La Voilette bleue

XI

Après le départ de son ami Hugues, lecapitaine, écrasé sous le poids de ses remords, avait passé uneheure immobile, anéanti, roulant dans sa tête des projets desuicide, et osant à peine envisager la terrible situation où unamour coupable l’avait jeté.

Cette situation était une impasse. Comment ensortir ? En se tuant, il s’en serait tiré, lui, mais queserait devenue sa complice ?

Rose Verdière venait de la sauver du dangerimmédiat. Et après ? qu’allait faire la malheureuseOdette ? Essayer de tromper encore son mari ? Saint-Briacne s’y serait pas prêté. Cette vie de trahison perpétuelle luifaisait horreur maintenant. Et il ne paraissait pas que madame deMalverne non plus voulût la reprendre. N’avait-elle pas déclaréqu’elle était résolue à fuir avec son amant ? Et d’ailleurs,elle était désormais impossible, cette existence en partie doublequ’elle menait depuis six mois.

M. de Malverne avait pu croire unepremière fois qu’il avait accusé à faux sa femme, mais il lui étaitcertainement resté des doutes, et, à l’avenir, il ne manquerait pasde la surveiller. Un jour ou l’autre, il surprendrait les amants,alors même qu’ils se contenteraient, comme autrefois, de serencontrer dehors.

Sur quel pied Saint-Briac allait-il vivre avecce loyal Hugues, qu’il avait indignement trompé ? Aurait-ilseulement le courage de le revoir, de passer le seuil de cettemaison où il avait porté le déshonneur, et de jouer encore lacomédie de l’amitié ? Non, mille fois non. Et s’il n’yretournait pas, après la réconciliation qui avait suivi la scène dusalon de l’avenue d’Antin, c’était comme s’il eût avoué qu’il étaitcoupable.

Partir avec Odette, quitter à tout jamais laFrance, aller cacher ses amours adultères à l’étranger ? Lui,un brave officier qui n’avait jamais reculé devant un danger, nidevant l’accomplissement d’un devoir ! Il lui semblait que ceserait une lâcheté.

Peut-être aussi, sans se l’avouer à lui-même,n’avait-il plus les mêmes sentiments pour sa maîtresse. Lesécailles étaient tombées de ses yeux. Il la voyait maintenant tellequ’elle était, et il se voyait lui-même. La passion les avaitemportés tous les deux, jusqu’à leur faire oublier que leur fauteétait un crime. Au premier temps d’arrêt, la réflexion montrait àJacques l’envers de cet amour, la trahison dans toute son horreur,et Odette sous son vrai jour.

Odette n’avait pas de remords, elle ;Odette n’avait pas pitié de son malheureux mari ; elle nel’aimait plus ; que lui importait le reste ? Aurait-ellepitié de son amant quand elle cesserait de l’aimer ? Non, sansdoute. Il lui aurait tout sacrifié, et elle l’abandonnerait sanshésiter pour se jeter dans les bras d’un autre. Le cœur d’uneaffolée a horreur du vide. La passion qui la dévore lui crie :Marche ! marche ! et elle marche jusqu’à ce qu’elle rouleau plus profond de l’abîme, où elle entraîne l’imprudent qui lasuit dans ce chemin fatal.

C’est le châtiment, c’est la vengeance del’honnête homme qui a eu foi en elle, et qu’elle a réduit audésespoir.

Ces cruelles vérités apparaissaient àSaint-Briac, et il n’apercevait plus d’autre dénoûment possiblequ’une rupture définitive. Partir seul, partir immédiatement, sousun prétexte quelconque, et aviser Hugues de ce départ sans luiapprendre où il allait. Le prétexte était tout trouvé. Il pouvaitlui écrire qu’il s’éloignait pour couper court à une situationfausse, et pour lui laisser le temps de reconnaître que sessoupçons n’avaient aucune raison d’être. Hugues, assurément, neprendrait pas en mauvaise part la résolution de son ami.

Et Odette comprendrait que son amant voulaiten finir avec elle. Six mois d’absence de Jacques la calmeraient,et elle ne pourrait pas faire la folie d’aller le rejoindre,puisqu’elle ne saurait pas où il était.

Où irait-il ? Le plus loin qu’ilpourrait. Il pensa d’abord à l’Italie, mais l’Italie est trop près.Il lui vint une idée. Pourquoi pas la Russie ? Là, il pourraitse renseigner sur ce faux Moscovite qui à Paris tranchait del’Espagnol, et qui n’était probablement d’aucun pays :scélérat partout, citoyen nulle part. Mériadec avait écrit,disait-il, au maréchal de la noblesse du gouvernement de Tambow,mais il ne paraissait pas que Mériadec eût reçu de réponse à salettre. C’était faire œuvre pie que d’aider la justice à mettre lamain sur un brigand de la pire espèce, et le capitaine avait grandbesoin de racheter ses fautes par de bonnes actions.

Il décida donc d’entreprendre un voyage àMoscou, et il résolut de se mettre en route le lendemain soir. Cen’était pas trop tôt pour se garer d’une nouvelle escapaded’Odette, mais il ne pouvait guère partir plus vite, car il avaitquelques arrangements à prendre avec son banquier, et il luifallait un passe-port pour franchir la frontière russe.

Or, la journée était trop avancée pour qu’ilpût s’occuper de ces préparatifs indispensables. Il renvoya au joursuivant les affaires, et il sortit de cette maison, qui luirappelait un triste et récent souvenir.

Il sortit, après avoir dit à son valet dechambre, qui venait de rentrer, de ne pas l’attendre.

Il ne se doutait guère qu’à l’heure même où ilmettait le pied dans l’avenue d’Antin, M. de Malvernemontait en voiture pour aller constater le meurtre de Sacha, et quemadame de Malverne venait de quitter, sans esprit de retour, ledomicile conjugal.

Elle accourait chez son amant, et Saint-Briacl’aurait infailliblement rencontrée, s’il s’était dirigé du côté del’avenue des Champs-Élysées.

Mais Saint-Briac cherchait la solitude. Ilprit par les quais, et il alla droit devant lui en remontant lecours de la Seine, sans savoir où le mènerait cette marche sansbut.

Il n’avait pas encore complétement renoncé àl’idée de se suicider, et, pour le cas où cette idée prendrait ledessus, il s’était muni d’un revolver chargé.

Quoi qu’il advînt, il se proposait de nerentrer que pour faire ses paquets, après avoir terminé sesaffaires et écrit à Hugues de Malverne une lettre d’adieu queHugues, sans aucun doute, montrerait à sa femme.

À force de marcher dans la même direction, ilarriva au pont de Bercy, et peu s’en fallut qu’il ne franchît labarrière. Mais la nuit venait, et il ne tenait pas à la passer dansla banlieue.

Le cercle est la grande ressource des gensqui, pour une cause ou pour une autre, ne veulent pas rentrer chezeux. On peut s’y isoler, on peut même y dormir, et Saint-Briacétait bien sûr de n’y pas rencontrer le juge d’instruction qui n’yvenait que très-rarement et qui, ce jour-là, devait être moins quejamais disposé à s’y montrer.

Le capitaine s’y fit ramener en voiture, et yarriva précisément à l’heure du dîner.

