Un mousse de Surcouf

Chapitre 8EN CHASSE

L’équipage de Surcouf égalait en nombre celuid’un vaisseau de guerre. Il avait à son bord quatre cent vingthommes, dont trois cents étaient recrutés tant parmi les marins del’île que parmi ceux que le bruit de ses exploits avait attirés deFrance. Soixante autres étaient Irlandais, Italiens, Espagnols,Grecs. Le reste était composé de nègres et de mulâtres indiens.Tous ces hommes se distinguaient par une bravoure féroce qui enfaisait les plus redoutables pillards qu’on eût pu réunir.

Clavaillan n’avait que quatre-vingt-douzehommes à son bord, dont soixante étaient canonniers. Lestrente-deux autres, au nombre desquels figuraient Evel, Ustaritz etGuillaume Ternant, représentaient les matelots véritables, gabierset mousses. Ce chiffre suffisait à la manœuvre de laSainte-Anne . Le brick allait être un bon acolyte duvaisseau.

On mit à la voile dans la première quinzainede janvier 1806.

D’abord, les deux navires prirent la route dunord-est, espérant y trouver des prises faciles pour se faire lamain. Mais les premiers mois furent infructueux.

C’est qu’en ce moment, malgré la catastrophede Trafalgar, la France et l’Empire étaient à l’apogée de leurgloire.

Tandis que l’Angleterre détruisait la flottefrançaise sur les côtes d’Espagne, Napoléon, contraint à renoncer àses projets de descente dans l’île, levait le camp de Boulogne,franchissait le Rhin et prenait le général autrichien Mack avectrente mille hommes dans Ulm.

Un mois et demi plus tard, il brisait lacoalition par le coup de foudre d’Austerlitz, écrasant l’arméeaustro-russe et forçant l’empereur François à demander la paix.

Ces victoires éclatantes amenaient la paix dePresbourg, qui ne devait pas être de longue durée, à la vérité,mais qui suffisait, pourtant, à dompter l’Europe et à intimiderpour un temps l’Angleterre. On prêtait, en outre, à la Francel’intention de refaire ses flottes et de porter tous ses effortssur l’Océan.

De telles menaces n’avaient point été sansjeter l’effroi parmi les armateurs de la Grande-Bretagne,et, bien qu’ils poussassent les constructions avec une activitéfébrile, peu de leurs navires se hasardaient dans les mers du sudet de l’est. De là le peu d’occasions offertes à Surcouf et à sescompagnons. C’était pour ce même motif que la femme du colonelStanhope, la cousine de lady Blackwood, n’avait point osé prendrela mer et avait différé son départ d’Angleterre.

Le corsaire fut mis au courant des nouvellesde l’Europe par un trois-mâts anglais qu’il parvint pourtant àcapturer vers le milieu de mars.

Il était trop bon marin pour ignorer quelleroute suivaient de préférence les grands voiliers. Maintenant qu’ilpossédait deux navires à sa disposition, il résolut d’agir en chefd’escadre et dressa un plan d’attaque auquel il associa Clavaillan,dont la Sainte-Anne remplissait le rôle d’éclaireur.

On descendit donc sous la ligne, et l’on semit à croiser les îles et le cap de Bonne-Espérance, afin desurprendre les convois à cet angle toujours dangereux de lanavigation. Surcouf tint la mer au large, le marquis eut mission depousser des pointes aventureuses sur les côtes d’Afrique.

Or c’était là, précisément, que les naviresanglais cherchaient et trouvaient des refuges, autant contre lespérils de la mer que contre les surprises de la guerre.

Les golfes et les baies innombrables leurpermettaient des relâches qui, sans doute, retardaient leur marche,mais, en même temps, les assuraient contre les attaques imminentesdu large. Ils pouvaient ainsi gagner de proche en proche, atteindreles abords de Madagascar et, selon l’occasion, suivre la voiedirecte par la haute mer ou se jeter dans le canal deMozambique.

Car, malgré les assurances de l’Amirautéanglaise, le commerce n’avait pas Confiance. Ilconnaissait les terribles approches des îles françaises ; ilsavait que, pour Surcouf, il n’existait ni temps, ni espace, et quele formidable corsaire, prompt comme la foudre, apparaissaitbrusquement là où on l’attendait le moins.

C’était pour obvier à cette prudence desbateaux marchands anglais que Surcouf, d’accord avec Clavaillan,avait résolu de fouiller les côtes d’Afrique.

