Souvenirs de la maison des morts

Chapitre 10La fête de Noël

Les fêtes approchaient enfin. La veille du grand jour, lesforçats n’allèrent presque pas au travail. Ceux qui travaillaientdans les ateliers de couture et autres s’y rendirent comme àl’ordinaire, les derniers s’en furent à la démonte, mais ilsrevinrent presque immédiatement à la maison de force, un à un oupar bandes ; après le dîner, personne ne travailla. Depuis lematin la majeure partie des forçats n’étaient occupés que de leurspropres affaires et non de celles de l’administration : les unss’arrangeaient pour faire venir de l’eau-de-vie ou en commandaientencore, tandis que les autres demandaient la permission de voirleurs compères et leurs commères, ou rassemblaient les petitessommes qu’on leur devait pour du travail exécuté auparavant.Baklouchine et les forçats qui prenaient part au spectaclecherchaient à décider quelques-unes de leurs connaissances, presquetous brosseurs d’officiers, à leur confier les costumes qui leurétaient nécessaires.

Les uns allaient et venaient d’un air affairé, uniquement parceque d’autres étaient pressés et affairés ; ils n’avaient aucunargent à recevoir, et pourtant ils paraissaient attendre unpayement ; en un mot, tout le monde était dans l’expectatived’un changement, de quelque événement extraordinaire. Vers le soir,les invalides qui faisaient les commissions des forçats apportèrenttoutes sortes de victuailles : de la viande, des cochons de lait,des oies. Beaucoup de détenus, même les plus simples et les pluséconomes, qui toute l’année entassaient leurs kopeks, croyaient deleur devoir de faire de la dépense ce jour-là et de célébrerdignement le réveillon. Le lendemain était pour les forçats unevraie fête, à laquelle ils avaient droit, une fête reconnue par laloi. Les détenus ne pouvaient être envoyés au travail ce jour-là :il n’y avait que trois jours semblables dans toute l’année.

Enfin, qui sait combien de souvenirs devaient tourbillonner dansles âmes de ces réprouvés à l’approche d’une pareillesolennité ? Dès l’enfance, le petit peuple garde vivement lamémoire des grandes fêtes. Ils devaient se rappeler avec angoisseet tourment ces jours où l’on se repose des pénibles travaux ausein de la famille. Le respect des forçats pour ce jour-là avaitquelque chose d’imposant ; les riboteurs étaient peu nombreux,presque tout le monde était sérieux et pour ainsi dire occupé, bienqu’ils n’eussent rien à faire pour la plupart. Même ceux qui sepermettaient de faire bamboche conservaient un air grave… Le riresemblait interdit. Une sorte de susceptibilité intolérante régnaitdans tout le bagne, et si quelqu’un contrevenait au repos général,même involontairement, on le remettait bien vite à sa place, encriant et en jurant ; on se fâchait, comme s’il eût manqué derespect à la fête elle-même. Cette disposition des forçats étaitremarquable et même touchante. Outre la vénération innée qu’ils ontpour ce grand jour, ils pressentent qu’en observant cette fête, ilssont en communion avec le reste du monde, qu’ils ne sont plus toutà fait des réprouvés, perdus et rejetés par la société, puisqu’à lamaison de force on célèbre cette réjouissance comme au dehors. Ilssentaient tout cela, je l’ai vu et compris moi-même.

Akim Akimytch avait aussi fait de grands préparatifs pour lafête : il n’avait pas de souvenirs de famille, étant né orphelindans une maison étrangère, et entré au service dès l’âge de quinzeans ; il n’avait jamais ressenti de grandes joies, ayanttoujours vécu régulièrement, uniformément, dans la crainted’enfreindre les devoirs qui lui étaient imposés. Il n’était pasnon plus fort religieux, car son formalisme avait étouffé tous sesdons humains, toutes ses passions et ses penchants, bons oumauvais. Il se préparait par conséquent à fêter Noël sans setrémousser ou s’émouvoir particulièrement ; il n’étaitattristé par aucun souvenir chagrin et inutile ; il faisaittout avec cette ponctualité qui était suffisante pour accomplirconvenablement ses devoirs ou pour célébrer une cérémonie fondéeune fois pour toutes. D’ailleurs, il n’aimait pas trop à réfléchir.L’importance du fait lui-même n’avait jamais effleuré sa cervelle,tandis qu’il exécutait les règles qu’on lui imposait avec uneminutie religieuse. Si on lui avait ordonné le jour suivant defaire tout le contraire de ce qu’il avait fait la veille, il auraitobéi avec la même soumission et le même scrupule qu’il avait montréle jour avant. Une fois dans sa vie, une seule fois, il avait