Scènes de la vie de jeunesse

I

Parmi les vrais bohémiens de la vraie bohème,j’ai connu autrefois un garçon nommé Jacques D… ; il étaitsculpteur, et promettait d’avoir un jour un grand talent. Mais lamisère ne lui a pas donné le temps d’accomplir ses promesses. Ilest mort d’épuisement au mois de mars 1844, à l’hôpitalSaint-Louis, salle Sainte-Victoire, lit 14.

J’ai connu Jacques à l’hôpital, où j’étaismoi-même détenu par une longue maladie. Jacques avait, comme jel’ai dit, l’étoffe d’un grand talent, et pourtant il ne s’enfaisait point accroire. Pendant les deux mois que je l’aifréquenté, et durant lesquels il se sentait bercé dans les bras dela mort, je ne l’ai point entendu se plaindre une seule fois, ni selivrer à ces lamentations qui ont rendu si ridicule l’artisteincompris. Il est mort sans pose, en faisant l’horriblegrimace des agonisants. Cette mort me rappelle même une des scènesles plus atroces que j’aie jamais vues dans ce caravansérail desdouleurs humaines. Son père, instruit de l’événement, était venupour réclamer le corps et avait longtemps marchandé pour donner lestrente-six francs réclamés par l’administration. Il avait marchandéaussi pour le service de l’église, et avec tant d’instance, qu’onavait fini par lui rabattre six francs. Au moment de mettre lecadavre dans la bière, l’infirmier enleva la serpillière del’hôpital et demanda à un des amis du défunt qui se trouvait là dequoi payer le linceul. Le pauvre diable, qui n’avait pas le sou,alla trouver le père de Jacques, qui entra dans une colère atroce,et demanda si on n’avait pas fini de l’ennuyer.

La sœur novice qui assistait à ce monstrueuxdébat jeta un regard sur le cadavre et laissa échapper cette tendreet naïve parole :

– Oh ! monsieur, on ne peut pasl’enterrer comme cela, ce pauvre garçon : il fait si froid,donnez-lui au moins une chemise, qu’il n’arrive pas tout nu devantle bon Dieu.

Le père donna cinq francs à l’ami pour avoirune chemise ; mais il lui recommanda d’aller chez un fripierde la rue Grange aux Belles qui vendait du linge d’occasion.

– Cela coûtera moins cher, ajouta-t-il.Cette cruauté du père de Jacques me fut expliquée plus tard ;il était furieux que son fils eût embrassé la carrière des arts, etsa colère ne s’était pas apaisée, même devant un cercueil. Mais jesuis bien loin de mademoiselle Francine et de son manchon. J’yreviens : mademoiselle Francine avait été la première etunique maîtresse de Jacques, qui n’était pourtant pas mort vieux,car il avait à peine vingt-trois ans à l’époque où son père voulaitle laisser mettre tout nu dans la terre. Cet amour m’a été contépar Jacques lui-même, alors qu’il était le numéro 14 et moi lenuméro 16 de la salle Sainte-Victoire, un vilain endroit pourmourir. Ah ! tenez, lecteur, avant de commencer ce récit, quiserait une belle chose si je pouvais le raconter tel qu’il m’a étéfait par mon ami Jacques, laissez-moi fumer une pipe dans lavieille pipe de terre qu’il m’a donnée le jour où le médecin lui enavait défendu l’usage. Pourtant la nuit, quand l’infirmier dormait,mon ami Jacques m’empruntait sa pipe et me demandait un peu detabac : on s’ennuie tant la nuit dans ces grandes salles,quand on ne peut pas dormir et qu’on souffre !

– Rien qu’une ou deux bouffées, medisait-il, et je le laissais faire, et la sœur Sainte-Genevièven’avait point l’air de sentir la fumée lorsqu’elle passait faire saronde. Ah ! bonne sœur ! que vous étiez bonne, et commevous étiez belle aussi quand vous veniez nous jeter l’eaubénite ! On vous voyait arriver de loin, marchant doucementsous les voûtes sombres, drapée dans vos voiles blancs, quifaisaient de si beaux plis, et que mon ami Jacques admirait tant.Ah ! bonne sœur ! vous étiez la Béatrice de cet enfer. Sidouces étaient vos consolations, qu’on se plaignait toujours pourse faire consoler par vous. Si mon ami Jacques n’était pas mort unjour qu’il tombait de la neige, il vous aurait sculpté une petitebonne Vierge pour mettre dans votre cellule, bonne sœurSainte-Geneviève !

