Une Histoire de revenants

Chapitre 11LE VAMPIRE

 

Nous sommes à Paris. Les allées du bois deBoulogne commençaient à se peupler d’équipages ; le soleilmoins ardent déclinait à l’horizon : c’était le jour de lafête de l’Assomption, en l’année 1820 : vingt ans, parconséquent, jour pour jour, après les événements que nous avonsracontés.

Le taillis tout jeune prodiguait ses poussesrobustes et feuillues. La dernière coupe du bois de Boulogne avaitété faite en dehors des règles et aménagements par le sabre desCosaques. Dieu merci ! les Cosaques avaient passé la frontièrepour ne plus revenir, et le bois de Boulogne, forçant de sève,cachait sous sa verdure plus opulente l’outrage de ces cicatricesguéries. L’ombre manquait encore un peu, parce que les arbres àtiges n’avaient pas eu le temps de brancher, mais la verdure étaitsi fraîche qu’on prenait patience, et la fashionparisienne allait au bois déjà, ne fût-ce que pour le voirpousser.

Il était cinq heures du soir. Dans l’allée quiconduit de Madrid à Bagatelle, les rayons obliques du soleil sejouaient au travers de la brume poudreuse. Tout à l’entour, dansles avenues voisines, on entendait rouler les équipages.

Trois cavaliers se montrèrent à l’angle d’unsentier de chasse. C’étaient trois élégants du jour, montés commeil faut et vêtus avec recherche : redingotes ajustées à lahanche et laissant voir le gilet taillé en bec de clarinette,revers bombés et gaufrés, retombant sur les manches à gigotsplissés ; pantalons de nankin très courts, fixés sous la botteronde à l’aide de sous-pieds étroits comme des lacets ;cravates maintenues par des cols en baleines, breloques bavardes,chapeaux évasés par le haut et dont les bords se roulaientau-dessus de l’oreille comme les volutes qui coiffent les colonnesdoriques.

Il y en avait un gros, un maigre et unentrelardé. Le gros s’appelait le baron Brocard. L’entrelardé avaitnom Mr de Champeaux : il venait de province. Le maigre étaitle chevalier de Noisy, surnommé le Sec, à cause de l’absenced’embonpoint qui caractérisait sa personne. Il y eut des chevaliersjusqu’en 1825, à peu près.

Au moment où ils quittaient le sentier dechasse pour entrer dans l’avenue, Mr de Champeaux, le provincial,disait :

— Les trois Freux ! Valérie lamorte ! Et quoi encore ! Voilà des contes de la mèrel’Oie ! ah ça ! on parle donc toujours revenants chezvotre éternelle marquise du Castellat ?

— Il y a des choses bien étranges, répondit lechevalier de Noisy sérieusement, des choses dont il ne faut pas semoquer !

— Le fait est, dit Champeaux, que ma tante m’asouvent conté des diableries qui me donnaient la chair de poule.Figurez-vous qu’étant jeune, elle avait rencontré un bélierblanc…

Le gros baron Brocard haussa les épaules.C’était un esprit fort. Nos trois cavaliers allaient maintenant defront et au petit pas. Le chevalier de Noisy s’arrêta au moment oùChampeaux allait poursuivre, et montra le sentier couvert qui sedirigeait en tournant vers la petite faisanderie de Madrid.

— Je vous dis que ces gens ne sont pas commetout le monde ! murmura-t-il. On croit quand on a vu…

— Et vous avez vu quelque chose là,chevalier ? demanda Champeaux en désignant à son tour l’entréedu couvert.

— Les trois Freux de Bretagne ?ajouta le baron Brocard en raillant.

— Ou bien Valérie la morte ?

Le chevalier secoua la tête lentement.

— Les trois Freux, Valérie la morte,répéta-t-il, ce sont des histoires plus ou moins véridiques qu’onraconte chez madame la marquise parce que madame la marquise estcomme moi : elle croit à ces histoires. Je ne trouve pasmauvais que d’autres soient moins crédules, mais, quand j’ai vu demes yeux et que j’affirme avoir vu…

— Chevalier, interrompit Champeaux, vousn’avez rien affirmé du tout !

Noisy avait tourné la tête de son cheval versle chemin couvert.