vouluagir de sa propre impulsion — et il avait été envoyé aux travauxforcés. Cette leçon n’avait pas été perdue pour lui. Quoiqu’il fûtécrit qu’il ne devait jamais comprendre sa faute, il avait pourtantgagné à son aventure une règle de morale salutaire, — ne jamaisraisonner, dans n’importe quelle circonstance, parce que son espritn’était jamais à la hauteur de l’affaire à juger. Aveuglémentdévoué aux cérémonies, il regardait avec respect le cochon de laitqu’il avait farci de gruau et qu’il avait rôti lui-même (car ilavait quelques connaissances culinaires), absolument comme si cen’avait pas été un cochon de lait ordinaire, que l’on pouvaitacheter et rôtir en tout temps, mais bien un animal particulier, néspécialement pour la fête de Noël. Peut-être était-il habitué,depuis sa tendre enfance, à voir ce jour-là sur la table un cochonde lait, et en concluait-il qu’un cochon de lait étaitindispensable pour célébrer dignement la fête ; je suiscertain que si, par malheur, il n’avait pas mangé de cetteviande-là, il aurait eu un remords toute sa vie de n’avoir pas faitson devoir. Jusqu’au jour de Noël il portait sa vieille veste etson vieux pantalon, qui, malgré leur raccommodage minutieux,montraient depuis longtemps la corde. J’appris alors qu’il gardaitsoigneusement dans son coffre le nouveau costume qui lui avait étédélivré quatre mois auparavant, et qu’il ne l’avait pas touché à laseule fin de l’étrenner le jour de Noël. C’est ce qu’il fit. Laveille, il sortit de son coffre les vêtements neufs, les déplia,les examina, les nettoya, souffla dessus pour enlever la poussière,et tout étant parfaitement en ordre, il les essaya préalablement.Le costume lui seyait parfaitement ; toutes les pièces étaientconvenables, la veste se boutonnait jusqu’au cou, le collet droitet roide comme du carton maintenait le menton très-haut ; lataille rappelait de loin la coupe militaire ; aussi AkimAkimytch sourit-il de satisfaction, en se tournant et retournantnon sans braverie devant son tout petit miroir, orné depuislongtemps par ses soins d’une bordure dorée. Seule, une agrafe dela veste semblait ne pas être à sa place ; Akim Akimytch laremarqua et résolut de la changer de place ; quand il eutfini, il essaya de nouveau la veste, elle était irréprochable. Ilreplia alors son costume comme auparavant et, l’esprit tranquille,le serra dans son coffre jusqu’au lendemain. Son crâne étaitsuffisamment rasé, mais après un examen attentif, Akim Akimytchacquit la certitude qu’il n’était pas absolument lisse ; sescheveux avaient imperceptiblement repoussé ; il se renditimmédiatement près du « major » pour être rasé comme il faut, àl’ordonnance. En réalité personne n’aurait songé à le regarder lelendemain, mais il agissait par acquit de conscience, afin deremplir tous ses devoirs ce jour-là. Cette vénération pour le pluspetit bouton, pour la moindre torsade d’épaulette, pour la moindreganse s’était gravée dans son esprit comme un devoir impérieux, etdans son cœur, comme l’image de la plus parfaite beauté que peut etdoit atteindre un homme comme il faut. En sa qualité d’ « ancien »de la caserne, il veilla à ce qu’on apportât du foin et à ce qu’onl’étendit sur le plancher. La même chose se faisait dans les autrescasernes. Je ne sais pas pourquoi l’on jetait toujours du foin surle sol le jour de Noël[21]. Unefois qu’Akim Akimytch eut terminé son travail, il dit ses prières,s’étendit sur sa couchette et s’endormit du sommeil tranquille del’enfance, afin de se réveiller le plus tôt possible le lendemain.Les autres forçats firent de même, du reste. Tous les détenus secouchèrent beaucoup plus tôt que de coutume. Les travaux ordinairesfurent délaissés ce soir-là ; quant à jouer aux cartes,personne n’aurait même osé en parler. Tout le monde attendait lematin suivant. Il arriva enfin, ce matin ! De fort bonneheure, avant même qu’il fît jour, on battit la diane, et lesous-officier qui entra pour compter les forçats leur souhaita uneheureuse fête. On lui répondit, d’un ton affable et aimable, par unsouhait semblable. Akim Akimytch et beaucoup d’autres qui avaientleurs oies et leurs cochons de lait, s’en furent précipitamment àla cuisine, après avoir dit leurs prières à la hâte, pour voir àquel endroit se trouvaient leurs victuailles, et comme on lesrôtissait. Par les petites fenêtres de notre caserne, à moitiécachées par la neige et la glace, on voyait dans les ténèbresflamber le feu vif des deux cuisines, dont les six poêles étaientallumés. Dans la