Journal d’Anne Franck

MERCREDI 5 AVRIL 1944

Très chère Kitty,

Pendant une longue période, je ne savais plus pourquoi je continuais à travailler, la fin de la guerre est tellement loin, irréelle, c’est un si beau conte de fées. Si la guerre n’est pas encore terminée en septembre, je n’irai plus à l’école, car je ne veux pas être en retard de deux années.

Les jours ont été pleins de Peter, et de Peter uniquement, de rêves et de pensées, jusqu’à samedi soir où je me suis totalement laissée aller, non vraiment, c’était affreux. Dans la chambre de Peter, je ne faisais que contenir mes larmes, plus tard je me suis mise à rire comme une folle avec les Van Daan au moment du punch au citron, j’étais gaie et excitée, mais à peine seule, j’ai senti que je devais me soulager en pleurant. En chemise de nuit, je me suis laissée glisser par terre et j’ai d’abord concentré mon esprit sur une longue prière, puis, la tête sur les bras, les genoux repliés, j’ai pleuré sur le sol nu, totalement ramassée sur moi-même. Un sanglot bruyant m’a ramenée à la réalité de ma chambre et j’ai dominé mes larmes, car il ne fallait pas qu’ils entendent, à côté. Puis j’ai essayé de reprendre courage, je ne disais rien d’autre que : « Il le faut, il le faut, il le faut… » Toute courbaturée par cette position inhabituelle, je suis tombée contre le rebord du lit et j’ai continué à me battre, et peu après dix heures et demie je me suis mise au lit. C’était fini !

Et maintenant, c’est complètement fini. Je dois travailler pour ne pas rester idiote, pour progresser, pour devenir journaliste, car voilà ce que je veux ! Je sais que je peux écrire, certaines de mes histoires sont bonnes, mes descriptions de l’Annexe humoristiques, beaucoup de choses dans mon journal sont parlantes, mais… si j’ai vraiment du talent, cela reste à voir.

Le Rêve d’Eva est mon meilleur conte, et le plus incroyable c’est que je ne sais vraiment pas d’où je le tire. Dans La Vie de Cady, il y a beaucoup de bonnes choses, mais l’ensemble est nul. Le meilleur et le plus sévère de mes juges ici, c’est bien moi, c’est moi qui sais ce qui est bien ou mal écrit. Quand on n’écrit pas, on ne peut pas savoir à quel point c’est agréable ; avant, je regrettais toujours d’être complètement incapable de dessiner, mais à présent je suis trop contente de savoir au moins écrire.

Et si je n’ai pas le talent d’écrire dans les journaux ou d’écrire des livres, alors je pourrai toujours écrire pour moi-même. Mais je veux aller plus loin, je ne peux pas m’imaginer une vie comme celle de maman, de Mme Van Daan et de toutes ces femmes qui font leur travail puis qu’on oublie. Je dois avoir une chose à laquelle je peux me consacrer, en plus de mon mari et de mes enfants ! Oui, je ne veux pas, comme la plupart des gens, avoir vécu pour rien. Je veux être utile ou agréable aux gens qui vivent autour de moi et qui ne me connaissent pourtant pas, je veux continuer à vivre, même après ma mort ! Et c’est pourquoi je suis si reconnaissante à Dieu de m’avoir donné à la naissance une possibilité de me développer et d’écrire, et donc d’exprimer tout ce qu’il y a en moi !

Quand j’écris, je me débarrasse de tout, mon chagrin disparaît, mon courage renaît ! Mais voilà la question capitale, serai-je jamais capable d’écrire quelque chose de grand, deviendrai-je jamais journaliste et écrivain ?

Je l’espère, oh je l’espère tellement, car en écrivant je peux tout consigner, mes pensées, mes idéaux et les fruits de mon imagination.

Cela fait longtemps que je n’ai pas travaillé à La Vie de Cady, dans ma tête je connais exactement la suite de l’histoire, mais ça ne coule pas bien. Peut-être que je ne terminerai jamais, que le tout finira au panier ou dans le poêle. C’est une pensée très désagréable, mais je me dis qu’à quatorze ans et avec si peu d’expérience, on ne peut quand même pas écrire de la philosophie.

Alors, il faut persévérer, reprendre courage, je vais finir par y arriver, car écrire, voilà ce que je veux !

Bien à toi,

Anne M. Frank

JEUDI 6 AVRIL 1944

Chère Kitty,

Tu m’as demandé quels étaient mes hobbies et mes intérêts et je vais te répondre, mais je te préviens, ne t’affole pas, j’en ai tout un tas.

D’abord : écrire, mais en fait, cela ne compte pas comme hobby.

Numéro deux : les arbres généalogiques. Je cherche les arbres généalogiques des familles royales françaises, allemandes, espagnoles, anglaises, autrichiennes, russes, norvégiennes et hollandaises, dans tous les journaux, livres et documents. J’en sais déjà beaucoup sur un grand nombre d’entre elles, d’autant plus que depuis longtemps, je prends des notes dans toutes les biographies ou tous les livres d’histoire que je lis. Je recopie même de nombreux passages d’histoire.

