La Conspiration des milliardaires – Tome IV – La revanche du Vieux Monde

Chapitre 3Léon Goupit entre en service

Soitqu’il eût besoin d’aller consulter un livre dans une bibliothèque,soit qu’il allât écouter une conférence ou assister à un coursintéressant ses recherches, Olivier Coronal se rendait à Paris detemps à autre.

Une fois que, descendu de bonne heure à lagare Montparnasse, il avait passé sa journée chez un vieux savantpolonais très versé dans les sciences occultes, il remontait, àpied, la rue de Rennes, pour aller prendre son train, il se trouvatout à coup en présence de deux hommes qui, avec cette démarcheraide, cassante et hâtée, particulière aux Anglais et auxAméricains, semblaient venir à sa rencontre.

L’ingénieur se sentit au cœur une petiteémotion.

Vêtus pareillement d’une redingote dont lacoupe indiquait clairement l’origine yankee, le faux col montant,le plastron à demi recouvert par une cravate rouge, corrects,guindés, les deux hommes, à n’en pas douter, étaient de ceuxqu’Olivier Coronal avait vus débarquer au Havre.

À leur regard surtout, ce regard étrange etfixe qui l’avait tant impressionné, l’inventeur les avaientreconnus immédiatement : c’étaient les deux Américains qui luiavaient paru être les chefs de la petite troupe.

En lui-même, une secrète voixrépétait :

« Ce sont les hypnotiseurs de HarryMadge, les espions des milliardaires. »

Sans avoir pris garde à Olivier, les deuxYankees l’avaient dépassé. Ils continuaient leur marche en sedirigeant vers la place Saint-Germain-des-Prés.

La première idée de l’inventeur, celle quis’imposa à lui instinctivement, fut de suivre ces mystérieuxétrangers.

Sans les perdre de vue, il attendit qu’ils sefussent un peu éloignés, puis il se remit en marche.

Devant lui, les deux hommes s’avançaient d’unpas rapide, sans détourner la tête.

Ils abandonnèrent bientôt la rue de Rennes, ets’engagèrent dans la rue Notre-Dame-des-Champs.

Olivier se sentait ému.

La curiosité le poussait à leur suite.

Il voulait, à tout prix, connaître le domiciledes Américains, et se promettait bien de ne pas abandonner leurpiste.

Les deux mystérieux personnages avaient presséle pas. Ils jetaient maintenant autour d’eux des regardssoupçonneux, comme s’ils avaient craint d’être suivis.

L’inventeur, en voyant leur manège, n’avait euque le temps de se blottir sous une porte cochère.

Prudemment, il se remit en marche derrièreeux, rasant les murs et prêt à se cacher de nouveau s’ils venaientà se retourner.

Le fait se produisit encore une fois, aumoment où les deux gentlemen s’apprêtaient à tourner le coin d’unerue avoisinant le jardin du Luxembourg.

– Décidément, ils prennent leursprécautions, murmura Olivier en se faufilant de nouveau sous uneporte cochère.

Avançant la tête avec précaution, il les vitpromener autour d’eux des regards circulaires ; puis, sansdoute rassurés, s’engager vivement dans la petite rue quebordaient, d’un côté, les hautes murailles d’une propriété plantéed’arbres.

L’inventeur sortit de sa cachette et se hâta,de peur de perdre leur trace.

Il arriva au coin de la rue juste à temps pourles voir disparaître : ils venaient d’entrer dans une vieillemaison, dont la porte se referma sur eux.

Olivier Coronal s’approcha, de plus en plusintrigué, et examina.

Tous les volets de la maison étaientclos ; elle semblait inhabitée, tant sa façade dégageait uneimpression de calme et de silence.

Point de boutique au rez-de-chaussée, desfenêtres seulement – les seules, d’ailleurs, dont les voletsfussent un peu entrebâillés.

À son grand étonnement, sur une plaque demarbre noir, en lettres d’or, Olivier Coronal lut cetteinscription :

PENSION DE FAMILLE

ENGLISH SPOKEN

La rue, qui comptait à peine quelques numéros,était peu fréquentée semblait-il, puisque l’herbe poussait entreles pavés.

Les quelques maisons qui la composaientétaient tout aussi silencieuses, aussi désertes en apparence que lapension de famille où venaient d’entrer les deux Américains.

