Poèmes

L’âme et Dieu

Je n’ai jamais bien compris, je l’avoue, lacomparaison fameuse dans laquelle Kant rapproche la révolutionintellectuelle accomplie par lui de la révolution astronomiqueaccomplie par Copernic ; car Copernic a précipité la terre,jusque là immobile, dans le système mouvant de l’infini. Elle n’estdonc intelligible et réelle depuis Copernic que par l’infini etcelui qui accomplirait, en philosophie, une révolution analogue àcelle de Copernic serait celui qui, au lieu de s’appuyer toutd’abord sur le moi présumé immobile, ferait entrer le moi dans lesystème vivant de la conscience infinie.

Car enfin : ou bien, lorsqu’il soumet leschoses à la législation du sujet pensant, Kant entend par là le moihumain, et alors il fait tourner l’infini autour de la terre, il vaau rebours de Copernic ; ou bien il entend, par le sujetpensant, la pensée et la conscience absolue, avec ses conditions etses lois d’unité auxquelles les choses se soumettent ; etalors c’est l’absolu lui-même sous la forme de la conscience et dela pensée ; c’est l’infini, c’est Dieu. Et cela revient à diretout simplement que c’est autour de Dieu que tourne le monde, queDieu est le centre véritable de l’univers…

Et aujourd’hui, de même que nous ne pouvonsobserver l’infini sans la terre et comprendre la terre sansl’infini, nous ne pouvons connaître Dieu sans le moi et comprendrenotre moi sans Dieu. Il n’y a pas d’effort d’abstraction qui puisseisoler la terre de l’infini ; il n’en est point qui puisseisoler le moi humain de Dieu. Mais ce n’est pas à un centrephysique et grossier d’attraction que la terre est soumise, c’est àun centre idéal et divin qui est présent et agissant en elle, commeil est présent et agissant partout. En sorte que, par sa soumissionà l’infini, la terre redevient centre, en un sens plus haut ;elle n’est pas subordonnée à une autre partie du monde ; elleest libre en Dieu et par Dieu. De même, le moi humain ne relève pasde la conscience divine comme d’un autre moi particulier etdéterminé. Le moi humain n’est pas la conscience absolue, mais laconscience absolue est en lui comme elle est partout. C’est lasuperstition philosophique ou religieuse qui fait de Dieu un autremoi particulier et clos, analogue et extérieur au nôtre et dont lenôtre serait esclave, comme c’était la superstition astronomiquequi faisait d’une partie du monde, la terre analogue et extérieureaux autres parties du monde, le centre dont tout dépendait. Rendreà l’univers son immensité, c’est affranchir tous les astres qui semeuvent en lui ; rendre à Dieu son immensité, c’est affranchirtoutes les consciences qui se meuvent en lui. Dieu est uneconscience infinie dont le centre est partout et la circonférencenulle part.

L’insuccès de tous les penseurs qui ontprétendu étudier d’abord le moi sans Dieu ou avant Dieu, et lagrossièreté des superstitieux qui font de Dieu je ne sais quelobjet matériel et fini, extérieur à la conscience et étranger àl’activité du moi, nous avertissent de ne point séparer le moi etDieu ; et puisque Dieu s’exprime et se manifeste dans lemonde, dans l’espace, dans le mouvement, dans la sensation, il nousfaut aussi, pour comprendre la conscience, accepter le monde,expression de Dieu.

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