De fait, mon troisième hobby, c’est l’histoire, papa m’a déjà acheté beaucoup de livres là-dessus. J’ai vraiment hâte de voir le jour où je pourrai éplucher tous les livres de la bibliothèque municipale.

En numéro quatre vient la mythologie de la Grèce et de Rome. Là aussi, j’ai différents livres à ce sujet. Les neuf muses, ou les sept amours de Zeus, je peux te les nommer sans problème. Les femmes d’Héraclès, etc., je les connais sur le bout des doigts.

Mes autres passions sont les stars de cinéma et les photos de famille. Adore lire et adore les livres. M’intéresse beaucoup à l’histoire de l’art, en particulier, aux écrivains, aux poètes et aux peintres. Pour les musiciens, cela viendra peut-être plus tard. J’éprouve une antipathie certaine pour l’algèbre, la géométrie et le calcul. Toutes les autres matières scolaires, je les apprends avec plaisir, mais surtout l’histoire !

Bien à toi,

Anne M. Frank

MARDI 11 AVRIL 1944

Chère Kitty,

La tête me tourne, je ne sais vraiment pas par où commencer.

Le jeudi (la dernière fois que je t’ai écrit) s’est passé normalement.

Vendredi, c’était le vendredi saint, l’après-midi nous avons joué au jeu de la Bourse, comme le samedi après-midi d’ailleurs. Ces jours ont passé très vite.

Samedi vers deux heures on a commencé à tirer sans arrêt, des canons à tir rapide d’après ces messieurs, puis tout est redevenu calme.

Le dimanche après-midi, sur mon invitation, Peter est venu me voir à quatre heures et demie, à cinq heures et quart, nous sommes allés au grenier de devant où nous sommes restés jusqu’à six heures. De six heures à sept heures et quart, la radio diffusait un beau concert de Mozart, la Petite Musique de nuit m’a plu par-dessus tout. Dans la pièce, je n’arrive presque pas à écouter car lorsque j’entends une belle musique, je suis toute remuée.

Dimanche soir, Peter n’a pas pu prendre de bain, puisque le baquet plein de linge était dans la cuisine en bas. À huit heures, nous sommes allés tous les deux dans le grenier de devant et, pour pouvoir nous asseoir confortablement, j’ai pris le seul oreiller disponible dans notre chambre. Nous nous sommes assis sur une caisse. Caisse et oreiller étaient très étroits, nous étions serrés l’un contre l’autre et nous nous servions d’autres caisses comme dossier ; en plus, Mouschi nous tenait compagnie, nous n’étions donc pas à l’abri des regards.

Soudain, à neuf heures moins le quart, M. Van Daan a sifflé et a demandé si nous avions un oreiller de M. Dussel. Nous nous sommes levés d’un bond pour descendre avec oreiller, chat et Van Daan. Cet oreiller nous a valu un tas d’ennuis. Dussel était en colère parce que nous avions pris son oreiller et qu’il craignait d’y trouver des puces ; il a fait une histoire de tous les diables pour ce malheureux oreiller. Pour nous venger de son caractère de cochon, Peter et moi avons caché deux brosses dures dans son lit, que nous avons dû retirer parce qu’il est revenu encore une fois dans la chambre. Nous nous sommes bien amusés de cet intermède.

Mais notre joie ne devait pas durer longtemps. À neuf heures et demie, Peter a frappé doucement à la porte et a demandé à papa s’il ne voulait pas venir l’aider un instant pour une phrase compliquée en anglais. « C’est louche, ai-je dit à Margot, il a inventé un prétexte, c’est gros comme une maison, au ton des messieurs, on dirait qu’il y a eu un cambriolage ! »

Ma supposition s’est avérée juste, on cambriolait l’entrepôt. En un rien de temps, papa, Van Daan et Peter étaient en bas. Margot, maman, Madame et moi attendions. Quatre femmes angoissées ont besoin de parler, c’était notre cas, quand soudain nous avons entendu un coup en bas, puis le silence total, la pendule a sonné dix heures moins le quart. La couleur avait disparu de nos visages, mais nous étions encore calmes, même si nous avions peur. Que faisaient donc les messieurs ? Quel était ce coup ? Étaient-ils en train de se battre avec les cambrioleurs ? Personne ne se posait plus de questions, nous attendions.

Dix heures : des pas dans l’escalier, papa est entré dans la pièce, pâle et nerveux, suivi de M. Van Daan. « Éteignez les lumières, montez doucement là-haut, nous pensons que la police va venir ! »

Pas le temps de nous inquiéter, nous avons éteint les lumières, j’ai pris en vitesse une veste et nous étions déjà en haut.

« Alors que s’est-il passé, racontez-nous vite ! »

Plus personne pour le faire, les messieurs étaient déjà redescendus.

