Un mousse de Surcouf

Chapitre 9APPRENTISSAGE

« Eh bien, petit Will, dit Evel àGuillaume, tu fais ton apprentissage dans de mauvaisesconditions.

— Pourquoi mauvaises ? demandal’enfant.

— Parce que, si nous ne sommes passecourus d’ici ce soir, nous serons de nouveau appelés à visiterles côtes et les paysages de l’Inde, à moins qu’il ne plaise aucommandant de nous faire sauter.

— Oh ! fit le petit garçon, voilàune perspective peu agréable.

— Comme tu dis, gamin. Ce n’est pas drôlede se faire sauter, mais ça vaut mieux tout de même que de serendre. On garde, au moins, l’honneur. »

En ce moment Jacques de Clavaillan parut surle pont.

Il gravit rapidement le gaillard, la lunetteen main, et interrogea l’horizon.

Maintenant les trois vaisseaux anglaisapparaissaient distinctement. Tout à fait en tête, précédant lesdeux autres d’un mille, au jugé, se détachait une fine corvette.Celle-ci gagnait de vitesse, et il était manifeste qu’elleatteindrait le trois-mâts à la fin de la journée.

Les ordres de Jacques furent brefs etdécisifs.

Le Good Hope se couvrit de toute latoile possible. Perroquets et cacatois furent arborés, et le navirepliant sous la voilure, donnant de la bande, parvint à compenserl’allure des poursuivants.

À six heures du soir, la corvetteEagle n’avait pas gagné sur lui. Le Good Hopemaintenait ses distances sans trop de peine.

Il les maintint encore pendant toute la nuitqui suivit.

À l’aube, les vaisseaux anglais étaienttoujours en vue, au nord.

Mais une voile nouvelle venait de surgir ausud-ouest.

« Encore un Anglais ! » s’écriaUstaritz avec un rugissement de colère.

Jacques de Clavaillan, pâle, mais résolu,appela ses fidèles acolytes.

« Garçons, leur dit-il, nous n’avons plusguère que le choix entre les divers genres de mort, car j’imagineque vous n’avez pas l’intention de vous rendre.

— Ah ! non, pour le sûr et lecertain ! s’exclama Evel, serrant les poings.

— Voici donc ce que je vous propose. Il ya deux cents livres de poudre à bord. Evel va en porter deux barilsdans ma chambre et je placerai Will auprès du reste. Il aural’ordre de mettre le feu à la mèche.

— Bien ! répondit le Basque, etc’est vous qui donnerez l’ordre ?

— C’est moi. Quand je jugerai le momentvenu, c’est-à-dire quand il n’y aura plus moyen de fuir, jefeindrai de me rendre et je laisserai porter sur le plus proche desvaisseaux. Nous nous collerons à son flanc, et nous l’emporteronsavec nous dans l’autre monde.

— Bravo, commandant ! fit Evel.C’est agir en Français, ça. Et que le bon Dieu nous pardonne sinous nous présentons devant lui sans qu’il nous ait appelés. Maisil ne nous a pas laissé le choix. »

Ustaritz présenta toutefois une objectionsérieuse et naturelle.

« Ne craignez-vous pas de confier à cetenfant une mission trop au-dessus de ses forces et de soncaractère ? Ne va-t-il pas trembler et se refuser à lamort ? Il est triste d’entraîner ce pauvre petit dans lamort. »

Les yeux du jeune corsaire se mouillèrent. Illes essuya vivement.

« Tu as raison, garçon. Mais pouvons-nousfaire autrement ? S’il m’était possible de l’éloigner, je leferais de grand cœur. Mais le livrer aux Anglais, le condamner à lavie du bagne, aux pontons, à toutes les tortures de la captivité,ce serait plus cruel encore. D’ailleurs, au poste où je le place,il sera le premier mort. Il ne souffrira pas. »

Il brusqua l’entretien sur ces paroles, etchargea les deux matelots de veiller à l’exécution de ses ordres entenant à l’œil les Espagnols prêts à toutes les défections.

« Envoyez-moi l’enfant »,commanda-t-il en les congédiant.

Cinq minutes plus tard, Guillaume entrait dansla cabine du commandant. Jacques de Clavaillan l’appela et le fitasseoir devant lui.