Il trouva une place à la grande table, mangeasans adresser une seule fois la parole à ses voisins, et, au lieude prendre, comme de coutume, le café dans le grand salon, passadans la salle de lecture, où il se mit à rédiger son épître àMalverne. Cette rédaction n’était pas très-facile, et elle lui pritdu temps. Il en avait à perdre, puisqu’il ne savait que fairejusqu’au lendemain, et il put peser à loisir tous les termes de cebillet qui devait décider de l’avenir de sa vieille amitié avecHugues.

Quand il l’eut terminé, il le mit dans sonportefeuille pour l’y garder jusqu’au moment où il monterait, lelendemain soir, dans l’express de Berlin.

Il se disait :

– Je le mettrai à la poste dans la boîtede la gare, et lorsque Hugues le recevra, j’aurai déjà passé lafrontière.

Après quoi, il alla s’étendre sur un divan,dans le salon le moins fréquenté du club, et il essaya de dormirpour se reposer de tant d’émotions et d’une si longue promenade.Mais le sommeil ne vint pas vite. Il finit cependant pars’assoupir, et il rêva qu’Odette s’accrochait à son cou pourl’empêcher de partir, que le mari survenait, et qu’il lapoignardait dans les bras de son amant.

Ce cauchemar fit place à d’autres, tout aussieffrayants, qui auraient tourmenté Saint-Briac jusqu’à l’aurore, siun joueur décavé, en passant par là, ne se fût avisé de leréveiller pour lui dire :

– À quoi pensez-vous de ronfler quand ilse joue au salon vert une partie de baccarat superbe ?M. de Pancorbo, qui tient la banque, demande de vosnouvelles à tout le monde. Vous lui manquez.

– Pancorbo ! répéta le capitaine, ense levant brusquement. Quoi ! il est ici !

– Mon Dieu, oui, dit tranquillement leclubman. Passé minuit, c’est assez son habitude.

– Mais… on prétendait qu’il avait quittéParis.

– On se trompait. Il est resté, en effet,deux ou trois jours sans venir, mais il a reparu ce soir plusbrillant que jamais et plus veinard. Il abat neuf ou huit à tousles coups.

– Et il s’est informé de moi ?demanda Saint-Briac, confondu d’étonnement.

– Il vous réclame à cor et à cri. Il veutsans doute profiter de sa veine pour vous gagner beaucoup d’argent.Il en a pourtant assez râflé déjà, et il est en train de dépouillerun rastaquouère que nous avons reçu la semaine dernière… unBrésilien qui route sur l’or. Ne jouez pas, si vous ne vous sentezpas en train, mais allez voir ça… c’est curieux.

Le capitaine, mal réveillé, croyait rêverencore.

– Quelle heure est-il donc ?demanda-t-il en se frottant les yeux.

– Trois heures passées. Ah ! vousdormez bien, vous, quand vous vous y mettez ! Vous sortiez detable quand vous êtes allé vous étendre sur ce divan. Et si je nevous avais pas secoué, vous seriez encore dans le pays des rêves.Votre nuit est faite maintenant, et je pense que vous n’avez pasenvie d’aller vous coucher. Ça tombe bien. La partie n’est pas prèsde finir. Moi, c’est différent, je viens d’y laisser mes dernierssous, et j’en ai assez. Bonsoir, capitaine, et bonnechance !

Saint-Briac resta stupéfait. Comment cemisérable, à peu près convaincu d’assassinat, osait-il se montrerau cercle, et surtout comment osait-il s’informer d’un homme auquelil avait, par une première lettre anonyme, déclaré la guerre, etpar une seconde tendu un piège atroce ? D’où lui venait tantd’impudence, et quel nouveau traquenard masquait cette incroyableaudace ?

À la réflexion, le capitaine comprit que lesoi-disant Espagnol ne risquait pas grand-chose, en reparaissantpour tailler encore une fois le baccarat qui lui réussissait sibien. C’était probablement la dernière, car rien ne l’empêchait des’éclipser définitivement, après la partie.

Et que pouvait Saint-Briac contre cethomme ? Quelles preuves positives avait-il que ce fût lui lemeurtrier de Notre-Dame ? Aucune. De graves soupçons,oui ; ce n’est rien, lorsqu’on n’a pas qualité pour fairearrêter celui qu’on accuse.

M. de Malverne, seul, aurait puprendre sur lui de l’envoyer en prison, et M. de Malvernen’était pas là ; M. de Malverne devait avoir en cemoment d’autres soucis que celui de venger la mort d’une comtesserusse, et Saint-Briac comptait bien ne pas le revoir. Saint-Briacen était donc réduit à opérer lui-même, s’il tenait à se venger dulâche gredin qui avait dénoncé Odette à son mari.

– Eh bien, soit ! dit-il entre sesdents. J’ai encore quelques heures à moi avant de quitter Paris. Jeles emploierai à traquer ce bandit. Je le tiens, je ne le lâcheraipas, jusqu’à ce que je l’aie remis entre les mains de la justice.Tant qu’il jouera, je jouerai, et, quand il sortira du cercle, jem’attacherai à ses pas. Il faudra bien qu’il me demande uneexplication, et alors… nous verrons, car, s’il me provoquait,j’aurais encore plus de plaisir à le tuer qu’à le livrer.

Sur cette résolution plus hardie que sensée,il s’en alla au salon vert, où il trouva le Pancorbo assis entredeux joueurs. Il ne tenait plus la banque ; le Brésilienl’avait prise, mais Pancorbo pontait ferme, et la fortune nesemblait pas lui sourire, car il venait de perdre un très-groscoup.

Saint-Briac vint se placer en face de lui, del’autre côté de la table, et resta debout, afin d’être prêt àquitter le jeu, dès que le faux Espagnol se lèverait.

Il ne paraissait pas y songer, car il venaitde pousser sur le tapis vert une masse de jetons et de plaques. Dureste, l’attention qu’il apportait à son jeu ne l’empêchait pas d’yvoir clair. Il aperçut immédiatement le capitaine, et il eutl’aplomb de lui adresser un salut qui ne fut pas rendu.

Saint-Briac ne voulait pas échanger despolitesses avec ce coquin, mais il ne voulait pas non plus avoirl’air de n’être entré que pour le surveiller.

Il tira de son portefeuille un billet de millefrancs, et il le mit sur le tableau de gauche.

Il faisait des vœux pour gagner, car iln’avait que trois mille francs sur lui, et il se promettait bien,s’il perdait ce premier coup, de diminuer son jeu, car il voulaittenir jusqu’à la fin de la partie, et il ne se souciait pasd’emprunter à la caisse du cercle une somme qu’il lui aurait fallurendre avant de quitter Paris, c’est-à-dire le lendemain.

Il gagna, et M. de Pancorbo, quijouait sur le tableau de droite, perdit.

Il faut peu de chose pour impressionner unhomme nerveux comme l’était en ce moment Saint-Briac, et il tira unfavorable augure de ce double coup du sort.

La partie continua avec des chancesdiverses ; mais la fortune lui resta fidèle, tandis qu’ellesembla tourner le dos au prétendu Castillan, qui prenait d’ailleursphilosophiquement cette déveine, à laquelle il n’était pasaccoutumé.

Après avoir épuisé ses jetons et la somme quechaque membre a le droit de demander à la caisse, il se mitbravement à battre monnaie avec des carrés de carton qu’il orna desa signature pour les transformer en billets de mille.