L’audace était grande. Que pouvait le brickavec ses douze canons contre une frégate ou même une simplecorvette, s’il venait à la rencontrer ?

Mais le succès constant de ses entreprisesavait précisément fait de l’audace une des méthodes de Surcouf. Ilcomptait en outre sur la vitesse prodigieuse de ses navires. Avecun bon vent, la Sainte-/finie, aussi bien que le Revenant,pouvait filer douze nœuds.

Clavaillan se lança donc hardiment à larecherche des voiliers anglais.

Ses prévisions étaient fondées.

En moins d’un mois, aux alentours de la baieDelagoa, il avait coulé six navires et en avait capturé quatre.C’étaient de petites prises, à vrai dire, mais dont le totalreprésentait un million de piastres. Partout le jeune lieutenant deSurcouf avait fait bonne besogne, et c’était en triomphe qu’ilétait reçu chaque fois qu’il rentrait dans les ports français,traînant à sa remorque les navires pris à l’ennemi.

De son côté, Surcouf ne restait pas inactif.Il écumait la mer avec une foudroyante promptitude, et telle étaitla rapidité de manœuvres des deux corsaires que les Anglaisépouvantés croyaient à la présence d’une flottille entière attachéeà la destruction de leur commerce.

Dans l’Inde on se ressentait de ces retards,et les produits d’Europe étaient devenus d’une cherté fabuleuse. Onne buvait plus le vin, la bière ou le whisky qu’à petites gorgées,et les femmes des officiers de Sa Majesté britannique en étaientréduites à se vêtir comme les épouses des riches babons. Desimprécations continuelles jaillissaient de toutes les bouches, etc’était à qui trouverait une malédiction plus violente contre cedamné Surcouf et ses lieutenants maudits.

Ceci se passait dans le courant de l’annéeiSo6, et l’orgueil d’Albion subissait des humiliations graves,tandis que le monde retentissait du bruit de la gloire de Napoléon.Iéna avait épouvanté l’Europe, et la coalition de la Prusse, de laRussie et de l’Angleterre allait encore subir les terribles coupsd’Eylau et de Friedland.

Au mois de janvier 1807, Clavaillan captura untrois-mâts sur lequel, entre autres denrées, il trouva unchargement complet de vins et d’étoffes.

Mais ce qui l’édifia et l’instruisit mieux quetoute dépêche confidentielle, ce fut la découverte, à bord dunavire, d’un assortiment complet de journaux anglais annonçantqu’une escadre de six vaisseaux traversait l’Atlantique pour venirrenforcer celle du commodore John Harris, afin de purger l’océanIndien des corsaires qui l’infestaient.

Une idée d’une audace extrême germa aussitôtdans l’esprit du marquis.

Il s’empressa donc de rallier son chef et luiexposa son projet.

Le trois-mâts qu’il venait de prendre, grandnavire d’aspect débonnaire, d’allures nonchalantes, n’en était pasmoins un excellent voilier appartenant à la maison Jameson and C°,de Londres. La riche cargaison dont il était porteur étaitaccompagnée d’une liasse de traites payables à vue par la maisoncorrespondante des commerçants londoniens. Le navire se nommait leGood Hope et était à destination de Bombay. En feuilletantles papiers recueillis, Clavaillan y avait trouvé une dépêchechiffrée formulant les instructions du capitaine :« Voyager, si possible, sous pavillon français, avec unéquipage d’Espagnols, de Maltais et de Grecs, afin de donner lechange aux corsaires. »

Le capitaine et son second étaient les seulsAnglais du bord.

Clavaillan profita de cette occasion pouraccomplir une des ruses de guerre les plus périlleuses que jamaisforban ait mises en œuvre.

Il vint trouver Surcouf et lui soumit le plande sa tentative.

Surcouf l’écouta silencieusement, puis,souriant, lui dit :

« Jacques, ce que tu te proposes de faireest un trait de génie, mais c’est un coup très hasardeux. Je tesais capable de l’accomplir. Fais à ta guise. »

Or, cette conception qui semblait hasardeuse àSurcouf lui-même était la suivante : Clavaillan allait quitterson bord, qu’il laisserait au commandant de son second, et, grâce àsa connaissance de la langue anglaise, ferait voilé vers Bombay où,grimé, méconnaissable, il conduirait le Good Hope, ydébarquerait la cargaison du navire, toucherait le montant destraites prises avec le bateau anglais, et reprendrait la mer souspavillon britannique.