UN LECTEUR. Eh bien, et le manchon ? jene vois pas le manchon, moi.

AUTRE LECTEUR. Et mademoiselle Francine ?où est-elle donc ?

PREMIER LECTEUR. Ce n’est point très gai,cette histoire !

DEUXIÈME LECTEUR. Nous allons voir la fin.

– Je vous demande bien pardon, messieurs,c’est la pipe de mon ami Jacques qui m’a entraîné dans cesdigressions. Mais d’ailleurs je n’ai point juré de vous faire rireabsolument. Ce n’est point gai tous les jours, la bohème.

Jacques et Francine s’étaient rencontrés dansune maison de la rue de la Tour-d’Auvergne, où ils étaientemménagés en même temps au terme d’avril.

L’artiste et la jeune fille restèrent huitjours avant d’entamer ces relations de voisinage qui sont presquetoujours forcées lorsqu’on habite sur le même carré ;cependant, sans avoir échangé une seule parole, ils seconnaissaient déjà l’un l’autre. Francine savait que son voisinétait un pauvre diable d’artiste, et Jacques avait appris que savoisine était une petite couturière sortie de sa famille pouréchapper aux mauvais traitements d’une belle-mère. Elle faisait desmiracles d’économie pour mettre, comme on dit, les deux boutsensemble ; et comme elle n’avait jamais connu le plaisir, ellene l’enviait point. Voici comment ils en vinrent tous deux à passerpar la commune loi de la cloison mitoyenne. Un soir du moisd’avril, Jacques rentra chez lui harassé de fatigue, à jeun depuisle matin et profondément triste, d’une de ces tristesses vagues quin’ont point de cause précise et qui vous prennent partout, à touteheure, espèce d’apoplexie du cœur à laquelle sont particulièrementsujets les malheureux qui vivent solitaires. Jacques, qui sesentait étouffer dans son étroite cellule, ouvrit la fenêtre pourrespirer un peu. La soirée était belle, et le soleil couchantdéployait ses mélancoliques féeries sur les collines de Montmartre.Jacques resta pensif à sa croisée, écoutant le chœur ailé desharmonies printanières qui chantaient dans le calme du soir, etcela augmenta sa tristesse. En voyant passer devant lui un corbeauqui jeta un croassement, il songea au temps où les corbeauxapportaient du pain à Élie, le pieux solitaire, et il fit cetteréflexion que les corbeaux n’étaient plus si charitables. Puis, n’ypouvant plus tenir, il ferma sa fenêtre, tira le rideau ; etcomme il n’avait pas de quoi acheter de l’huile pour sa lampe, ilalluma une chandelle de résine qu’il avait rapportée d’un voyage àla Grande-Chartreuse. Toujours de plus en plus triste, il bourra sapipe.

– Heureusement que j’ai encore assez detabac pour cacher le pistolet, murmura-t-il, et il se mit àfumer.

Il fallait qu’il fût bien triste ce soir-là,mon ami Jacques, pour qu’il songeât à cacher le pistolet. C’étaitsa ressource suprême dans les grandes crises, et elle luiréussissait assez ordinairement. Voici en quoi consistait cemoyen : Jacques fumait du tabac sur lequel il répandaitquelques gouttes de laudanum, et il fumait jusqu’à ce que le nuagede fumée qui sortait de sa pipe fût devenu assez épais pour luidérober tous les objets qui étaient dans sa petite chambre, etsurtout un pistolet accroché au mur. C’était l’affaire d’unedizaine de pipes. Quand le pistolet était entièrement devenuinvisible, il arrivait presque toujours que la fumée et le laudanumcombinés endormaient Jacques, et il arrivait aussi souvent que satristesse l’abandonnait au seuil de ses rêves. Mais, ce soir-là, ilavait usé tout son tabac, le pistolet était parfaitement caché, etJacques était toujours amèrement triste. Ce soir-là, au contraire,mademoiselle Francine était extrêmement gaie en rentrant chez elle,et sa gaieté était en cause, comme la tristesse de Jacques :c’était une de ces joies qui tombent du ciel et que le bon Dieujette dans les bons cœurs. Donc, mademoiselle Francine était enbelle humeur, et chantonnait en montant l’escalier. Mais, commeelle allait ouvrir sa porte, un coup de vent entré par la fenêtreouverte du carré éteignit brusquement sa chandelle.

