Journal d’Anne Franck

SAMEDI 8 JUILLET 1944

Chère Kitty,

Broks est allé à Beverwijk et a obtenu sans difficulté des fraises à la vente à la criée. Elles sont arrivées ici pleines de poussière et de sable, mais en grande quantité. Pas moins de vingt-quatre cageots pour ceux du bureau et pour nous. Le soir même, on a mis en conserve les six premiers bocaux et fait huit pots de confiture. Le lendemain matin, Miep voulait préparer de la confiture pour le bureau.

À midi et demi, verrouillage de la porte d’entrée, destination cageots, bruits sourds de Peter, papa et Van Daan dans l’escalier, Anne occupée à tirer de l’eau chaude du chauffe-eau, Margot à chercher un seau, tous sur le pont ! L’estomac noué, j’entre dans la cuisine du bureau pleine de monde, Miep, Bep, Kleiman, Jan, papa, Peter, les clandestins et la colonne de ravitaillement, une vraie cohue et en plein jour !

Les rideaux et les fenêtres ouvertes, les bruits des voix, les portes qui claquent, je tremblais d’excitation. Nous cachons-nous encore vraiment ? La question m’a traversé l’esprit, on doit éprouver un sentiment comparable quand on a de nouveau le droit de s’exposer aux yeux du monde. La casserole était pleine, vite, là-haut. Autour de la table de la cuisine, le reste de la famille équeutait les fraises, ou du moins était censé le faire ; il en finissait plus dans la bouche que dans le seau. Il a bientôt fallu un autre seau, Peter est retourné à la cuisine, on a sonné deux fois, le seau est resté là, Peter s’est précipité en haut, portes du placard verrouillées. Nous trépignions d’impatience, le robinet devait rester fermé et les fraises à moitié lavées attendaient de tremper dans leur bain, mais la règle de clandestinité restait de mise : quand quelqu’un se trouve dans la maison, fermer tous les robinets à cause du bruit d’eau dans les conduites.

À une heure, arrivée de Jan : c’était le facteur. Peter redescend vite. Dring, la sonnette, demi-tour. Je vais écouter si quelqu’un vient, d’abord à la porte-bibliothèque, puis en haut de l’escalier. Finalement, Peter et moi nous penchons tous deux au-dessus de la rampe, comme des voleurs, pour écouter les bruits venant d’en bas. Pas de voix inconnues. Peter descend doucement l’escalier, s’arrête à mi-chemin et crie : « Bep ! » Pas de réponse, il recommence : « Bep ! » Le bruit, dans la cuisine, couvre la voix de Peter. Puis il descend en bas de l’escalier et se précipite dans la cuisine. Prise d’angoisse, je regarde en bas.

« Retourne là-haut, Peter, le comptable est là, il faut que tu t’en ailles. » C’est la voix de Kleiman. Peter remonte en soupirant, la porte-bibliothèque reste fermée.

À une heure et demie, Kugler arrive enfin : « Doux Jésus, je vois des fraises partout, au petit déjeuner des fraises, Jan mange des fraises, Kleiman boulotte des fraises, Miep fait bouillir des fraises, Bep équeute des fraises, je sens l’odeur des fraises et quand je veux me débarrasser de ces trucs rouges, je monte, et que lave-t-on ici ?… Des fraises ! »

Le reste des fraises est mis en conserve. Le soir : deux pots s’ouvrent. Papa en fait vite de la confiture. Le matin suivant : deux bocaux s’ouvrent. L’après-midi : quatre bocaux s’ouvrent. Van Daan ne les avait pas assez stérilisés, à présent papa prépare de la confiture tous les soirs. Nous mangeons des flocons d’avoine à la fraise, du lait fermenté à la fraise, des tartines à la fraise, des fraises en dessert, des fraises au sucre, des fraises au sable. Pendant deux jours, on n’a vu danser devant nos yeux que des fraises, des fraises et des fraises, puis le stock s’est épuisé ou s’est retrouvé sous clef, dans les pots.