« Est-ce bien là leurdomicile ? » se demandait Olivier Coronal.

Il eut un moment la pensée d’entrer, luiaussi, et de s’assurer du fait qui le préoccupait, auprès duconcierge ou du gardien. Mais il se retint et réfléchit.

« Non. Mieux vaut agir autrement. Celapourrait donner l’éveil. »

Pendant plusieurs heures, posté au coin de larue, il attendit.

Une joie secrète s’emparait de lui. Il étaitenfin sur la trace des espions américains, après l’avoir vainementcherchée pendant si longtemps.

Il ruminait des plans, et tout en faisant lescent pas, se demandait comment il s’y prendrait pour surveiller laconduite des deux envoyés de Harry Madge.

Enfin, fort avant dans la soirée, commepersonne ne sortait de la pension de famille, le jeune inventeur sedécida à quitter la place.

Il était à peu près certain que c’était là ledomicile des deux hommes.

L’heure du dîner était passée depuislongtemps.

Au buffet de la gare, en attendant le départdu dernier train, Olivier céda au besoin de se restaurer.

Il était plus de minuit lorsqu’il arriva àClamart.

Léon Goupit n’était pas encore couché. Trèsinquiet de l’absence de son maître, il l’attendait en fumant descigarettes, seul dans le cabinet de travail, et, pour se distraire,il avait pris un livre.

En entendant tinter la sonnette de la porte,il prit sa lampe et s’avança à la rencontre d’Olivier.

– Je ne savais plus que penser, dit-ilavec familiarité. Je croyais qu’il vous était arrivé quelquemalheur.

– Au contraire, Léon. Rassure-toi.Laisse-moi seulement poser mon chapeau. Je vais te raconter ce quim’est arrivé. Ma journée a été bien remplie.

Brièvement, mais en retraçant dans tous sesdétails le portrait des deux Yankees, en insistant sur leurextraordinaire ressemblance, l’inventeur raconta son aventure de larue de Rennes.

Léon Goupit n’avait pu écouter ce récitjusqu’au bout.

– Vous n’avez pas deviné qui c’était,s’écria-t-il aussitôt que son maître lui eut fait le portrait desdeux hommes. Je les ai vus dans le palais de Harry Madge, àChicago. Ce sont les deux frères… attendez un peu que je cherche…Ah ! fit-il en frappant du pied de dépit, j’ai pourtant bienentendu leur nom !… Alcindor… Corridor… disait-il en faisantappel à sa mémoire… Ah ! j’y suis : Altidor,parbleu ! Je savais bien que je retrouverais ce nom.

– En tout cas, dit Olivier, ce n’est pasd’une grande importance. Tu penses bien que leur premier soin, enarrivant à Paris, a été de changer de non. Ce qui est plusprécieux, c’est que je connaisse leur adresse.

– Et où habitent-ils ? questionnaavidement Léon.

– Tout près du Luxembourg. Le nom de larue ne te dira rien. J’ai habité moi-même ce quartier, pendant unan, avant de partir pour l’Amérique et je ne la connaissais pas. Iln’y a que quelques numéros. Les deux Yankees sont descendus dansune pension de famille.

Le Bellevillois prenait un grand intérêt àcette conversation. Il laissa éclater sa joie.

– Rien n’est perdu puisque nous sommessur la piste des hypnotiseurs, s’écria-t-il en esquissant un grandgeste. Nous allons pouvoir les filer.

– J’y ai déjà pensé ; et nousn’avons pas de temps à perdre. Les espions ont dû se disséminerdans tout Paris, et qui sait ? peut-être dans toute la France,mais ils doivent avoir un lieu de réunions. En observant patiemmentles allées et venues des deux que nous connaissons, nul doute quenous ne découvrions la retraite de tous les autres. Je vais prendremes dispositions pour cela.

– Et moi, m’sieur Olivier ? Vousn’avez pas pensé à moi, dit Léon presque blessé. Ce n’est pas lavolonté ni le courage qui me manquent, pour sûr. Vous devriez meconfier cette tâche. Je suivrai les Yankees jusqu’au bout du mondes’il le faut ; et vous le savez, j’ai plus d’un tour dans monsac.