« Will, commença-t-il d’une voix grave,tu as voulu être marin ?

— Oui, répondit l’enfant, je l’ai vouluet je le veux encore.

— As-tu bien considéré les dangers et lesobligations de cette carrière ?

— Oui, dit encore le petit garçon. Jesavais tout ce qui m’attendait.

— Pas plus en tête à tête que devant tamère et ta sœur, je ne t’ai dissimulé les périls de la voie où tuvoulais t’engager.

« Il y a quelques mois encore, à Bourbon,je t’ai offert de te laisser achever tes études pour entrer dans lamarine de l’État. As-tu quelque reproche à m’adresser ?

— Non, commandant, je n’ai qu’à vousremercier de votre affection. »

Alors Clavaillan ne fut plus maître de sonémotion.

« Ne m’appelle pas commandant en cemoment, parle-moi comme autrefois, à Ootacamund, car ce que je veuxte dire encore est grave. »

Will répondit affectueusement à cette paroleamicale qui l’invitait.

« J’ai à vous dire, bon ami, que j’ai lecœur plein de reconnaissance envers vous. »

De nouveau les larmes montèrent aux yeux dujeune corsaire.

« Écoute, Will. Quel est, selon toi, ledevoir du commandant d’un navire qui se voit au moment de tomberentre les mains de l’ennemi ?

— Il doit résister de toutes ses forces,jusqu’à la mort, dit hardiment Guillaume.

— Tu as bien dit : jusqu’à la mort,n’est-ce pas ?

— Oui, jusqu’à la mort. C’est là sondevoir. Vous-même me l’avez enseigné. »

Clavaillan se leva et, entraînant l’enfant surle promenoir qui ceinturait en balcon l’étambot du GoodHope, il lui montra l’horizon du nord.

« Combien vois-tu de voiles là-bas ?interrogea-t-il.

— Trois. Ce sont les trois vaisseauxanglais devant lesquels nous courons.

— Bravo ! tu n’as pas voulu dire“nous fuyons”. Tu as bien fait. »

Il l’amena à l’autre extrémité du balcon et,lui désignant le sud-ouest :

« Et là-bas, qu’aperçois-tuencore ?

— Une autre voile qui semble se dirigervers nous.

— Oui, elle vient sur nous. Un autreanglais sans cloute qui veut nous couper la retraite ?

— Ah ! » prononça l’enfantd’une voix grave, très recueilli.

Il se fit un moment de silence entre les deuxinterlocuteurs.

« Comprends-tu maintenant le sens de mesparoles ? demanda le marquis.

— Je comprends que, si nous évitons ceuxdu nord, nous tombons sur celui du midi.

— Oui, poursuivit Jacques, et, comme nousn’avons pas un canon pour nous défendre, force nous est de nousrendre.

— Ou de mourir », prononçasolennellement le petit garçon.

Il y eut un nouveau silence, au bout duquelJacques reprit :

« Es-tu prêt à mourir,Guillaume ? »

Le mousse pâlit, ce qui ne l’empêcha point derépondre : « Bon ami, pourquoi vivrais-je, si vousmouriez ? »

Et il ajouta, avec une naïveté qui remua lecœur du marquis :

« Souffre-t-on beaucoup pourmourir ?

— Will, répliqua Clavaillan, c’est là unequestion à laquelle nul vivant ne pourrait répondre. Mais, puisquetu la poses si ingénument, je te dirai que je ne le crois pas.

— Alors, raison de plus pour que la mortne m’effraie pas. »

Clavaillan le considéra en silence, sanschercher à retenir les larmes qui lui venaient aux yeux et quicoulaient sur ses joues.

« Will, murmura-t-il, je puis te procurerune mort qui ne te fera pas souffrir, la mort la plus rapide qu’unhomme puisse souhaiter. »

Il se tut. L’enfant fixait sur lui de grandsyeux où se lisait une énergie virile et une résolutioninébranlable.

« Je crois vous comprendre, commandant.Vous voulez faire sauter le bateau anglais qui nous porte.

— Tu l’as dit. Je ferai sauter leGood Hope avec celui des vaisseaux anglais quej’aborderai. Ça te va-t-il ?

— Oui, répéta Guillaume avec la mêmefermeté. Et je devine même que c’est à moi que vous voulez confierle soin de mettre le feu à la poudre qui fera sauter le GoodHope.