– Mon Dieu, que c’est ennuyeux !exclama la jeune fille, voilà qu’il faut encore descendre et montersix étages.

Mais ayant aperçu de la lumière à travers laporte de Jacques, un instant de paresse, enté sur un sentiment decuriosité, lui conseilla d’aller demander de la lumière àl’artiste. C’est un service qu’on se rend journellement entrevoisins, pensait-elle, et cela n’a rien de compromettant. Ellefrappa donc deux petits coups à la porte de Jacques, qui ouvrit, unpeu surpris de cette visite tardive. Mais à peine eut-elle fait unpas dans la chambre, que la fumée qui l’emplissait la suffoqua toutd’abord, et, avant d’avoir pu prononcer une parole, elle glissaévanouie sur une chaise et laissa tomber à terre son flambeau et saclef. Il était minuit, tout le monde dormait dans la maison.Jacques ne jugea point à propos d’appeler du secours ; ilcraignait d’abord de compromettre sa voisine. Il se borna donc àouvrir la fenêtre pour laisser pénétrer un peu d’air ; et,après avoir jeté quelques gouttes d’eau au visage de la jeunefille, il la vit ouvrir les yeux et revenir à elle peu à peu.Lorsqu’au bout de cinq minutes elle eut entièrement reprisconnaissance, Francine expliqua le motif qui l’avait amenée chezl’artiste, et elle s’excusa beaucoup de ce qui était arrivé.

– Maintenant que je suis remise,ajouta-t-elle, je puis rentrer chez moi.

Et elle avait déjà ouvert la porte du cabinet,lorsqu’elle s’aperçut que non seulement elle oubliait d’allumer sachandelle, mais encore qu’elle n’avait pas la clef de sachambre.

– Étourdie que je suis, dit-elle enapprochant son flambeau du cierge de résine, je suis entrée icipour avoir de la lumière, et j’allais m’en aller sans.

Mais au même instant le courant d’air établidans la chambre par la porte et la fenêtre, qui étaient restéesentr’ouvertes, éteignit subitement le cierge, et les deux jeunesgens restèrent dans l’obscurité.

– On croirait que c’est un fait exprès,dit Francine. Pardonnez-moi, monsieur, tout l’embarras que je vouscause, et soyez assez bon pour faire de la lumière, pour que jepuisse retrouver ma clef.

– Certainement, mademoiselle, réponditJacques en cherchant des allumettes à tâtons.

Il les eut bien vite trouvées. Mais une idéesingulière lui traversa l’esprit ; il mit les allumettes danssa poche en s’écriant :

– Mon Dieu ! mademoiselle, voicibien un autre embarras. Je n’ai point une seule allumette ici, j’aiemployé la dernière quand je suis rentré.

J’espère que voilà une ruse crânement bienmachinée ! pensa-t-il en lui-même.

– Mon Dieu ! mon Dieu ! disaitFrancine, je puis bien encore rentrer chez moi sanschandelle : la chambre n’est pas si grande pour qu’on puisses’y perdre. Mais il me faut ma clef ; je vous en prie,monsieur, aidez-moi à chercher, elle doit être à terre.

– Cherchons, mademoiselle, ditJacques.

Et les voilà tous deux dans l’obscurité enquête de l’objet perdu ; mais, comme s’ils eussent été guidéspar le même instinct, il arriva que pendant ces recherches leursmains, qui tâtonnaient dans le même endroit, se rencontraient dixfois par minute. Et, comme ils étaient aussi maladroits l’un quel’autre, ils ne trouvèrent point la clef.

– La lune, qui est masquée par lesnuages, donne en plein dans ma chambre, dit Jacques. Attendons unpeu. Tout à l’heure elle pourra éclairer nos recherches.

