Mademoiselle Fifi

Chapitre 4Marroca

Mon ami, tu m’as demandé de t’envoyer mes impressions, mesaventures, et surtout mes histoires d’amour sur cette terred’Afrique qui m’attirait depuis si longtemps. Tu riais beaucoup,d’avance, de mes tendresses noires, comme tu disais ; et tu mevoyais déjà revenir suivi d’une grande femme en ébène, coiffée d’unfoulard jaune, et ballottante en des vêtements éclatants.

Le tour des Moricaudes viendra sans doute, car j’en ai vu déjàplusieurs qui m’ont donné quelque envie de me tremper en cetteencre ; mais je suis tombé pour mon début sur quelque chose demieux et de singulièrement original.

Tu m’as écrit, dans ta dernière lettre :

« Quand je sais comment on aime dans un pays, je connais ce paysà le décrire, bien que ne l’ayant jamais vu. » Sache qu’ici on aimefurieusement. On sent, dès les premiers jours, une sorte d’ardeurfrémissante, un soulèvement, une brusque tension des désirs, unénervement courant au bout des doigts, qui surexcitent à lesexaspérer nos puissances amoureuses et toutes nos facultés desensation physique, depuis le simple contact des mains jusqu’à cetinnommable besoin qui nous fait commettre tant de sottises.

Entendons-nous bien. Je ne sais si ce que vous appelez l’amourdu cœur, l’amour des âmes, si l’idéalisme sentimental, leplatonisme enfin, peut exister sous ce ciel ; j’en doute même.Mais l’autre amour, celui des sens, qui a du bon, et beaucoup debon, est véritablement terrible en ce climat. La chaleur, cetteconstante brûlure de l’air qui vous enfièvre, ces soufflessuffocants du sud, ces marées de feu venues du grand désert siproche, ce lourd siroco, plus ravageant, plus desséchant que laflamme, ce perpétuel incendie d’un continent tout entier brûléjusqu’aux pierres par un énorme et dévorant soleil, embrasent lesang, affolent la chair, embestialisent.

Mais j’arrive à mon histoire. Je ne te dis rien de mes premierstemps de séjour en Algérie. Après avoir visité Bône, Constantine,Biskra et Sétif, je suis venu à Bougie par les gorges du Chabet, etune incomparable route au milieu des forêts kabyles, qui suit lamer en la dominant de deux cents mètres, et serpente selon lesfestons de la haute montagne, jusqu’à ce merveilleux golfe deBougie aussi beau que celui de Naples, que celui d’Ajaccio et quecelui de Douarnenez, les plus admirables que je connaisse.J’excepte dans ma comparaison cette invraisemblable baie de Porto,ceinte de granit rouge, et habitée par les fantastiques etsanglants géants de pierre qu’on appelle les « Calanche » de Piana,sur les côtes ouest de la Corse.

De loin, de très loin, avant de contourner le grand bassin oùdort l’eau pacifique, on aperçoit Bougie. Elle est bâtie sur lesflancs rapides d’un mont très élevé et couronné par des bois. C’estune tache blanche dans cette pente verte ; on dirait l’écumed’une cascade tombant à la mer.

Dès que j’eus mis le pied dans cette toute petite et ravissanteville, je compris que j’allais y rester longtemps. De partout l’œilembrasse un véritable cercle de sommets crochus, dentelés, cornuset bizarres, tellement fermé qu’on découvre à peine la pleine mer,et que le golfe a l’air d’un lac. L’eau bleue, d’un bleu laiteux,est d’une transparence admirable ; et le ciel d’azur, d’unazur épais, comme s’il avait reçu deux couches de couleur, étaleau-dessus sa surprenante beauté. Ils semblent se mirer l’un dansl’autre et se renvoyer leurs reflets.

Bougie est la ville des ruines. Sur le quai, en arrivant, onrencontre un débris si magnifique, qu’on le dirait d’opéra. C’estla vieille porte Sarrasine, envahie de lierre. Et dans les boismontueux autour de la cité, partout des ruines, des pans demurailles romaines, des morceaux de monuments sarrasins, des restesde constructions arabes.