« Tu sais quoi, Anne ? dit Margot, Mme Van Hoeven nous a donné des petits pois, dix-huit livres. »

Je réponds : « C’est gentil de sa part. » C’est vrai que c’est gentil, mais quel travail… Pouah !

« Samedi matin, vous devez tous m’aider à écosser les petits pois », annonce maman à table.

Et en effet, ce matin après le petit déjeuner, la grosse casserole en émail a fait son apparition sur la table, pleine à ras bord de petits pois. Écosser les petits pois est un travail agaçant, mais alors il faut avoir essayé au moins une fois d’enlever les petites pelures. Je crois que la plupart des gens ne savent pas à quel point la cosse des pois est riche en vitamines, goûteuse et tendre quand on en retire la pelure à l’intérieur. Les trois avantages que je viens de citer ne sont encore rien si l’on sait que les portions de nourriture sont trois fois plus grandes que lorsqu’on se contente de manger uniquement les petits pois.

Retirer ces petites pelures est un travail extrêmement précis et tatillon, qui convient sans doute à des dentistes pédants et des spécialistes en épices minutieux ; pour une gamine impatiente comme moi, c’est épouvantable. Nous avons commencé à neuf heures et demie, à dix heures et demie je m’assieds avec les autres, à onze heures je me lève de nouveau, à onze heures et demie je me rassieds. Mes oreilles en bourdonnent : casser les bouts, enlever la pelure, retirer le fil, jeter la cosse, casser les bouts, enlever la pelure, retirer le fil, jeter la cosse, etc., les images me tournent devant les yeux, vert, vert, petit ver, fil, cosse pourrie, vert, vert, vert. Dans mon apathie et pour faire quelque chose malgré tout, je passe la matinée à raconter toutes les âneries possibles et imaginables, je les fais tous rire et pour ma part, j’ai l’impression de presque me consumer de stupidité.

À chaque fil que je retire, je suis de plus en plus sûre que jamais, au grand jamais, je ne me contenterai d’être une femme au foyer !

À midi, nous prenons enfin notre petit déjeuner, mais de midi et demi à une heure et quart, nous devons nous remettre à enlever les pelures. J’ai comme le mal de mer quand je m’arrête, les autres aussi un peu, je dors jusqu’à quatre heures et après, je suis encore sonnée à cause de ces maudits petits pois.

Bien à toi,

Anne M. Frank

SAMEDI 15 JUILLET 1944

Chère Kitty,

Nous avons eu un livre de la bibliothèque, au titre provocant, Que pensez-vous de la jeune fille moderne ?86 Aujourd’hui, j’aimerais parler de ce sujet.

L’auteur (une femme) critique « la jeunesse d’aujourd’hui » des pieds à la tête, sans toutefois complètement reléguer tous les jeunes au rang de bons à rien. Au contraire, elle pense que si la jeunesse s’en donnait la peine, elle pourrait construire un vaste monde, un monde plus beau et meilleur, que la jeunesse en possède les moyens mais qu’elle s’occupe de choses superficielles sans accorder un regard à ce qui est réellement beau.

Dans certains passages, j’avais la forte impression que l’auteur m’adressait directement ses reproches et c’est pourquoi je veux m’ouvrir enfin complètement à toi et me défendre de ces attaques.

