimait beaucoupJanet Legoff, et le connaissait pour un jeune garçon intrépide etintelligent. Il lui permit de seller un cheval et de partir ;mais, médiocrement rassuré par cette mesure, il envoya ses gensdans différentes directions, à son château, à Cournon, à Rieux etjusqu’à Redon, avec ordre de s’informer, et de revenir à francétrier à K…

Pendant ce temps, comme nous l’avons vu, lechâteau de Graives, auquel M. de Thélouars ne songeaitnullement, et qui renfermait pourtant la pauvre Henriette, avaitété investi par deux détachements républicains.

Le premier, celui qui avait été signalé parM. de Silz et qui venait de Vannes, était commandé par lecapitaine Jolly ; l’autre, venant de Redon, avait pour chef lecitoyen lieutenant Morest.

Chacun de ces détachements était accompagnéd’un de ces personnages problématiques, moitié soldats, moitiéagents de police, qui se nommaient représentants du peuplelorsqu’ils suivaient une armée ou une flotte, et qui, dans un ranginférieur, n’avaient point de titre que nous sachions. Cesmisérables étaient comme une nauséabonde matérialisation del’influence parisienne dans les provinces éloignées. Ilsreprésentaient admirablement le gouvernement d’alors, en ce qu’ilsengendraient le mal et tâchaient d’empêcher le bien. Les soldats neles aimaient guère, et, du reste, les soldats n’aimaient point laConvention davantage. C’était, on peut le dire, malgré cetteassemblée que la gloire française brilla, en ce malheureux temps,d’un éclat que l’Empire sut à peine surpasser.

Les deux personnages dont nous parlons étaientdonc des représentants au petit pied, des racines cubiques deconventionnels, des extraits de marauds, enfin, s’il estpermis d’employer un terme de si mauvaise compagnie, même pourcaractériser la position la plus souillée que l’homme politiquepuisse tenir.

Celui qui venait de Vannes s’appelaitBertin ; celui qui venait de Redon avait nom Thomas. –C’étaient tous les deux des gens d’un certain âge, à la physionomieinsignifiante, si elle n’eût révélé leur bas instinct de rapine etde cruauté. À peine est-il besoin de dire que c’étaient eux quiavaient la direction effective de l’expédition. Sous la République,en effet, époque d’invraisemblable tyrannie, le chef militairecommandait seulement lorsqu’il y avait des balles ou des boulets àrecevoir.

Le citoyen Thomas et le citoyen Bertin furenttrès-médiocrement satisfaits de se rencontrer. La présence ducitoyen Thomas parut au citoyen Bertin un double emploi, et lecitoyen Thomas regarda la venue du citoyen Bertin comme une puresuperfétation. Il y avait au château de Graives un trésor, et lavoix publique allait jusqu’à dire que le fameux diamant, ci-devantde la couronne, le Régent, y était caché ; mais cetrésor, quel qu’il fût, perdrait moitié à être partagé. Nos deuxcitoyens étaient assez forts en logique pour admettre cettedernière supposition sans conteste.

 

Or il fallait bien que le proconsul de Vanneseût sa part : il était de nécessité que le représentant deRedon eût la sienne, sans parler des commissaires de Paris. Donc,voici ce qui arrivait, et c’était déplorable : Bertin avaitcompté partager seulement avec son chef de file de Vannes, lesagents supérieurs de Paris, et la République s’il en restait ;maintenant, il se trouvait forcé de partager avec Thomas, lequelavait derrière lui une hiérarchie identiquement pareille, de mainstoujours ouvertes pour prendre, toujours fermées pour restituer. –Qu’on juge si Bertin et Thomas devaient se voir d’un bonœil !

Quant aux deux chefs militaires, à qui ondevait un an de solde, quant à leurs soldats, qui n’avaient pas desouliers, ils venaient chercher un trésor, comme les garçons decaisse de la Banque vont toucher un bordereau. Peu leur importaitla destination de ce trésor ; ils étaient instrument depuisles pieds jusqu’à la tête ; on se servait d’eux en ce tempscomme d’une arme bien trempée, apte également aux actions héroïqueset aux vols de grand chemin.

En entrant au château, Bertin et Thomassecouèrent, comme deux barbets, leurs grotesques tricornes et lesdraperies déteintes de leurs écharpes tricolores, en se jetantréciproquement de fauves regards. Puis, ayant débouclé le ceinturonde leurs inoffensives épées, afin de se mettre à l’aise, ilsprocédèrent à la visite du manoir. Autre désappointement : lemanoir était vide. Une fois la porte principale forcée, nulobstacle ne les arrêta plus. C’était bien mauvais signe. On avaitsans doute abandonné le château ; on avait peut-être emportéle trésor.

– Citoyen, dit le lieutenant Morest à sonreprésentant, nous aurons été prévenus.