J’avais loué dans la ville haute une petite maison mauresque. Tuconnais ces demeures si souvent décrites. Elles ne possèdent pointde fenêtres en dehors ; mais une cour intérieure les éclairedu haut en bas. Elles ont, au premier, une grande salle fraîche oùl’on passe les jours, et tout en haut une terrasse où l’on passeles nuits.

Je me mis tout de suite aux coutumes des pays chauds,c’est-à-dire à faire la sieste après mon déjeuner. C’est l’heureétouffante d’Afrique, l’heure où l’on ne respire plus, l’heure oùles rues, les plaines et les longues routes aveuglantes sontdésertes, où tout le monde dort, essaie au moins de dormir, avecaussi peu de vêtements que possible.

J’avais installé dans ma salle à colonnettes d’architecturearabe un grand divan moelleux, couvert de tapis du Djebel-Amour. Jem’étendais là-dessus à peu près dans le costume d’Adam, mais je n’ypouvais guère reposer, torturé par ma continence.

Oh ! mon ami, il est deux supplices de cette terre que jene te souhaite pas de connaître : le manque d’eau et le manque defemmes. Lequel est le plus affreux ? Je ne sais. Dans ledésert, on commettrait toutes les infamies pour un verre d’eauclaire et froide. Que ne ferait-on pas en certaines villes dulittoral pour une belle fille fraîche et saine ? Car elles nemanquent pas, les filles, en Afrique ! Elles foisonnent, aucontraire ; mais, pour continuer ma comparaison, elles y sonttoutes aussi malfaisantes et pourries que le liquide fangeux despuits sahariens.

Or, voici qu’un jour, plus énervé que de coutume, je tentai,mais en vain, de fermer les yeux. Mes jambes vibraient commepiquées en dedans ; une angoisse inquiète me retournait à toutmoment sur mes tapis. Enfin, n’y tenant plus, je me levai et jesortis.

C’était en juillet, par une après-midi torride. Les pavés desrues étaient chauds à cuire du pain ; la chemise, tout desuite trempée, collait au corps ; et, par tout l’horizon,flottait une petite vapeur blanche, cette buée ardente du siroco,qui semble de la chaleur palpable.

Je descendis près de la mer ; et, contournant le port, jeme mis à suivre la berge le long de la jolie baie où sont lesbains. La montagne escarpée, couverte de taillis, de hautes plantesaromatiques aux senteurs puissantes, s’arrondit en cercle autour decette crique où trempent, tout le long du bord, de gros rochersbruns.

Personne dehors ; rien ne remuait ; pas un cri debête, un vol d’oiseau, pas un bruit, pas même un clapotement, tantla mer immobile paraissait engourdie sous le soleil. Mais dansl’air cuisant, je croyais saisir une sorte de bourdonnement defeu.

Soudain, derrière une de ces roches à demi noyées dans l’ondesilencieuse, je devinai un léger mouvement ; et, m’étantretourné, j’aperçus, prenant son bain, se croyant bien seule àcette heure brûlante, une grande fille nue, enfoncée jusqu’auxseins. Elle tournait la tête vers la pleine mer, et sautillaitdoucement sans me voir.

Rien de plus étonnant que ce tableau : cette belle femme danscette eau transparente comme un verre, sous cette lumièreaveuglante. Car elle était belle merveilleusement, cette femme,grande, modelée en statue.

Elle se retourna, poussa un cri, et, moitié nageant, moitiémarchant, se cacha tout à fait derrière sa roche.

Comme il fallait bien qu’elle sortît, je m’assis sur la berge etj’attendis. Alors elle montra tout doucement sa tête surchargée decheveux noirs liés à la diable. Sa bouche était large, aux lèvresretroussées comme des bourrelets, ses yeux énormes, effrontés, ettoute sa chair un peu brunie par le climat semblait une chaird’ivoire ancien, dure et douce, de belle race blanche teintée parle soleil des nègres.

Elle me cria : « Allez-vous-en. » Et sa voix pleine, un peuforte comme toute sa personne, avait un accent guttural. Je nebougeai point. Elle ajouta : « Ça n’est pas bien de rester là,monsieur. » Les r, dans sa bouche, roulaient comme des chariots. Jene remuai pas davantage. La tête disparut.

