Fables – Livre II

Le Lièvre et les Grenouilles

 

Un lièvre en son gîte songeait

(Car que faire en un gîte, à moins que l’on nesonge ?) ;

 

Dans un profond ennui ce lièvre seplongeait :

Cet animal est triste, et la crainte leronge.

« Les gens de naturel peureux

Sont, disait-il, bien malheureux ;

Ils ne sauraient manger morceau qui leurprofite,

Jamais un plaisir pur, toujours assautsdivers.

Voilà comme je vis : cette craintemaudite

M’empêche de dormir, sinon les yeuxouverts.

Corrigez-vous, dira quelque sage cervelle.

Et la peur se corrige-t-elle ?

Je crois même qu’en bonne foi

Les hommes ont peur comme moi »

Ainsi raisonnait notre lièvre,

Et cependant faisait le guet.

Il était douteux, inquiet :

Un souffle, une ombre, un rien, tout luidonnait la fièvre.

Le mélancolique animal,

En rêvant à cette matière,

Entend un léger bruit : ce lui fut unsignal

Pour s’enfuir devers sa tanière.

Il s’en alla passer sur le bord d’unétang.

Grenouilles aussitôt de sauter dans lesondes,

Grenouilles de rentrer en leurs grottesprofondes.

« Oh ! dit-il, j’en fais faireautant

Qu’on m’en fait faire ! Ma présence

Effraye aussi les gens, je mets l’alarme aucamp !

Et d’où me vient cette vaillance ?

Comment ! des animaux qui tremblentdevant moi !

Je suis donc un foudre de guerre ?

Il n’est, je le vois bien, si poltron sur laterre

Qui ne puisse trouver un plus poltron quesoi. »

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