Ce sont là des valeurs que les vieux routiersdu baccarat n’acceptent qu’à bon escient, quand ils sont sûrs de lasolvabilité du joueur qui les met en circulation ; mais cellede M. de Pancorbo n’avait pas encore été discutée, etpersonne ne les refusa, pas même ceux qui doutaient de sonhonorabilité.

On le croyait trop riche et trop intelligentpour laisser en souffrance des bons que le signataire doit retirerdans les quarante-huit heures, sous peine de voir son nom affiché àla glace du cercle et de tomber finalement sous le coup del’exclusion.

Seul entre tous les joueurs, le capitaine eutl’intuition que cet escroc de haut vol se souciait peu decontracter des dettes, parce qu’il avait résolu de décamper lelendemain, et cette fois définitivement.

Il ne risquait rien à tenter ce dernier coup,et il pouvait y gagner gros. Aussi paraissait-il disposé à jouertant que durerait la partie, et rien n’annonçait qu’elle dût seterminer bientôt, car, à six heures du matin, elle était plusacharnée que jamais.

Elle se recruta même, à six heures et demie,de quatre jeunes et joyeux clubmen qui, après avoir soupé jusqu’àl’aurore en compagnie de demoiselles peu farouches, avaient eul’idée de monter au cercle, dans la louable intention d’achever lesperdants.

Leur calcul se trouva faux, car ils laissèrentsur le tapis les louis qui leur restaient, et ces louis passèrentpresque tous dans la poche de Saint-Briac, qui continuait à joueravec un bonheur inouï.

Après sa triste aventure avec madame deMalverne, le sort lui devait bien cette compensation.

D’autres pontes gagnaient dans des proportionsbeaucoup plus modestes ; mais M. de Pancorbo avaitémis une cinquantaine de bons de mille francs, et le Brésilienétait complétement à sec.

Ce fut lui qui, vers neuf heures, donna lesignal de la retraite, après avoir compté ses bons et annoncé qu’illes retirerait le jour même. L’Espagnol se décida aussi à lever laséance.

Saint-Briac, qui ne le perdait pas de vue,l’entendit appeler un malheureux valet de pied à moitié endormi etlui demander un consommé. C’était le moment d’avoir avec son ennemiune explication décisive. Il commanda immédiatement une tasse dechocolat, et il se fit servir sur un guéridon à deux pas deM. de Pancorbo, qui venait de s’installer devant unepetite table, et qui ne chercha point à éviter le voisinage ducapitaine.

Il lui adressa même la parole le premier.

– Je n’ai pas été heureux, cette nuit,lui dit-il en souriant, mais je suis charmé que vous ayez gagné.Est-il indiscret de vous demander combien ?

La question était impudente, et cette façonfamilière de renouer des relations avec un ennemi déclaré étaitbien le comble de l’audace.

Mais le moment n’était pas venu pourSaint-Briac de s’engager à fond. Tous les joueurs n’étaient paspartis. Quelques-uns s’étaient groupés dans un coin du salon etcausaient des incidents de la partie, comme on cause au bivouac,après une grande bataille.

– Je parierais volontiers que vousemportez au moins cinquante mille francs, reprit tranquillementM. de Pancorbo.

– Cinquante-cinq mille, répondit lecapitaine, sans paraître s’étonner de cet interrogatoireinattendu.

– C’est un joli denier. Et vous avez eude plus la chance de recevoir de l’argent comptant. Ce Brésilienpaye en billets de banque, au lieu d’émettre des jetons. C’est unbon système, et je l’emploierai, à l’avenir… Comme ça, on sait cequ’on fait, et l’on s’enfile moins facilement qu’avec des bons.

» À propos de bons, vous devez posséderquelques-uns des miens ?

– Pas un seul.

– Je le regrette. Il m’eût été agréablede vous avoir pour créancier.

– Pourquoi cela, je vous prie ?

– Parce que je serais allé retirermoi-même ma signature. Et j’aurais profité de l’occasion pourm’expliquer avec vous.

– Vous n’avez pas besoin de venir chezmoi pour cela.

– Ici c’est difficile. Nous ne sommes passeuls.

– Nous allons l’être dans un instant.Voyez plutôt.

Le groupe, en effet, s’émiettait. Les causeurss’en allaient les uns après les autres. Il n’en restait plus quedeux qui discutaient la grave question du tirage à cinq,en cheminant tout doucement vers la porte.

Pendant ce temps-là, les valets de pied ducercle ouvraient les rideaux, et la claire lumière d’une bellematinée de printemps inondait le salon vert.

– Ouvrez les fenêtres aussi ! leurcria M. de Pancorbo. On étouffe ici, et il est temps derenouveler l’air.

Saint-Briac ne demandait pas mieux, car onrespirait une atmosphère empestée par la fumée des innombrablescigares qu’avaient brûlés les joueurs pendant cette mémorablepartie, qui avait duré dix heures.

– Vous pouvez parler maintenant, repritle capitaine. Qu’avez-vous à me dire ?

– J’ai à vous demander d’abord si j’aiaffaire à un ami ou à un ennemi.

– À un ennemi, vous le savez fortbien.

– Je m’en doutais, mais je tenais à vousl’entendre dire. Maintenant, je me sens plus à l’aise pour vousproposer d’en finir avec une situation qui nous pèse à tous lesdeux.

– En finir ! s’écria le capitaine,irrité de tant d’aplomb. C’est avec vous que je veux en finir.

– Qu’entendez-vous par ces paroles ?demanda froidement le faux Espagnol.

– Vous le savez fort bien. Je veux voussupprimer.

– Par quel procédé, s’il vousplaît ?

– En vous livrant à la justice, qui vousdemandera compte de tous vos crimes.

– Vous voulez dire de la mort de cettefemme qu’on a précipitée d’une des tours de Notre-Dame. Vous enêtes donc encore à croire que c’est moi qui ai fait cela ?

– J’en ai la preuve.

– Vous m’étonnez. Mais je devine d’oùprovient votre erreur. Vous aurez reçu de moi une lettre que vousaurez prise pour une preuve. Dans cette lettre, je vous menaçais dedénoncer à M. de Malverne votre liaison avec sa femme sivous continuiez à m’espionner. Vous en avez conclu que j’étaisl’homme que vous cherchez. C’est là, permettez-moi de vous le dire,un jugement téméraire. Je cache ma vie, c’est vrai, et je ne veuxpas qu’on me suive ; ce n’est pas une raison pour que je soisun assassin.

– Qu’êtes-vous donc ?

– Un conspirateur, tout bonnement. J’aiquitté l’Espagne à la suite des derniers événements politiques, etje tiens à rentrer dans mon pays. Je cherche à renverser legouvernement qui m’a proscrit, et je suis sur le point d’y réussir.Tout est prêt pour une révolution que j’ai préparée à Paris et quiva éclater tout prochainement à Madrid… si prochainement, que jepars ce soir et que je franchirai les Pyrénées demain, pour memettre à la tête du mouvement.