Dix minutes s’écoulèrent ; et les cheveux, puis le front,puis les yeux se remontrèrent avec lenteur et prudence, comme fontles enfants qui jouent à cache-cache pour observer celui qui lescherche.

Cette fois, elle eut l’air furieux ; elle cria : « Vousallez me faire attraper mal. Je ne partirai pas tant que vous serezlà. » Alors je me levai et m’en allai, non sans me retournersouvent. Quand elle me jugea assez loin, elle sortit de l’eau àdemi courbée, me tournant ses reins ; et elle disparut dans uncreux du roc, derrière une jupe suspendue à l’entrée.

Je revins le lendemain. Elle était encore au bain, mais vêtued’un costume entier. Elle se mit à rire en me montrant ses dentsluisantes.

Huit jours après, nous étions amis. Huit jours de plus, et nousle devenions encore davantage.

Elle s’appelait Marroca, d’un surnom sans doute, et prononçaitce mot comme s’il eût contenu quinze r. Fille de colons espagnols,elle avait épousé un Français nommé Pontabèze. Son mari étaitemployé de l’État. Je n’ai jamais su bien au juste quellesfonctions il remplissait. Je constatai qu’il était fort occupé, etje n’en demandai pas plus long.

Alors, changeant l’heure de son bain, elle vint chaque jouraprès mon déjeuner faire la sieste en ma maison. Quellesieste ! Si c’est là se reposer !

C’était vraiment une admirable fille, d’un type un peu bestial,mais superbe. Ses yeux semblaient toujours luisants depassion ; sa bouche entrouverte, ses dents pointues, sonsourire même avaient quelque chose de férocement sensuel, et sesseins étranges, allongés et droits, aigus comme des poires dechair, élastiques comme s’ils eussent renfermé des ressortsd’acier, donnaient à son corps quelque chose d’animal, faisaientd’elle une sorte d’être inférieur et magnifique, de créaturedestinée à l’amour désordonné, éveillant en moi l’idée des obscènesdivinités antiques dont les tendresses libres s’étendaient aumilieu des herbes et des feuilles.

Et jamais femme ne porta dans ses flancs de plus inapaisablesdésirs. Ses ardeurs acharnées et ses hurlantes étreintes, avec desgrincements de dents, des convulsions et des morsures, étaientsuivies presque aussitôt d’assoupissements profonds comme une mort.Mais elle se réveillait brusquement en mes bras, toute prête à desenlacements nouveaux, la gorge gonflée de baisers.

Son esprit, d’ailleurs, était simple comme deux et deux fontquatre, et un rire sonore lui tenait lieu de pensée.

Fière par instinct de sa beauté, elle avait en horreur lesvoiles les plus légers ; et elle circulait, courait, gambadaitdans ma maison avec une impudeur inconsciente et hardie. Quand elleétait enfin repue d’amour, épuisée de cris et de mouvements, elledormait à mes côtés sur le divan, d’un sommeil fort etpaisible ; tandis que l’accablante chaleur faisait pointer sursa peau brunie de minuscules gouttes de sueur, dégageait d’elle, deses bras relevés sous sa tête, de tous ses replis secrets, cetteodeur fauve qui plaît aux mâles.

Quelquefois elle revenait le soir, son mari étant de service jene sais où. Nous nous étendions alors sur la terre, à peineenveloppés en de fins et flottants tissus d’Orient.

Quand la grande lune illuminante des pays chauds s’étalait enplein dans le ciel, éclairant la ville et le golfe avec son cadrearrondi de montagnes, nous apercevions alors sur toutes les autresterrasses comme une armée de silencieux fantômes étendus quiparfois se levaient, changeaient de place, et se recouchaient sousla tiédeur langoureuse du ciel apaisé.

Malgré l’éclat de ces soirées d’Afrique, Marroca s’obstinait àse mettre nue encore sous les clairs rayons de la lune ; ellene s’inquiétait guère de tous ceux qui nous pouvaient voir, etsouvent elle poussait par la nuit, malgré mes craintes et mesprières, de longs cris vibrants, qui faisaient au loin hurler leschiens.