Le capitaine Jolly en dit autant à sonsurveillant.

Ce commun déboire rapprocha un instant lesdeux rivaux. Ils se consultèrent, et le résultat de leur conférencefut d’ordonner de nouvelles recherches.

– Courage, citoyens ! s’écriaBertin ; le vieux ci-devant se cache quelque part, et jeprends sur moi, au nom de la République, – une et indivisible, – depromettre une paire de sabots toute neuve au défenseur de la patriequi découvrira ce vil ennemi du salut public !

On ne donnait pas tous les jours une paire desabots aux défenseurs de la patrie. Cette généreuse promesse ranimaleur ardeur, et ils se précipitèrent en tous sens dans les galeriesabandonnées du château.

Vers le point du jour, après avoir fouilléinutilement les moindres recoins, ils se crurent enfin sur lapiste. Un soldat fit remarquer que la muraille extérieure de l’aileorientale était d’une épaisseur inusitée. Aussitôt on se mit àl’œuvre. Les pioches et les pics allèrent leur train, et, malgré lasolidité de cette antique maçonnerie, la besogne avançarapidement.

Mais la cachette n’avait qu’un étage ;elle se trouvait au centre de la muraille, comme ces trous que lafermentation ouvre dans les massifs fromages de Parme. Pour larencontrer, il ne fallait percer ni trop haut ni trop bas. – Onperça trop bas.

Il y eut néanmoins un moment où les sapeursapprochèrent si près de la chambre secrète, que l’ébranlementéveilla les sens émoussés du vieux marquis de Graives. Ce fut alorsqu’il se leva pour placer près de lui le baril et la mèche.

Les soldats travaillaient, conduits par lecapitaine et le lieutenant. Ni le citoyen Bertin, ni le citoyenThomas n’étaient la pour les guider. – Que faisaient donc cesdignes soutiens de l’égalité ? étaient-ils descendus auxcaves, afin d’abreuver leur vertueux larynx d’une liqueurcontre-révolutionnaire ? Nous ne prétendons point affirmerqu’ils fussent incapables d’une action pareille, mais, pour lemoment, ils avaient, en vérité, bien autre chose en tête. On leuravait dit que le Régent, ci-devant diamant de la couronne,était caché à Graives ; ils voulaient trouver leRégent.

Rien n’affriande les voleurs comme un monceaud’or, représenté par une valeur qui tient dans le creux de lamain.

– Si je le trouve, disait le citoyenBertin, je le cacherai sous mon aisselle.

– Si l’Être suprême permet que je mettela main dessus, pensait le citoyen Thomas, je l’avalerai comme uneprune.

Et ils songeaient à la joie de leurs épouses,et aux carmagnoles de satin dont ces honnêtes citoyennes pourraientdésormais se revêtir aux solennités de la guillotine. – Nos deuxminiatures de représentants se mirent donc à fureter chacun de soncôté, songeant à la République un peu moins qu’au roi de Prusse, etpromettant un cierge à la déesse de la Raison, au cas où leurchasse serait heureuse. En furetant, ils eurent ensemble la mêmeidée, ce qui, à titre d’exception, confirme la fameuse règle :les beaux-esprits se rencontrent.

Le citoyen Bertin, qui se trouvait alors aurez-de-chaussée, se frappa le front ; – le citoyen Thomas, quivisitait les combles, exécuta le même geste, indice certain del’enfantement d’une idée, et tous deux sortirent, l’un par la portede la cour, l’autre par la porte du jardin. Arrivés au bas desperrons opposés, ils décrivirent deux courbes concentriques dontles arcs devaient nécessairement se rejoindre. Cette manœuvre lesamena au pignon de l’aile orientale, vis-à-vis de l’endroit où lessoldats travaillaient à l’intérieur, et juste sous la meurtrièrequi ventilait la chambre secrète.

Voici quel était leur calcul. – Tous deuxavaient remarqué, lors de la reconnaissance préalable que fonttoujours au dehors les habiles dans la gaie science des visitesdomiciliaires, reconnaissance qui donne en gros le plan deslocalités, tous deux, disons-nous, avaient remarqué une petiteporte basse, vermoulue, condamnée d’apparence, et sur laquelle secroisaient les pousses chevelues du lierre. Cette petite portesemblait n’avoir point servi depuis un siècle ; mais on nefait pas usage de cachette tous les jours : s’il y avait unecachette, cette porte devait y communiquer directement ouindirectement.

Or les travailleurs faisaient un infernaltintamarre ; il était possible que le vieux marquis, effrayé,voulût s’échapper par cette voie, – en supposant toujours qu’il yeût une cachette, et que le vieux marquis y eût cherché un abri. Ceraisonnement, on en conviendra, n’était pas très-mauvais, les deuxprémisses valaient quelque chose, la conclusion seule tombait àfaux : la poterne, en effet, communiquait seulement avecl’ancien arsenal du château, où achevaient de s’oxyder côte à côtedeux vieilles coulevrines et trois ou quatre douzaines d’arquebusesà rouet.