Et, en attendant le lever de la lune, ils semirent à causer. Une causerie au milieu des ténèbres, dans unechambre étroite, par une nuit de printemps ; une causerie qui,d’abord frivole et insignifiante, aborde le chapitre desconfidences, vous savez où cela mène… Les paroles deviennent peu àpeu confuses, pleines de réticences ; la voix baisse, les motss’alternent de soupirs… Les mains qui se rencontrent achèvent lapensée, qui, du cœur, monte aux lèvres, et… Cherchez la conclusiondans vos souvenirs, ô jeunes couples ! Rappelez-vous, jeunehomme, rappelez-vous, jeune femme, vous qui marchez aujourd’hui lamain dans la main, et qui ne vous étiez jamais vus il y a deuxjours !

Enfin la lune se démasqua, et sa lueur claireinonda la chambrette ; mademoiselle Francine sortit de sarêverie en jetant un petit cri.

– Qu’avez-vous ? lui demandaJacques, en lui entourant la taille de ses bras.

– Rien, murmura Francine ; j’avaiscru entendre frapper. Et, sans que Jacques s’en aperçût, ellepoussa du pied, sous un meuble, la clef qu’elle venaitd’apercevoir.

Elle ne voulait pas la retrouver.

PREMIER LECTEUR. Je ne laisserai certainementpas cette histoire entre les mains de ma fille.

SECOND LECTEUR. Jusqu’à présent je n’ai pointencore vu un seul poil du manchon de mademoiselle Francine ;et, pour cette jeune fille, je ne sais pas non plus comment elleest faite, si elle est brune ou blonde.

Patience, ô lecteurs ! patience. Je vousai promis un manchon, et je vous le donnerai à la fin, comme monami Jacques fit à sa pauvre amie Francine, qui était devenue samaîtresse, ainsi que je l’ai expliqué dans la ligne en blanc qui setrouve au-dessus. Elle était blonde, Francine, blonde et gaie, cequi n’est pas commun. Elle avait ignoré l’amour jusqu’à vingtans ; mais un vague pressentiment de sa fin prochaine luiconseilla de ne plus tarder si elle voulait le connaître.

Elle rencontra Jacques et elle l’aima. Leurliaison dura six mois. Ils s’étaient pris au printemps, ils sequittèrent à l’automne. Francine était poitrinaire, elle le savait,et son ami Jacques le savait aussi : quinze jours après s’êtremis avec la jeune fille, il l’avait appris d’un de ses amis quiétait médecin. « Elle s’en ira aux feuilles jaunes, » avaitdit celui-ci.

Francine avait entendu cette confidence, ets’aperçut du désespoir qu’elle causait à son ami.

– Qu’importent les feuilles jaunes ?lui disait-elle, en mettant tout son amour dans un sourire ;qu’importe l’automne, nous sommes en été et les feuilles sontvertes : profitons-en, mon ami… Quand tu me verras prête àm’en aller de la vie, tu me prendras dans tes bras en m’embrassantet tu me défendras de m’en aller. Je suis obéissante, tu sais, etje resterai.

Et cette charmante créature traversa ainsipendant cinq mois les misères de la vie de bohème, la chanson et lesourire aux lèvres. Pour Jacques, il se laissait abuser. Son amilui disait souvent : « Francine va plus mal, il lui fautdes soins. » Alors Jacques battait tout Paris pour trouver dequoi faire faire l’ordonnance du médecin ; mais Francine n’envoulait point entendre parler, et elle jetait les drogues par lesfenêtres. La nuit, lorsqu’elle était prise par la toux, ellesortait de la chambre et allait sur le carré pour que Jacques nel’entendît point.

Un jour qu’ils étaient allés tous les deux àla campagne, Jacques aperçut un arbre dont le feuillage étaitjaunissant. Il regarda tristement Francine, qui marchait lentementet un peu rêveuse.

Francine vit Jacques pâlir, et elle devina lacause de sa pâleur.