» Si vous me dénonciez, je seraispeut-être arrêté par la justice française, et mon projetavorterait ; mais je n’aurais pas de peine à lui démontrer queje ne suis pour rien dans ce crime de Notre-Dame, car, n’ayant plusde ménagements à garder, je renoncerais au mystère dont j’aientouré ma vie depuis que j’habite Paris. Je me ferais connaîtresous mon véritable nom, et je produirais vingt témoins pourattester la vérité de mes déclarations. Donc, je ne vous conseillepas d’essayer. Vous n’arriveriez qu’à ébruiter un scandale que vousavez tout intérêt à étouffer.

– Plus maintenant. Vous avez écrit àM. de Malverne que j’étais l’amant de sa femme ; jen’ai plus rien à perdre.

– J’ai écrit, j’en conviens, et jeregrette d’avoir été contraint d’en venir à cette extrémité. C’estvous qui m’y avez forcé. Je vous faisais surveiller ; j’aiappris que, pour m’épier, vous vous étiez entendu avec je ne saisquels drôles dont le chef est une espèce de don Quichotte, un fou.Je ne pouvais pas tolérer les agissements de ces gens-là, et c’està vous que je m’en suis pris. Vous avez payé pour eux. J’en suisfâché, mais je voulais vous dégoûter de me faire la guerre. Il yallait du salut de ma patrie et de la vie de beaucoup de bravesgens, mes amis politiques, qui se sont compromis en Espagne et quisubiraient le même sort que moi, si je venais à être arrêté enFrance.

– Alors, vous avouez que c’est vous quiavez écrit, hier, à M. de Malverne une lettre anonymepour l’avertir que madame de Malverne était chez moi ?

– Parfaitement. Je sais qu’il y est allé,mais j’ignore ce qui s’est passé entre vous. Il ne me paraît pasqu’il y ait rien eu de bien grave, puisque vous venez de passer lanuit au jeu, et je pourrais me contenter du premier avertissementque je vous ai donné. Mais vous ne me pardonnerez jamais d’avoirfait ce que j’ai fait ; de mon côté, je ne puis plus me fier àvous. Donc, il faut que l’un de nous disparaisse.

– Est-ce un duel que vous meproposez ?

– Oui, faute de mieux. C’est la seulesolution pratique du cas où nous nous trouvons, encore n’est-il pascommode d’en finir de la sorte. D’abord, je pars ce soir.

– Moi aussi, je pars ce soir.

– Nous pourrions convenir de nousrencontrer à l’étranger, mais ce serait inutile, car, une fois horsde France, nous n’aurions plus rien à craindre l’un de l’autre. Etd’ailleurs, nous n’allons pas dans le même pays, je suppose.

– Je vais en Russie.

– Chercher l’assassin de Notre-Dame,ricana M. de Pancorbo. Je souhaite que vous l’y trouviez.Mais, comme je ne suis pas obligé de vous croire sur parole, jevoudrais régler nos comptes immédiatement.

– Et moi donc ! s’écria lecapitaine.

– Là gît précisément la difficulté. Pourse battre, il faut des témoins, et, étant donnée la situation, nousaurions quelque peine à en trouver.

– Nous pouvons nous en passer.

– Si tel est votre avis, rien ne s’opposeà ce que nous terminions cette affaire ce matin. Je pense même quenous ferons bien de ne pas nous séparer avant de l’avoir terminée.Vous vous défiez de moi, je me défie de vous. En ne nous quittantpas, chacun de nous sera sûr que l’autre n’ira pas préparer unetrahison. Reste la question des armes. Nous irons ensemble lesacheter. J’ai bien sur moi un revolver…

– J’en ai un aussi.

– Eh bien ! Mais… s’il est du mêmecalibre que le mien…

» Absolument, reprit Pancorbo, aprèsavoir comparé les deux armes, que d’un mouvement simultané les deuxadversaires avaient tirées de leurs poches. Six balles à tirerchacun, six balles du même poids. Tous les revolvers que vendentles armuriers parisiens sont faits sur le même modèle.

» Maintenant, où nousbattrons-nous ?

– Peu m’importe, pourvu que nous nousbattions à mort, dit Saint-Briac pris d’une rage froide et résolud’en finir à tout prix.

– C’est sous-entendu, répliqua lePancorbo. Il faut que l’un de nous deux n’en revienne pas. Sanscela, ce ne serait pas la peine. Je reviens à ma question. Où nousbattrons-nous ? Les environs de Paris sont tellementfréquentés, surtout en cette saison, que nous marcherions desheures entières avant de trouver une place convenable. Et ni vousni moi, nous n’avons de temps à perdre. Il faudrait aller plusloin.

– Ou plus près. Dans une maison. Chezmoi, par exemple.

– À bout portant, alors… car je nesuppose pas que, dans votre appartement, il y ait un salon de vingtmètres, ni même de quinze. En revanche vous avez des domestiques,et, au premier coup de revolver, ils iraient chercher la garde. Ceque je voudrais, c’est un endroit où nous serions absolument seuls,et où celui de nous deux qui survivra n’aura point à craindred’être arrêté par des survenants trop zélés.

– Je n’en connais pas de meilleur qu’unenclos, en rase campagne… comme on en trouve dans la plaineSaint-Denis ou dans la plaine de Vanves…

– C’est encore trop loin… et il me vientune idée… elle m’est suggérée par l’histoire de ce crime dont vousm’accusez si injustement…

– Je ne comprends pas.

– La femme que vous voulez venger a étéjetée, prétendez-vous, du haut d’une des tours de Notre-Dame. Etpersonne n’est venu déranger l’assassin, puisqu’il a pu fuir sansqu’on l’arrêtât. Que penseriez-vous d’un duel au mêmeendroit ?

– Je pense que c’est impossible. Vous n’ytrouveriez pas ce que que nous cherchons. D’abord, l’accès destours est public. Il suffit de payer quelques sous pour y monter.Nous y serions précédés ou suivis par des visiteurs. Et de plus, laplate-forme qui couronne le sommet de la tour n’est pas beaucoupplus large qu’un salon.

– Nous n’aurions pas besoin de grimperjusque-là. Ce que je vous propose, c’est un duel à l’américaine, etles galeries qui entourent la base des tours s’y prêteraient àmerveille. Il y a là des coins et des recoins très-bien disposéspour les embuscades. Chacun de nous se placerait à un des bouts dela galerie qui s’étend au-dessus de la rosace du portail, etchercherait son adversaire. À cette hauteur, le bruit d’un coup derevolver se perd dans l’espace, et les passants du parvis nel’entendraient pas.

» Quant aux visiteurs qui pourraient nousgêner, nous choisirions notre moment. Nous attendrions que ceux quiseraient arrivés avant nous fussent partis, et nous aurions tout letemps d’en finir avant que d’autres survinssent. Les étrangers nefont guère cette ascension que l’après-midi. Le matin, il n’y a pasfoule.

» Dans tous les cas, c’est un essai àtenter, sauf à nous transporter ensuite hors de Paris… et je puisbien vous dire pourquoi j’aimerais à me battre là-haut. C’est quevous m’avez accusé et que vous m’accusez encore d’y avoir commis uncrime atroce. Je tiens à vous prouver que je n’ai pas peur d’yrencontrer le fantôme de ma prétendue victime. Et pourtant, je vousle jure, je suis superstitieux, comme tous mes compatriotes… sij’étais coupable, ma main tremblerait sur cette galerie où je vousoffre de monter avec vous.

Saint-Briac était un exalté, accessible àtoutes les impressions inattendues, et cet étrange argument lefrappa, beaucoup plus que toutes les raisons mises en avant parl’inexplicable personnage auquel il avait affaire.