En ce moment, les deux corsaires croisaient àla hauteur des Seychelles.

Après une escale de quarante-huit heuresdestinée à réparer les avaries superficielles que le canon de laSainte-Anne avait faites au bordé du Good Hope,ce dernier, laissant aux mains des corsaires le capitaine et lesecond anglais, mais conservant son équipage de Grecs, de Maltaiset d’Espagnols, renforcé d’une demi-douzaine de nègres, auxquelsClavaillan avait donné pour chefs immédiats Evel et Ustaritz,reprit paisiblement sa course.

Il s’agissait de mener à bien le périlleuxprojet du jeune corsaire.

Naturellement, Guillaume Ternant, bien qu’ilne sût rien de ce projet, faisait partie du nouvel équipage. Élevédans l’Inde, il parlait le tamoul, usité sur la côte Malabar, etl’anglais avec une perfection qu’aucun défaut d’accent ne déparait.Jacques avait vu en lui un précieux auxiliaire.

On fut heureusement servi par la mousson etl’on entra dans les eaux anglaises vers le milieu de février.

Le moment était venu de mettre en œuvre toutela ruse dont on était capable.

Jacques appela donc auprès de lui ses troiscompagnons d’évasion. Il tint conseil avec eux et leur exposa sesintentions.

Au premier moment, ce fut une véritablestupeur. Ni Evel, ni Ustaritz n’eussent osé croire à une semblableaudace de la part de leur chef.

Mais la stupeur fit bientôt place àl’admiration la plus vive.

« Voyons, dit Jacques, il ne faut pasperdre de temps. Disposons toutes choses en vue du rôle que nousallons jouer. Parles-tu anglais, Evel ?

— Hum ! fit le Breton, je le parlemal, mais je le parle.

— Tant pis ! Moi, je le parle bien,mais j’ai été prisonnier à Bombay. J’ai peur d’être reconnu. Ilfaudrait que tu pusses passer pour mon second.

— Pourquoi faire, commandant ?

— Je vais te le dire. Tu déclarerais queje suis malade, et qu’on ne sait pas bien de quoi. Je me charge desimuler une maladie éruptive.

— Ah ! Et pourquoi simulerez-vouscette maladie, commandant ?

— Parce qu’on nous mettra en quarantaine,et on enverra un médecin visiter le navire. Or, leurs médecins nesont pas très forts. Celui qu’ils enverront croira tout ce que jelui dirai.

— Bon, mais, moi, je n’aurai l’air qued’un Anglais mauvais teint. »

La remarque était juste. Elle fit froncer lessourcils au jeune officier.

« C’est très ennuyeux. Je serai contraintde risquer le paquet moi-même. Clavaillan congédia ses compagnonsafin de méditer seul sur la conduite à tenir. »

Enfermé dans sa cabine, il se mit à feuilleterle rôle. Les indications qu’il fournissait sur le personnel étaientbrèves.

Le capitaine Franck Hollis était né à Londres.C’était donc un pur Anglais.

Quant au second, John Llewyn, il étaitoriginaire du pays de Galles.

En prenant connaissance de ce détail, lemarquis ne put retenir un cri de joie.

Il rappela tout aussitôt Guillaume et les deuxmatelots.

« Evel, dit-il, tu es né dans le Léon, sije ne me trompe.

— Oui, commandant.

— Et tu dois savoir parler le bas-breton,j’imagine ?

— Oh ! pour ça, oui, commandant. Jele parle mieux que le français.

— Eh bien ! mon garçon, nous sommessauvés.

« Écoute bien ce que je vais tedire. »

Les trois auditeurs ouvraient des yeux pleinsd’étonnement. Clavaillan poursuivit :

« Regarde cette feuille, dit-il enmontrant le rôle. Le second du navire s’appelle John Llewyn. C’estun Gallois, comme qui dirait un frère jumeau des Bretons, et lalangue des Gallois est cousine germaine du breton.

— Je ne comprends pas très bien, répliquaEvel dont les traits épanouis confirmaient surabondamment cettedéclaration.

— Tu ne comprends pas, tête de fer !C’est pourtant facile à comprendre. »

Et, insistant sur ses paroles, il en donnatoute l’explication désirable.

« C’est toi qui vas devenir le secondLlewvn, tandis que je serai, moi, le capitaine Frank Hollis. Le peud’anglais que tu parles sera suffisant. Pour le surplus, tu leurbaragouineras du breton, et Will t’accompagnera pour t’épargner dessottises et t’aider à te tirer d’affaire. »

Evel hocha la tête, mais finit pasacquiescer.

« Ah ! si le moussaillonm’accompagne, ça va. Je ne me serais jamais tiré d’embarras toutseul. Mais avec lui, c’est différent. Nous réussirons. »

Alors Clavaillan s’adressa au Basque et luidemanda :

« Et toi, Piarrille, parles-tu un peul’anglais ?

— Si peu que rien, répondit Ustaritz.D’ailleurs, je n’ai pas l’accent.

— Très bien. Mais, au moins, en taqualité de Pyrénéen, sais-tu quelques mots d’espagnol, de manière àte faire comprendre de ceux qui sont à notre bord ? Je ne t’endemande pas davantage.

— Oh ! pour ça, commandant, je vousen donne ma parole. Je parle l’espagnol aussi bien que le français,sans me vanter, je vous assure.

— Fichtre ! se récria le marquis, ilvaudrait peut-être mieux que tu leur parlasses français toutsimplement, en ce cas. »

Ustaritz ne comprit pas l’ironie, qui plissad’un imperceptible sourire les lèvres de Guillaume Ternant.

Mais cette ironie ne fut pas justifiée, car,le jour même, en remontant sur le pont, Jacques put s’assurer queson matelot se faisait très bien comprendre D’ailleurs, ce mêmejour, Ustaritz lui donna une bonne nouvelle.

« Commandant, dit-il, je viensd’apprendre une chose qui m’a charmé. Les six matelots espagnolsqui sont à bord professent une sainte haine de l’Anglais. Ce sontdes cachottiers qui n’ont pris du service sur le Good Hopeque pour pouvoir venger sur les Ingliches le désastre de leurflotte à Trafalgar. Ils m’ont raconté qu’ils avaient formé ledessein de tuer leur capitaine et leur second, de s’emparer dunavire et de venir se joindre à Surcouf. »

Cette révélation trouva le marquis sinonincrédule, tout au moins méfiant.

« Hum ! fit-il, je ne crois pasbeaucoup à cette histoire de complot. Cependant, elle pourrait êtrevraie. Tiens-toi néanmoins sur tes gardes et donne-toi garde deleur révéler quoi que ce soit de nos projets.

— Soyez tranquille, commandant. On semettra un boulet de trente-six sur la langue. »

Et, en fait, Pierre Ustaritz, jusque-là bavardcomme une pie borgne, devint muet comme une carpe. Il ne soufflamot.

Le moment devenait critique et l’on était envue de la côte de Coromandel.

Jacques, après avoir fait son point, constataque, le lendemain, vers trois heures de l’après-midi, on entreraitdans le port de Bombay.

C’était le lieu de prendre les dernièresmesures de précaution.

En conséquence, Jacques prépara lui-même unemixture de plantes qu’il connaissait depuis longtemps et dont lesuc très âpre avait la propriété de rougir l’épiderme à l’égald’une carapace de langouste cuite et de le couvrir de phlyctènes duplus inquiétant aspect.

Il donna l’ordre à Evel de prendre lecommandement effectif du bateau.

Le Breton avait pris son rôle à cœur. Ilgouverna prudemment dans les dangereux parages du grand portindien, et signala pour demander un pilote. Puis, comme onl’interrogeait, il fit savoir qu’il y avait un malade à bord, cequi lui valut sur-le-champ l’ordre de s’arrêter.

Une embarcation, montée par douze hommes et unofficier et amenant un médecin, s’approcha à respectueuse distancedu bateau contaminé.

Arrivé à portée suffisante, l’officier ducanot commença la conversation avec le secours du porte-voix.

« Vous avez annoncé des malades à votrebord ? »

Ce fut Will qui souffla les réponses au tropsimple Breton.

« Je n’ai pas dit des, j’ai dit unmalade, répondit Evel.

— Et quel est ce malade ?

— Le capitaine Franck Hollis enpersonne.

— Ah ! Et de quoi est-ilmalade ? Depuis combien de temps ?

— Depuis trois jours environ. C’est, jecrois, la fièvre scarlatine. »

Il est peu de maladies que les Anglaisredoutent à l’égal de la fièvre scarlatine à laquelle leurtempérament les prédispose et qui exerce chez eux des effetsbeaucoup plus funestes que parmi les autres races du continent.

