Poèmes

Dans l’espace

Pour moi, je n’ai jamais regardé sans uneespèce de vénération l’espace profond et sacré, et lorsque,cheminant le soir, je le contemple, je me dis parfois que tous leshommes, depuis qu’il y a des hommes, ont élargi leur âme en lui, etque si les rêves humains qui s’y sont élevés laissaient derrièreeux, comme l’étoile qui fuit, une trace de lumière, une immense etdouce lueur d’humanité emplirait soudain le ciel. Mais, en mêmetemps, je me dis que, si l’espace a ainsi toujours sollicité lespensées humaines, c’est qu’il les élève à l’infini ; il estcomme un miroir d’infinité où nos pensées ne peuvent se réfléchirsans s’étonner soudain de se voir infinies. Or, cette infinité, ilne la tient pas de lui-même ; il l’emprunte de l’être que laraison seule peut saisir, que l’âme seule peut pénétrer, et c’estainsi que l’âme, en s’abandonnant à l’espace, ne se livre pas sansretour. Par l’infini de l’étendue, elle revient au véritableinfini, c’est-à-dire, au fond, à elle-même. Oh ! j’aimeraisque l’esprit humain gravît de nouveau ces hauts sommets de l’Indeet ces sommets divins de la Grèce d’où la sérénité infinie del’éther apparaissait aux yeux comme une révélation, et je voudraisque de ces sommets il répandît dans l’infini visible, que lespremiers hommes adoraient, sa foi dans l’infini invisible. Il y aau Louvre un tout petit et délicieux tableau de l’école italiennequi nous montre une avenue étroite et mystérieuse du paradis ;il y a dans ce tableau un mélange étonnant de naturel et dedivin ; les arbres, les nuages, le ciel, ont leur couleurréelle et vraie : c’est la vie. Et pourtant on dirait qu’unelumière épurée, subtile, idéale, pénètre tout et que sous ledemi-jour des feuillages un rayon de Dieu s’est mêlé aux rayonsadoucis du soleil. Pourquoi de même, dans l’univers immense, neverrions-nous pas peu à peu, toutes les puissances de l’homme étantréconciliées avec elles-mêmes, la lumière vraie mais brutale dusoleil accueillir dans ses rayons la lumière de l’esprit, amie etfraternelle ? Il ne faut pas que le monde des sens fasseobstacle aux clartés de l’esprit : il ne faut pas que lesclartés de l’esprit offusquent le monde des sens : il faut quela clarté du dedans et la clarté du dehors se confondent et sepénètrent, et que l’homme hésitant ne discerne plus dans la réaliténouvelle ce que jadis il appelait, de noms en apparence contraires,l’idéal et le réel. Que le monde sera beau lorsque, en regardant àl’extrémité de la prairie le soleil mourir, l’homme sentira,soudain, à un attendrissement étrange de son cœur et de ses yeux,qu’un reflet de la douce lampe de Jésus est mêlé à la lumièreapaisée du soir !

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