La Conspiration des milliardaires – Tome IV – La revanche du Vieux Monde

Chapitre 21Le château de la Paix

Deux ansplus tard, dans un coin fleuri de Touraine, William Boltyn venaitd’achever de bâtir une très vaste résidence, qu’il avait appelée lechâteau de la Paix.

Entouré de bois et de pâturages, le château,dont l’ingénieur Arsène Golbert avait tracé les plans, était situéau bord d’un vaste étang, dont les eaux limpides reflétaient lestourelles et les toits. Tout semblait avoir été disposé là pour leplaisir des yeux en même temps que pour l’agrément de la vie.

Un vaste corps de bâtiment, élevé seulement dequelques étages, faisait vis-à-vis à des pavillons enfouis dans laverdure des grands arbres. Une cour intérieure reliait lesdifférentes constructions, dont l’aspect gracieux et les couleursclaires des façades surprenaient agréablement le regard. Un grandescalier de marbre descendait vers l’étang, dont les rives,fleuries de nénuphars, donnaient abri, dans leurs anses, à decoquettes yoles d’acajou.

Une grande avenue, bordée d’arbres, partait del’escalier, passait en face du château, et se continuait jusqu’à laforêt.

De l’autre côté, le regard embrassait undélicieux paysage de pâturages et de vergers, parsemés, çà et là,de vignes.

À quelque distance du château s’élevaient lesbâtiments de deux fermes, avec les granges, les remises, lesétables et la basse-cour. Tout cela était gai, fleuri etsouriant.

Devant la porte des fermiers, quatre grandsormes ombrageaient des bancs, disposés en cercle autour d’une tablede chêne massif.

Pour se rendre du château à la ferme, ontraversait les vergers, où des plates-bandes de fraisiers couraientau pied des arbres fruitiers de toutes sortes.

Mais ce qui attirait le plus l’attention,c’était une sorte de terrasse qui dominait les toits du château, etsur laquelle un aérostat, d’une forme spéciale, reposait. Cen’était autre que la station aérostatique du château de laPaix.

L’ingénieur Olivier Coronal, le gendre deWilliam Boltyn, avait enfin résolu le problème de la direction desballons : et cette découverte, d’une incalculable portée,n’avait pas peu contribué à modifier l’aspect du mondecivilisé.

De son côté, l’ingénieur Strauss était parvenuà vaincre les dernières difficultés de la télégraphie sans fil.

Dans le château de la Paix, chacun vivait à saguise, faisait ce qui lui plaisait. C’était une sorte decommunauté, où l’on travaillait suivant ses goûts, selon sesaptitudes, où tous ceux qui se présentaient étaient reçus.

Au rez-de-chaussée, séparé des cuisines et dela grande salle où l’on prenait les repas, se trouvait lelaboratoire des ingénieurs, pièce spacieuse qui prenait son jourpar quatre hautes portes vitrées, qui donnaient de plain-pied surl’avenue plantée d’arbres. On avait réuni là tous les appareilsnécessaires aux expériences. La bibliothèque était attenante.

Arsène Golbert avait réclamé pour lui un despetits pavillons qui faisaient face au château. Lucienne et Nedhabitaient au premier étage, à côté d’Aurora et d’Olivier. Le pèreLachaume, lui, n’avait pas voulu choisir son logement autre partque sous les combles. Quant à William Boltyn et à l’ingénieurStrauss, leurs chambres se trouvaient au second de même que cellede l’excellent bonhomme Michon, l’ami des mauvais jours, qui avaitabandonné sa cabane de Granville pour venir rejoindre ses amis.Léon et Betty avaient choisi pour eux l’un des autres pavillons,qui donnait aussi asile au brave Tom Punch.

Le château était immense et avait été aménagépour recevoir plusieurs centaines d’habitants.

Un jour, William Boltyn avait reçu une lettredans laquelle les milliardaires, ses anciens associés, luiannonçaient leur visite. Ils étaient venus, tout à fait convertis,accompagnés de Thomas Borton, l’ancien pickpocket, et avaient eugrand-peine à se décider à quitter le château.

La mère de Léon Goupit, la fruitière dufaubourg du Temple, était aussi au nombre des pensionnaires, ainsique le disait le Bellevillois devenu un homme sérieux.

La vie coulait doucement, dans une ententeparfaite, et le bonheur de tous ne s’obscurcissait d’aucun nuage.Il n’y avait ni maîtres ni serviteurs ; une fraternitésincère, bienveillante ou respectueuse, selon l’âge, unissait toutle monde.

Les ingénieurs travaillaient de leur côté,dans leur laboratoire. Le père Michon, grand amateur de jardinage,fumait sa pipe en bêchant et en ratissant ses plates-bandes.

Quant à Lucienne et à Aurora, qui étaientdevenues d’inséparables amies, leur joie ne connaissait plus debornes depuis qu’elles avaient chacune un enfant à bercer.

William Boltyn faisait un grand-père d’unetendresse admirable. Sous son enveloppe rude et ses airs bourrus,l’ancien milliardaire de Chicago possédait des trésors de bontéqu’il dépensait, un peu tardivement il est vrai, mais avec uneprodigalité d’homme heureux.

Toujours souriant, l’ingénieur Golbert étaitcomme le patriarche de la communauté.

Selon ses sages conseils, on avait ouvert,toutes grandes, les portes du château de la Paix à ceux quidésiraient s’y installer.

De tous les points du globe, des savants, desmédecins, des philosophes étaient venus y passer quelque temps ets’en étaient retournés, emportant une impression d’admiration, debonheur sans mélange.

Ned Hattison avait enfin réalisé son rêve. Lesvilles se rebâtissaient, petit à petit, en fer, en grès et enporcelaine, remplaçant les taudis humides et insalubres.

– Quel gigantesque effort a secoué l’âmedes peuples, disait le vieux Golbert à ses amis. Dans toutes lesbranches de la science, des horizons nouveaux se sont ouverts toutà coup. Mon accumulateur psychique semble avoir été le signalqu’attendait l’intelligence pour briser toutes les entraves etprendre librement son essor.

– Assurément, s’écriait Olivier Coronal,dont la chevelure noire laissait maintenant apparaître quelquesfils d’argent. La haine, l’ambition, la cupidité, l’égoïsmesembleraient monstrueux à présent. Nous avons vaincu l’animalité enlui opposant l’intelligence. Quel pas énorme ont fait les hommes,et comme l’avenir nous sourit !

Souvent, à l’époque de la moisson ou desvendanges, tout le monde partait, de grand matin, à travers lacampagne. On aidait les paysans, on organisait des festinschampêtres, et on ne rentrait que le soir au château. Les jourspassaient, pareillement heureux, dans l’harmonie la plusparfaite.

– Eh bien, mon vieux Tom, disait Léon,aurait-on assez ri, il y a quelques années, de celui qui nousaurait prédit tout ce que nous voyons réalisé aujourd’hui. Ce n’estpas pour dire, mais les hommes sont rudement changés tout demême.

– Oui, répondait le gros majordome. Plusde guerres, plus de haines. La concorde régnant partout, c’estassurément un spectacle rassurant et qui permet de bien conjecturerde l’avenir.

– L’avenir est à nous, mes amis,concluait le vieil Arsène Golbert. J’ai toujours eu la certitudeque l’humanité ne saurait se détourner de sa voie d’équité et defraternité. Nous avons travaillé selon nos forces. Ceux qui noussuivront imiteront notre exemple. L’avenir est à l’intelligencehonnête et loyale, victorieuse et créatrice.

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