En quelques secondes, il en vint à douter del’évidence, à se demander si cet homme n’était pas réellement unEspagnol et un conspirateur, que Mériadec et ses amis avaient prispour l’assassin de la comtesse.

Le capitaine ignorait les derniers méfaits decelui qu’ils accusaient ; il ignorait le meurtre de Sacha etla séquestration de Fabreguette.

La lettre anonyme adressée àM. de Malverne avait pu être écrite parM. de Pancorbo pour se débarrasser d’un monsieur qui, enl’espionnant, gênait ses desseins politiques.

L’imagination de Saint-Briac lui jouait letour funeste de l’égarer jusqu’à lui faire oublier les faits quicondamnaient ce misérable, et, pour comble de malheur, il se trouvaque les conditions extravagantes de ce duel lui plaisaient.

La rencontre était inévitable, puisque cePancorbo avouait la dénonciation, et le capitaine aimait autant quele combat ne fût pas réglé bourgeoisement, comme s’il se fût agi devider une querelle ordinaire et de venger une offense sansgravité.

Ce qu’il voulait, c’était tuer son ennemi ouêtre tué lui-même, et d’en finir le plus tôt possible.

– Soit ! dit-il, essayons. Si noustrouvons la place prise, nous irons nous battre au fond d’unecarrière. J’en connais une à Montrouge qui semble avoir été faiteexprès.

– Alors, venez, monsieur, réponditM. de Pancorbo en se levant. Puisqu’il est décidé quenous ferons route ensemble, nous allons la faire en voiture, afind’arriver plus vite.

Cet arrangement convenait à Saint-Briac. Iln’était pas encore tout à fait sans défiance, et il voulaitempêcher son adversaire de communiquer avec quelque auxiliaire,comme celui qui était venu un soir l’attendre à la porte du cercle,après l’avoir abordé dans les Champs-Élysées.

Le capitaine surveilla son compagnon pendantqu’ils descendaient de front l’escalier. Il ne surprit aucun gesteà l’adresse des valets de pied qui bâillaient en bas dans levestibule, et il n’aperçut dans la rue aucune figure suspecte.

Les fiacres ne manquaient pas à la porte ducercle. Ils en prirent un, et M. de Pancorbo dit aucocher de les conduire au coin du Parvis et de la rue d’Arcole.

C’était précisément l’endroit où, le jour ducrime, Sacha était descendu de voiture avec sa mère ; mais lecapitaine, qui ignorait ce détail, ne pouvait pas remarquer lacoïncidence.

Ils arrivèrent assez vite, et, quand ilseurent mis pied à terre, M. de Pancorbo s’empressa derenvoyer le fiacre, après l’avoir payé.

– C’est contraire à l’usage, dit-il enriant. On garde toujours une voiture pour ramener les blessés, maisce n’est pas le cas. Nous n’aurons qu’un mort.

– Ou deux, rectifia le capitaine enregardant fixement son adversaire.

– Espérons que l’un de nous survivra.Mais, quoi qu’il doive arriver, hâtons-nous, monsieur. Je ne voispersonne sur la galerie, ni sur la tour. Profitons du moment.

Ils allèrent droit à l’entrée, ilss’engagèrent dans l’escalier tournant, et ils arrivèrent bientôt àla grille, qui était fermée.

Le nouveau gardien vint au coup de sonnette,et les reçut plus poliment que ne l’aurait fait feu Verdière.

– C’est vous qui m’étrennez, messieurs,leur dit-il, après avoir empoché la rétribution réglementaire.Voilà trois jours que je suis en fonction, et c’est hier seulementque le parquet a fait lever la consigne de ne laisser monterpersonne. C’était défendu à cause de cette malheureuse affaire, etencore on m’a prévenu ce matin que le juge d’instruction viendraitaujourd’hui visiter la tour du sud. J’ai ordre de tenir la grillefermée pour tout le monde, à partir de onze heures, mais il n’enest que dix… Ces messieurs ont bien fait de venir de bon matin… letemps est clair, et ces messieurs seront seuls à admirer la bellevue.

M. de Pancorbo récompensa par le dond’une pièce blanche ces renseignements, qui parurent lui êtreagréables, et qui le furent beaucoup moins à Saint-Briac.

Peu s’en fallut même qu’il ne reculât plutôtque de s’exposer à se trouver face à face avecM. de Malverne.

Mais le sort en était jeté. D’ailleurs, labataille à coups de revolver ne pouvait pas durer longtemps sansque la mort de l’un des combattants y mît fin et Hugues n’allaitjamais au Palais qu’après déjeuner.

– Quand il arrivera, se dit le capitaine,il ne trouvera que le cadavre du dénonciateur d’Odette… ou le mien…Si je suis tué, il pardonnera peut-être à celle qui me survivra, etsi je tue cet homme, il n’entendra plus jamais parler de moi… nielle non plus.

– Passez le premier, monsieur, ditSaint-Briac.

– Vous tenez à me céder le pas ?demanda en ricanant le soi-disant marquis de Pancorbo.

– Absolument.

– Comme il vous vous plaira. Je ne suispas défiant.

Le faux Espagnol avait très-bien compris quele capitaine craignait d’être tué par derrière en montantl’escalier de la tour, et il savait parfaitement que le capitainene le prendrait pas en traître. Il ne fit donc aucune difficultépour passer devant.

Le gardien était rentré dans sa niche et nes’occupait plus d’eux. Ils avaient donc le champ libre, et,lorsqu’ils débouchèrent sur la galerie, il ne leur restait plusqu’à régler les conditions du combat.

Ce ne fut pas long.

– Il est entendu, dit Pancorbo, quechacun de nous a le droit de faire feu jusqu’à ce que son revolversoit vide… six coups à tirer par conséquent. Et le tir sera à votrevolonté… toutes les ruses sont permises. Quant au choix des places,le sort en décidera, si vous voulez.

– Le choix ! je vous le laisse,répliqua le capitaine.

– Alors, je choisis le côté de la tour dusud… la tour du crime, si je ne me trompe. Vous allez rester ici,pendant que je vais traverser la galerie. Quand je serai arrivé aubout, vous me donnerez le signal en levant votre revolver en l’air,le bout du canon tourné vers le ciel. Je répéterai le geste, et àpartir de ce moment, nous serons libres de commencer le feu àvolonté. Est-ce convenu ?

– C’est convenu. Allez, monsieur.

Le prétendu conspirateur s’engagea sur lagalerie, mais il eut soin de s’y engager à reculons, afin de ne pasperdre de vue son adversaire, qui pourtant ne songeait guère àabuser de la position.

Saint-Briac n’avait pu revoir sans une émotionprofonde cette galerie où il était monté avec madame deMalverne ; et il cherchait des yeux la place où elles’accoudait au moment où le vent avait emporté sa voilette.

Leurs malheurs avaient commencé là. Uneétrange fatalité l’y ramenait. Peu lui importait maintenant d’ymourir, pourvu qu’avant de tomber, il tuât le scélérat qui lesavait perdus.

Le capitaine, chassant les tristes souvenirsdu passé, répondit au signal et ne pensa plus qu’à combattre.