Ils ne sont revenus tous les quatre qu’à dix heures dix, deux d’entre eux se sont postés devant la fenêtre de Peter, la porte donnant sur le palier était fermée, et la porte-bibliothèque refermée. Nous avons recouvert la lampe de chevet d’un chandail, puis ils nous ont raconté :

Peter était sur le palier quand il a entendu deux coups violents, il est descendu et a vu qu’il manquait une grosse planche dans la partie gauche de la porte de l’entrepôt. Il est remonté en courant, a prévenu les membres de la famille capables de se défendre, puis ils sont descendus tous les quatre. Les cambrioleurs étaient en plein travail quand ils sont entrés dans l’entrepôt. Sans réfléchir, Van Daan a crié : « Police ! »

Des pas précipités dehors, les cambrioleurs avaient pris la fuite. Afin d’éviter que la police ne remarque le trou, la planche a été replacée, mais un grand coup de pied du dehors l’a envoyée voler par terre. Les messieurs restaient perplexes devant tant d’audace, Van Daan et Peter sentaient monter en eux des envies de meurtre. Van Daan a frappé fort dans le plancher avec la hache, tout est redevenu silencieux. Ils ont replacé la planche devant le trou, mais nouvelle alerte, un couple dehors a éclairé tout l’entrepôt avec une lampe de poche très puissante. « Sapristi ! » a grommelé l’un des messieurs… À présent, ils passaient du rôle de policiers à celui de cambrioleurs. Tous les quatre sont remontés en courant, Van Daan et Dussel ont pris au passage les livres de ce dernier, Peter a ouvert les portes et les fenêtres de la cuisine et du bureau privé, a flanqué le téléphone par terre et ils se sont retrouvés tous les quatre derrière les portes de la cachette. (Fin de la première partie.)

Selon toute vraisemblance, le couple à la lampe de poche avait prévenu la police. C’était le dimanche soir, le soir du jour de Pâques, le lendemain, lundi de Pâques, personne au bureau, donc personne ne pouvait rien faire avant mardi matin. Imagine-toi deux nuits et un jour à vivre dans l’angoisse ! Nous ne pensions à rien, restions assis là dans l’obscurité totale car Madame, de peur, avait complètement dévissé l’ampoule, les voix chuchotaient, à chaque craquement on entendait des « chut, chut ».

Dix heures et demie, onze heures ont passé, pas un son, chacun leur tour, papa et Van Daan venaient nous voir. Puis, à onze heures et quart, des bruits en bas. Chez nous, on entendait distinctement respirer toute la famille, pour le reste nous étions immobiles. Des pas dans la maison, dans le bureau privé, dans la cuisine, puis… dans notre escalier. Tout le monde retenait son souffle, huit cœurs battaient à tout rompre. Des pas dans notre escalier, puis des secousses à notre porte-bibliothèque.

Moment indescriptible.

J’ai dit : « Nous sommes perdus ! » et je nous voyais tous les huit, emmenés la nuit même par la Gestapo.

Secousses à la porte-bibliothèque, à deux reprises, puis une boîte est tombée, les pas se sont éloignés, pour l’instant nous étions sauvés ! Un frisson nous a tous parcourus, sans en distinguer la provenance j’entendais des claquements de dents, personne ne disait plus rien, nous sommes restés assis ainsi jusqu’à onze heures et demie.

On n’entendait plus rien dans la maison, mais la lumière était allumée sur notre palier juste devant la bibliothèque. Notre bibliothèque avait-elle paru mystérieuse ? Ou la police avait-elle oublié d’éteindre ? Quelqu’un allait-il venir le faire ? Les langues se sont déliées, tout le monde était parti, à part un gardien devant la porte, peut-être. Alors nous avons fait trois choses, nous avons émis des suppositions, nous avons tremblé de peur et nous sommes allés aux toilettes. Les seaux étaient au grenier, seule la corbeille à papier en métal de Peter pouvait nous servir. Van Daan a été le premier, puis papa, maman était trop gênée. Papa a emporté la corbeille dans la chambre, où Margot, Madame et moi, étions ravies d’en faire usage, finalement maman s’est décidée, elle aussi.

À chaque fois, la personne demandait du papier, j’en avais heureusement dans ma poche.

La corbeille puait, tout le monde chuchotait et nous étions fatigués, il était minuit.

« Allongez-vous par terre et dormez ! » On nous a donné à chacune, Margot et moi, un oreiller et une couverture. Margot était allongée non loin de l’armoire à provisions, moi entre les pieds de la table. Près du sol la puanteur n’était pas aussi forte, mais Madame est tout de même allée chercher sur la pointe des pieds un peu de chlorure de chaux, un torchon sur le pot a servi de deuxième écran.

Bavardages, chuchotements, peur, puanteur, pets et quelqu’un en permanence sur le pot, allez donc dormir avec cela ! À deux heures et demie, j’étais trop épuisée et jusqu’à trois heures et demie, je n’ai plus rien entendu. Je me suis réveillée quand Madame s’est allongée, la tête sur mes pieds.

