Le Paon se plaignant à Junon
Le paon se plaignait à Junon.
« Déesse, disait-il, ce n’est pas sansraison
Que je me plains, que je murmure :
Le chant dont vous m’avez fait don
Déplaît à toute la nature ;
Au lieu qu’un rossignol, chétive créature,
Forme ses sons aussi doux qu’éclatants,
Est lui seul l’honneur duprintemps. »
Junon répondit en colère :
« Oiseau jaloux, et qui devrais tetaire,
Est-ce à toi d’envier la voix durossignol,
Toi que l’on voit porter à l’entour de toncol
Un arc en ciel nué de cent sortes desoies,
Qui te panades, qui déploies
Une si riche queue, et qui semble à nosyeux
La boutique d’un lapidaire ?
Est-il quelque oiseau sous les cieux
Plus que toi capable de plaire ?
Tout animal n’a pas toutes propriétés.
Nous vous avons donné diversesqualités :
Les uns ont la grandeur et la force enpartage ;
Le faucon est léger, l’aigle plein decourage ;
Le corbeau sert pour le présage ;
La corneille avertit des malheurs àvenir ;
Tous sont contents de leur ramage.
Cesse donc de te plaindre ; ou bien, pourte punir,
Je t’ôterai ton plumage. »