— Allons, conclut Clavaillan, tu es unvaillant garçon. Tu as le cœur bien placé. Ceux qui parleront detoi à ta mère et à ta sœur leur diront : “Guillaume était unhéros !” »

Et, guidant l’enfant, il descendit avec luidans la cale.

Là, il l’introduisit dans la soute auxpoudres. Déjà Evel et Ustaritz s’y occupaient à enlever les barilsréclamés par Jacques.

Celui-ci montra à l’enfant l’un des barils etlui recommanda de s’y asseoir.

Il lui mit aux mains une lanterne allumée.

« Quand je t’en donnerai l’ordre par leporte-voix, tu approcheras la lumière de la mèche, et tout seradit. Tu ne souffriras pas. »

Puis, plaçant la lampe à deux ou trois pas dela zone dangereuse, le marquis et les deux matelots remontèrent surle pont.

Guillaume demeura seul dans sa retraitesombre.

Alors, quand il n’y eut plus personne pour levoir, le courage du petit fut mis à une terrible épreuve.

Il était seul dans ce trou noir qu’éclairaitsinistrement la flamme d’une lampe fumeuse encore assombrie par leverre épais et la garniture de mailles de fer dont elle étaitentourée.

Autour de lui, les ténèbres, tapissées detoiles d’araignées, se peuplaient de fantômes menaçants. Des formesde cauchemar y grimaçaient dans l’ombre, ajoutant les épouvantes del’imagination à l’horreur de la situation. Il vivait par avance sonagonie.

Un bruit continu, ou plutôt un susurrementsans trêve emplissait ce silence de tombe. C’était le glissementinsensible de l’eau sur les flancs du navire, et ce frôlement dulinceul humide dominait tout, enveloppait Guillaume, passantau-dessus de sa tête.

De temps à autre, un craquement sec éclataitdans le bois ; de petites rumeurs paraissaient sourdre descoins les plus noirs. Quelque rat s’échappait d’un angle,apparaissait dans la plaque claire que projetait la lanterne surl’étroit plancher, et, surpris de cette lumière, s’enfuyait pourrevenir, l’instant d’après.

Ou bien, un frémissement d’élytres, accompagnéd’une odeur nauséabonde, révélait à Will le voisinage d’uncancrelat sortant des fentes et des joints de la carcasse. Alors,des nausées lui venaient, et la défaillance physique s’ajoutait auxtortures morales.

Et, vraiment, ces tortures étaient excessivespour un enfant de douze ans. La force et la constance d’un homme yauraient succombé. Will fut pourtant héroïque.

Une heure, puis deux, puis trois s’écoulèrent.Aucun ordre ne vint d’en haut lui enjoignant de tuer ou demourir.

Las, nerveux, à bout de résistance auxsuggestions de l’angoisse et de la terreur, il en était venu àsouhaiter que cet ordre vînt au plus tôt.

Les enfants ignorent la mort. De là naîtpeut-être leur plus grand courage contre elle.

Will n’avait jamais vu mourir. Il ne savaitdonc pas comment était faite cette chose inconnue : lamort.

Son œil n’avait jamais contemplé une formerigide drapée dans un suaire, une face livide aux narines pincées,aux orbites caves, aux lèvres décolorées et sans souffle. Sonoreille n’avait point entendu ce souffle haletant et crépitantqu’on appelle le râle de l’agonie. Il n’avait pas vu ce dernierregard, ce renversement effroyable des paupières qui est la suprêmeconvulsion du corps vaincu, après lequel le grand repos s’étend surla dépouille.

Il ne pouvait donc comprendre ce qu’il y a dehideux dans le trépas, et ce que celte hideur annonce peut-être deterreur et de souffrance.

Les images qui hantaient son esprit étaienttoutes matérielles.

Il avait peur de la nuit, du silence, desrats, des bêtes, de l’ombre, de l’eau qui susurrait et clapotait lelong des flancs du navire.

Et, peu à peu, à mesure que grandissait lafatigue nerveuse, une sorte de décourageaient gagnait l’enfant etil se sentait envahi par une torpeur paralysante.

Maintenant d’autres images surgissaient,images douces et chères, qui auraient dû être consolantes et quin’étaient que des causes nouvelles de chagrin et d’amertume.