J’ai demandé : « S’il vous plaît, donnez-moi quelque chose à me mettre ! » On m’a donné, mais ne me demande pas quoi, un pantalon en laine pour mettre par-dessus mon pyjama, le pull-over rouge et la jupe noire, des sous-bas blancs et des chaussettes trouées.

Ensuite, Madame a repris sa place sur la chaise et Monsieur est venu s’allonger sur mes pieds. À partir de trois heures et demie, je me suis mise à réfléchir, je tremblais encore si bien que Van Daan ne pouvait pas dormir. Je me préparais au retour de la police. « Alors nous devrons leur dire que nous nous cachons ; si ce sont de bons Néerlandais, tout ira bien, s’ils font partie du N.S.B.53, nous devrons acheter leur silence ! »

« Fais au moins disparaître la radio ! soupirait Madame.

– Oui, dans la cuisinière, répondait Monsieur, s’ils nous trouvent, ils peuvent bien trouver la radio aussi !

– À ce moment-là, ils trouveront aussi le journal d’Anne, s’en est mêlé papa.

– Il n’y a qu’à le brûler, a suggéré la plus terrorisée de nous tous. »

Cet instant et le moment où la police a secoué la bibliothèque m’ont causé le plus d’angoisse. Pas mon journal, mon journal mais alors moi avec ! Papa n’a pas répondu, heureusement !

Il n’y a aucun intérêt à rapporter toutes les conversations dont je me souviens encore, nous avons tant parlé, j’ai réconforté Madame qui avait peur. Nous parlions de fuite et d’interrogatoires de la Gestapo, de téléphoner et de garder courage.

« Maintenant, nous devons nous comporter en soldats, Madame, si nous devons y passer, alors d’accord mais pour la reine et la patrie, pour la liberté, la vérité et la justice, comme on nous le répète sans arrêt sur Radio Orange. La seule chose vraiment tragique, c’est que nous les entraînons tous dans notre malheur ! »

Au bout d’une heure, M. Van Daan a changé à nouveau de place avec sa femme, papa est venu près de moi. Les messieurs fumaient sans discontinuer, de temps en temps un profond soupir, puis un petit pipi et tout recommençait.

Quatre heures, cinq heures, cinq heures et demie. Je me suis levée pour guetter les bruits avec Peter, nous étions assis l’un contre l’autre, si près que nous pouvions sentir les tremblements de nos corps, nous échangions de temps en temps un mot et écoutions de toutes nos oreilles. Dans la pièce, ils ont enlevé le camouflage et dressé une liste des points à aborder au téléphone avec Kleiman.

Ils avaient en effet l’intention d’appeler Kleiman à sept heures pour faire venir quelqu’un ici. Le risque de se faire entendre par le garde posté devant la porte ou dans l’entrepôt était grand, mais celui d’un retour de la police plus grand encore.

Même si j’inclus ici l’aide-mémoire, je vais tout de même le recopier pour plus de clarté :

Cambriolage : la police est venue, jusqu’à la bibliothèque pivotante, pas plus loin.

Les cambrioleurs ont apparemment été dérangés, ils ont forcé la porte de l’entrepôt et se sont enfuis par le jardin. La porte principale est verrouillée, Kugler a dû certainement partir par la deuxième porte.

Les machines à écrire et à calculer sont en sécurité dans le coffre noir du bureau privé.

En plus, du linge de Miep ou Bep se trouve dans le bac à lessive dans la cuisine. Seuls Bep et Kugler possèdent une clef de la deuxième porte, serrure peut-être cassée.

Essayer de prévenir Jan et de chercher la clef, et jeter un coup d’œil dans le bureau, il faut aussi donner à manger au chat.

Tout s’est déroulé sans problème, on a téléphoné à Kleiman, retiré les barres, caché la machine à écrire dans le coffre. Ensuite, nous nous sommes assis à table et avons attendu Jan ou la police.

Peter s’était endormi, M. Van Daan et moi étions allongés par terre quand nous avons entendu en bas des pas sonores. Je me suis levée tout doucement : « C’est Jan ! »

« Non, non, c’est la police ! » disaient tous les autres.

On a frappé sur notre bibliothèque, Miep a sifflé. Pour Mme Van Daan, c’en était trop, pâle comme une morte et vidée, elle était écroulée sur sa chaise, et si la tension avait duré une minute de plus, elle se serait sûrement évanouie.

Quand Jan et Miep sont entrés, notre pièce offrait un spectacle ravissant, la table à elle seule valait la peine d’être photographiée : il y avait là un Cinema & Theater ouvert à une page représentant des danseuses et maculé de marmelade et de pectine contre la diarrhée, deux pots de confiture, une moitié et un quart de sandwich, de la pectine, un miroir, un peigne, des allumettes, de la cendre, des cigarettes, du tabac, un cendrier, des livres, une culotte, une lampe de poche, le peigne de Madame, du papier toilette, etc.

Bien entendu, Jan et Miep ont été accueillis avec des cris de joie et des larmes, Jan a bouché le trou avec du bois blanc et n’a pas tardé à partir avec Miep pour déclarer le cambriolage à la police. Par ailleurs, Miep avait trouvé sous la porte de l’entrepôt un mot de Sleegers, le veilleur de nuit qui avait découvert le trou béant et prévenu la police, Jan allait aussi lui rendre visite.

Nous n’avions donc qu’une demi-heure pour nous rendre présentables, jamais je n’ai vu s’opérer autant de transformations en si peu de temps qu’en cette demi-heure-là.

Margot et moi avons arrangé les lits en bas, nous sommes allés aux toilettes, nous nous sommes brossé les dents, lavé les mains et coiffées.

Ensuite, j’ai fait encore un peu de rangement dans la chambre et je suis remontée, la table avait déjà été débarrassée, nous avons tiré de l’eau, mis en route le café et le thé, fait bouillir du lait, dressé la table pour la pause-café.

Papa et Peter ont vidé les pots de pisse et de caca en les rinçant à l’eau chaude et au chlorure de chaux, le plus grand était plein jusqu’à ras bord et si lourd qu’il était très difficile à soulever, en plus il fuyait si bien qu’il a dû être transporté dans un seau.

À onze heures, nous nous sommes retrouvés avec Jan autour de la table et peu à peu, la maison a repris son caractère accueillant. Jan a fait le récit suivant :

Chez les Sleegers, madame lui avait dit, car monsieur dormait, qu’en faisant sa ronde le long des canaux, monsieur avait découvert le trou, et qu’accompagné d’un agent qu’il était allé chercher, il avait inspecté l’immeuble. M. Sleegers est un veilleur de nuit privé et il passe chaque soir le long des canaux à vélo, avec ses deux chiens. Monsieur viendrait mardi voir Kugler et raconter le reste. Au commissariat, ils n’étaient pas encore au courant du cambriolage, mais ils ont aussitôt pris note pour venir mardi aussi, faire un constat.

En revenant, Jan est passé par hasard devant chez Van Hoeven, notre fournisseur de pommes de terre, et lui a dit qu’il y avait eu un cambriolage.

« Je sais, a dit Van Hoeven, l’air de rien. Je suis passé hier soir devant votre immeuble avec ma femme et j’ai vu un trou dans la porte, ma femme voulait s’éloigner, mais j’ai juste jeté un coup d’œil avec la torche et à ce moment-là les cambrioleurs ont dû s’enfuir. Pour plus de sûreté, je n’ai pas appelé la police, je préfère m’abstenir dans votre cas, je ne suis au courant de rien, mais je crois deviner. » Jan l’a remercié et a poursuivi son chemin. Van Hoeven doit certainement se douter que nous sommes ici, car il apporte toujours les pommes de terre après midi et demi, et non pas après une heure et demie. Quel chic type !

Une fois Jan parti et la vaisselle finie, il était une heure. Nous sommes tous allés dormir. À trois heures moins le quart, je me suis réveillée et j’ai vu que M. Dussel avait déjà disparu. Tout à fait par hasard, le visage ensommeillé, j’ai rencontré dans la salle de bains Peter, qui venait de descendre. Nous nous sommes donné rendez-vous en bas. Je me suis rafraîchi le visage et suis descendue.

« Tu as encore le courage de venir dans le grenier de devant ? » m’a-t-il demandé. J’ai acquiescé, j’ai pris mon oreiller entouré d’un morceau de tissu et nous sommes allés dans le grenier de devant. Le temps était superbe et bientôt, les sirènes ont commencé à mugir, nous sommes restés là où nous étions. Peter a passé son bras sur mon épaule, j’ai passé mon bras sur son épaule, et nous avons attendu patiemment, les bras enlacés, jusqu’à ce que Margot vienne nous chercher à quatre heures pour le café.

Nous avons mangé notre pain, bu notre limonade et raconté des blagues, le moral était donc revenu, sinon tout s’est passé comme d’habitude. J’ai remercié Peter, le soir, parce qu’il avait été le plus courageux de tous.

Aucun de nous n’a jamais connu un aussi grand danger que cette nuit-là, Dieu nous a vraiment accordé sa protection, imagine un peu, la police a secoué notre bibliothèque, la lumière était allumée juste devant et nous, nous sommes restés inaperçus ! « Nous sommes perdus ! » ai-je dit tout doucement à ce moment-là, mais nous voilà de nouveau sains et saufs. Si le débarquement arrive avec ses bombes, chacun sera en mesure de se défendre tout seul, mais là, nous étions inquiets pour ces gentils chrétiens innocents.

« Nous sommes sauvés, sauvez-nous encore ! » Voilà tout ce que nous sommes capables de dire.

Cet incident a provoqué beaucoup de changements. Dorénavant, Dussel s’installe le soir dans la salle de bains, Peter va inspecter la maison à huit heures et demie et à neuf heures et demie, nous ne pouvons plus ouvrir la fenêtre de Peter puisque le type de chez Keg a vu la fenêtre ouverte. Nous ne pouvons plus tirer la chasse après neuf heures et demie du soir. M. Sleegers a été engagé comme veilleur de nuit, ce soir vient un menuisier clandestin qui va fabriquer à partir de nos lits blancs de Francfort de quoi nous barricader. On discute à présent à l’Annexe des arguments pour et des arguments contre. Kugler nous a reproché notre imprudence, Jan a dit, lui aussi, que nous ne devrions jamais descendre. À présent, il s’agit de savoir si ce Sleegers est un homme de confiance, si les chiens se mettent à aboyer quand ils entendent quelqu’un derrière la porte, comment se barricader, et encore une foule de choses.

Cette histoire nous a rappelés brutalement à la réalité, au fait que nous sommes des juifs enchaînés, enchaînés à un seul lieu, sans droits et avec des milliers d’obligations.

Nous autres juifs, nous ne devons pas écouter notre cœur, nous devons être courageux et forts, nous devons subir tous les désagréments sans rien dire, nous devons faire notre possible et garder confiance en Dieu. Un jour, cette horrible guerre se terminera enfin, un jour nous pourrons être de nouveau des êtres humains et pas seulement des juifs !

Qui nous a imposé cela ? Qui a fait de nous, les juifs, une exception parmi tous les peuples ? Qui nous a fait tant souffrir jusqu’à présent ? C’est Dieu qui nous a créés ainsi, mais c’est Dieu aussi qui nous élèvera. Si nous supportons toute cette misère et s’il reste toutefois encore des juifs, alors les juifs cesseront d’être des damnés pour devenir des exemples. Et qui sait, peut-être est-ce notre foi qui apprendra au monde, et avec lui à tous les peuples, ce qu’est le bien et est-ce pour cette raison, et cette raison seulement, que nous devons souffrir. Nous ne pourrons jamais devenir uniquement néerlandais ou uniquement anglais, ou de n’importe quelle autre nation, nous resterons toujours des juifs en plus, nous devrons toujours rester juifs, mais nous voulons aussi le rester.

Courage ! Restons conscients de notre tâche et ne nous plaignons pas, il y aura une issue, Dieu n’a jamais abandonné notre peuple ; à travers tous les siècles, les juifs ont survécu, à travers tous les siècles, les juifs ont dû souffrir, mais à travers tous les siècles ils sont devenus forts. Les faibles tomberont et les forts survivront et ne disparaîtront jamais !

Cette nuit-là, j’ai su que je devais mourir, j’attendais la police, j’étais prête, prête comme les soldats sur le champ de bataille.

Je voulais mourir pour la patrie, mais maintenant, maintenant que je suis de nouveau saine et sauve, maintenant mon premier souhait après la guerre : faites de moi une Néerlandaise !

J’aime les Néerlandais, j’aime notre pays, j’aime la langue et je veux travailler ici. Et même si je dois écrire à la reine en personne, je ne fléchirai pas avant d’avoir atteint mon but !

Je deviens de plus en plus indépendante de mes parents, toute jeune que je suis, j’ai plus de goût pour la vie, un sens plus sûr et plus pur de la justice que maman. Je sais ce que je veux, j’ai un but, j’ai un avis, j’ai une foi et un amour. Laissez-moi être moi-même, alors je suis heureuse. Je sais que je suis une femme, une femme riche d’une force intérieure et pleine de courage !

Si Dieu me laisse vivre, j’irai plus loin que maman n’est jamais allée, je ne resterai pas insignifiante, je travaillerai dans le monde et pour les gens !

Et aujourd’hui, je sais que le courage et la joie sont ce qu’il nous faut avant tout !

Bien à toi,

Anne M. Frank

VENDREDI 14 AVRIL 1944

Chère Kitty,

L’atmosphère ici est encore très tendue. Pim bouillonne, Madame est au lit avec un rhume et rouspète, Monsieur est blême à force de se passer de clopes, Dussel, qui a sacrifié une grande partie de son confort, le fait sentir par des réflexions, etc. D’ailleurs, il faut bien dire qu’en ce moment nous n’avons pas de veine. Les W.C. fuient et le robinet tourne à vide. Grâce à nos nombreux contacts, ils seront tous deux vite réparés.

Parfois, je suis sentimentale, tu le sais, mais… ici, il y a parfois un peu de place pour la sentimentalité aussi. Quand Peter et moi, dans un désordre et une poussière épouvantables, sommes assis sur une caisse en bois dur, nous tenant par l’épaule, tout près l’un de l’autre, lui tenant une de mes boucles dans la main, quand dehors les oiseaux font des trilles, quand on voit les arbres devenir verts, quand le soleil vous attire au-dehors, quand le ciel est si bleu, oh, alors, alors j’ai envie de tant de choses !

Ici, on ne voit rien que des visages renfrognés et bougons, que des soupirs et des plaintes réprimées, on dirait que tout d’un coup, nous vivons une situation insoutenable. Si elle est à ce point insoutenable, c’est bien de notre faute. Ici, à l’Annexe, personne ne montre le bon exemple, à chacun de se débrouiller tant bien que mal avec ses sautes d’humeur !

