Le vent fraîchissait. L’orage de la journée avait détrempé les herbes
du parc — et aussi avait baigné les lourdes et capiteuses fleurs d’Asie
épanouies dans leurs caisses vertes, sous la fenêtre. Des plantes sé-
chées, suspendues aux poutres entre les poulies, dégageaient, galva-
nisées par la température, comme un souvenir de leur vie odorante
d’autrefois, dans les forêts. Sous l’action subtile de cette atmosphère,
la pensée, habituellement forte et vivace, du songeur — se détendait
et se laissait insensiblement séduire par les attirances de la rêverie et
du crépuscule.
II
PHONOGRAPH’S PAPA
« C’est lui !… Ah ! dis-je en ouvrant de grands
yeux dans l’obscurité :
c’est l’Homme au sable !… »
Hoffman, Contes nocturnes.
Bien que son visage aux tempes grisonnantes donne toujours
l’idée d’un enfant éternel, Edison est un passant de l’école sceptique.
Il n’invente, dit-il, que comme le blé pousse.
Froid et se rappelant des débuts amers, il a le sourire chèrement
payé de ceux dont la seule présence dit au prochain : « — Deviens,
je suis. » — Positif, il n’estime les théories les plus spécieuses qu’une
fois dûment incarnées dans le fait. « Humanitaire », il tire plus de
fierté de ses labeurs que de son génie. Sagace, toutefois, lorsqu’il se
compare, il désespère d’être dupe. Sa manie favorite consiste à se
croire un IGNORANT, par une sorte de fatuité légitime.
De là cette simplicité d’accueil et ce voile de franchise rude, —
parfois, même, d’apparence familière, — dont il enveloppe la glace
réelle de sa pensée. L’homme de génie avéré, qui eut l’honneur d’être
pauvre, évalue toujours, d’un coup d’œil, le passant qui lui parle. Il
sait peser au carat les mobiles secrets de l’admiration, en nettifier
la probité et la qualité, en déterminer le degré sincère, jusqu’à des
approximations infinitésimales. Et le tout à l’éternel insu de l’inter-
locuteur.