Il n’apercevait déjà plus son ennemi quis’était aussitôt caché derrière un angle saillant. Saint-Briacimita cette manœuvre et se demanda comment il devait s’y prendrepour attaquer sans se découvrir.

Le champ clos où allait se vider l’affaire luiétait connu, depuis sa désastreuse promenade avec Odette.

Il savait que les deux tours sont cerclées àleur base par une galerie, et que cette galerie circulaire n’estque le prolongement de celle qui s’étend au-dessus de la rosacecentrale ; il savait que ce chemin étroit forme unrenfoncement sur chacune des quatre faces de chaque tour, et qu’illes réunit en avant et en arrière.

En avant, à cent pieds au-dessous de cetteespèce de pont suspendu, il y a le pavé du parvis.

En arrière, il y a un vide, au delà duquelcommencent les toits de la grande nef, entourés eux aussi degaleries à balustrade.

Au milieu, se creuse une aire carrée etrecouverte de plomb, portant deux énormes réservoirs en zinc, toutpleins d’eau de pluie qui servirait en cas d’incendie.

Le plan le plus sûr était évidemment des’embusquer et d’attendre que l’adversaire se montrât à découvert.Mais si le capitaine et l’Espagnol faisaient tous les deux le mêmecalcul, ils étaient destinés à ne jamais se rencontrer, et ni l’unni l’autre n’était venu là pour exécuter une sorte de promenade àmain armée.

D’ailleurs, le caractère de Saint-Briacs’accommodait mal d’un système de temporisation qui l’aurait exposéà être surpris par M. de Malverne, que le gardienattendait et qui ne tarderait pas beaucoup à paraître, avec tout lecortége et l’appareil d’une visite judiciaire.

M. de Pancorbo devait craindre,encore plus que son adversaire, l’arrivée du juge d’instruction etde ses agents.

– Nous aurions mieux fait de nous placertout simplement à quinze pas l’un de l’autre et de tirer jusqu’à cequ’il y ait mort d’homme, pensait le capitaine. Je veux en finir,et je vais avancer. Pour faire feu sur moi, il faudra bien qu’il semontre. Alors ce sera au plus adroit.

Avant de marcher, il s’assura que les sixcartouches étaient dans leurs alvéoles d’acier, que le mécanismequi les amène l’une après l’autre devant le canon fonctionnaitfacilement, et que la détente n’était pas trop dure.

Et ces précautions prises, il se mit àcontourner la base massive de la tour du nord. Son projet était dedéboucher du côté de la nef, de parcourir à toute vitesse lagalerie où il allait se trouver à découvert, et d’attaquer Pancorbodans l’encoignure de pierre où il l’avait vu s’embusquer.

Il avança donc à pas de loup, et par malheuril ne songea point à se retourner.

Or, l’Espagnol avait eu absolument la mêmeidée que lui. Il était sorti de sa cachette, et, abandonnant l’abriprotecteur de la tour du midi, il s’était lancé sur la galerie quipasse au-dessus de la rosace, et il était arrivé, le revolver aupoing, à la place que le capitaine venait de quitter. Ne l’ytrouvant plus, il comprit et il suivit.

Saint-Briac, avant de prendre sa course,s’arrêta quelques secondes, afin de s’assurer que son ennemi ne leguettait pas derrière un angle saillant.

C’en fut assez pour le perdre.

L’odieux Pancorbo tira sur lui, bout portant,par derrière, et le tua roide d’une balle qui lui brisa la colonnevertébrale.

Le coupable amant d’Odette de Malverne tomba,la face contre terre, et son assassin ne perdit pas de temps pourle dépouiller de la somme qu’il avait gagnée au jeu pendant cettedernière nuit.

C’était uniquement pour la lui voler qu’il luiavait proposé ce duel insensé. Cinquante-cinq mille francs luisemblaient bons à prendre et à emporter en quittant la France sansesprit de retour. Il n’avait plus rien à y faire. Tous sesabominables desseins étaient accomplis. Son vil complice avait déjàpassé la frontière. Rien ne l’empêchait d’en faire autant le soirmême.

Il fouilla le cadavre, prit les billets debanque dans le portefeuille, en bourra ses poches et courut àl’escalier pour descendre.

Il savait, lui aussi, que la justice allaitvenir, et il ne voulait pas qu’elle le surprît en flagrantdélit.

La guerre à l’américaine n’avait pas duré dixminutes.

Le survivant pouvait donc espérer qu’il allaitsortir sans encombre, et, une fois dans la rue, il n’aurait plusrien à craindre, car tout était préparé pour son départ.

Il se glissa donc dans l’étroit escalier, maisil n’avait pas descendu trois marches, qu’il lui sembla entendreau-dessous de lui des voix et des pas.

Il s’arrêta pour écouter, et bientôt, enprêtant l’oreille, il acquit la certitude que plusieurs personnesmontaient. Continuer à descendre, lui, il n’y pouvait pas songer.Ces gens, quels qu’ils fussent, et en supposant qu’ils nel’arrêtassent pas au passage, allaient trouver sur la galerie lecadavre du capitaine ; ils devineraient sans peine que l’hommequ’ils venaient de croiser dans l’escalier était le meurtrier, etils se mettraient à sa poursuite.

Mieux valait encore remonter et tâcher de fuirpar un autre chemin.

Il en connaissait un qu’il avait déjà prispour se sauver, après avoir précipité la comtesse du haut de latour du sud ; un chemin périlleux s’il en fut, mais quiaboutissait à un escalier pratiqué dans l’épaisseur du mur desoutènement du toit de la nef.

Il n’avait pas le choix, et il courut àl’endroit où, en escaladant la balustrade, il pouvait se laissertomber sur une arête de pierre, disposée en plan incliné.

C’était en enfourchant cette arête et en seglissant jusqu’au bas qu’il avait pu, le jour de son premier crime,atteindre le fond de l’espèce de vallée qui sépare de la nef lesdeux tours de la façade et trouver là le point de départ d’unescalier de pierre, suspendu dans les airs.

Cet escalier l’avait mené à la galerie quifait tout le tour de la toiture du vaisseau de l’église, y comprisle chœur. Il était très-praticable, et le reste de l’expédition neprésentait aucune difficulté.

La promenade le long du toit avaitl’inconvénient de ne pouvoir s’effectuer qu’à découvert, mais ledanger n’existait qu’au commencement, c’est-à-dire au moment dusaut depuis la galerie. Si on le manquait, ce saut périlleux ;si, au lieu de tomber à cheval sur l’arête, on déviait tant soitpeu, ou si, une fois à califourchon, on perdait l’équilibre, onentamait forcément une série de dégringolades qui devaient seterminer par une chute sur le pavé.

Mais il était fort et adroit, cet hommeénigmatique, ce scélérat cosmopolite qui semblait ne changer de nomet de nationalité que pour commettre plus facilement des crimes detoute espèce.

Et, en ce moment, il jouait sa dernièrepartie. Tout lui avait réussi. À force d’audace et de manœuvresodieuses, il était parvenu à se débarrasser de tous ceux qui luiavaient déclaré la guerre. Il venait de tuer traîtreusement le plusdangereux de ses ennemis, et il allait quitter la France, chargédes dépouilles de ses victimes.

Il ne s’agissait plus que de sauter juste etaussi de sauter vite, car s’il se laissait voir par les gens qu’ilvenait d’entendre montant l’escalier, c’en était fait de lui, alorsmême qu’il aurait déjà franchi le plus mauvais pas.