Vivement que ça finisse, voilà ce qu’on entend chaque jour !

Mon travail, mon espoir, mon amour, mon courage,

voilà qui me donne ma force et me rend bonne et sage.

Je suis certaine, Kit, que je suis un peu timbrée aujourd’hui et je ne sais pourtant pas pourquoi. Tout est mélangé, sans fil directeur, et je doute parfois sérieusement que plus tard quelqu’un s’intéresse à mon radotage. Les Confidences d’un vilain petit canard sera le titre de toutes ces sottises.

M. Bolkestein ou Gerbrandy54 ne trouveront certainement pas grand intérêt à mon journal.

Bien à toi,

Anne M. Frank

SAMEDI 15 AVRIL 1944

Chère Kitty,

« Une frayeur chasse l’autre : quand en verrons-nous la fin ? » C’est vraiment le cas de le dire, pense un peu à ce qui vient encore de nous arriver : Peter a oublié d’enlever le verrou de la porte. La conséquence, c’est que Kugler et les hommes de l’entrepôt n’ont pas pu entrer, Kugler est allé chez Keg et a cassé la vitre de la cuisine. Nos fenêtres étaient ouvertes et cela aussi, Keg l’a vu. Qu’est-ce qu’ils peuvent bien penser, chez Keg ? Et Van Maaren ? Kugler est furieux. Il s’entend reprocher de ne pas faire réparer les portes, et voilà que nous commettons une bêtise grosse comme nous ! Je peux te dire que Peter est dans tous ses états. Lorsque maman a dit à table que c’était de Peter qu’elle avait le plus pitié, il a failli se mettre à pleurer. C’est autant notre faute à tous, car nous demandons presque tous les jours si le verrou a bien été enlevé et M. Van Daan le demande aussi presque toujours. Peut-être que je pourrai le consoler un peu tout à l’heure. J’aimerais tant l’aider un peu !

Voici encore quelques confidences sur la vie de l’Annexe ces dernières semaines :

Samedi dernier, Moffi est brusquement tombé malade, il ne bougeait plus et bavait. Promptement, Miep l’a saisi, l’a enroulé dans un chiffon, l’a fourré dans le cabas et l’a amené à la clinique des chiens et chats. Le vétérinaire lui a donné une potion, car Moffi avait des problèmes d’intestins. Peter lui en a fait prendre plusieurs fois, mais bientôt Moffi ne s’est plus montré, il traînait dehors jour et nuit ; parti rejoindre sa fiancée, sans doute. Mais maintenant, il a le museau tout enflé et quand on le prend, il couine. Il a probablement reçu un coup à un endroit où il voulait chaparder. Mouschi a été enroué pendant quelques jours. Juste au moment où nous nous disposions à l’envoyer lui aussi chez le vétérinaire, voilà qu’il était à moitié guéri.

En ce moment, la fenêtre de notre grenier reste entrouverte, même la nuit ; Peter et moi nous restons souvent là-haut le soir, maintenant.

Grâce à une solution et de la peinture à l’huile, nos W.C. pourront être réparés rapidement. Le robinet cassé a été lui aussi remplacé.

La santé de M. Kleiman s’améliore, heureusement. Bientôt, il ira voir un spécialiste. Espérons que l’on n’aura pas besoin de l’opérer de l’estomac.

Ce mois-ci, nous avons eu huit cartes d’alimentation.

Malheureusement, la première quinzaine, on ne pouvait avoir que des légumes secs, au lieu de flocons d’avoine ou de gruau. Notre friandise du moment : des piccalilly. Quand on tombe mal, on ne trouve dans le pot que des concombres et un peu de sauce moutarde. Les légumes verts sont introuvables. Salade, salade et rien d’autre. Nos repas ne se composent plus que de pommes de terre et de jus de viande en cubes.

Les Russes contrôlent plus de la moitié de la Crimée.

Les Anglais sont arrêtés à Cassino. Il ne nous reste plus qu’à compter sur le front de l’Ouest. Bombardements nombreux et incroyablement intensifs. À La Haye, l’État civil général néerlandais a été attaqué par un bombardier55. Tous les Néerlandais vont avoir de nouvelles cartes.

Assez pour aujourd’hui.

Bien à toi,

Anne M. Frank

DIMANCHE 16 AVRIL 1944

Très chère Kitty,

Retiens la journée d’hier, car c’est une date très importante dans ma vie. N’est-ce pas important, pour n’importe quelle fille, de recevoir son premier baiser ? Eh bien, pour moi, c’est tout aussi important. Le baiser de Bram sur ma joue droite ne compte pas, pas plus que celui de Woudstra sur ma main droite. Comment j’ai obtenu si soudainement ce baiser, je vais te le raconter.