cour encore sombre, les forçats, la demi-pelissejetée sur les épaules ou complètement vêtus, se pressaient du côtéde la cuisine. Quelques-uns cependant, — en petit nombre, — avaientréussi à visiter les cabaretiers. C’étaient les plus impatients.Tout le monde se conduisait avec décence, paisiblement, beaucoupmieux qu’à l’ordinaire. On n’entendait ni les querelles, ni lesinjures habituelles. Chacun comprenait que c’était un grand jour,une grande fête. Des forçats allaient même dans les autres casernessouhaiter une heureuse fête à leurs connaissances. Ce jour-là, ilsemblait qu’une sorte d’amitié existât entre eux. Je remarquerai enpassant que les forçats n’ont presque jamais de liaisons à lamaison de force, ni communes, ni particulières ; ainsi ilétait très-rare qu’un forçat se liât avec un autre, comme dans lemonde libre. Nous étions en général durs et secs dans nos rapportsréciproques, à quelques rares exceptions près ; c’était un tonadopté une fois pour toutes. Je sortis aussi de la caserne ;il commençait à faire clair ; les étoiles pâlissaient, unelégère buée congelée s’élevait de terre, les spirales de fumée descheminées montaient en tournoyant. Plusieurs détenus que jerencontrai me souhaitèrent avec affabilité une bonne fête. Je lesremerciai en leur rendant leurs souhaits. De ceux-là, quelques-unsne m’avaient jamais encore adressé la parole. Près de la cuisine,un forçat de la caserne militaire, la touloupe sur l’épaule, merejoignit. Du milieu de la cour, il m’avait aperçu et me criait : «Alexandre Pétrovitch ! Alexandre Pétrovitch ! » Il sehâtait en courant du côté de la cuisine. Je m’arrêtai pourl’attendre. C’était un jeune gars au visage rond, aux yeux doux,peu communicatif avec tout le monde ; il ne m’avait pas encoreparlé depuis mon entrée à la maison de force, et n’avait faitjusqu’alors aucune attention à moi : je ne savais même pas commentil se nommait. Il accourut tout essoufflé, et resta planté devantmoi à me regarder en souriant bêtement, mais d’un air heureux. —Que voulez-vous ? lui demandai-je non sans étonnement. Ilresta devant moi souriant, à me regarder de tous ses yeux, sanstoutefois entamer la conversation. — Mais, comment donc ?…c’est fête…, marmotta-t-il. Il comprit lui-même qu’il n’avait rienà me dire de plus, et me quitta pour se rendre précipitamment à lacuisine. Je ferai la remarque qu’après cela nous ne nousrencontrâmes presque jamais, et que nous ne nous adressâmes pas laparole jusqu’à ma sortie de prison. Autour des poêles flambants dela cuisine les forçats affairés se démenaient et se bousculaient.Chacun surveillait son bien, les cuisiniers préparaient l’ordinairedu bagne, car le dîner devait avoir lieu un peu plus tôt que decoutume. Personne n’avait encore mangé, du reste, bien que tous eneussent envie, mais on observait les convenances devant les autres.On attendait le prêtre, le carême ne cessait qu’après son arrivée.Il ne faisait pas encore jour que l’on entendit déjà le caporalcrier de derrière la porte d’entrée de la prison : « Lescuisiniers ! » Ces appels se répétèrent, Ininterrompus,pendant deux heures. On réclamait les cuisiniers pour recevoir lesaumônes apportées de tous les coins de la ville en quantité énorme: miches de pain blanc, talmouses, échaudés, crêpes, et autrespâtisseries au beurre. Je crois qu’il n’y avait pas une marchandeou une bourgeoise de toute la ville qui n’eût envoyé quelque choseaux « malheureux ». Parmi ces aumônes, il y en avait d’opulentes,comme des pains de fleur de farine en assez grand nombre ; ily en avait aussi de très-pauvres, une miche de pain blanc de deuxkopeks et deux changhi noirs à peine enduits de crème aigre :c’était le cadeau du pauvre au pauvre, pour lequel celui-là avaitdépensé son dernier kopek. Tout était accepté avec une égalereconnaissance, sans distinction de valeur ou de donateurs. Lesforçats qui recevaient les dons ôtaient leurs bonnets, remerciaienten saluant les donateurs, leur souhaitaient de bonnes fêtes etemportaient l’aumône à la cuisine. Quand on avait rassemblé degrands tas de pains, on appelait les anciens de chaque caserne, quipartageaient le tout par égales portions entre toutes les sections.Ce partage n’excitait ni querelles ni injures, il se faisaithonnêtement, équitablement. Akim Akimytch, aidé d’un autre détenu,partageait entre les forçats de notre caserne le lot qui nous étaitéchu, de sa main, et remettait à chacun de nous ce qui luirevenait. Chacun était content, pas une réclamation ne se faisaitentendre, aucune