– C’est peut-être une bonne idée,approuva Olivier Coronal qui avait réfléchi quelques instants. Jete rendrai réponse demain matin. Tu dois être fatigué. Va tereposer.

Léon dut se contenter de cette vaguepromesse.

Il souhaita le bonsoir à son maître et regagnasa chambre où Betty, inquiète aussi, ne dormait pas encore. Il latranquillisa, sans lui donner toutefois d’explications.

Bientôt après, le silence régnait sur lapetite maison endormie. Seule une lueur veillait aux fenêtres ducabinet de travail, dans lequel Olivier Coronal s’occupait à mettreen ordre les notes qu’il avait prises dans la journée chez lesavant polonais.

Le lendemain, dès la première heure, LéonGoupit était levé.

– Eh bien, m’sieur Olivier, demanda-t-ilaussitôt qu’il aperçut son maître, vous savez que je suis impatientde connaître votre décision. J’ai une telle envie d’aller voir ceque font messieurs les hypnotiseurs que je n’en ai pas dormi de lanuit.

– Calme-toi, dit l’inventeur en souriant,tu vas pouvoir satisfaire ta curiosité. Je crois, qu’en effet, tues tout désigné pour remplir cette tâche. Écoute bien mesinstructions… Voici d’abord, en admettant que tu sois obligé derester absent durant plusieurs jours, de quoi te suffire. Mets ceporte-monnaie dans ta poche. D’après ce que j’ai vu hier, tu vasavoir affaire à forte partie. Les Yankees prennent leursprécautions. Il te faudra ruser pour qu’ils ne se doutent derien.

– Oh ! ça, ça me connaît, répliquaLéon d’un air convenu.

– Très bien. Je n’en doute pas. Voicidonc l’adresse exacte des deux hommes. Je compte sur tonintelligence et ton dévouement pour les suivre partout où ilsiront, pour observer tous leurs actes. Tu sais combien cela estimportant. Voici, de plus, un alphabet chiffré. Préviens-moi partélégramme, si des événements inattendus se produisent.

– Vous pouvez compter sur moi, m’sieurOlivier, s’écria chaleureusement Léon. Vous verrez que j’aurairaison, que les hypnotiseurs s’en retourneront piteusement chezeux, que nous les roulerons, sans qu’ils sachent d’où part le coupqui les frappera.

Moins d’une demi-heure après, Léon Goupitétait à Paris. Grâce aux indications détaillées d’Olivier, iltrouva sans peine la pension de famille.

Quelque diligence qu’il eût faite, il étaitplus de huit heures du matin. Léon tremblait que les deux hommes nefussent déjà sortis.

Néanmoins, il se mit en observation dans larue adjacente, mais sans quitter des yeux la porte de laPension.

Vers neuf heures, ayant déjà vu sortir etrentrer nombre de personnes, il commençait à croire qu’en effet lesdeux Yankees l’avaient devancé, lorsque tout à coup, il les vitapparaître.

Les deux frères n’avaient pas changé decostume.

Feignant de s’arrêter pour regarder uneaffiche, Léon les vit s’éloigner à grands pas.

Négligemment, à la façon d’un promeneur, il semit à les suivre. Malgré ses préoccupations, il s’amusait enlui-même de leur allure d’automates, de leurs pas mathématiquementrythmés, de leurs gestes toujours les mêmes.

– Ah ! mes gaillards, murmurait-ilentre ses dents, nous tenons votre piste. Nous allons savoir un peuce que vous faites ici, et où sont vos compagnons.

À leur suite, le Bellevillois se trouvabientôt dans la rue de Rennes, et, quelques minutes après, sur leboulevard Montparnasse.

– Eh bien, quoi ! Vous n’allez pas,je suppose, prendre le train pour Clamart. Au moins, ce seraitdrôle. Si vous voulez, je vous présenterai à m’sieur Olivier.

Les deux frères Altidor prirent ensuite leboulevard des Invalides. Puis, tout à coup, ils ralentirent leurmarche, s’arrêtèrent au bout d’un instant au coin d’une rue ;et, ainsi qu’ils l’avaient fait la veille, regardèrentsoupçonneusement de tous côtés.

« Parfaitement, je suis là, se disait leBellevillois, tout en regardant le plus innocemment du monde ladevanture d’un marchand de journaux ; mais pensez-vous que jevais aller vous le dire ! »

Il fit encore plus de cinq mètres à la suitedes deux frères, qui, sans doute pour plus de sécurité, s’étaientséparés et marchaient maintenant chacun sur un trottoir de lapetite rue dans laquelle ils s’étaient engagés.

« Oh ! nous devons approcher du but,se disait Léon, tout en prenant encore plus de précautionsqu’auparavant pour se dissimuler. »

Les deux Yankees s’étaient arrêtés de nouveau,et ils se livraient au même manège que précédemment, regardantautour d’eux, ne se remettant en marche qu’après avoir inspectétous les environs.

Toujours séparés, ils pénétrèrent dans unesorte d’impasse, et se rejoignirent à la porte d’une propriétéclose de hauts murs, qui laissaient à peine apercevoir le toitd’une maison de deux étages. La porte se referma sur eux.

« Bon, se dit Léon Goupit, je vaisattendre. »

L’endroit était désert. Seulement, au coin del’impasse, il y avait une boutique de marchand de vin.

Le jeune homme s’y réfugia et s’installa defaçon à pouvoir surveiller l’entrée de la propriété.

À peine y avait-il cinq minutes qu’il était àson poste d’observation, qu’il vit arriver deux nouveauxpersonnages. À quelques détails de costume près, ils étaient vêtuscomme les premiers. Ils frappèrent aussi à la petite porte.

Quelques instants après, un autre inconnupénétra seul dans la mystérieuse maison.

Deux autres survinrent, à quelques minutesd’intervalle. Enfin, Léon en compta une douzaine qui franchirent,tous de la même façon circonspecte, la petite porte sur laquelle ilne cessait d’avoir les regards fixés.

Le Bellevillois pouvait à peine contenir sajoie.

« C’est là qu’ils se réunissent tous,pensait-il. M’sieur Olivier va être content ! Puis, ce n’estpas tout, je vais les filer lorsqu’ils vont sortir. Je saurai bience qu’ils peuvent fabriquer. Je connaîtrai les moyens qu’ilsemploient pour surprendre nos secrets. »

Vers midi, Léon, qui s’était tout d’abord faitservir un verre de vin blanc, se fit apporter à déjeuner.

Les hypnotiseurs n’étaient évidemment réunisque pour se concerter, pour recevoir les ordres de leurs chefs.

À trois heures de l’après midi, le jeune hommen’avait encore vu sortir personne.

Tout en lisant les journaux qu’il avaitachetés, il ne cessait d’inspecter l’impasse. Pour se consoler desa longue attente, il avait déjà vidé plusieurs bouteilles.

Le patron de l’établissement, un Auvergnat,selon toute apparence, après avoir déjeuné avec sa nombreusefamille, finit par s’approcher du jeune homme.

– Il fait beau temps pour la saison,dit-il… Et comment trouvez-vous mon petit vin ?

– Pas mauvais, répondit Léon. La preuvec’est que j’en ai pas mal bu. Eh bien ! et le commerce,va-t-il ? Vous êtes installé dans un endroit bien désert.

– Oh ! pas tant que ça, fit lepatron. Ça va tout doucement. Dans ce quartier-ci, ce sont de bonsclients, des gens riches qui paient bien.

– Ah ! fit Léon en feignantl’intérêt. Cependant, il me semble que vous ne devez pas avoirbeaucoup de clients dans cette impasse.

– Oh ! que si, monsieur. Tenez,cette maison dont vous voyez la petite porte en face, il y vient,plusieurs fois par semaine, une douzaine de messieurs qui y passenttoute la journée. Chaque fois je suis chargé de leur préparer unecollation et de la porter dans la maison avant qu’ilsn’arrivent.

Léon n’eut garde d’interrompre le marchand devin.

– Quelques bons clients comme ça valentmieux que beaucoup de mauvais payeurs, reprenait l’Auvergnat. Desgens très bien, allez !… Ils cherchent un domestique en cemoment ; et celui-là ne serait pas malheureux, je vous enréponds.

– Pas possible, fit Léon, en sursautantsur sa chaise.

Une idée de génie venait de lui traverser lecerveau.