Hier soir à huit heures, j’étais assise avec Peter sur son divan, et il n’a pas tardé à passer le bras autour de mon épaule (comme c’était samedi, il ne portait pas son bleu de travail). « Déplaçons-nous un peu, lui ai-je dit, je ne me cognerai plus la tête à la petite bibliothèque. »

Il s’est glissé jusqu’au coin ou presque, j’ai passé mon bras sous le sien derrière son dos et il m’a presque étouffée en m’entourant les épaules de son bras. Or, ce n’était pas la première fois que nous nous tenions ainsi, mais jamais nous n’avions été aussi près l’un de l’autre qu’hier soir. Il me serrait fort contre lui, mon sein gauche touchait sa poitrine, mon cœur battait déjà, mais nous n’en avions pas fini. Il ne s’est tenu tranquille que lorsque j’ai eu la tête posée sur son épaule, avec la sienne par-dessus. Quand je me suis redressée, au bout de cinq minutes environ, il m’a vite pris la tête dans ses mains et l’a remise contre lui. Oh, c’était tellement délicieux, je ne pouvais pas beaucoup parler, le plaisir était trop grand ; il caressait un peu maladroitement ma joue et mon bras, tripotait mes boucles et la plupart du temps nos deux têtes étaient serrées l’une contre l’autre.

La sensation qui me parcourait à ce moment-là, je ne peux pas te la décrire, Kitty, j’étais trop heureuse et lui aussi, je crois.

À huit heures et demie, nous nous sommes levés. Peter a mis ses chaussures de gymnastique pour faire moins de bruit pendant sa deuxième ronde dans l’immeuble, et j’étais près de lui. Comment j’ai trouvé le bon mouvement, je ne sais pas, mais avant que nous ne descendions il m’a donné un baiser, à travers mes cheveux, à moitié sur la joue gauche, à moitié sur l’oreille. Je suis descendue en courant sans me retourner et j’attends avec beaucoup d’impatience la journée d’aujourd’hui.

Dimanche matin un peu avant onze heures.

Bien à toi,

Anne M. Frank

LUNDI 17 AVRIL 1944

Chère Kitty,

Crois-tu que papa et maman approuveraient que j’embrasse un garçon sur un divan, un garçon de dix-sept ans et demi avec une fille de près de quinze ans ? À vrai dire, je crois que non, mais dans cette affaire je ne peux m’en remettre qu’à moi-même. Je me sens tellement calme, tellement en sécurité à être là dans ses bras et à rêver, c’est si excitant de sentir sa joue contre la mienne, c’est si merveilleux de savoir que quelqu’un m’attend. Mais, car il y a un mais, Peter voudra-t-il en rester là ? Bien sûr, je n’ai pas oublié sa promesse, mais… c’est un garçon !

Je sais bien que je suis très précoce, même pas quinze ans et une telle indépendance, c’est un peu incompréhensible pour d’autres gens. Je suis presque sûre que Margot ne donnerait jamais un baiser à un garçon sans qu’il soit question de fiançailles ou de mariage.

Ni Peter ni moi n’avons de tels projets. Maman non plus n’a certainement pas touché un homme avant de connaître papa. Que diraient mes amies ou Jacque si elles savaient que Peter m’a tenue dans ses bras, mon cœur contre sa poitrine, ma tête sur son épaule, sa tête et son visage sur le mien !

Oh ! Anne, quelle honte, mais non, je n’y vois rien de honteux ; nous sommes enfermés ici, coupés du monde, nous vivons dans l’angoisse et l’inquiétude, en particulier ces derniers temps, pourquoi resterions-nous séparés l’un de l’autre, nous qui nous aimons ? Pourquoi ne nous embrasserions-nous pas, en des temps comme ceux-ci ? Pourquoi attendrions-nous d’avoir l’âge convenable ? Pourquoi nous poserions-nous beaucoup de questions ?

J’ai pris sur moi de me surveiller, lui ne voudrait jamais me causer de chagrin ou de peine, pourquoi, dans ces conditions, ne pas faire ce que mon cœur m’inspire et nous rendre heureux tous les deux ?

Pourtant je crois bien, Kitty, que tu sens un peu mes doutes, je pense que c’est ma franchise qui se révolte contre les cachotteries. Crois-tu qu’il est de mon devoir de dire à papa ce que je fais ? Crois-tu que notre secret doit revenir aux oreilles d’un tiers ? Une bonne partie du plaisir serait perdue, mais est-ce que j’en deviendrais plus calme intérieurement ? Je vais en parler avec lui.

Oh ! Oui, je veux encore lui parler de tant de choses, car seulement nous caresser, je n’en vois pas l’utilité. Nous dire nos pensées l’un à l’autre suppose une grande confiance, mais nous en sortirons tous les deux plus forts, conscients de cette confiance !

Bien à toi,

Anne M. Frank

P.-S. Hier matin, nous étions encore une fois sur le pied de guerre à six heures, car toute la famille avait de nouveau entendu des bruits de cambriolage. La victime était peut-être, cette fois, un de nos voisins. Lorsque nous les avons contrôlées à sept heures, nos portes étaient hermétiquement closes, heureusement !

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