J’ai un trait de caractère particulièrement marqué, qui doit frapper tous ceux qui me connaissent depuis un certain temps : ma connaissance de moi-même. Je peux étudier tous mes actes comme s’il s’agissait d’une étrangère. Sans aucun préjugé et sans une foule d’excuses toutes prêtes, je me place en face de l’Anne de tous les jours et observe ce qu’elle fait de bien, de mal. Cette conscience de moi-même ne me quitte pas et à chaque mot que je prononce, je sais au moment précis où je le dis : « Il aurait fallu m’exprimer autrement », ou : « C’est très bien comme cela ! », je me juge sévèrement sur une quantité de choses et je m’aperçois de plus en plus à quel point les paroles de papa étaient justes : « Chaque enfant doit s’éduquer lui-même. » Les parents ne peuvent que donner des conseils ou de bonnes indications, le développement ultime de la personnalité d’un individu repose entre ses propres mains. À part cela, j’ai un courage de vivre exceptionnel, je me sens toujours si forte et capable d’endurance, si libre et si jeune ! Quand j’en ai pris conscience, j’étais heureuse car je ne crois pas que je courberai vite la tête sous les coups que chacun doit subir.

Mais j’ai déjà tant parlé de ces choses-là, aujourd’hui je veux juste aborder le chapitre « papa et maman ne me comprennent pas ». Mon père et ma mère m’ont toujours beaucoup gâtée, ont été gentils envers moi, m’ont défendue face à ceux d’en haut et ont fait, en somme, tout ce qui était en leur pouvoir de parents. Pourtant, je me suis longtemps sentie terriblement seule, exclue, abandonnée, incomprise. Papa a essayé tous les moyens possibles pour tempérer ma révolte, rien n’y faisait. Je me suis guérie toute seule, en me confrontant moi-même à mes erreurs de conduite. Comment se fait-il que papa ne m’ait jamais été d’aucun soutien dans ma lutte, qu’il soit tombé tout à fait à côté quand il a voulu me tendre la main ? Papa n’a pas employé le bon moyen, il m’a toujours parlé comme à une enfant qui devait traverser une crise de croissance difficile. C’est drôle à dire, car personne d’autre que lui ne m’a accordé autant de confiance, et personne d’autre que lui ne m’a donné le sentiment d’être raisonnable. Mais il a cependant négligé une chose, il ne s’est pas aperçu qu’à mes yeux, ma lutte pour dominer la situation primait tout le reste. Je ne voulais pas entendre parler d’« âge ingrat », d’« autres filles », de « tout finira par s’arranger », je ne voulais pas être traitée comme une fille-semblable-à-toutes-les-autres mais comme Anne-telle-qu’elle-est, et Pim ne le comprenait pas. D’ailleurs, je ne peux pas accorder ma confiance à quelqu’un qui ne se confie pas aussi pleinement et comme je ne sais rien de Pim, je ne pourrai pas m’engager dans la voie d’une relation intime entre nous, Pim adopte toujours le rôle du père plein de maturité, ayant lui aussi éprouvé ces mêmes penchants passagers, mais qui avec moi, face aux problèmes des jeunes, ne peut plus se placer sur le plan de l’amitié, même en se donnant beaucoup de mal. Aussi ai-je décidé de ne plus confier à personne d’autre qu’à mon journal et de temps en temps à Margot mes conceptions sur la vie et mes théories mûrement réfléchies. J’ai caché à papa tout ce qui me troublait, je ne lui ai jamais fait part de mes idéaux, je l’ai volontairement et consciemment écarté de moi.

Je ne pouvais pas faire autrement, j’ai agi en accord total avec mes sentiments, j’ai agi en égoïste, mais j’ai agi de façon à trouver une paix intérieure. Car cette paix et cette confiance en moi que j’ai bâties comme un château branlant s’écrouleraient complètement s’il me fallait maintenant affronter une critique de mon travail inachevé. Et même pour Pim, je ne peux m’y résoudre, aussi dur que cela puisse paraître, car non seulement je ne lui ai pas laissé partager ma vie intérieure, mais par mon irritabilité je le repousse souvent plus loin de moi encore.

Voilà un point qui me préoccupe souvent : comment se fait-il que Pim m’agace parfois autant ? Que j’aie de plus en plus de mal à vivre avec lui, que ses cajoleries me semblent artificielles, que je veuille avoir la paix et que je préférerais qu’il ne s’occupe plus trop de moi, tant que je n’ai pas pris de l’assurance vis-à-vis de lui ? Car son reproche à propos de la méchante lettre que dans mon excitation j’ai osé lui envoyer à la figure me ronge toujours. Oh, comme il est difficile d’être vraiment forte et courageuse à tous les points de vue !