envie ne se manifestait ; personne n’auraiteu l’idée d’une tromperie. Quand Akim Akimytch eut fini sesaffaires à la cuisine, il procéda religieusement à sa toilette ets’habilla d’un air solennel, en boutonnant tous les crochets de saveste sans en excepter un : une fois vêtu de neuf, il se mit àprier, ce qui dura assez longtemps. Beaucoup de détenusremplissaient leurs devoirs religieux, mais c’étaient, pour laplupart, des gens âgés : les jeunes ne priaient presque pas : ilsse signaient tout au plus en se levant, et encore cela n’arrivaitque les jours de fête. Akim Akimytch s’approcha de moi, une fois saprière finie, pour me faire les souhaits d’usage. Je l’invitai àprendre du thé, il me rendit ma politesse en m’offrant de soncochon de lait. Au bout de quelque temps Pétrof accourut pourm’adresser ses compliments. Je crois qu’il avait déjà bu, et, bienqu’il fût tout essoufflé, il ne me dit pas grand’chose ; ilresta debout devant moi pendant quelques instants et s’en retournaà la cuisine. On se préparait en ce moment dans la caserne de lasection militaire à recevoir le prêtre. Cette caserne n’était pasconstruite comme les autres ; les lits de camp étaientdisposés le long de la muraille, et non au milieu de la salle commedans toutes les autres, si bien que c’était la seule dont le milieune fût pas obstrué. Elle avait été probablement construite de cettefaçon afin qu’en cas de nécessité on put réunir les forçats. Ondressa une petite table au milieu de la salle ; on y plaça uneimage devant laquelle on alluma une petite lampe-veilleuse. Leprêtre arriva enfin avec la croix et l’eau bénite. Il pria etchanta devant l’image, puis se tourna du côté des forçats qui,tous, les uns après les autres, vinrent baiser la croix. Le prêtreparcourut ensuite toutes les casernes, qu’il aspergea d’eaubénite ; quand il arriva à la cuisine, il vanta le pain de lamaison de force qui avait de la réputation en ville ; lesdétenus manifestèrent aussitôt le désir de lui envoyer deux painsfrais encore tout chauds, qu’un invalide fut chargé de lui porterimmédiatement. Les forçats reconduisirent la croix avec le mêmerespect qu’ils l’avaient accueillie ; presque tout de suiteaprès, le major et le commandant arrivèrent. On aimait lecommandant, on le respectait même. Il fit le tour des casernes encompagnie du major, souhaita un joyeux Noël aux forçats, entra dansla cuisine et goûta la soupe aux choux aigres. Elle était fameusece jour-là : chaque détenu avait droit à près d’une livre deviande ; en outre, on avait préparé du gruau de millet, etcertes le beurre n’y avait pas été épargné. Le major reconduisit lecommandant jusqu’à la porte et ordonna aux forçats de dîner.Ceux-ci s’efforçaient de ne pas se trouver sous ses yeux. Onn’aimait pas son regard méchant, toujours inquisiteur derrière seslunettes, errant de droite et de gauche, comme s’il cherchait undésordre à réprimer, un coupable à punir. On dîna. Le cochon delait d’Akim Akimytch était admirablement rôti. Je ne pusm’expliquer comment cinq minutes après la sortie du major il y eutune masse de détenus ivres tandis qu’en sa présence tout le mondeétait encore de sang-froid. Les figures rouges et rayonnantesétaient nombreuses ; des balalaïki[22] firentbientôt leur apparition. Le petit Polonais suivait déjà en jouantdu violon un riboteur qui l’avait engagé pour toute la journée etauquel il raclait des danses gaies. La conversation devint de plusen plus bruyante et tapageuse. Le dîner se termina cependant sansgrands désordres. Tout le monde était rassasié. Plusieursvieillards, des forçats sérieux, s’en furent immédiatement secoucher, ce que fit aussi Akim Akimytch qui supposait probablementqu’on devait absolument dormir après dîner les jours de fête. Levieux-croyant de Starodoub, après avoir quelque peu sommeillé,grimpa sur le poêle, ouvrit son livre ; il pria la journéeentière et même fort tard dans la soirée, sans un instantd’interruption. Le spectacle de cette « honte » lui était pénible,comme il le disait. Tous les Tcherkesses allèrent s’asseoir sur leseuil ; ils regardaient avec curiosité, mais avec une nuancede dégoût, tout ce monde ivre. Je rencontrai Nourra : « Aman, Aman,me dit-il dans un élan d’honnête indignation et en hochant la tête,— ouh ! Aman ! Allah sera fâché ! » Isaï Fomitchalluma d’un air arrogant et opiniâtre une bougie dans son coin etse mit au travail, pour bien montrer qu’à ses yeux ce n’était pasfête. Par-ci par-là des parties de cartes s’organisaient. Lesforçats