— Vous souvenez-vous, demanda-t-il en baissantla voix, malgré lui, de cette jeune fille si belle qui était lasœur cadette de la marquise et qu’on appelait Laurence ?

— Laurence de Treguern qui devait épouser MrGabriel de Feuillans ? dit Brocard. Certes, je me souviensd’elle.

— L’an passé, reprit le chevalier de Noisy, jevins ici où nous sommes de très grand matin pour me rencontrer avecMr de Saint-Julien, qui m’avait appelé le Sec. Je n’avais pas dormide la nuit, non point que j’eusse frayeur, mais parce que celam’irrite, à la fin, d’être obligé de tuer ainsi de temps à autrequelque honnête jeune homme pour cette fade plaisanterie deNoisy-le-Sec. J’avais devancé l’heure, et il ne faisait pas encorejour, quand j’arrivai tout seul dans le bois. Je me promenais pourpasser le temps. J’entendis trotter un cheval dans le sentier quevous voyez là. L’aube commençait à poindre. Je vis bientôt sortirde l’ombre une tête de cheval, puis une amazone dont le visage secachait derrière un voile épais… Il faut vous dire, ajouta ici lechevalier, que j’avais été, comme beaucoup d’autres, un prétendantà la main de la belle Laurence, et que sa mort si malheureusem’avait jeté dans une maladie de langueur. Quand l’amazone passaprès de moi, son voile se leva, et il me sembla qu’elle me saluaiten souriant. Je tombai à genoux au beau milieu de l’avenue, carj’avais bien reconnu Laurence de Treguern !

« Il y avait plus de six mois qu’elleétait morte, reprit Noisy, et je pris cela pour un avertissement.Je me présentai sur le terrain avec la certitude d’y rester…

— Ce qui n’empêcha pas le pauvre Saint-Juliende s’en aller dans l’autre monde à ta place, dit Champeaux. On aparlé de ce diable de coup d’épée jusque chez nous, àRomorantin !

— Le fait de l’apparition n’en existe pasmoins, répliqua le chevalier. Je n’ai vu ni les troisFreux, comme on les appelle, ni l’ombre de Valérie, quiest de la mode, mais, puisque cela touche à Treguern, il doit yavoir quelque chose de vrai là-dedans. Treguern est un nom fantôme.Tous les Treguern ont un pied dans l’autre monde.

Comme Mr de Noisy prononçait ces deuxlocutions : « Les trois Freux, l’ombre deValérie », qui ne peuvent avoir pour nous aucun sons bienprécis, et qui se rapportaient à certaines légendes ayant coursdans un des plus élégants salons de Paris, Champeaux s’écria,moitié riant, moitié surpris :

— Parbleu ! voici venir trois personnagesvraiment fantastiques qui pourraient bien être les troisFreux !

En même temps Brocard disait :

— N’est-ce point celle-là qui est l’impalpableValérie ?

Une jeune fille, vêtue d’une amazone de drapnoir et montant un magnifique cheval de la même couleur, débouchaitdu sentier couvert, traversait l’avenue plus rapide qu’une flèche,et disparaissait dans la route de chasse que nos compagnonsvenaient de quitter. Sa figure était couverte d’un voile. Nulcavalier ne l’accompagnait.

Un fiacre lourd et de forme antique roulaitpesamment dans la poussière de l’avenue ; il contenait troishommes dont les visages immobiles avaient attiré le regard deChampeaux et motivé son exclamation.

Si rapide que fût le passage de la jeunefille, elle eut le temps d’échanger un signe de tête avec les troishommes du fiacre. Puis ceux-ci baissèrent les stores d’un rougedéteint, et le lourd véhicule, qui semblait maintenant une boîtefermée, continua sa marche pénible. Nos trois amies échangèrent unregard, et le chevalier de Noisy prononça, comme en se parlant àlui-même :

— C’est elle !

— Qui, elle ? demandèrent à la foisChampeaux et Brocard.

— Je vous dis que ces gens-là ne sont pasfaits comme tout le monde ! murmura Noisy au lieu derépondre.