 

Quoi qu’il en soit, le citoyen Bertin et lecitoyen Thomas, laissant les défenseurs de la patrie continuer leurœuvre de dévastation, s’installèrent sous l’épais couvert du parc,à quinze pas l’un de l’autre, et sans se voir. Ils couvaientavidement de l’œil la poterne, s’attendant à chaque instant à lavoir s’ouvrir et donner passage à un vieillard débile qui selaisserait dépouiller et assassiner sans résistance.

La porte ne s’ouvrit point, mais, tandis quenos deux champions gardaient obstinément l’affût, les bassesbranches des arbres s’agitèrent légèrement, et un pas, bondissantet vif comme celui d’un chevreuil, se fit entendre sous lecouvert : le citoyen Bertin se croyait seul, le citoyen Thomasaussi. Tous deux dressèrent l’oreille, et cherchèrent à percer del’œil l’épaisseur du fourré. – Ils ne virent qu’un enfant, uncharmant enfant au visage doux et timide, qui attachait sur lechâteau un mélancolique regard.

L’enfant, lui aussi, se croyait seul. Ils’approcha de la muraille, et s’appuya d’un air distrait à lapoterne.

– Si je ne la retrouvais pas !murmura-t-il.

Puis, avec la versatilité de son âge, il donnasans doute son esprit à d’autres pensées, car une subite gaietévint épanouir sa lèvre, et il se mit à chanter le fameux pot-pourrimorbihannais dont le second couplet termine notre dernierchapitre.

C’était Janet Legoff qui courait le pays, à larecherche de sa jeune dame.

Lorsque Mme de Thélouarsvint à la meurtrière, et prononça son nom pour la première fois,Janet saisit seulement un bruit vague et inarticulé, car les paroisde la meurtrière, disposées en entonnoir, arrêtaient le son aupassage, et le rejetaient à l’intérieur ; la seconde fois ilentendit tout à fait, mais, à cause de l’effet acoustique que nousvenons de mentionner, il ne reconnut point la voix de sa maîtresse,et regarda tout autour de soi en disant :

– Qui m’appelle ?

À ce mot, nos deux factionnairestressaillirent. Ils se crurent découverts, et, suivant leurhabitude, leur premier mouvement fut d’avoir peur. Mais ce n’étaitqu’un enfant ! Ils se rassurèrent, en ayant soin toutefoisd’armer leurs pistolets.

Janet tressaillit à son tour, bondit en avantcomme un jeune faon, et disparut légèrement derrière lesarbres.

Mais il ne s’éloigna point. Il avait déjàvisité le manoir de Lanno-Carhoët et les maisons environnantes.Nulle part on n’avait pu lui donner des nouvelles de sa maîtresse.Chemin faisant, il avait appris que les bleus s’étaientarrêtés au château de Graives, et, sans trop savoir pourquoi, ilavait dirigé sa course de ce côté. Cette voix mystérieuse etinconnue qui l’appelait par son nom lui donna à penser ; il secoula d’arbre en arbre, sous les épais feuillages du parc, et rôdaautour du château.

Nul indice ne se présenta d’abord pour fixerses incertitudes. Toutes les portes étaient ouvertes, mais onapercevait partout à l’intérieur des uniformes de soldats ;tenter de s’introduire eût été une inutile folie. Janet, forcé dedemeurer à distance, hésitait grandement, et se demandait déjà simieux n’eût valu porter ailleurs ses recherches, lorsque sonregard, baissé vers la terre, découvrit sur le sol amolli parl’orage de la nuit les traces du sabot d’un cheval. Il se penchavivement. Les traces étaient doubles : c’étaient d’abordcelles d’un palefroi, empreintes légères, mais irrégulièrementfrappées et entremêlées de fréquentes glissades sur la glaisehumide ; c’étaient ensuite les marques plus profondes du passûr et ferme d’un mulet.

Janet se releva d’un saut. Une vive rougeurcouvrit sa joue. Son regard petilla d’intelligence et de joie. Ils’élança au travers du parc, et gagna un petit tertre où il avaitattaché son cheval.

– C’est elle ! oh ! ce doitêtre elle ! se disait-il.

L’enfance, d’ordinaire, n’est pas irrésolue,parce qu’elle ne réfléchit point. Pour employer une expressionpresque proverbiale, elle ne doute de rien ; maisJanet n’était pas un enfant comme les autres. Au moment de piquerdes deux, son œil se tourna pensif vers le château de Graives, dontil apercevait, de cette position élevée, les plus basses fenêtrespar-dessus les arbres.

– Si elle n’y était pas !pensa-t-il.