S’il pouvait se faire engager commedomestique ! Ce serait une chance inespérée. Il aurait ainsien main le moyen le plus sûr d’être renseigné sur les faits etgestes des hypnotiseurs.

Pourtant, ne voulant pas laisser soupçonnerses véritables sentiments, il répondit par une phrase banale aupatron de l’établissement, et feignit de s’absorber de nouveau dansla lecture de son journal.

Il brûlait d’impatience maintenant de voirsortir les Yankees.

Il venait de concevoir un diaboliqueprojet.

Pour être prêt à sortir lorsqu’il apercevraitles hypnotiseurs, il régla sa dépense.

La nuit commençait à tomber, lorsque enfin lapetite porte s’ouvrit, livrant passage à un gentleman qui s’éloignarapidement sans refermer la porte.

Un autre le suivit à peu d’intervalle, puis untroisième.

Léon était sorti du débit de vin.

Posté dans une encoignure sombre, il guettaitle départ des frères Altidor.

C’était à eux qu’il voulait parler.

Ils sortirent les derniers et refermèrentsoigneusement la porte.

En les apercevant, Léon courut à une centainede mètres en avant, puis revint sur ses pas, de façon à se trouversur leur chemin, à les croiser.

Il essayait de se composer un visage attristé,même de simuler la fatigue.

« Voilà, se disait-il… je vais lesaborder en leur disant que je suis un Yankee sans ressources, queje cherche inutilement du travail, et je feindrai de ne pasconnaître un mot de français. S’ils ont vraiment besoin d’undomestique, ils me prendront, croyant trouver en moi plus degarantie de discrétion qu’en aucun autre. »

Les deux frères s’avançaient côte à côte, àgrandes enjambées.

Dans leur visage maigre et couleur de cirejaunie, leurs yeux démesurément grands brillaient encore plus qu’àl’ordinaire, et, dans l’ombre, semblaient deux veilleusesélectriques.

– Gentlemen, demanda brusquementle Bellevillois, en prenant sa meilleure intonation anglaise,gentlemen, ne seriez-vous pas citoyensaméricains ?

Léon, lorsqu’il le voulait, était unmerveilleux comédien. Il y avait un tel accent de sincérité et desurprise dans son exclamation, que les deux hommes s’arrêtèrentnet.

– Si, répondirent-ils. Quevoulez-vous ?

– Gentlemen, reprit Léon d’unevoix dolente, combien je suis heureux de rencontrer descompatriotes ! Vous êtes sans doute riches, gentlemen. Vousavez des amis. Peut-être pourrez-vous m’adresser à quelqu’und’entre eux ? Je suis sans travail et sans ressources.

– Que savez-vous faire ? interrogeal’un des Yankees.

– Je suis domestique, répondit LéonGoupit ; et je me repens bien d’avoir quitté l’Union. Depuishuit jours, je cherche en vain une place ici. Ça ne m’est pasfacile, car je ne connais pas un mot de français. Je dépenseaujourd’hui mes derniers dollars.

– Que pensez-vous de ce jeune homme,Smith ? demanda alors à mi-voix l’un des frères, après avoirfait signe à Léon d’attendre quelques minutes. C’est un de noscompatriotes, il ne connaît pas un mot de français. Je crois qu’ilferait bien notre affaire.

– Oui, répondit Smith ; mais il fautqu’il accepte nos conditions.

– Nous avons nous-mêmes besoin d’undomestique, dit à Léon Jonas Altidor. Mais il s’agit de savoir sivous êtes disposé à vous soumettre à nos exigences. Nous neregardons pas au prix ; mais nous tenons à ce que vous fassiezentre nos mains abdication complète de votre liberté.

– Cela dépend du nombre de dollars quevous m’offrirez, répondit Léon. Je ferai tout ce que vous voudrez,pourvu que la rémunération en vaille la peine.

– Cinquante dollars par mois, offrit l’undes frères.

– Accepté, s’écria le Bellevillois, avecune intonation joyeuse, que ses nouveaux patrons attribuèrent à lasatisfaction qu’il avait d’avoir trouvé du travail.

Cinq minutes après, Léon Goupit franchissaitle seuil de la mystérieuse maison, en compagnie des deuxhypnotiseurs.

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