Puis il poussa son cheval. Derrière le fiacre,qui semblait une laide chenille égarée au milieu d’un essaim depapillons, car ils étaient plus légers et plus brillants que lespapillons, ces équipages effleurant le sol au trot balancé de leursbeaux chevaux, souples sur leurs ressorts, bondissants et toutfiers d’emporter leur charge de femmes et de fleurs ; derrièrele fiacre, disons-nous, venait une élégante calèche découverte quirécoltait sur son passage ample moisson de saluts et de sourires.Elle ne contenait qu’une femme, très belle, à la vérité, mais quisemblait avoir franchi déjà les limites de la jeunesse. Sa calècheportait aux panneaux un écusson bizarre et réellement lugubre qu’oneût pu blasonner ainsi : de sable semé de larmesd’argent. Il était timbré d’une couronne de comte. À en jugerpar l’attention qu’elle excitait, ce devait être une femme à lamode. Elle avait une toilette à la fois simple etremarquable ; ses cheveux blonds, les plus beaux du monde,encadraient un visage pâle aux traits fiers et un peu fatigués, quieussent parlé de souffrance sans le regard de ses grands yeuxbleus, limpide et insouciant comme le regard d’une jeune fille.Cette femme portait un nom étranger : Comtesse GinevraTorquati.

Sur les coussins, à côté d’elle, reposait unlivre de prières aux fermoirs d’or guilloché. Elle répondait ensouriant aux saluts et aux sourires qui lui venaient de toutesparts. Nos trois cavaliers firent comme les autres et s’inclinèrentprofondément sur son passage. À ce moment même, une autre calèche,venant en sens contraire, croisa le fiacre et prit le bas-côté del’avenue.

Celle-là portait encore une femme seule, unefemme que tout le monde saluait aussi avec empressement. Son nomest déjà venu sous notre plume ; elle s’appelait madame lamarquise du Castellat : toilette un peu chargée, embonpointtrop prononcé, prétentions survivant à l’âge où les prétentions setolèrent, souvenirs vagues d’une beauté qui avait sans doute eu safleur et qui avait laissé pour fruit je ne sais quel épanouissementbourgeois ayant un peu odeur d’égoïsme. Quand les deux calèches secroisèrent, le regard de la belle comtesse se fixa calme et froidsur madame la marquise, qui détourna les yeux en caressant un groschien mouton qui était sur les coussins à côté d’elle.

Soit maladresse de la part du cocher, soitfantaisie de l’attelage rétif, le vilain fiacre où étaient nostrois inconnus venait de se mettre en travers de la voie. En mêmetemps, la calèche de la marquise du Castellat avait été forcée dereculer, et les deux chevaux fringants de la comtesse Torquati selançaient au grand trot dans l’espace trop étroit qui restait entrela calèche et le fiacre. Nos cavaliers étaient pris au nœud même del’embarras. De tous côtés, les chevaux et les équipages arrivaient,augmentant la cohue ; la grosse marquise effrayée respiraitdéjà son flacon de sels ; la comtesse Torquati semblait àpeine voir ce qui se passait autour d’elle.

Il y eut un moment où son bras étendu auraitpu entrer jusqu’au coude par la portière du fiacre, dont justementle store rougeâtre se releva un peu ; une voix dit àl’intérieur :

— Ce soir, quinze août !

La belle comtesse changea de couleur et sesyeux se baissèrent.

— Avez-vous remarqué ? dit Champeaux aumoment où la calèche dégagée filait sur le sable de l’avenue, lesbonnes gens qui sont là-dedans sont bien heureux ! La comtesseGinevra leur a fait un signe de tête comme la charmante amazone detout à l’heure. Je crois même que les trois bonnes gens du fiacrelui ont envoyé quelque compliment par-dessous leur store enguenille.

— Moi ! j’en suis sûr, repartitBrocard ; ce sont des ambassadeurs déguisés ou des princes quise promènent incognito. Noisy a dû entendre ce qu’ils disaient, caril était entre eux et la comtesse.

Le chevalier suivait d’un œil pensif lacalèche qui s’éloignait.

— Je n’ai rien entendu, répondit-il.

La circulation était rétablie et le mouvementavait repris son cours des deux côtés de l’avenue.

— Bonjour, Stéphane ! s’écria Brocard enfaisant un salut de la main à un beau jeune homme qui montait avecune remarquable élégance le plus fin cheval qui fût au Bois.

C’était un de ces privilégiés qui saventguérir nos modes de leur ridicule incurable, un de ces heureux quiportent leur jeunesse si bravement que les inventions des tailleursne peuvent rien ôter à leur grâce native. Vous eussiez dit, commeil passait, les cheveux blonds au vent, le gai sourire aux yeux etaux lèvres, qu’il était là le seul gentilhomme au milieu d’untroupeau de courtauds endimanchés. Il donna le doigt au baronBrocard et au chevalier de Noisy, puis il salua Mr de Champeaux,qu’il ne connaissait point.

— Messieurs, dit-il, vous me tirez d’unegrande gêne. Ce qu’on ne fait point d’habitude fatigue, et j’étais,par impossible, occupé à réfléchir profondément.

— Vous, Stéphane ! s’écria Brocard enriant.

— Et à quoi réfléchissez-vous, mignon de lafortune ? demanda le chevalier de Noisy d’un ton sincèrementamical.

— Avant tout, messieurs, repartit Stéphane,avez-vous vu ce drame qu’on représente au nouveau théâtre de laPorte Saint-Martin, et qui a nom : LeVampire ?

Tout le monde avait vu le Vampire. En1820, le Vampire avait un furibond succès. Quand on eutrépondu affirmativement, Stéphane prit un petit air sérieux qui luiallait à ravir et glissa un coup d’œil oblique vers le bout del’avenue.

Par hasard, la foule était moins grande en cemoment ; à l’endroit où se fixaient les regards de Stéphane,il y avait un large vide ; dans ce vide, un homme s’avançait,au pas de son cheval, la tête inclinée et le poing sur la hanche.Derrière cet homme chevauchait un laquais nègre qui avait dû être,avant de quitter son pays natal, le plus laid moricaud de toute lacôte de Guinée. Stéphane étendit sa main vers ce groupe.

— Je vous prie de regarder attentivement monillustre ami Gabriel de Feuillans et son esprit familier, Congo,dit-il avec un accent demi-railleur, sous lequel on devinait unepréoccupation.

— Nous le regardons, répondit Brocard,après ?

— Ne trouvez-vous rien en luid’extraordinaire ?

— Rien, si ce n’est qu’il porte le costumenoir comme personne.

— Le fait est, ajouta Noisy, qu’il estmerveilleux, ce Gabriel de Feuillans ! On dit qu’il met sacravate à la diable : voyez ce nœud, comme c’estclassique ! On dit qu’il n’a jamais fait retoucher un habit,voyez cette coupe, quel style et quelle sévérité ! Brummel,qui faisait métier de cela, n’était qu’un petit garçon auprès delui !

Stéphane secoua sa tête bouclée.

— Ce n’est ni pour sa cravate, ni pour sonhabit que je vous prie de le regarder, messieurs, dit-il.

— Et pourquoi donc ?

— C’est uniquement pour savoir si vous netrouvez point comme moi qu’il ressemble au Vampire de la PorteSaint-Martin.

Le baron Brocard partit d’un éclat de rire, etNoisy, qu’il ne fallait jamais surnommer le Sec, sous peine derecevoir une balle dans la tête ou un coup d’épée dans la poitrine,Noisy lui-même se dérida.

— Si vous ne trouvez pas cela, continuaStéphane, qui essayait de rire aussi, c’est que je deviens fou, iln’y a pas à en douter. Ce Feuillans produit sur moi, depuisquelques jours, un effet véritablement agaçant. Je ne peux pasm’empêcher de l’aimer. Il m’attire, il me séduit, il mefascine ! Et il y a en moi je ne sais quelle voix mystérieusequi me crie : « Prends garde !… »

— Absolument comme dans le drame duVampire, s’écria le baron Brocard.

Noisy ne riait déjà plus, et son regards’attachait sur Stéphane avec un intérêt mêlé de curiosité.

— Vous parlez sérieusement ?murmura-t-il.

— Sur mon honneur ! répliqua le jeunehomme, dont la charmante figure était légèrement contractée, jevoudrais railler, que je ne le pourrais pas !

Gabriel de Feuillans s’approchait aveclenteur, suivi de son noir. Stéphane le regarda une seconde fois etchacun put le voir frissonner.