Le cadavre du capitaine était là. Lessurvenants, s’ils apercevaient un homme courant le long des toitsde la nef, ne manqueraient pas de crier : Àl’assassin !

Et s’ils ne se risquaient pas à lui donner lachasse, du moins ils s’empresseraient de descendre, d’avertir legardien, et, une fois arrivés en bas, de recruter des sergents deville et même des passants qui se coaliseraient pour couper laretraite au fuyard, en gardant toutes les issues de l’église.

Le misérable fit tous ces raisonnements enbeaucoup moins de temps qu’il n’en faut pour les écrire, gagnaprestement le point où il devait opérer et se pencha sur labalustrade pour mesurer de l’œil la distance et calculer son élan.Il était encore dans cette posture, lorsque Mériadec, Daubrac etFabreguette débouchèrent du côté opposé, c’est-à-dire sur lagalerie de la façade.

Comment se trouvaient-ils là ? Pancorbo,qui ne les voyait pas encore, n’aurait pas pu en croire ses yeuxs’il les avait aperçus, mais il n’aurait pas manqué de leur courirsus, car le seul moyen qui lui restât de leur échapper, c’était deles tuer, comme il venait de tuer M. de Saint-Briac.

Un hasard providentiel les y avait amenés plustôt qu’ils n’y devaient venir, et trop tard malheureusement poursauver le capitaine.

La veille, après la visite collective àM. de Malverne, ils avaient passé toute la soirée àrépondre aux questions du juge d’instruction qui s’était transportéimmédiatement rue Cassette.

Il s’agissait de reconstituer la scène dumeurtre de Sacha et d’expliquer, avec témoignages à l’appui, lesfaits qui l’avaient précédé.

Rose Verdière avait dû elle-même raconter toutce qu’elle avait fait, et cette fois elle s’était résignée à diretoute la vérité.

M. de Malverne la connaissait depuisle défi que sa femme lui avait jeté à la face, en présence destrois amis et de l’Ange du bourdon.

Et M. de Malverne avait reçu lesaveux de Rose sans se départir un seul instant du calme qu’ilaffectait, calme plus effrayant que la colère.

La séance s’était prolongée fort avant dans lanuit et n’avait pris fin qu’après l’enlèvement du corps de Sacha,qui devait être soumis à l’autopsie, comme l’avait été celui de samalheureuse mère.

Avant de se retirer, M. Malverne avaitdéclaré à Rose Verdière qu’il la tenait quitte désormais de toutinterrogatoire. Il avait même exprimé hautement tout le bien qu’ilpensait d’elle ; le magistrat l’excusait d’avoir menti poursauver une femme, et le mari ne lui gardait pas rancune.

Il avait annoncé en même temps à ces messieursqu’il allait recommencer l’instruction sur de nouvelles bases, etque ses mesures étaient déjà prises pour que l’assassin de lacomtesse et son complice n’échappassent point cette fois à desrecherches mieux dirigées.

Toute la police de sûreté était surpied ; la maison de la rue Marbeuf cernée, quoique, aprèsl’incendie allumé par Fabreguette, il n’en restât que desruines ; le signalement du soi-disant Pancorbo télégraphié àtoutes les frontières ; les renseignements demandés àl’ambassade d’Espagne et à l’ambassade russe étaient attendus d’uninstant à l’autre.

Et pour reprendre au point de départ toutel’histoire du crime, M. de Malverne voulait visiterlui-même l’escalier, la galerie, la plate-forme et la tour.

Aux trois compagnons, qui n’osaient pluss’intituler les trois mousquetaires, il avait signifié, en lesquittant, d’avoir à se tenir prêts à l’accompagner le lendemain, àmidi, dans cette inspection des régions supérieures de la vieillecathédrale.

Peut-être ne trouvait-il pas assez précisesles explications de Mériadec en ce qui concernait la rencontre deSacha au bas de la tour des cloches. Peut-être aussi comptait-ilprendre un âcre plaisir à revoir cette galerie où Odette,trahissant sa foi, s’était accoudée près de son amant.

Quoi qu’il en fût, le baron de Mériadec et sesamis n’avaient qu’à obéir, et le matin, à dix heures, ils s’étaientréunis à l’Hôtel-Dieu, chez Daubrac, pour y déjeuner et y attendrele moment fixé par le juge d’instruction.

Ils flânaient tous les trois à cette mêmefenêtre d’où l’interne et Mériadec avaient vu naguère une femmevoilée traverser le parvis au bras d’un beau cavalier qu’ils neconnaissaient pas.

Cette fois, ce fut Fabreguette qui aperçut lecapitaine et M. de Pancorbo descendant de voiture au coinde la rue d’Arcole, et qui les signala à ses deux camarades. Ilsles virent se diriger vers l’entrée des tours, et, sans chercher àdeviner ce qu’ils y allaient faire, ils se précipitèrent pour lesrattraper.

Fabreguette, qui avait l’imagination vive, sefigurait déjà que M. de Saint-Briac était un traître.Mériadec et Daubrac entrevoyaient à peu près la vérité.

Malheureusement, avant de toucher le pavé duparvis, ils avaient quatre-vingts marches à descendre, et, lebaron, que ses amis ne voulaient pas laisser en arrière, n’avaitplus ses jambes de vingt ans.

Quand ils entrèrent dans l’escalier des tours,ceux qu’ils poursuivaient étaient déjà arrivés sur la galerie.

Ils perdirent encore un peu de temps àparlementer avec le gardien qui leur opposait la consigne, et queMériadec dut apprivoiser par le don d’une pièce de cinq francs.

De sorte qu’au moment où ils atteignirent lagalerie, Pancorbo commençait à enjamber la balustrade. Il étaitmasqué par l’angle de la tour du sud, et ils ne le virent pas.

Mais Fabreguette, qui marchait en tête, avisaimmédiatement le corps du capitaine, couché sur le ventre au piedde la tour du nord.

Courir à lui, le retourner, le reconnaître, cefut tôt fait. Mériadec et Daubrac arrivèrent à la rescousse poursecourir leur malheureux allié s’il en était temps encore, et nesongèrent pas tout d’abord à chercher le meurtrier.

Daubrac s’agenouilla pour examiner lablessure, et déclara que Saint-Briac était mort.

En sa qualité d’interne, il s’y connaissait,et ses deux compagnons ne s’avisèrent point de contester sondiagnostic.

– Il l’a tué par derrière, lelâche ! s’écria Fabreguette.

– Et pourtant le capitaine était venupour se battre en duel, murmura Mériadec. Voyez ! Il tientencore son revolver dans sa main droite.

– L’autre l’a attiré là sous prétexted’un duel à l’américaine, et il l’a assassiné, parbleu !

Daubrac se releva, prit le revolver, s’assuraqu’il n’avait fait feu, et dit avec une rage froide :

– Maintenant, messieurs, il s’agit de nepas laisser échapper ce scélérat. Il n’a pas pu descendre… nousl’aurions rencontré dans l’escalier. Donc, il n’est pas loin.

– À moins qu’en nous entendant venir, ilne soit monté jusqu’à la plate-forme.