ne craignaient pas les invalides, on plaça pourtant dessentinelles pour le cas où le sous-officier arriverait àl’improviste, mais celui-ci s’efforçait de ne rien voir. L’officierde garde fit en tout trois rondes ; les détenus ivres secachaient vite, les jeux de cartes disparaissaient en un clind’œil ; je crois qu’au fond il était bien résolu à ne pasremarquer les désordres de peu d’importance. Être ivre n’était pasun méfait ce jour-là. Peu à peu tout le monde fut en gaieté. Desquerelles commencèrent. Le plus grand nombre cependant était desang-froid, en effet il y avait de quoi rire rien qu’à voir ceuxqui étaient sortis. Ceux-là buvaient sans mesure. Gazinetriomphait, il se promenait d’un air satisfait près de son lit decamp, sous lequel il avait caché son eau-de-vie, enfouie à l’avancesous la neige derrière les casernes, dans un endroit secret ;il riait astucieusement en voyant les consommateurs arriver enfoule. Il était de sang-froid et n’avait rien bu du tout, car ilavait l’intention de bambocher le dernier jour des fêtes, quand ilaurait préalablement vidé les poches des détenus. Des chansonsretentissaient dans les casernes. La soûlerie devenait infernale,et les chansons touchaient aux larmes. Les détenus se promenaientpar bandes en pinçant d’un air crâne les cordes de leur balalaïka,la touloupe jetée négligemment sur l’épaule. Un chœur de huit à dixhommes s’était même formé dans la division particulière. Ilschantaient d’une façon supérieure avec accompagnement de guitareset de balalaïki. Les chansons vraiment populaires étaient rares. Jene me souviens que d’une seule, admirablement dite : Hier, moijeunesse J’ai été au festin… C’est au bagne que j’entendis unevariante à moi inconnue auparavant. À la fin du chant étaientajoutés quelques vers : Chez moi jeunesse, Tout est arrangé. J’ailavé les cuillers, J’ai versé la soupe aux choux, J’ai gratté lespoteaux de porte, J’ai cuit des pâtés. Ce que l’on chantaitsurtout, c’étaient les chansons dites « de forçats ». L’uned’elles, « Il arrivait… », tout humoristique, raconte comment unhomme s’amusait et vivait en seigneur, et comme il avait été envoyéà la maison de force. Il épiçait son « bla-manger de Chinpagne »,tandis que maintenant On me donne des choux à l’eau Que je dévore àme fendre les oreilles. La chanson suivante, trop connue, étaitaussi à la mode : Auparavant je vivais, Gamin encore, je m’amusaisEt j’avais mon capital… Mon capital, gamin encore, je l’ai perdu Etj’en suis venu à vivre dans la captivité… et cætera. Seulement onne disait pas capital chez nous, mais copital, que l’on faisaitdériver du verbe copit (amasser). Il y en avait aussi demélancoliques. L’une d’elles, assez connue, je crois, était unevraie chanson de forçats : La lumière céleste resplendit, Letambour bat la diane, L’ancien ouvre la porte, Le greffier vientnous appeler. On ne nous voit pas derrière les murailles Ni commenous vivons ici. Dieu, le Créateur céleste, est avec nous, Nous nepérirons pas ici… etc. Une autre chanson encore plus mélancolique,mais dont la mélodie était superbe, se chantait sur des parolesfades et assez incorrectes. Je me rappelle quelques vers : Monregard ne verra plus le pays Où je suis né ; À souffrir destourments immérités Je suis condamné toute ma vie. Le hiboupleurera sur le toit Et fera retentir la forêt. J’ai le cœur navréde tristesse, Je ne serai pas là-bas. On la chante souvent, maisnon pas en chœur, toujours en solo. Ainsi, quand les travaux sontfinis, un détenu sort de la caserne, s’assied sur le perron ;il réfléchit, son menton appuyé sur sa main, et chante en traînantsur un fausset élevé. On l’écoute, et quelque chose se brise dansle cœur. Nous avions de belles voix parmi les forçats. Cependant lecrépuscule tombait. L’ennui, le chagrin et l’abattementreparaissaient à travers l’ivresse et la débauche. Le détenu qui,une heure avant, se tenait les côtes de rire, sanglotait maintenantdans un coin, soûl outre mesure. D’autres en étaient déjà venus auxmains plusieurs fois ou rôdaient en chancelant dans les casernes,tout pâles, cherchant une querelle. Ceux qui avaient l’ivressetriste cherchaient leurs amis pour se soulager et pleurer leurdouleur d’ivrogne. Tout ce pauvre monde voulait s’égayer, passerjoyeusement la grande fête, — mais, juste ciel ! comme ce jourfut pénible pour tous ! Ils avaient passé cette journée dansl’espérance d’une félicité vague qui ne se réalisait pas. Pétrofaccourut deux fois vers moi : comme il n’avait que peu bu, il