Et l’idée de la responsabilité qu’il assumaitsur soi, du mal que pourrait causer une indication fausse outéméraire, lui traversa l’esprit, et refroidit brusquement sonardeur. Une erreur pouvait en effet égarer les secours, et rendremortel le danger d’Henriette et de son fils, qui peut-être, en cemoment, étaient sur le point de tomber au pouvoir de leurs cruelsennemis.

Un point blanc se montra sur la noire surfacedu pignon du château, et attira l’attention de Janet. Cet objetremuait. Janet s’orienta et acquit la conviction que ce point blancse trouvait juste au-dessus de l’endroit où naguère il avaitentendu prononcer son nom. – Au lieu de monter à cheval, ildescendit avec précaution le tertre, et se glissa de nouveau sousle couvert.

Cet objet était la main d’Henriette, qui avaitaperçu Janet sur le tertre, et qui l’appelait comme on appelle unedernière espérance. La pauvre femme l’avait entendu s’éloigner avecangoisse, et, désespérant de se faire entendre, elle déchira unepage de ses tablettes, sur laquelle elle traça quelques mots à lahâte. L’aspect de M. le marquis de Graives qui, toujoursimmobile et muet comme une statue de bronze, semblait avoir oubliésa présence, et s’absorbait dans l’attente de la mort, la glaçaitet la tuait. Sans se rendre compte de son vague espoir, et plutôtpour s’isoler de ce froid visage de vieillard, véritablepersonnification du trépas, Henriette regagna la meurtrière, ettenta de passer sa tête par l’ouverture, afin de voir au pied de lamuraille. L’ouverture était beaucoup trop étroite, mais Henrietteréussit à détacher une pierre, qui roula en morceaux àl’intérieur.

Alors elle put se pencher et regarder.

Immédiatement au-dessous d’elle, un dômeopaque de branchages entrelacés lui cachait le sol ; à droiteet à gauche il y avait deux éclaircies. Par la première, Henriettevit le citoyen Thomas ; par la seconde, le citoyen Bertin.Tous deux avaient le cou tendu, et dévoraient des yeux lapoterne.

– Pauvre Janet ! pensa la jeunefemme ; – ils vont le tuer.

Et pourtant, l’instinct de conservation etl’amour de mère, surexcités en elle par l’horreur de sa situation,ne lui permirent point de repousser cette dernière chance de salut.Elle entendit le pas léger de l’enfant, et n’eut pas le courage del’avertir que deux hommes étaient là, cachés, – deux ennemis.

Janet avançait toujours.Mme de Thélouars enveloppa un fragment depierre dans son billet, afin que le tout pût percer la voûte debranchages, et le laissa tomber.

L’effet fut tel, qu’elle ne pouvait point s’yattendre.

Un double cri retentit : le citoyenBertin et le citoyen Thomas s’élancèrent à la fois.

– Le Régent !dirent-ils en même temps.

Ils se rencontrèrent auprès du billet quigisait à terre, et se regardèrent stupéfaits. Puis leurs yeuxs’allumèrent, et, pour la première fois de leur vie sans doute,leurs mains cherchèrent instinctivement et de bon cœur la garde deleur épée.

– Arrête ! dit brutalement lecitoyen Bertin, ce diamant est à moi.

– Tu mens ! s’écria Thomas, quicouvrait le billet de son épée nue ; ce diamant est àmoi ; personne n’y touchera !

– C’est ce que nous allonsvoir !

Ils s’attaquèrent, cherchant à se prendre partrahison, et songeant bien plus, malgré leur avidité passionnée, àse couvrir qu’à frapper.

Le prétendu diamant restait entre eux, commeun prix attendant son vainqueur.

Mais, au plus fort de la bataille, un enfant,un sylphe ! passa sous leurs épées croisées avec la rapiditéd’une flèche, se pencha, se redressa et disparut.

– Le Régent !clamèrent ensemble les deux antagonistes en baissant leursépées.

Le billet en effet n’était plus là.

Le citoyen Bertin et le citoyen Thomas,rapprochés par cette catastrophe, se précipitèrent de compagnie surles traces du ravisseur. Ils arrivèrent à temps pour le voirenfourcher son cheval et partir au grand galop.

Henriette aussi, les mains jointes et les yeuxau ciel, vit son jeune sauveur prendre la direction de Ploërmel.Tandis qu’elle pleurait de reconnaissance, en remerciant Dieu, etque les deux citoyens s’arrachaient les cheveux en chœur, cesderniers eurent la mortification d’entendre de loin la voix duPetit Gars qui, claire, argentine, moqueuse, leur envoyait, enguise d’adieu, ce troisième couplet de sa bizarrechanson :

 

Le soir on danse sur l’aire,

Sur l’aire à battre le blé.

Ah ! dame, il fait bon danser

Quand vient la brune…

Et vous, gars à marier,

Cherchez fortune !

Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer