La Conspiration des milliardaires – Tome IV – La revanche du Vieux Monde

Chapitre 2Premières recherches

Lelendemain matin, un dimanche, Olivier Coronal, descendant del’omnibus qu’il avait pris à la gare Montparnasse, dans lesenvirons de laquelle il s’était logé provisoirement, s’engageait àpied dans le faubourg du Temple.

– Voyons, fit-il au bout d’un moment, ensortant un petit carnet de sa poche, c’est bien dans cette rue quela brave Mme Goupit s’est établiefruitière ?

« Parfaitement. Je ne me suis pas trompé.Encore une centaine de numéros et j’y serai, dit l’inventeur encontinuant délibérément l’ascension des hauteurs de Belleville. Nuldoute que je ne trouve Léon chez sa mère. Ou je le connais bienmal, ou son premier soin, en arrivant à Paris après deux annéesd’absence, a été d’aller la voir. Sa mère !… Combien de foisen a-t-il parlé en Amérique ! C’est grâce à lui qu’elle a puquitter son dur métier de marchande à la voiture. Doit-elle êtreheureuse, la bonne fruitière, de voir son gamin devenu un hommesérieux et marié avec une brave jeune fille.

Bien que ce fût dimanche, jour de repos,l’animation était grande dans le faubourg. Des familles entièresd’ouvriers s’en allaient, en costume de fête, passer la journéechez des parents ou des amis. On se pressait aux guichets dufuniculaire, on échangeait de joyeux propos et des quolibets.

La foule des ménagères, le panier ou le filetau bras, emplissait les boutiques des épiciers, des boulangers, desbouchers, entourait les petites voitures des marchandes dequatre-saisons.

Le dimanche est le meilleur jour de vente pourles modestes commerçants de la rue.

On a travaillé toute la semaine. Le dimanchevenu, l’ouvrier s’offre quelques douceurs.

Le gigot, les fruits et le vin font apparitionsur sa table. La journée se passe en famille. Souvent le repas seprolonge fort avant dans l’après-midi.

Pour l’observateur, rien de plus curieux, deplus intéressant que les faubourgs.

La vie de l’ouvrier, ses goûts, ses mœurs, lamanière dont il envisage les choses apparaissent en pleine lumièrerien que dans la façon dont il s’exprime, dont il cause librementdans la rue.

Il n’est pas habitué à choisir sesexpressions ; ses mots sont parfois rudes, mais ils disentbien ce qu’ils veulent dire.

Une conversation de ménagères ou detravailleurs est souvent plus instructive, relativement à l’étatd’âme de la classe ouvrière, qu’un gros in-folio bourré de chiffreset de dissertations philosophiques.

Cependant, Olivier Coronal était parvenudevant une boutique peinte en vert, à l’étalage de laquelles’entassaient des piles de légumes, des paniers de fruits, le toutdisposé proprement, sur des planches.

– Ce doit être là, fit-il. Nous allonsvoir si je suis vraiment changé, si Mme Goupit mereconnaîtra.

Coiffée d’un bonnet blanc qui laissait sortirdes mèches de ses cheveux gris, un tablier bleu devant elle, lesmanches retroussées jusqu’aux coudes malgré le froid, la fruitières’occupait de servir une demi-douzaine de ménagères tout en leurtenant conversation.

C’était vraiment le type de la femme du peupleà Paris que la mère de Léon, avec sa bonne figure ridée, n’ayantpas peur de crier ses sentiments, peu patiente, faisant beaucoup debruit à propos de rien, mais d’un cœur excellent, d’une honnêteté àtoute épreuve.

Dans ce coin de Belleville, elle était connuede tout le monde.

Le faubourg du Temple, elle l’avait parcourupendant des années, poussant devant elle sa voiture ; etlorsque, grâce aux quelques milliers de francs envoyés par Léon,elle avait pu monter sa boutique, les clientes n’avaient pasmanqué.

Ses affaires prospéraient ; mais, économed’instinct, la fruitière avait continué de vivre aussi modestementque par le passé. Elle n’avait rien changé à ses habitudes detravail.

– Moi, disait-elle souvent, pourvu quej’aie mon journal et ma tasse de café bien chaud, quand je me lèvele matin pour aller aux Halles, c’est tout ce que je demande.

– Vous avez bien raison, allez,mâm’Goupit, disaient les commères. C’est pas toujours la fortunequi fait le bonheur.

Depuis que son fils était revenu, la joie dela fruitière ne connaissait plus de bornes. Elle était fière de sonLéon, et des compliments que lui faisaient toutes ses voisines surl’allure martiale et décidée du jeune homme.

Celui-ci était devenu tout à coup le héros duquartier.

On savait qu’il était allé en Amérique, onracontait même qu’il était le héros d’aventuresextraordinaires ; et le mari de Betty n’en finissait pas derépondre à toutes les questions qu’on lui faisait de part etd’autre.

Olivier Coronal avait pénétré dans la boutiqueaprès avoir attendu que les clientes fussent parties.

En voyant entrer l’inventeur, la mère de Léons’était précipitée à sa rencontre.

– Ah ! monsieur Coronal,s’écria-t-elle. C’est-il donc que vous êtes revenu aussi delà-bas ! Excusez-moi, que je m’essuie un peu les mains,fit-elle en voyant qu’Olivier lui tendait la main en souriant.

– Mais oui, ma bonne dame, dit-il, c’estbien moi, de retour d’Amérique. Et Léon ? Que fait-il ?Je suppose qu’il est venu vous voir.

– Oh ! dès le premier jour, le cherenfant, et avec sa femme ! Il aime bien sa mère, allez… Vousêtes venu pour le voir ? Ça tombe bien, c’est aujourd’huidimanche, il m’a promis de venir déjeuner avec moi. Mais entrezdonc chez nous, monsieur Coronal. Donnez-moi votre pardessus etvotre chapeau.

Tout heureuse, la brave femme, empressée,faisait asseoir le visiteur dans l’unique pièce qui composait sonlogement.

Olivier remarqua que la table était déjà mise.Une armoire à glace, un buffet, un lit de noyer soigneusementrecouvert d’un couvre-pieds blanc composaient le mobilier de lafruitière.

Sur le marbre de la cheminée, dans un cadre depeluche rouge, se trouvait le portrait du père de Léon, un bravehomme aussi qui, pendant fort longtemps, avait été au service de lafamille Coronal. Mais ce qui amusa l’inventeur, ce fut de voir, lelong des murs, des photographies sans doute exécutées par leBellevillois, puisqu’elles représentaient des coins de forêts, desmaisons de bois, des rues américaines.

– Figurez-vous, dit la fruitière, quec’est ma bru qui les a rapportées. Tenez, voici la photographie deleur maison là-bas ; et puis, celle-là, c’est Léon avec unfusil et de grandes bottes. Fallait tout de même qu’il ait ducourage, fit-elle avec une nuance d’orgueil, pour s’en aller toutseul, comme il me l’a raconté, dans des bois « où la main del’homme n’a jamais mis le pied ».

La fruitière allait sans doute continuer sesbavardages, lorsqu’une voix joyeuse se fit tout à coupentendre.

– Il n’y a personne à la boutique ?demanda Léon qui venait d’entrer, en compagnie d’une jeunefemme.

– Mais si, me voilà. Et je ne suis pastoute seule. Devine qui est venu pour te voir ?

– Ah çà ! c’est épatant !…m’sieur Olivier !… Ah ! par exemple, c’est tropfort ! Si je m’attendais à celle-là, s’écria le Bellevilloisen s’élançant vers son ancien maître. Mais comment ça se fait-ilque vous êtes à Paris ?… J’aurais donné ma parole que vousn’aviez pas quitté Chicago.

– Tu te serais trompé, Léon, ditl’inventeur très amusé par l’exubérante satisfaction du jeunehomme. J’ai décidé de revenir en France. J’en avais assez de la vieaméricaine. Et puis, il y a d’autres raisons que tu devines bien,et pour lesquelles je suis précisément venu te voir. Nous enparlerons plus tard.

– Mais attendez donc, je ne vous ai pasencore présenté ma femme ! s’exclama Léon avec un certain aird’importance.

« Betty, appela-t-il, viens donc que jete présente… C’est monsieur Olivier, tu sais bien, mon ancienmaître de Chicago.

– Mais pourquoi parles-tu anglais ?demanda l’inventeur.

– Pas moyen de faire autrement. Depuisdeux mois seulement que nous sommes en France, elle connaît à peineassez de français pour faire elle-même ses commissions.

La jeune femme s’était approchée, et saluaitgentiment Olivier Coronal, qui la considérait en souriant.

Au grand désespoir de la fruitière, qui n’ycomprenait pas un mot, tous trois entamèrent une conversation enanglais.

– C’est toute une histoire la façon dontnous nous sommes connus, dit Léon. Je vous donne ma parole qu’onfait des comédies moins mouvementées.