étaitde sang-froid, mais jusqu’au dernier moment, il attendit quelquechose, qui devait arriver pour sûr, quelque chose d’extraordinaire,de gai et d’amusant. Bien qu’il n’en dit rien, on le devinait à sonregard. Il courait de caserne en caserne sans fatigue… Rienn’arriva, rien à part la soûlerie générale, les injures idiotes desivrognes et un étourdissement commun de ces têtes enflammées.Sirotkine errait aussi, paré d’une chemise rouge toute neuve,allant de caserne en caserne, joli garçon, comme toujours, fortpropret ; lui aussi, doucement, naïvement, il attendaitquelque chose. Peu à peu le spectacle devint insupportable,répugnant, à donner des nausées ; il y avait pourtant deschoses visibles, mais j’étais tout triste sans motif. J’éprouvaisune pitié profonde pour tous ces hommes, et je me sentais commeétranglé, étouffé au milieu d’eux. Ici deux forçats se disputentpour savoir lequel régalera l’autre. Ils discutent depuislongtemps ; ils ont failli en venir aux mains. L’un d’euxsurtout a de vieille date une dent contre l’autre : il se plaint enbégayant, et veut prouver à son camarade que celui-ci a agiinjustement quand il a vendu l’année dernière une pelisse et cachél’argent. Et puis, il y avait encore quelque chose… Le plaignantest un grand gaillard, bien musclé, tranquille, pas bête, mais qui,lorsqu’il est ivre, veut se faire des amis et épancher sa douleurdans leur sein. Il injurie son adversaire en énonçant ses griefs,dans l’intention de se réconcilier plus tard avec lui. L’autre, ungros homme trapu, solide, au visage rond, rusé comme un renard,avait peut-être bu plus que son camarade, mais ne paraissait quelégèrement ivre. Ce forçat a du caractère et passe pour êtreriche ; il est probable qu’il n’a aucun intérêt à irriter soncamarade, aussi le conduit-il vers un cabaretier ; l’amiexpansif assure que ce camarade lui doit de l’argent et qu’il esttenu de l’inviter à boire « s’il est seulement ce qu’on appelle unhonnête homme ». Le cabaretier, non sans quelque respect pour leconsommateur et avec une nuance de mépris pour l’ami expansif, carcelui-ci boit au compte d’autrui et se fait régaler, prend unetasse et la remplit d’eau-de-vie. — Non, Stepka (Étiennet), c’esttoi qui dois payer, parce que tu me dois de l’argent. — Eh !Je ne veux pas me fatiguer la langue à te parler, répond Stepka. —Non, Stepka, tu mens, assure le premier, en prenant la tasse que lecabaretier lui tend — tu me dois de l’argent ; il faut que tun’aies pas de conscience ; tiens, tes yeux mêmes ne sont pas àtoi, tu les as empruntés comme tu empruntes tout. Canaille,va ! Stepka ! en un mot, tu es une canaille ! —Qu’as-tu à pleurnicher ? regarde, tu répands toneau-de-vie ! Puisqu’on te régale, bois ! crie lecabaretier à l’ami expansif — je n’ai pas le temps d’attendrejusqu’à demain. — Je boirai, n’aie pas peur, qu’as-tu àcrier ? Mes meilleurs souhaits à l’occasion de la fête,Stépane Doroféitch ! dit celui-ci poliment en s’inclinant, satasse à la main, du côté de Stepka, qu’une minute auparavant ilavait traité de canaille. « Porte-toi bien et vis cent ans, sanscompter ce que tu as déjà vécu ! » Il boit, grogne un soupirde satisfaction et s’essuie. — En ai-je bu auparavant, del’eau-de-vie ! dit-il avec un sérieux plein de gravité, enparlant à tout le monde sans s’adresser à personne en particulier —mais voilà, mon temps finit. Remercie-moi, StépaneDoroféitch ! — Il n’y a pas de quoi. — Ah ! tu ne veuxpas me remercier, alors je raconterai à tout le monde ce que tum’as fait ; outre que tu es une grande canaille, je te dirai…— Eh bien, voilà ce que je te dirai, vilain museau d’ivrogne ?interrompt Stepka qui perd enfin patience. Écoute et fais bienattention, partageons le monde en deux, prends-en une moitié et moil’autre, et laisse-moi tranquille. — Ainsi tu ne me rendras pas monargent. — Quel argent veux-tu encore, soûlard ? — Quand tu… mele rendras dans l’autre monde, eh bien, je ne le prendrai pas.Notre argent, c’est la sueur de notre front, c’est le calus quenous avons aux mains. Tu t’en repentiras dans l’autre monde, turôtiras pour ces cinq kopeks. — Va-t’en au diable ! — Qu’as-tuà me talonner ? Je ne suis pas un cheval. — File !allons, file ! — Canaille ! — Forçat ! Et voilà lesinjures qui pleuvent, plus fort encore qu’avant la régalade. Deuxamis sont assis séparément sur deux lits de camp, l’un est degrande taille, vigoureux, charnu, un vrai boucher : son visage estrouge. Il pleure presque, car il est très-ému. L’autre, vaniteux,fluet, mince, avec