Pourtant ce n’est pas la raison de ma plus grande déception, non, bien plus que papa, c’est Peter qui me préoccupe. Je sais très bien que c’est moi qui ai gagné son cœur plutôt que le contraire, j’ai fait de lui un personnage idyllique, j’ai vu en lui le garçon silencieux, sensible, gentil qui a tant besoin d’amour et d’amitié !

J’ai éprouvé le besoin de me confier à un être vivant, j’ai voulu avoir un ami qui m’aide à retrouver le chemin, j’ai fait tout le travail difficile et je me suis arrangée pour que, lentement mais sûrement, il se tourne vers moi.

Quand j’ai enfin réussi à lui faire éprouver des sentiments amicaux envers moi, nous sommes parvenus spontanément à une intimité qui, à la réflexion, me paraît inouïe. Nous avons parlé des choses les plus secrètes, mais nous avons tu jusqu’à maintenant les choses dont mon cœur était, et est encore, empli. Je n’arrive toujours pas à me faire une idée de Peter, est-il superficiel ou est-ce sa timidité qui le retient même vis-à-vis de moi ? Mais cette question mise à part, j’ai commis une erreur en excluant tout autre type d’amitié et en me rapprochant de lui de manière intime. Il a un terrible besoin d’amour et je lui plais chaque jour davantage, je m’en rends très bien compte. Nos rencontres le satisfont pleinement ; chez moi, elles ne font qu’accentuer mon besoin de réessayer encore et encore pour finalement ne jamais aborder les sujets que j’aimerais tant soulever. J’ai attiré Peter de force, bien plus qu’il ne le croit, à présent il s’accroche à moi et je ne vois pas pour l’instant de moyen satisfaisant pour arriver à le détacher de moi et le laisser voler de ses propres ailes. Quand je me suis aperçue, très vite en fait, qu’il ne pouvait être un ami au sens où je l’entends, j’ai lutté pour au moins lui ôter son étroitesse d’esprit et l’aider à s’affirmer dans sa jeunesse.

« Car fondamentalement, la jeunesse est plus solitaire que la vieillesse. » Cette affirmation tirée de je ne sais plus quel livre m’est restée en tête et je l’ai trouvée juste.

Est-il vrai que la situation est plus pénible ici pour les adultes que pour les jeunes ? Non, c’est certainement faux. Les personnes d’âge mûr ont leur opinion faite sur tout et ne s’avancent plus dans la vie d’un pas mal assuré. Nous, les jeunes, nous avons deux fois plus de mal à maintenir nos opinions à une époque où tout idéalisme est anéanti et saccagé, où les hommes se montrent sous leur plus vilain jour, où l’on doute de la vérité, de la justice et de Dieu.

Celui qui continue encore à prétendre que la situation, ici à l’Annexe, est beaucoup plus pénible pour les adultes ne se rend certainement pas compte de l’énorme quantité de problèmes qui nous assaille. Des problèmes pour lesquels nous sommes peut-être beaucoup trop jeunes, mais qui pourtant s’imposent à nous jusqu’au moment où, bien plus tard, nous croyons avoir trouvé une solution, une solution le plus souvent inefficace face aux faits qui la réduisent à néant. Voilà la difficulté de notre époque, les idéaux, les rêves, les beaux espoirs n’ont pas plus tôt fait leur apparition qu’ils sont déjà touchés par l’atroce réalité et totalement ravagés. C’est un vrai miracle que je n’aie pas abandonné tous mes espoirs, car ils semblent absurdes et irréalisables. Néanmoins, je les garde car, malgré tout, je crois encore à la bonté innée des hommes.