– Eh bien, tu nous raconteras cela uneautre fois, répondit Olivier. J’aurais voulu t’entretenirsérieusement ; mais comme je ne veux pas troubler votre petitefête, je vais prendre rendez-vous avec toi pour un autre jour.

– Comment ! s’exclama Léon, enfrançais cette fois, de façon à être compris de sa mère, vousn’allez pas accepter de déjeuner avec nous !… Maman va êtredésolée de votre refus.

– Pour sûr, monsieur Coronal, que vousdevriez bien rester, insista la fruitière. Vous nous feriez bienplaisir, allez !

– Mais non, je vous dérangerais, madameGoupit.

– Si on peut dire ! Vous, medéranger ! Jamais de la vie, au contraire ! fit la bravefemme en levant les bras au ciel. Le dimanche, pour me reposer unpeu, je prends une femme de ménage pour servir à la boutique. Nousdéjeunerons bien tranquillement, et vous pourrez emmener Léonensuite si vous voulez.

– Après tout ce que vous avez fait pourmon mari, vous ne pouvez pas refuser, disait à son tour Betty.

– Eh bien, c’est entendu, je déjeune avecvous.

– À table alors. Tout est prêt, fitmadame Goupit.

On déjeuna fort gaiement. Comme il avait étéconvenu, Léon laissa Betty chez sa mère, et suivit OlivierCoronal.

– Tu m’as donc dit que tu avais trouvéune place dans une usine, fit Olivier, lorsqu’ils furent seuls.Mais pourquoi n’es-tu pas allé voir nos amis les Golbert ?

– Oh ! fit Léon, aller voir NedHattison ! Il m’en voudrait d’une pareille démarche. Il nepeut oublier, malgré tout, que j’ai causé la mort de son père.

– Tu te trompes, répondit l’ingénieur.J’ai causé avec lui. Je ne dis pas que la mort du directeur deSkytown le laisse indifférent, non ; mais il la considèrecomme une chose inévitable, nécessaire même. Sa grandeur d’âme m’aprofondément touché. Je t’assure que tu n’as pas baissé dans sonestime.

– C’est bien vrai ? demanda Léon.Mais comme vous dites, il faut qu’il soit devenu bien attachémaintenant aux idées européennes…

– Il l’est en effet, et il nous en adonné la preuve. Mais j’en viens tout de suite au but de ma visite.Il faut, maintenant que nous avons tout le temps devant nous, quetu rassembles tes souvenirs, et que tu me décrives minutieusementtout ce que tu as vu et entendu dans le palais de Harry Madge.

– Oh ! c’est bien facile. Jepourrais vivre cent ans sans jamais oublier un seul détail desévénements extraordinaires de cette nuit. Seulement, il y abeaucoup de choses que je ne comprends pas.

– Parle toujours.

Avec une grande sûreté de mémoire, Léonretraça à son maître les étranges scènes dont il avait été témoin,caché derrière la grille d’un soupirail, dans le parc de HarryMadge, sans rien oublier, en reproduisant presque textuellement lesparoles des milliardaires.

Il décrivit les expériences de lévitation dufakir, celles de la lecture à distance du sachem peau-rouge, cellesencore, plus curieuses, des deux frères yankees, et enfin luirépéta tout ce qu’il avait retenu du discours qu’avait prononcéHarry Madge.

– C’est bien, je te remercie, ditl’inventeur. Tu viens de dissiper mes derniers doutes.

– N’oubliez pas, ajouta Léon, que pour mapart je suis toujours à votre disposition. Chaque fois que vousaurez besoin d’un coup de main, je suis là.

– Je suis ravi de t’entendre parlerainsi ; et d’abord j’espère bien que tu vas quitter l’emploique tu as accepté dans une usine… Que gagnes-tu par jour ?

– Cinq francs, dit Léon.

– Eh bien, moi je t’offre deux centsfrancs par mois.

– Vous n’avez pas besoin de m’offrirdavantage, répliqua le jeune homme, presque blessé de la générositéd’Olivier. Pour être de nouveau à votre service, je consentiraismême à gagner beaucoup moins qu’à mon usine.

– Je sais que tu es un brave garçon, fitOlivier très touché. Mais tu n’ignores pas que nous allons avoir àtravailler d’une façon formidable. Je veux, moi aussi, approfondirces questions psychiques dont tout le monde parle et que tout lemonde connaît mal. Tu seras le préparateur de mon laboratoire. Jesuis, Dieu merci, grâce à la générosité de l’ingénieur Strauss, enétat de faire des recherches pour mon propre compte.

– Entendu, acquiesça joyeusement Léon. Etquand commençons-nous ?

– Dans quelques jours. Je veux louer,dans le voisinage de Meudon, un pavillon isolé où je puisse melivrer à mes études dans un parfait recueillement.

– Et mon ami Tom Punch ? demandatout à coup Léon. Pouvez-vous me donner de ses nouvelles ?

– Tu veux sans doute parler de ce géantventru, au visage couleur de lie de vin, qui fut autrefois lemajordome de William Boltyn ?

– Naturellement, répondit leBellevillois. Vous savez bien qu’il n’a pas voulu accompagnerM. Ned en Amérique, et qu’ayant obtenu dans un concert unengagement comme joueur de banjo, il est resté à Paris.

– Oui, je le sais. Il n’est pas reparuchez Ned Hattison. On ignore ce qu’il est devenu.

– C’est dommage, dit Léon. C’était unbien gai camarade, et un intrépide buveur.

– Qui ne manquera pas, certain jour, dese réveiller avec une attaque de delirium tremens,compléta Olivier… Au revoir, mon bon Léon. Je te laisse à tafamille.

La semaine suivante, Olivier Coronal prenaitpossession, à Clamart, d’une petite maison qu’entourait un jardinbordé de hauts murs.

À quelques pas de la forêt, isolée par sasituation des autres habitations du bourg, cette maisonnette,élevée seulement d’un étage, se composait de trois pièces aurez-de-chaussée et d’autant au premier.

Olivier transforma la plus vaste de ces piècesen bibliothèque et en cabinet de travail.

Des caisses de livres arrivèrent chaque jourde Paris. C’étaient, en partie, des traités de sciencesexactes : mécanique, chimie, physique, etc., toute uneencyclopédie dans laquelle figuraient, à côté des documents del’Antiquité, les derniers travaux des savants contemporains ;et, d’autre part, toute une collection de ces volumes délaissés dugros public, et que quelques curieux sont seuls à lireactuellement.

C’étaient des livres de magie, d’alchimie,d’astrologie, de chiromancie.

Les Modernes étaient représentés dans cettecollection par le docteur William Crookes, le colonel de Rochas, ledocteur Papus, le docteur Paul Gibier, Stanislas de Guaita, etd’autres.

Délibérément, Olivier se mit à cette étude,toute nouvelle pour lui.

L’ingénieur Golbert et Ned Hattisontravaillaient, de leur côté, dans le même sens.

De temps à autre, tous trois se réunissaientpour échanger les résultats du travail des jours précédents, etpour concerter le plan d’études des jours suivants.

Ils avançaient lentement dans cette tâche.

Les livres anciens, tels que Le Mondeenchanté de Becker, la Mystique de Goërres, lesDisquisitions magiques de Delrio, le Mundusmirabilis d’Arpélius, la Stéganographie de l’abbéTrithème qui fut maître de Paracelse, et bien d’autres encore,n’étaient souvent qu’un tissu de fables ou de superstitions, oùquelques idées heureuses ou géniales, perdues dans le fatras desanecdotes, étaient difficiles à saisir à travers les complicationsd’un style obscur à dessein.

Les trois amis ne se rebutaient point.

Pendant plusieurs semaines, Olivier courut lescliniques des hôpitaux pour étudier les phénomènes del’hypnotisme.

Il assista à de merveilleuses expériences, lesétudia, puis les refit lui-même, et devint un hypnotiseur depremière force.

Léon Goupit s’était installé, avec Betty, dansla maisonnette de Clamart. Tandis que la jeune femme prenait soinde l’intérieur et préparait les repas, Léon aidait son maître dansses expériences.

Il se trouvait heureux dans sa nouvellesituation, et ne l’eût abandonné pour rien au monde, même pas pourcourir les aventures.

Son voyage en Amérique l’avaitconsidérablement assagi. Du reste, les travaux de son maîtrel’intéressaient lui-même au plus haut point. Il savait qu’ils’agissait de défendre l’Europe contre les milliardairesaméricains ; cette seule pensée suffisait à lui communiquer uncourage, une ardeur à la besogne tels que, parfois, son maîtreétait obligé de modérer son zèle.

Plusieurs fois, l’ingénieur Golbert et safille Lucienne vinrent passer quelques heures chez Olivier, maisjamais Ned Hattison ne consentit à les accompagner.

« C’est évidemment pour ne pas me voir,se disait Léon. M. Olivier a beau dire, le mari deMme Lucienne n’oublie pas que je suis cause de lamort de son père ; et il m’en garde secrètementrancune. »

Cette pensée chagrinait fort le bravegarçon.

Olivier, à qui il avait confié sa peine, nelui avait répondu qu’évasivement, lui avait conseillé d’attendre,sans oser le détromper.

– Je ne pouvais cependant pas faireautrement, disait le Bellevillois. Ce n’est pas juste de m’envouloir d’une action où j’avais fait d’avance le sacrifice de mavie. C’était inévitable. Ce n’est pas le père de M. Ned quej’ai tué, c’est un homme dangereux pour l’humanité tout entière,c’est un mauvais savant puisqu’il ne voyait dans la science qu’unmoyen de satisfaire sa haine et sa cupidité, en anéantissant lacivilisation européenne.

– Tu sais bien que je t’ai toujoursapprouvé, répondait Olivier. Prends patience. Ned est tropintelligent pour ne pas comprendre cela. Un jour viendra où,certainement, il ne refusera plus de te voir et de te traiter avecla même bienveillance qu’autrefois.

– Je serai bien heureux ce jour-là,faisait Léon avec un gros soupir.

Et à demi consolé il se remettait autravail.

L’hiver touchait à sa fin.

On commençait à sentir, dans l’air, dessouffles tièdes. La nature se reprenait à vivre.

Levé tous les jours de grand matin, OlivierCoronal quand il n’était pas forcé de sortir, passait des journéesentières dans sa bibliothèque.

La tâche qu’il avait entreprise était semée dedifficultés ; mais avec l’aide de ses deux amis, il lesvainquait toutes, les unes après les autres.

La petite maison de Clamart, en outre de Léonet de sa femme, avait maintenant plusieurs pensionnaires.

C’étaient des médiums, hommes et femmes, surlesquels Olivier se livrait chaque jour à de nouvelles expériences.Léon Goupit, qui souvent y assistait, était émerveillé.

– Bravo, m’sieur Olivier, disait-il. Jesuis sûr qu’avant peu, vous arriverez aux mêmes résultats que lemilliardaire Harry Madge. Nos ennemis ne seront plus les seuls àconnaître les secrets de l’hypnotisme et à s’en servir. Nous seronsbientôt plus forts qu’eux dans le maniement des forces psychiques.Je les ai déjà roulés de la belle façon à Skytown. Quelque chose medit que, cette fois encore, ils seront réduits à l’impuissance.

– Puisses-tu dire vrai, répondit le jeuneingénieur. Puissions-nous devancer les Yankees, et mettre sur piedavant eux quelque découverte capitale. Il n’est que temps.

– Vous y arriverez, m’sieur Olivier,répétait Léon avec enthousiasme.

Coronal n’avait pas encore informéM. Golbert et Ned du débarquement des espions auquel il avaitassisté au Havre.

Dans tout Paris, il s’était livré à desrecherches pour retrouver la trace des Américains, qu’il supposaitêtre les hypnotiseurs de Harry Madge.

Ceux-ci semblaient avoir disparu. En tout cas,ils cachaient soigneusement le lieu de leur retraite ; mais,bien qu’ils demeurassent invisibles, l’inventeur n’en gardait pasmoins sa conviction.

« Ils doivent s’être mis secrètement à labesogne, se disait-il souvent, s’attendant à voir surgir, d’un jourà l’autre, de terribles complications. »

Malgré tout, il avait recommandé à Léon de nerien dire à M. Golbert.

« Il serait toujours temps, pensait-il,de l’instruire, si les événements justifiaient nos craintes. Jepuis m’être trompé. Ce serait, dans ce cas, l’inquiéterinutilement.

De Meudon à Clamart, il n’y a guère quequelques minutes de chemin de fer.

Le vieux savant venait plusieurs fois parsemaine rendre visite à Olivier Coronal, lui donner des conseils,l’encourager dans ses travaux.

Plusieurs fois, il assista aux expériences quele jeune homme exécutait avec l’aide de ses médiums.

Les phénomènes de lecture à distance dedocuments cachés étaient ceux qui préoccupaient le plus OlivierCoronal.

Mais il s’en fallait encore de beaucoup qu’ileût obtenu des résultats satisfaisants, qu’il fût en état de mettreen ligne des hypnotiseurs aussi bien armés pour la divination queceux de Harry Madge.

Perdus dans le dédale des formules psychiques,les ingénieurs passaient des semaines à tâtonner sans faire un pasvers la solution du problème.

Ils s’attaquaient à une science nouvelle dontl’initiation est longue et difficultueuse. Toute leur ténacité,toute leur persévérance ne les empêchait pas de se sentir, parmoments, profondément tristes et découragés.

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