– Tu es bête, va, lui dit-elle enl’embrassant, nous ne sommes qu’en juillet ; jusqu’à octobre,il y a trois mois ; en nous aimant nuit et jour, comme nousfaisons, nous doublerons le temps que nous avons à passer ensemble.Et puis, d’ailleurs, si je me sens plus mal aux feuilles jaunes,nous irons demeurer dans un bois de sapins : les feuilles sonttoujours vertes.

** * * *

Au mois d’octobre Francine fut forcée derester au lit. L’ami de Jacques la soignait… La petite chambretteoù ils logeaient était située tout au haut de la maison et donnaitsur une cour où s’élevait un arbre, qui chaque jour se dépouillaitdavantage. Jacques avait mis un rideau à la fenêtre pour cacher cetarbre à la malade ; mais Francine exigea qu’on retirât lerideau.

– Ô mon ami, disait-elle à Jacques, je tedonnerai cent fois plus de baisers qu’il n’a de feuilles… Et elleajoutait : Je vais beaucoup mieux, d’ailleurs… Je vais sortirbientôt ; mais comme il fera froid, et que je ne veux pasavoir les mains rouges, tu m’achèteras un manchon.

Pendant toute la maladie, ce manchon fut sonrêve unique. La veille de la Toussaint, voyant Jacques plus désoléque jamais, elle voulut lui donner du courage ; et, pour luiprouver qu’elle allait mieux, elle se leva. Le médecin arriva aumême instant : il la fit recoucher de force.

– Jacques, dit-il à l’oreille del’artiste, du courage ! Tout est fini, Francine va mourir.Jacques fondit en larmes.

– Tu peux lui donner tout ce qu’elledemandera maintenant, continua le médecin : il n’y a plusd’espoir.

Francine entendit des yeux ce que lemédecin avait dit à son amant.

– Ne l’écoute pas, s’écria-t-elle enétendant les bras vers Jacques, ne l’écoute pas, il ment. Noussortirons ensemble demain… c’est la Toussaint ; il fera froid,va m’acheter un manchon… Je t’en prie, j’ai peur des engelures pourcet hiver.

Jacques allait sortir avec son ami ; maisFrancine retint le médecin auprès d’elle.

– Va chercher mon manchon, dit-elle àJacques, prends-le beau, qu’il dure longtemps.

Et quand elle fut seule, elle dit aumédecin :

– Ô monsieur, je vais mourir, et je lesais… Mais avant de m’en aller, trouvez-moi quelque chose qui medonne des forces pour une nuit, je vous en prie ; rendez-moibelle pour une nuit encore, et que je meure après, puisque le bonDieu ne veut pas que je vive plus longtemps…

Comme le médecin la consolait de son mieux, unvent de bise secoua dans la chambre et jeta sur le lit de la maladeune feuille jaune, arrachée à l’arbre de la petite cour.

Francine ouvrit le rideau et vit l’arbredépouillé complètement.

– C’est la dernière, dit-elle en mettantla feuille sous son oreiller.

– Vous ne mourrez que demain, lui dit lemédecin, vous avez une nuit à vous.

– Ah ! quel bonheur ! fit lajeune fille… une nuit d’hiver… elle sera longue. Jacquesrentra ; il apportait un manchon. Il est bien joli, ditFrancine ; je le mettrai pour sortir. Elle passa la nuit avecJacques.

Le lendemain, jour de la Toussaint, àl’Angelus de midi, elle fut prise par l’agonie et tout soncorps se mit à trembler.

– J’ai froid aux mains,murmura-t-elle ; donne-moi mon manchon. Et elle plongea sespauvres mains dans la fourrure.

– C’est fini, dit le médecin àJacques ; va l’embrasser. Jacques colla ses lèvres à celles deson amie. Au dernier moment on voulait lui retirer le manchon, maiselle y cramponna ses mains.

– Non, non, dit-elle ;laissez-le-moi : nous sommes dans l’hiver ; il faitfroid. Ah ! mon pauvre Jacques… Ah ! mon pauvre Jacques…qu’est-ce que tu vas devenir ? Ah ! mon Dieu !

Et le lendemain Jacques était seul.

PREMIER LECTEUR. Je le disais bien que cen’était point gai, cette histoire.

– Que voulez-vous, lecteur ? on nepeut pas toujours rire.

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