— C’est plus fort que moi ! ajouta-t-il,je ne sais pourquoi j’ai cette folle idée qu’il doit metuer !

— Bah ! s’écria Brocard, voustuer !

Le chevalier l’interrompit et prononça toutbas en serrant la main de Stéphane :

— Moi, je ne ris jamais des choses que je necomprends pas.

Il ajouta en baissant la voixdavantage :

— Évitez Gabriel de Feuillant, croyez-moi. Ets’il se présente sur votre chemin quelqu’une de ces aventuresromanesques où sont entraînés trop souvent les jeunes gens de votreâge, croyez-moi, fuyez-la !

Stéphane était dans cette disposition d’espritoù l’on écoute volontiers un avertissement. Comme il allaitrépondre, il vit le baron Brocard échanger un salut avec quelqu’unqui suivait l’autre côté de la route. Il se retournainvolontairement. Ce quelqu’un était Gabriel de Feuillans enpersonne.

Il eût été fort difficile de préciser l’âge deMr de Feuillans par les traits de son visage ou de sa tournure.Ceux qui n’admiraient en lui que la rigueur élégante de sa mise semontraient en vérité fort avares. Il était beau ; son portavait de la noblesse ; il se tenait grandement à cheval ;si l’on ne pouvait pas dire que ce fût un jeune homme, c’étaitseulement à cause de la maturité ferme et grave qui se lisait surson front. Autour de ce front, des cheveux blonds, un peu raresdéjà et d’une finesse extrême, bouclaient et retombaient plus basque ne le comportait la mode. Ses tempes larges avaient, sous lablancheur de sa peau, comme un reflet bleuâtre. Une couched’indifférence recouvrait son regard perçant et profond. Je ne saispas s’il ressemblait réellement au Vampire de la PorteSaint-Martin, mais les vampires de théâtre se font en général desbouches méchamment sarcastiques, et celle de Mr de Feuillansn’offrait que des lignes calmes et pures.

Le chevalier de Noisy, qui, en ce moment,l’examinait avec attention, lui trouvait une autre ressemblance. Ilcomparait ses traits avec ceux de ce charmant jeune homme, StéphaneGontier, qu’il avait appelé, tout à l’heure, le mignon de lafortune, et il trouvait qu’à part certaines différences, plus demaigreur et plus de pâleur chez Mr de Feuillans, plus de tranchantdans les arêtes osseuses, plus de hauteur aussi dans le dessingénéral du visage ; chez Stéphane, au contraire, plus degrâce, plus d’harmonie et à la fois plus de force physique ;il trouvait entre eux, ce chevalier de Noisy, des rapports nombreuxet frappants.

Mr de Feuillans passa tout près de notregroupe et dit en mettant le chapeau à la main :

— Messieurs, j’espère avoir le plaisir de vousretrouver ce soir chez madame la marquise ?

Brocard et Noisy s’inclinèrent, Stéphanebaissa les yeux. Mr de Feuillans s’éloigna le sourire sur leslèvres ; mais, avant qu’il eût dépassé complètement le groupe,son regard croisa celui de Stéphane, qui avait relevé les yeuxcomme malgré lui.

— À ce soir ! dit Mr de Feuillans d’unton doux et presque caressant.

Stéphane rougit et répondit toutbas :

— À ce soir !

Mr de Noisy prétendit plus tard (aprèsl’événement) qu’il avait vu les grosses lèvres de Congo s’ouvrir etmontrer d’un bout à l’autre la double rangée de ses dents deloup.

Quoi qu’il en soit, au moment même où Congo,suivant son maître, se perdait dans la foule, un jeune garçon quevous eussiez pris volontiers pour une fillette déguisée, s’élançahors de l’allée de chasse où l’amazone avait disparu quelquesminutes auparavant et traversa intrépidement la cohue des équipagespour rattraper nos quatre cavaliers.

Noisy était en train de demander à Stéphanes’il avait un rendez-vous particulier avec Mr de Feuillans pour cesoir. Selon la réponse du jeune homme, le chevalier se sentait enbonne disposition de prêcher, lorsque le petit garçon vint seplanter au-devant de nos cavaliers et tendit à Stéphane un pli.

Stéphane prit le papier. Le jeune garçontraversa de nouveau la chaussée et se perdit sous le couvert.

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