– Eh bien, nous allons l’y poursuivre. Jedemande à passer le premier. Je suis armé, et, s’il s’avise de sedéfendre à coups de pistolet, j’ai de quoi riposter… six coups, etil ne doit lui en rester que cinq, puisqu’il a dépensé une ballepour tuer notre pauvre capitaine.

Mériadec, consterné, se taisait, mais ilcommençait à se rappeler que, le jour du premier crime, l’assassinavait trouvé un moyen de fuir sans passer par l’escalier de latour.

Pendant qu’ils hésitaient, rassemblés autourdu cadavre, l’abominable Pancorbo avait achevé d’enjamber labalustrade, et après s’y être accroché avec les mains, il étaitparvenu, à force de vigueur et d’adresse, à enfourcher l’arête depierre qui descendait en plan incliné jusqu’au renfoncement dutoit.

Il était là, couché à plat ventre, embrassantdes mains et des genoux l’étroite saillie, et il allait se laisserglisser, lorsqu’il entendit les voix qui partaient de lagalerie.

Il avait cru qu’il aurait le temps de secacher, et il frémit en s’apercevant qu’il s’était trompé dans sescalculs. Mais il ne désespéra pas pour cela. Ces gens étaientmontés plus vite qu’il ne pensait, mais ces gens étaient peut-êtrede simples badauds qui n’allaient faire que passer sur la galerie,et qui ne s’amuseraient pas à se pencher pour mesurer du regard laprofondeur de cette espèce de ravin creusé entre la base des tourset la nef.

Dans cette hypothèse, le fuyard n’avait riende mieux à faire que de se tenir coi jusqu’à ce que ces fâcheuxeussent quitté la place pour continuer leur ascension.

Et le misérable se disait :

– Pendant qu’ils grimperont dans la tourdes cloches, je me laisserai glisser, et, avant qu’ils arrivent surla plate-forme d’où ils pourraient m’apercevoir, j’aurai déjàatteint, en rampant le long du toit, la petite porte de l’escalierqui aboutit derrière le chœur. Elle sera sans doute fermée, mais,la première fois que j’y ai passé, j’ai eu soin de mettre la clefdans ma poche, et j’ai sur moi cette bienheureuse clef.

» Allons ! je m’en tirerai encoreaujourd’hui, et comme demain je serai hors de France, ce cornard dejuge en sera pour ses frais d’instruction. Au lieu de mepoursuivre, il devrait m’aider à filer, car je viens de lui rendreun fameux service en le débarrassant de l’amant de sa femme.

– Ne perdons pas notre temps ici, ditDaubrac, qui était encore à l’autre bout de la galerie ; ettâchons de ne pas faire de fausses manœuvres. Le premier point,c’est de garder l’escalier par lequel nous sommes venus.

» Toi, Mériadec, tu vas me faire leplaisir de te mettre en faction devant la porte, pendant que,Fabreguette et moi, nous allons entrer en chasse.

– Commencez par explorer cette galerie,et regardez du côté de la nef, répondit Mériadec en leur tournantle dos pour se rendre à son poste.

L’interne et le peintre de la rue de laHuchette suivirent ce sage conseil. Ils s’avancèrent, Fabreguetteen tête, jusqu’à la tour du sud, examinant de l’œil l’aire de plomboù sont les réservoirs, et, pour regarder les toits de la nef, ilsvinrent s’accouder juste au-dessus de l’arête où l’assassin setenait immobile.

Il ne le voyaient pas, mais il les vit, lui,et il les reconnut. Alors, il y eut une tempête sous le crâne d’unscélérat. Il comprit que s’ils l’apercevaient, il était perdu, etil se dit que s’il pouvait les supprimer, il était sauvé. Il avaitson revolver dans sa poche, et les têtes de ses deux ennemis seprésentaient comme deux cibles, à deux mètres au-dessus de lui. Ilne pouvait pas les manquer. Mais comment le prendre, ce revolver,et comment viser dans la position où il était ? Pour tirer, ilfallait lâcher, au moins d’une main, le faîte étroit auquel ils’accrochait, et ce faîte côtoyait l’abîme.

– Dire que je les tiens là, tous lesdeux, grinçait-il entre ses dents, et qu’en moins de dix secondesje les enverrais rejoindre leur ami, le capitaine ! Ils sontévidemment seuls sur cette galerie, et, une fois que je les auraiabattus, je n’aurai plus qu’à filer par le petit escalier duchœur.

La tentation était trop forte. Il se fouillade la main droite, en remontant un peu le genou, pour amener sapoche à portée ; il parvint non sans peine à en extraire lerevolver ; il réussit même à l’armer, et il cherchait àprendre un point d’appui avec son coude afin de viser juste,lorsque le craquement de la batterie attira l’attention deFabreguette, qui s’écria aussitôt :

– Tiens ! le marquis !

Daubrac regarda et vit cet homme qu’ilreconnut sans l’avoir jamais vu. Quel autre que l’assassin tantcherché pouvait se trouver perché sur cette arête en un pareilmoment ?

– Te voilà donc enfin ! repritFabreguette ; il y a assez longtemps que je te cours après.Mais, cette fois, tu es pincé, mon bonhomme. Tu peux te promenersur les toits de Notre-Dame, si ça t’amuse ; tu ne sortiraspas de la souricière. L’église est gardée, et sur le coup de midi,le juge, le commissaire et les agents vont arriver pour tecueillir.

L’artiste parlait encore, lorsqu’une balleenleva son béret rouge, après avoir effleuré son front.

– Ah ! c’est comme ça, dit-il ;tu veux nous tuer, à présent… passe-moi ton joujou, Daubrac, quej’envoie ce chien enragé sur le pavé où il a jeté la comtesse.

– Non, répondit l’interne, laisse-moifaire.

L’assassin avait compris qu’il allait mourir,mais il ne voulait pas mourir seul, et, pour mieux assurer son tir,il se releva et essaya de se mettre à genoux sur le faîte où ils’était tenu couché jusqu’alors.

Il y parvint, et il tenait déjà Fabreguette aubout de son canon ; mais au moment où il allait presser ladétente, son genou gauche glissa et lui fit perdre l’équilibre. Lecoup partit en l’air, et le tireur dégringola de son perchoir. Ils’accrocha un instant à une gargouille qui faisait saillie à dixpieds en contre-bas, mais ses mains lâchèrent prise et il tomba entournant sur lui-même jusqu’au pied de la tour du sud, où il sebrisa le crâne sur un gros tas de pierres à bâtir, amoncelées làpar un entrepreneur des travaux de la ville.

La comtesse Xénia était vengée.

– Il ne l’a pas volé, grommelaFabreguette.

– Qu’il aille au diable ! appuyaDaubrac.

Ils appelèrent Mériadec qui accourait, attirépar le bruit de la détonation, et qui n’ajouta rien à cette oraisonfunèbre d’un bandit dont personne ne savait encore le véritablenom. M. de Malverne arriva tout à point pour entendre lerécit de cette dernière scène, et la conclusion qu’il en tira futque sa mission était finie.

– La justice de Dieu vaut mieux que celledes hommes, murmura-t-il en regardant d’un œil sec le corps deJacques de Saint-Briac. Elle a frappé le traître, elle frappera sacomplice, et, si j’assiste au châtiment, je serai assez vengé.

Ce vœu fut exaucé, et le supplice d’Odettedura plus longtemps que ses tristes amours avec le capitaine.

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