Comme je sommeillais le soir, sous le large firmament toutbarbouillé d’étoiles, elle vint s’agenouiller sur mon tapis, etapprochant de ma bouche ses grandes lèvres retournées :

« Il faut, dit-elle, que tu viennes dormir chez moi. »

Je ne comprenais pas.

« Comment, chez toi ?

– Oui, quand mon mari sera parti, tu viendras dormir à sa place.»

Je ne pus m’empêcher de rire :

« Pourquoi ça, puisque tu viens ici ? »

Elle reprit, en me parlant dans la bouche, me jetant son haleinechaude au fond de la gorge, mouillant ma moustache de son souffle :« C’est pour me faire un souvenir. » – Et l’r de souvenir traînalongtemps avec un fracas de torrent sur des roches.

Je ne saisissais point son idée. Elle passa ses mains à moncou.

« Quand tu ne seras plus là, j’y penserai. Et quandj’embrasserai mon mari, il me semblera que ce sera toi. »

Et les rrrai et les rrra prenaient en sa voix des grondements detonnerres familiers.

Je murmurai, attendri et très égayé :

« Mais tu es folle. J’aime mieux rester chez moi. »

Je n’ai, en effet, aucun goût pour les rendez-vous sous un toitconjugal ; ce sont là des souricières où sont toujours prisles imbéciles. Mais elle me pria, me supplia, pleura même, ajoutant: « Tu verras comme je t’aimerai. » T’aimerrrai retentissait à lafaçon d’un roulement de tambour battant la charge.

Son désir me semblait tellement singulier que je ne mel’expliquais point ; puis, en y songeant, je crus démêlerquelque haine profonde contre son mari, une de ces vengeancessecrètes de femme qui trompe avec délices l’homme abhorré, et leveut encore tromper chez lui, dans ses meubles, dans ses draps.

Je lui dis :

« Ton mari est très méchant pour toi ? »

Elle prit un air fâché.

« Oh ! non, très bon.

– Mais tu ne l’aimes pas, toi ? »

Elle me fixa avec ses larges yeux étonnés.

« Si, je l’aime beaucoup, au contraire, beaucoup, beaucoup, maispas tant que toi, mon cœurrr. »

Je ne comprenais plus du tout, et comme je cherchais à deviner,elle appuya sur ma bouche une de ces caresses dont elle connaissaitle pouvoir, puis elle murmura :

« Tu viendras, dis ? »

Je résistai cependant. Alors elle s’habilla tout de suite ets’en alla.

Elle fut huit jours sans se montrer. Le neuvième jour ellereparut, s’arrêta gravement sur le seuil de ma chambre et demanda:

« Viendras-tu ce soir dorrrmirrr chez moi ? Si tu ne vienspas, je m’en vais. »

Huit jours, c’est long, mon ami, et, en Afrique, ces huitjours-là valaient bien un mois. Je criai : « Oui » et j’ouvris lesbras. Elle s’y jeta.

Elle m’attendit, à la nuit, dans une rue voisine, et meguida.

Ils habitaient près du port une petite maison basse.

Je traversai d’abord une cuisine où le ménage prenait ses repas,et je pénétrai dans la chambre blanchie à la chaux, propre, avecdes photographies de parents le long des murs et des fleurs depapier sous des globes. Marroca semblait folle de joie ; ellesautait, répétant : « Te voilà chez nous, te voilà chez toi. »

J’agis, en effet, comme chez moi.

J’étais un peu gêné, je l’avoue, même inquiet. Comme j’hésitais,dans cette demeure inconnue, à me séparer de certain vêtement sanslequel un homme surpris devient aussi gauche que ridicule, etincapable de toute action, elle me l’arracha de force et l’emportadans la pièce voisine, avec toutes mes autres hardes.

Je repris enfin mon assurance et je lui prouvai de tout monpouvoir, si bien qu’au bout de deux heures nous ne songions guèreau repos, quand des coups violents frappés soudain contre la portenous firent tressaillir ; et une voix forte d’homme cria : «Marroca, c’est moi. »

Elle fit un bond : « Mon mari ! Vite, cache-toi sous lelit. » Je cherchais éperdument mon pantalon ; mais elle mepoussa, haletante : « Va donc, va donc. »

Je m’étendis à plat ventre et me glissai sans murmurer sous celit, sur lequel j’étais si bien.

