Poèmes

La couleur fille de la lumière

Pourquoi la couleur ne serait-elle pas unproduit de notre sphère ? Pourquoi ne supposerait-elle pas desconditions qui ne soient pas réalisées dans l’indifférence del’espace infini ? Elle ne se manifeste aux sens qu’à larencontre de la lumière et de ce qui est essentiellement contraireà la lumière, les corps résistants. Pourquoi donc supposer qu’elleest déjà contenue dans la lumière ? On a la ressource de direqu’elle s’y cache et qu’elle attend, pour se montrer, que la libreexpansion de la clarté rencontre un obstacle. Mais il est permis depenser aussi que ce qui se cache si bien n’existe pas encore ;la couleur est fille de la lumière et de notre monde corporel etlourd. Pourquoi en appesantir la lumière elle-même dans sonexpansion une et simple à travers l’infini ? Quel sensauraient le vert et le rouge dans les espaces indifférents ?Ici ils résultent de la vie et ils l’expriment dans son rapportavec la lumière ; hors de la sphère vivante, ils n’ont pas desens…

Par les couleurs, la lumière fait amitié avecnotre monde : la couleur est le gage d’union ; la matièrepesante peut enrichir l’impondérable en manifestant d’une manièreéclatante ce qui se dérobait en lui ; l’obscurité, en faisantsortir les couleurs de la lumière, lui vaut, dans notre sphère, unjoyeux triomphe ; et la lumière en même temps, en s’unissant àla matière pesante dans la couleur, l’allège et l’idéalise :rien ne demeure stérile ; tout fait œuvre de beauté. Lesmolécules dispersées dans l’air nous donnent les splendeurs ducouchant ; l’obscurité infinie des espaces vides, se répandantdans la clarté du jour, l’adoucit en une charmante teintebleue ; le mystère même de la nuit et la brutalité de lalumière, saisis au travers l’un de l’autre et l’un dans l’autre,conspirent à une merveilleuse douceur : le jour manifeste lanuit ; car, plus la lumière est abondante et pure, plus leciel est profond, et plus le regard devine l’immensité des espacesqui sont au delà ; et le soir, quand le voile de clarté tombepour laisser voir la nuit à découvert, on la trouverait bienvulgaire et bien triste, si elle ne s’emplissait lentement d’unautre mystère.

Devenue expressive dans la couleur, la lumières’est rapprochée du son : elle peut concourir avec lui àmanifester l’âme des choses ; tandis qu’un son qui s’élèveraitdans la pure clarté serait comme une voix dans le désert, sans rienqui la soutienne ou lui réponde, les sonorités du mondes’harmonisent à ses splendeurs. La magnificence ou la tristesse desteintes correspond à la plénitude joyeuse ou à la douceur voiléedes sons : la lumière, dans sa lutte et son union avecl’obscurité, est devenue dramatique, et elle s’accorde avec unmonde où tout est action ; l’ombre, en pénétrant dans laclarté, y a glissé d’intimes trésors de mélancolie que le bleupâlissant du soir communique à l’âme, et la sérénité impassible dela clarté pure est devenue, au contact de l’ombre qu’elle dissipeen s’y transformant, quelque chose de plus humain, la joie.

Auteurs::

Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer