Poèmes

La musique éternelle

Les premières herbes qui, sur la terreverdissante, ont ondulé et frémi ne savaient pas qu’elles livraientle tressaillement secret de leur vie à une douce puissance qui lerépandrait au loin. Oh ! sans doute, elles avaient je ne saisquel besoin obscur de communication et d’expansion, et c’est làl’âme du son ; mais ce besoin même, comment l’auraient-ellesconnu, si elles ne s’étaient senties comme enveloppées d’influencesamies, et si le premier souffle passant sur elles n’avait associéleur frisson au frisson de l’espace ? Les premiers êtres qui,connaissant la joie, la douleur, l’amour, ont crié, murmuré ouchanté, cédaient aussi à un besoin intime et profond decommunication ; et c’est sous l’action presque aveugle de cebesoin que leur organisme vibrait à l’unisson de leur âme, etébranlait le dehors à l’image du dedans. Mais si cette vibrationpresque involontaire de leur organisme n’était pas pour eux, sansqu’ils s’y attendissent, devenue un son, s’ils n’avaient pas sentisoudain que leur âme prenait une voix pour solliciter dans l’espaceprofond les autres âmes, ils se seraient bientôt resserrés etétouffés en eux-mêmes. Ils ont dû s’étonner de leur cri en yretrouvant leur âme. Il a dû leur sembler qu’une puissancemystérieuse recueillait leurs douleurs ou leurs joies tout ausortir de leur âme pour leur prêter une voix. Oui, vraiment, avantqu’aucune voix sortît des êtres, il y avait la Voix, la voixmystérieuse, la voix muette qui attendait, pour appeler, pleurer,chanter, les confidences des vivants. Dans les sphères destinées àla vie, le silence universel était déjà plein de cette voix, et, ens’éveillant, les vivants l’ont éveillée. Voix sublime et familièrequi ne vient pas des êtres, mais qui se fait toute à eux ;elle traduit si bien leur âme qu’elle a l’air d’en venir :oiseau divin qui semble éclore de tous les nids, parce qu’il ensait prendre la forme.

Avant la naissance des organismes sur notreplanète, l’atmosphère était animée par les grands souffles, par leclapotement infini des vagues sur les grèves. Ainsi les vivants ontété, dès le début, bercés par une sorte d’harmonie immense etindistincte, et s’ils ont crié, soupiré, chanté, c’était pourrépondre à l’espace frissonnant qui leur parlait. Les innombrablespetites bêtes des champs se seraient tues depuis des milliersd’années, si elles n’avaient été comme provoquées par la musiqueéternelle et secrète qui flotte dans l’espace autour des vivants,et, de même que les éléments subtils qui s’évaporent des plantes seconvertissent en rosée dans la fraîcheur des nuits sereines, lesvagues tendresses qui montent des êtres se convertissent enharmonies dans la douceur des nuits musicales.

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