Alors elle passa dans la cuisine. Je l’entendis ouvrir unearmoire, la fermer, puis elle revint, apportant un objet que jen’aperçus pas, mais qu’elle posa vivement quelque part ; et,comme son mari perdait patience, elle répondit d’une voix forte etcalme : « Je ne trrrouve pas allumettes » ; puis soudain : «Les voilà, je t’ouvrrre. » Et elle ouvrit.

L’homme entra. Je ne vis que ses pieds, des pieds énormes. Si lereste se trouvait en proportion, il devait être un colosse.

J’entendis des baisers, une tape sur de la chair nue, unrire ; puis il dit avec un accent marseillais : « Zé oublié mabourse, té, il a fallu revenir. Autrement, je crois que tu dormaisde bon cœur. » Il alla vers la commode, chercha longtemps ce qu’illui fallait ; puis Marroca s’étant étendue sur le lit commeaccablée de fatigue, il revient à elle, et sans doute il essayaitde la caresser, car elle lui envoya, en phrases irritées, unemitraille d’r furieux.

Les pieds étaient si près de moi qu’une envie folle, stupide,inexplicable, me saisit de les toucher tout doucement. Je meretins.

Comme il ne réussissait pas en ses projets, il se vexa. « Tu esbien méçante aujourd’hui », dit-il. Mais il en prit son parti. «Adieu, pétite. » Un nouveau baiser sonna ; puis les gros piedsse retournèrent, me firent voir leurs gros clous en s’éloignant,passèrent dans la pièce voisine ; et la porte de la rue sereferma.

J’étais sauvé !

Je sortis lentement de ma retraite, humble et piteux, et tandisque Marroca, toujours nue, dansait une gigue autour de moi en riantaux éclats et battant des mains, je me laissai tomber lourdementsur une chaise. Mais je me relevai d’un bond ; une chosefroide gisait sous moi, et comme je n’étais pas plus vêtu que macomplice, le contact m’avait saisi. Je me retournai.

Je venais de m’asseoir sur une petite hachette à fendre le bois,aiguisée comme un couteau. Comment était-elle venue à cetteplace ? Je ne l’avais pas aperçue en entrant.

Marroca, voyant mon sursaut, étouffait de gaieté, poussait descris, toussait, les deux mains sur son ventre.

Je trouvai cette joie déplacée, inconvenante. Nous avions jouénotre vie stupidement ; j’en avais encore froid dans le dos,et ces rires fous me blessaient un peu.

« Et si ton mari m’avait vu ? » lui demandai-je.

Elle répondit : « Pas de danger.

– Comment ! pas de danger. Elle est raide celle-là !Il lui suffisait de se baisser pour me trouver. »

Elle ne riait plus ; elle souriait seulement en meregardant de ses grands yeux fixés, où germaient de nouveauxdésirs.

« Il ne se serait pas baissé. »

J’insistai. « Par exemple ! S’il avait seulement laissétomber son chapeau, il aurait bien fallu le ramasser, alors…j’étais propre, moi, dans ce costume. »

Elle posa sur mes épaules ses bras ronds et vigoureux, et,baissant le ton, comme si elle m’eût dit : « Je t’adorrre », ellemurmura : « Alorrrs, il ne se serait pas relevé. »

Je ne comprenais point :

« Pourquoi ça ? »

Elle cligna de l’œil avec malice, allongea sa main vers lachaise où je venais de m’asseoir ; et son doigt tendu, le plide sa joue, ses lèvres entrouvertes, ses dents pointues, claires etféroces, tout cela me montrait la petite hachette à fendre le bois,dont le tranchant aigu luisait.

Elle fit le geste de la prendre ; puis m’attirant du brasgauche tout contre elle, serrant sa hanche à la mienne, du brasdroit elle esquissa le mouvement qui décapite un homme àgenoux !…

Et voilà, mon cher, comment on comprend ici les devoirsconjugaux, l’amour et l’hospitalité !

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