Il revoyait sa`mère et sa sœur. Depuis plusd’un an qu’il les avait quittées, jamais leur souvenir ne s’étaitprésenté à lui aussi intense, aussi poignant, affolant son esprit,lacérant son cœur.

Mme Ternant, Anne ! Il les revoyaitdans leur petite maison de la montagne, assises dans leur chambreou sous la véranda qui donnait sur la forêt. Il croyait entendre lebruit de leurs voix, leur douce conversation. Elles parlaient ducher absent, de lui, de lui, Will, qui allait mourir.

Ou bien, c’était dans la grande salle oùPatrick O’Donovan réunissait toute sa famille, sa femme et ses sixgarçons, où Will, sa mère et sa sœur s’étaient si souvent assis àla table du repas. Il voyait le bon Irlandais prononçant de bonnesparoles jaillies du cœur, s’efforçant de consoler les deux pauvresfemmes, annonçant le retour prochain du petit exilé.

Et Will, malgré la distance, dans un rêve ameret triste en même temps, voyait pleurer sa mère, étouffant sessanglots dans son mouchoir, et Anne se penchant sur elle, pendue àson épaule, sanglotant aussi, tout en essayant de calmer la douleurmaternelle. Oh ! ce tableau-là était plus cruel que tous lesautres !

Ou plutôt il était le seul cruel. Les autres,toutes ces visions de terreur, Guillaume les repoussait encore detoute l’énergie de sa volonté.

Il avait sa conscience pour lui affirmer quela mort n’est qu’un passage douloureux et qu’il est au pouvoir del’homme de faire ce passage glorieux ; que la honte et ledéshonneur sont la pire flétrissure que la dignité humaine puissesubir. Et ce témoignage de sa conscience, les leçons de sa mère,celles de son père, mort prisonnier des Anglais, l’avaient depuislongtemps corroboré.

Mais la douleur de la séparation, les adieux,la ruine des plus douces espérances, il ne pouvait les supporter.Ne plus revoir, en ce monde du moins, celles qu’il chérissait detoute son âme, oh ! cela, il ne pouvait l’accepter, il enrepoussait l’affreuse hypothèse.

Et il pleurait, le pauvre enfant, et la nuitse faisait plus noire au fond de son cœur meurtri comme sur sesyeux voilés de larmes.

Maintenant, la lueur seule de la lanternel’éclairait. L’espèce de clarté vague que laissaient filtrer lesjoints des planches s’était éteinte. Le jour extérieur avait prisfin.

Combien y avait-il d’heures que Guillaumeétait là, enfermé dans son sépulcre flottant ? Il n’aurait sule dire.

Tout à coup, la trappe qui livrait passage surl’échelle de la cave s’ouvrit.

Quelqu’un se pencha dans l’ouverture dupanneau et appela :

« Es-tu là ? »

Guillaume avait reconnu la voix. Ilrépondit :

« Je suis là, bon ami. Est-ce que c’estle moment ? »

Et frémissant, il prit la lanterne ets’apprêta à démasquer la mèche.

« Garde-toi bien d’ouvrir, cria la voixinquiète du commandant. Je vais te faire glisser l’échelle. Turemonteras. »

Quelques secondes plus tard, Will était auxcôtés de Clavaillan.

« Est-ce que je ne vais pasredescendre ? questionna l’enfant.

— Non, tu ne redescendras plus. Mon planest changé. Il n’est plus question de mourir. Viens, et tu saurasce qu’il te reste à faire. »

Guillaume suivit le marquis dans sa cabine.Là, d’un geste rapide, celui-ci lui montra à l’horizon du sud-ouestle navire entrevu le matin, mais, à cette heure, considérablementrapproché.

« Voici ce que nous allons faire, » ditle jeune commandant.

Et, comme Guillaume, attentif, ouvrait lesoreilles toutes grandes :

« Nous allons mettre un canot à la mer.Tu embarqueras seul. Au lieu de fuir l’Anglais, tu iras à sarencontre. On te prendra peut-être, mais il vaudrait mieux qu’on nete prît pas. »

L’enfant était plongé dans une surpriseprofonde. Il ne comprenait plus rien du tout. À quoi pouvait servircette fuite ?

Sa stupeur était d’autant plus profonde quec’était ce même Jacques de Clavaillan qui lui avait dit quelquesheures plus tôt qu’il valait mieux mourir que de se rendre.

Et maintenant il envisageait de sang-froidl’hypothèse d’une capture. Est-ce que ses pensées avaient changé decours ?

« Oui, reprit le corsaire, il vaudraitmieux qu’on ne te prît pas. »

Il se répétait, et cette répétition mêmeachevait de dérouter l’esprit de Guillaume Ternant. Où Jacquesvoulait-il en venir ?

Le pauvre enfant ne pouvait deviner que lesquelques heures écoulées depuis le moment où Jacques l’avait placéà la soute aux poudres, avec ordre d’y mettre le feu au premiersignal qui lui serait donné, avaient modifié complètement lejugement de son chef.

Le marquis, en effet, avait éprouvé quelquechose qui ressemblait à un remords.

Il s’était dit que la mort d’un enfant étaitinutile à la conservation de l’honneur du pavillon français.

Et ce remords l’avait obsédé ; il n’avaitpas voulu mourir avec ce cloute affreux dans l’esprit.

Déjà ce remords lui reprochait de recourir ausuicide, et il n’avait apaisé les scrupules de sa conscience qu’ense disant qu’il mourait pour la patrie.

Il s’était donc résolu à sauver Guillaumeautant qu’il lui était possible d’assurer le salut de l’enfant. Etil était venu l’arracher au poste périlleux qu’il lui avaitassigné.

Dans une âme plus fruste, moins accessible auxdélicatesses de la conscience, la question d’humanité se fûtpeut-être posée tout autrement. Un homme plus rude se fût peut-êtredit qu’il y avait plus de cruauté encore à abandonner le mousse auxdangers de l’océan, aux menaces de la mort par la soif et la faim,qu’à l’entraîner dans la glorieuse destruction du navire.

Mais Jacques de Clavaillan était trop bon ettrop jeune pour concevoir et surtout pour exécuter d’aussifarouches résolutions.

Contre les périls de la mer n’avait-il pas uneréponse toute trouvée ?

Ne se rappelait-il pas la fuite de Madras surle canot de plaisance de lady Blackwood, sa course à traversl’océan Indien sous le fouet de la tourmente, dans l’agonie de lasoif et de l’abandon ?

Et, cependant, la Providence avait pris soindes fugitifs. Elle les avait sauvés au moment où ils se voyaientsur le point de périr.

Est-ce que cette même Providence ne veilleraitpas sur l’enfant ?

« Ne tente pas Dieu ! » luicriait la voix de sa conscience, corroborée par les incitations dela foi en Dieu.

Mais une autre voix répondait victorieusementà celle-ci :

« Nul n’a le droit de supprimer la vied’une créature raisonnable tant qu’il reste un espoir de conservercette vie. »

Imposer à Will l’ordre de faire sauter leGood Hope, c’était le condamner à la mort immédiate, sanssursis possible.

L’abandonner seul sur cette mer inconnue,c’était lui laisser une chance d’échapper à la condamnation sansappel.

Une fois cette résolution prise, Jacques nevoulut pas même s’accorder le délai de la réflexion, de crainte quesa volonté ne fléchît.

Il alla donc chercher l’enfant dans la cale etlui signifia son désir. Les mesures étaient prises, d’ailleurs,pour que l’ordre s’exécutât sans délai. Le canot se balançait déjàau bout des palans.

Will s’y suspendit après avoir embrassésuccessivement Jacques, Evel et Ustaritz, qui se détournaient pourcacher leurs larmes.

Quand il fut à flot, il saisit lesavirons.

« Au moins, comme ça, fit le Breton ens’essuyant les yeux, nous ne le verrons pas mourir. C’est uneconsolation.

— C’est lui, au contraire, le pitchoun,qui nous verra mourir », prononça le Basque, en regardant lebateau qui se balançait dans le sillage du trois-mâts.

Et tandis que, penchés sur le bastingage, ilsadressaient des signes de la main au mousse déjà distancé, un cride celui-ci leur parvint. Ils virent Guillaume debout, leurdésignant le navire inconnu qui venait du sud-ouest.

Le vaisseau anglais louvoyait à bâbord duGood Hope et c’était le pavillon tricolore qui battait àsa corne.

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