SPILCA LE MOINE
– Je te passe la parole, Spilca. Enlèvele voile qui te cache à nos yeux, ouvre ton cœur avec franchise,raconte-nous ta vie, tes joies, tes souffrances, teshaines !
Spilca parut pris au dépourvu par l’invitationde Floarea Codrilor. Il eut un haut-le-corps comparable au choc quereçoit l’homme pudique lorsqu’il entend une obscénité ! Sesyeux ronds, couleur d’acier, bravèrent gravement les regards quis’étaient portés sur lui, mais ce ne fut qu’un instant, puis satête se tourna vers l’entrée de la grotte dans un mouvementd’anxiété dédaigneuse. Longuement sa pensée fouilla le dehorssolitaire et brumeux, pendant que son buste carré, vêtu de loquesmonacales, semblait ne plus respirer. Ses mains appuyées sur sesgenoux ne bronchaient plus ; jambes et pieds, grossièrementcamouflés, enfouis dans l’amas des obéléet desopinci, étaient également immobiles. Spilca nous avaitabandonné son être matériel. Seul son profil musculeux, propre, àla barbe rousse bien peignée, ainsi que son crâne découvert,étaient riches de vie ; seule sa tête, à moitié éclairée,trahissait le débat qui se livrait dans son âme.
Puis, lentement, il présenta son visage aucapitaine. Les lèvres charnues bougèrent, mais elles étaientdesséchées ; le gosier, embarrassé, articula quelque chosed’incompréhensible. Cette entrave parut vexer le moine haïdouc. Ilhumecta dignement sa bouche de salive et parla avecfermeté :