Littérature et philosophie mêlées de Victor Hugo

Chapitre 6

Une ancienne prophétie de Mahomet dit qu’un soleil se lèvera au couchant.
Est-ce de Napoléon qu’il voulait parler ?

Vous voyez ces deux hommes, Robespierre et Mirabeau. L’un est de plomb, l’autre est de fer. La fournaise de la révolution fera fondre l’un, qui s’y dissoudra ; l’autre y rougira, y flamboiera, y deviendra éclatant et superbe.

Il fallait être géant comme Annibal, comme Charlemagne, comme Napoléon, pour enjamber les Alpes.

Les révolutions sont commencées par des hommes que font les circonstances, et terminées par des hommes qui font les événements.

Sous la monarchie, une lettre de cachet prenait la liberté d’un individu, et la mettait dans la Bastille.

Toute la liberté individuelle de France était venue ainsi s’accumuler goutte à goutte, homme à homme, dans la Bastille, depuis plusieurs siècles. Aussi, la Bas- tille brisée, la liberté s’est répandue à flots par la France et par l’Europe.

Un classique jacobin : un bonnet rouge sur une perruque.

Plusieurs ont créé des mots dans la langue ; Vaugelas a fait pudeur ; Corneille, invaincu ; Richelieu, généralissime.

La civilisation est toute-puissante. Tantôt elle s’accommode d’un désert de sable, comme, sous Rome, de l’Afrique ; tantôt d’une région de neiges, comme actuelle- ment de la Russie.

L’empereur disait : officiers français et soldats russes.

Gloire, ambition, armées, flottes, trônes, couronnes ; polichinelles des grands enfants.

Le boucher Legendre assommait Lanjuinais de coups de poing à la tribune de la Convention :-Fais donc d’abord décréter que je suis un boeuf !-dit Lanjuinais.

La France est toujours à la mode en Europe.

L’Ecriture conte qu’il y a eu un roi qui fut pendant sept ans bête fauve dans les bois, puis reprit sa forme humaine. Il arrive parfois que c’est le tour du peuple. Il fait aussi ses sept années de bête féroce, puis redevient homme. Ces métamor- phoses s’appellent révolutions.

Le peuple, comme le roi, y gagne la sagesse.

: : : : :TOAST :

A l’abolition de la loi salique !

Que désormais la France soit régie par une reine, et que cette reine s’appelle la loi.

Singulier parallélisme des destinées de Rome ! après un sénat qui faisait des dieux, un conclave qui fait des saints.

Qu’est-ce que c’est donc que cette sagesse humaine qui ressemble si fort à la folie quand on la voit d’un peu haut ?

Les empires ont leurs crises comme les montagnes ont leur hiver. Une parole dite trop haut y produit une avalanche.

En 1797, on disait : la coterie de Bonaparte ; en 1807 : l’empire de Napoléon. Les grands hommes sont les coefficients de leur siècle.
Richelieu s’appelait le marquis du Chillou ; Mirabeau, Riquetti ; Napoléon, Buo- naparte.

Décret publié à Pékin, dans la Gazette de la Chine, vers la fin d’août 1830 :

« L’académie astronomique a rendu compte que, dans la nuit du 15e jour de la 7e lune (20 août), deux étoiles ont été observées, et des vapeurs blanches sont tombées près du signe du zodiaque Tsyvéitchoun. Elles se sont fait voir à l’heure où la garde de nuit est relevée pour la quatrième fois (à près de minuit) et an- noncent des troubles dans l’ouest. »

Napoléon disait : Avec Anvers, je tiens un pistolet chargé sur le coeur de l’An- gleterre.

Dieu nous garde de ces réformateurs qui lisent les lois de Minos, parce qu’ils ont une constitution à faire pour mardi !