La barque s’arrêta donc à quelque distance etenjoignit au Good Hope de détacher son propre canot pourvenir chercher le médecin.

Evel s’empressa d’obtempérer à l’ordre qu’onlui donnait.

Un canot fut descendu. Ce fut Ustaritz,escorté de quatre Espagnols, qui alla quérir le praticien anglais,auquel il remit les déclarations signées à Londres et qui firentfoi aux yeux de l’officier de port.

Le médecin embarqua donc seul et vint à borddu trois-mâts.

Il descendit, non sans répugnance, dans lacabine du capitaine, qu’il trouva aussi rouge qu’une tomate, ce quile dispensa de lui tâter le pouls.

Convaincu qu’il avait affaire à un véritablemalade, il regagna le canot, et le navire suspect fut mis enquarantaine.

Restait la question du déchargement desmarchandises.

Au bout de quarante-huit heures d’observation,Evel fut autorisé à se mettre en rapport avec les correspondants dela maison Jameson. Mais, pour effectuer la livraison, le servicesanitaire décida qu’aucun membre de l’équipage du navire contaminéne prendrait terre, et que les commerçants intéressés emploieraientdes coolies indigènes au travail du déchargement desmarchandises.

« Voilà qui tombe à merveille, s’écriaJacques de Clavaillan dès que la nouvelle lui eut été communiquée.De cette façon, les Ingliches nous épargnent eux-mêmes lesdifficultés du mensonge. » L’événement répondit aux espérancesdu jeune corsaire.

Le quatrième jour après que le GoodHope avait mouillé devant le wharf, l’enlèvement desmarchandises s’opérait, et les correspondants de la maison Jamesonversaient aux mains du pseudo capitaine Hollis la somme de vingtmille livres sterling, soit d’un demi-million de francs.

« Il ne nous reste plus qu’à déguerpir auplus vite », conclut le marquis.

Le soir venu, il monta sur le pont, s’assuraque les abords du mouillage étaient libres de toute surveillance etdécida que l’on lèverait l’ancre au matin.

Or, vers minuit, il se produisit dans le portune certaine émotion.

Une escadrille composée d’une frégate et dedeux corvettes avait été signalée vers midi, et voici que les feuxdes trois vaisseaux annonçaient leur entrée imminente dans leport.

La frégate s’appelait le Kent, et desdeux corvettes, l’une était la Eagle, que commandait sirGeorge Blackford, le cousin de l’aimable Anglaise qui avait remis àJacques un flot de rubans destinés à le préserver de la corde.

« Ce n’est pas aujourd’hui que jecauserai avec ce gentleman, pensa le marquis. Il y aurait trop detémoins à notre conversation. »

Mais de peur d’éveiller les soupçons par untrop brusque départ, il fit faire très secrètement les préparatifset attendit que les vaisseaux de guerre eussent dépassél’appontement du wharf.

On graissa donc les câbles, les chaînes, lespoulies, et tout le monde se tint prêt pour l’appareillage. Aupetit jour, on leva l’ancre, et le Good Hope, évoluantavec une lenteur calculée, glissa au milieu des bateaux et desbarques qui l’entouraient.

Quand on fut à un demi-mille du port, lenavire se couvrit de toile.

Le vent était assez faible et les dernièresheures de la nuit ne donnèrent qu’une très petite avance au grandvoilier.

Il s’agissait, en effet, de gagner de vitesseet de courir vers le sud, dans la prévision que les Anglaisauraient découvert l’audacieuse supercherie.

Il pouvait se faire, en effet, que laflottille eût eu connaissance des évènements accomplis au voisinagedes îles Seychelles et que ses chefs eussent deviné le stratagèmeauquel le lieutenant de Surcouf avait eu recours.

Et Clavaillan était d’autant plus pressé demettre de l’espace entre lui et la côte indienne qu’il avait donnél’ordre à son second de le suivre à bonne distance avec laSainte-Marie.

Si les deux navires parvenaient à opérer leurjonction, les chances pourraient se rétablir en faveur du corsaire.Serré de trop près, il coulerait le Good Hope et fuiraitavec le brick.

La nuit s’acheva sans incident. Mais quand lesoleil fut levé, la vigie du Good Hope signala troisvoiles au nord-est.

Clavaillan s’arma de sa lunette et reconnutles vaisseaux.

Il n’y avait pas de doute possible : lesAnglais lui donnaient la chasse.

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