Fables – Livre II

L’Âne chargé d’éponges et l’Âne chargé desel

 

Un ânier, son sceptre à la main,

Menait, en empereur romain,

Deux coursiers à longues oreilles.

L’un, d’éponges chargé, marchait comme uncourrier ;

Et l’autre, se faisant prier,

Portait, comme on dit, lesbouteilles :

Sa charge était de sel. Nos gaillardspèlerins

Par monts, par vaux et par chemins,

Au gué d’une rivière à la fin arrivèrent,

Et fort empêchés se trouvèrent.

L’ânier, qui tous les jours traversait ce guélà,

Sur l’âne à l’éponge monta,

Chassant devant lui l’autre bête,

Qui, voulant en faire à sa tête,

Dans un trou se précipita,

Revint sur l’eau, puis échappa ;

Car au bout de quelques nagées,

Tout son sel se fondit si bien

Que le baudet ne sentit rien

Sur ses épaules soulagées.

Camarade épongier prit exemple sur lui,

Comme un mouton qui va devant dessus la foid’autrui.

Voilà mon âne à l’eau ; jusqu’au col ilse plonge,

Lui le conducteur et l’éponge.

Tous trois burent d’autant : l’ânier etle grison

Firent à l’éponge raison.

Celle-ci devint si pesante,

Et de tant d’eau s’emplit d’abord,

Que l’âne succombant ne put gagner lebord.

L’ânier l’embrassait, dans l’attente

D’une prompte et certaine mort.

Quelqu’un vint au secours : qui ce fut,il n’importe ;

C’est assez qu’on ait vu par là qu’il ne fautpoint

Agir chacun de même sorte.

J’en voulais venir à ce point.

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