un grand nez qui a toujours l’air d’être enrhuméet de petits yeux bleus fixés en terre. C’est un homme fin et bienélevé, il a été autrefois secrétaire et traite son ami avec un peude dédain, ce qui déplaît à son camarade. Ils avaient bu ensembletoute la journée. — Il a pris une liberté avec moi ! crie leplus gros, en secouant fortement de sa main gauche la tête de soncamarade. « Prendre une liberté » signifie frapper. Ce forçat,ancien sous-officier, envie secrètement la maigreur de sonvoisin ; aussi luttent-ils de recherche et d’élégance dansleurs conversations. — Je te dis que tu as tort… dit d’un tondogmatique le secrétaire, les yeux opiniâtrement fixés en terred’un air grave, et sans regarder son interlocuteur. — Il m’afrappé, entends-tu ! continue l’autre en tiraillant encoreplus fort son cher ami. — Tu es le seul homme qui me reste ici-bas,entends-tu ! Aussi je te le dis : il a pris une liberté. — Etje te répéterai qu’une disculpation aussi piètre ne peut que tefaire honte, mon cher ami ! réplique le secrétaire d’une voixgrêle et polie — avoue plutôt, cher ami, que toute cette soûlerieprovient de ta propre inconstance. L’ami corpulent trébuche enreculant, regarde bêtement de ses yeux ivres le secrétairesatisfait, et tout à coup il assène de toutes ses forces son énormepoing sur la figure maigrelette de celui-ci. Ainsi se terminel’amitié de cette journée. Le cher ami disparaît sous les lits decamp, éperdu… Une de mes connaissances entre dans notre caserne,c’est un forçat de la section particulière, extrêmement débonnaireet gai, un garçon qui est loin d’être bête, très-simple et railleursans méchante intention : c’est précisément celui qui, lors de monarrivée à la maison de force, cherchait un paysan riche, déclaraitqu’il avait de l’amour-propre et avait fini par boire mon thé. Ilavait quarante ans, une lèvre énorme, un gros nez charnu etbourgeonné. Il tenait une balalaïka, dont il pinçait négligemmentles cordes ; un tout petit forçat à grosse tête, que jeconnaissais très-peu, auquel du reste personne ne faisaitattention, le suivait comme son ombre. Ce dernier était étrange,défiant, éternellement taciturne et sérieux ; il travaillaitdans l’atelier de couture et s’efforçait de vivre solitaire, sansse lier avec personne, Maintenant qu’il était ivre, il s’étaitattaché à Varlamof comme son ombre, et le suivait, excessivementému, en gesticulant, en frappant du poing la muraille et les litsde camp : il pleurait presque. Varlamof ne le remarquait pas plusque s’il n’eût pas existé. Le plus curieux, c’est que ces deuxhommes ne se ressemblaient nullement ; ni leurs occupations,ni leurs caractères n’étaient communs. Ils appartenaient à dessections différentes et demeuraient dans des casernes séparées. Onappelait ce petit forçat : Boulkine. Varlamof sourit en me voyantassis à ma place près du poêle. Il s’arrêta à quelques pas de moi,réfléchit un instant, tituba et vint de mon côté à pas inégaux, ense déhanchant crânement ; il effleura les cordes de soninstrument et fredonna en frappant légèrement le sol de sa bottesur un ton de récitatif : Ma chérie À la figura pleine et blancheChante comme une mésange ; Dans sa robe de satin À labrillante garniture Elle est très-belle. Cette chanson mit Boulkinehors de lui, car il agita ses bras, et cria en s’adressant à toutle monde : — Il ment, frères, il ment comme un arracheur de dents.Il n’y a pas une ombre de vérité dans tout ce qu’il dit. — Mesrespects au vieillard Alexandre Pétrovitch ! fit Varlamof enme regardant avec un rire fripon ; je crois même qu’il voulaitm’embrasser. Il était gris. Quant à l’expression « Mes respects auvieillard un tel », elle est employée par le menu peuple de toutela Sibérie, même en s’adressant à un homme de vingt ans. Le mot de« vieillard » marque du respect, de la vénération ou de laflatterie, et s’applique à quelqu’un d’honorable, de digne. — Ehbien, Varlamof, comment vous portez-vous ? —Couci-couça ! tout à la douce. Qui est vraiment heureux de lafête, est ivre depuis le grand matin. Excusez-moi ! Varlamofparlait en traînant. — Il ment, il ment de nouveau ! fitBoulkine en frappant les lits de camp dans une sorte de désespoir.On aurait juré que Varlamof avait donné sa parole d’honneur de nepas faire attention à celui-ci, c’était précisément ce qu’il yavait de plus comique, car Boulkine ne quittait pas Varlamof d’unesemelle depuis le matin, sans aucun motif, simplement parce quecelui-ci « mentait » à ce qu’il lui semblait. Il le