Le cocher qui conduisait Bonaparte le soir du 3 nivôse s’appelait César. L’Espagne a eu, l’Angleterre a la plus grande marine de la terre.
Le midi de l’Amérique parle espagnol, le nord parle anglais. L’incendie de Moscou, aurore boréale allumée par Napoléon.
: :NOBLESSE. PEUPLE.

Le comte de Mirabeau. Franklin. Napoléon Buonaparte, gentilhomme corse. Washington. Le marquis Simon de Bolivar. Sieyès. Le marquis de La Fayette. Ben- tham. Lord Byron. Schiller. M. de Goethe. Canaris. Sir Walter Scott. Danton. Le comte Henri de Saint-Simon. Talma. Le vicomte de Chateaubriand. Cuvier. Ma- dame de Staël. Le comte de Maistre. F. de Lamennais. O’Connell, gentilhomme irlandais. Mina, hidalgo catalan. Benjamin de Constant. La Rochejaquelein. Riego.

Luther disait : Je bouleverse le monde en buvant mon pot de bière. Cromwell disait : J’ai le roi dans mon sac et le parlement dans ma poche. Napoléon disait : Lavons notre linge sale en famille.

Avis aux faiseurs de tragédies qui ne comprennent pas les grandes choses sans les grands mots.

Echecs d’hommes secondaires, éclipses de lune.

« Il avait (Louis XIV) beaucoup d’esprit naturel, mais il était très ignorant ; il en avait honte. Aussi était-on obligé de tourner les savants en ridicule. »

(Mémoires de la Princesse palatine.)

Genève ; une république et un océan en petit.

Je reviens d’Angleterre, écrivait, il y a vingt ans, Henri de Saint-Simon, et je n’y ai trouvé sur le chantier aucune idée capitale neuve.

Il en est d’un grand homme comme du soleil. Il n’est jamais plus beau pour nous qu’au moment où nous le voyons près de la terre, à son lever, à son coucher.

Parmi les colosses de l’histoire, Cromwell, demi-fanatique et demi-politique, marque la transition de Mahomet à Napoléon.

Les gaulois brûlèrent Lutèce devant César (vid. Comm). Deux mille ans après les russes brûlent Moscou devant Napoléon.

Il ne faut pas voir toutes les choses de la vie à travers le prisme de la poésie. Il ressemble à ces verres ingénieux qui grandissent les objets. Ils vous montrent dans toute leur lumière et dans toute leur majesté les sphères du ciel ; rabaissez-les sur la terre, et vous ne verrez plus que des formes gigantesques, à la vérité, mais pâles, vagues et confuses.

Napoléon exprimé en blason, c’est une couronne gigantale surmontée d’une couronne royale.

Une révolution est la larve d’une civilisation.

La providence est ménagère de ses grands hommes. Elle ne les prodigue pas ; elle ne les gaspille pas. Elle les émet et les retire au bon moment, et ne leur donne jamais à gouverner que des événements de leur taille. Quand elle a quelque mau- vaise besogne à faire, elle la fait faire par de mauvaises mains ; elle ne remue le sang et la boue qu’avec de vils outils. Ainsi Mirabeau s’en va avant la Terreur ; Na- poléon ne vient qu’après. Entre les deux géants, la fourmilière des hommes petits et méchants, la guillotine, les massacres, les noyades, 93. Et à 93 Robespierre suf- fit ; il est assez bon pour cela.

J’ai entendu des hommes éminents du siècle, en politique, en littérature, en science, se plaindre de l’envie, des haines, des calomnies, etc. Ils avaient tort. C’est la loi, c’est la gloire. Les hautes renommées subissent ces épreuves. La haine les poursuit partout. Rien ne lui est sacré. Le théâtre lui livrait plus à nu Shakespeare et Molière ; la prison ne lui dérobait pas Christophe Colomb ; le cloître n’en pré- servait pas saint Bernard ; le trône n’en sauvait pas Napoléon. Il n’y a pour le génie qu’un lieu sur la terre qui jouisse du droit d’asile, c’est le tombeau.

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