suivait commeson ombre, lui cherchait chicane pour chaque mot, se tordait lesmains, battait des poings contre la muraille et sur les lits deplanche, à en saigner, et souffrait, souffrait visiblement de laconviction qu’il avait que Varlamof « mentait comme un arracheur dedents ». S’il avait eu des cheveux sur la tête, il se les seraitcertainement arrachés dans sa douleur, dans sa mortificationprofonde. On aurait pu croire qu’il avait pris l’engagement derépondre des actions de Varlamof, et que tous les défauts decelui-ci bourrelaient sa conscience. L’amusant était que le forçatcontinuait à ne pas remarquer la comédie de Boulkine. — Ilment ! il ment ! il ment ! Rien devraisemblable !… criait Boulkine. — Qu’est-ce que ça peut biente faire ? répondirent les forçats en riant. — Je vous dirai,Alexandre Pétrovitch, que j’étais très-joli garçon quand j’étaisjeune et que les filles m’aimaient beaucoup, beaucoup… fitbrusquement Varlamof de but en blanc. — Il ment ! Le voilà quiment encore ! l’interrompit Boulkine en poussant ungémissement. Les forçats éclatèrent de rire. — Et moi, je faisaisle beau devant elles ; j’avais une chemise rouge, despantalons larges, en peluche, je me couchais quand je voulais,comme le comte de la Bouteille ; en un mot, je faisais tout ceque je pouvais seulement désirer. — Il ment ! déclarerésolument Boulkine. —J’avais alors hérité de mon père une maisonde pierre, à deux étages. Eh bien, en deux ans, j’ai mis bas lesdeux étages, il m’est resté tout juste une porte cochère sanscolonnes ni montants. Que voulez-vous ? l’argent, c’est commeles pigeons, il arrive et puis il s’envole. — Il ment !déclare Boulkine plus résolument encore… — Alors, quand je suisarrivé, au bout de quelques jours, j’ai envoyé une pleurrade(lettre) à ma parenté pour qu’ils m’expédient de l’argent. Parcequ’on disait que j’avais agi contre la volonté de mes parents,j’étais irrespectueux. Voilà tantôt sept ans que je l’ai envoyée,ma lettre ! — Et pas de réponse ? demandai-je ensouriant. — Eh non ! fit-il en riant lui aussi et enapprochant toujours plus son nez de mon visage. — J’ai ici uneamoureuse, Alexandre Pétrovitch !… — Vous ? uneamoureuse ? — Onuphrief disait, il n’y a pas longtemps : Lamienne est grêlée, laide tant que tu voudras, mais elle a beaucoupde robes ; tandis que la tienne est jolie, mais c’est unemendiante, elle porte la besace. — Est-ce vrai ? —Parbleu ! elle est mendiante ! dit-il. Il pouffait derire sans bruit, tout le monde rit aussi. Chacun savait, en effet,qu’il était lié avec une mendiante à laquelle il donnait en toutdix kopeks chaque six mois, — Eh bien ! que mevoulez-vous ? lui demandai-je, car je désirais m’endébarrasser, Il se tut, me regarda en faisant la bouche en cœur, etme dit tendrement : — Ne m’octroierez-vous pas pour cette cause dequoi boire un demi-litre ? Je n’ai bu que du thé aujourd’huide toute la journée, ajouta-t-il d’un ton gracieux, en prenantl’argent que je lui donnai, et voyez-vous, ce thé me tracassetellement que j’en deviendrai asthmatique ; j’ai le ventre quime grouille… comme une bouteille d’eau ! Comme il prenaitl’argent que je lui tendis, le désespoir moral de Boulkine neconnut plus de limites ; il gesticulait comme un possédé. —Braves gens ! cria-t-il à toute la caserne ahurie, levoyez-vous ? Il ment ! Tout ce qu’il dit, tout, tout estmensonge. — Qu’est-ce que ça peut te faire ? lui crièrent lesforçats qui s’étonnaient de son emportement, tu es absurde ! —Je ne lui permettrai pas de mentir, continua Boulkine en roulantses yeux et en frappant du poing de toutes ses forces sur lesplanches, je ne veux pas qu’il mente ! Tout le monde rit.Varlamof me salue après avoir pris l’argent, et se hâte, en faisantdes grimaces, d’aller chez le cabaretier. Il remarqua seulementalors Boulkine. — Allons ! lui dit-il en s’arrêtant sur leseuil de la caserne, comme si ce dernier lui était indispensablepour l’exécution d’un projet. — Pommeau ! ajouta-t-il avecmépris en faisant passer Boulkine devant lui ; il recommença àtourmenter les cordes de sa balalaïka. À quoi bon décrire cetétourdissement ! Ce jour suffocant s’achève enfin. Les forçatss’endorment lourdement sur leurs lits de camp. Ils parlent etdélirent pendant leur sommeil encore plus que les autres nuits.Par-ci par-là on joue encore aux cartes. La fête, si impatiemmentet si longuement attendue, est écoulée. Et demain, de nouveau lelabeur quotidien, de nouveau aux travaux forcés…

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