Il m’est absolument impossible de tout construire sur une base de mort, de misère et de confusion. Je vois comment le monde se transforme lentement en un désert, j’entends plus fort, toujours plus fort, le grondement du tonnerre qui approche et nous tuera, nous aussi, je ressens la souffrance de millions de personnes et pourtant, quand je regarde le ciel, je pense que tout finira par s’arranger, que toute cette cruauté aura une fin, que le calme et la paix reviendront régner sur le monde. En attendant, je dois garder mes pensées à l’abri, qui sait, peut-être trouveront-elles une application dans les temps à venir !

Bien à toi,

Anne M. Frank

VENDREDI 21 JUILLET 1944

Chère Kitty,

À présent, je suis pleine d’espoir, enfin tout va bien. Tout va même très bien ! Superbes nouvelles ! On a tenté d’assassiner Hitler, et pour une fois il ne s’agit pas de communistes juifs ou de capitalistes anglais mais d’un général allemand, de haute lignée germanique, un comte qui en plus est encore jeune87. La « Divine Providence » a sauvé la vie du Führer et, malheureusement, il s’en est tiré avec seulement quelques égratignures et des brûlures. Plusieurs officiers et généraux de son entourage immédiat ont été tués ou blessés. Le principal auteur de l’attentat a été fusillé. Voilà tout de même la meilleure preuve que de nombreux officiers et généraux en ont assez de la guerre et aimeraient voir Hitler sombrer aux oubliettes afin de prendre la tête d’une dictature militaire, et ainsi, de conclure la paix avec les Alliés, de réarmer et de recommencer la guerre dans une vingtaine d’années. Peut-être que la Providence a fait exprès de traîner un peu avant de l’éliminer, car il est beaucoup plus facile et plus avantageux pour les Alliés de laisser aux Germains purs et sans tache le soin de s’entre-tuer, les Russes et les Anglais auront d’autant moins de travail et pourront se mettre d’autant plus vite à la reconstruction de leurs propres villes. Mais nous n’en sommes pas encore là, et rien ne me fait moins envie que d’anticiper sur ces glorieux événements. Pourtant, tu peux constater que ce que je dis ne contient que la vérité et toute la vérité. Pour une fois, je ne suis pas à clamer des idéaux grandioses.

Hitler a encore eu la bonté d’annoncer à son peuple fidèle et affectionné que tous les militaires doivent à partir d’aujourd’hui obéir à la Gestapo, et que tout homme ou tout soldat sachant que son supérieur a pris part à cet attentat lâche et méprisable a le droit de le flinguer !

Ça va être du joli. Le soldat Dufuté a mal aux pieds à force de marcher, son chef, l’officier, le rabroue. Dufuté prend son fusil et crie : « Alors comme ça, tu as voulu tuer le Führer, voilà ta récompense ! » Une détonation, et ce chef orgueilleux qui a osé passer un savon à Dufuté a franchi le seuil de la vie (ou serait-ce plutôt de la mort) éternelle ! À la fin, on verra ces messieurs les officiers faire dans leur culotte de peur chaque fois qu’ils rencontreront un soldat ou prendront le commandement, parce que les soldats auront leur mot à dire et plus de pouvoir qu’eux.

Tu arrives un peu à me suivre, ou est-ce que j’ai encore sauté du coq-à-l’âne ? Je n’y peux rien, je suis bien trop gaie pour respecter la logique, à l’idée qu’en octobre je pourrais bien retourner m’asseoir sur les bancs de l’école ! Oh, la la ! n’ai-je pas dit à l’instant qu’il ne faut jamais anticiper ? Ne m’en veux pas, ce n’est pas pour rien que j’ai la réputation d’être un paquet de contradictions !

Bien à toi,

Anne M. Frank

MARDI 1er AOÛT 1944

Chère Kitty,

« Un paquet de contradictions », ce sont les derniers mots de la lettre précédente et les premiers de celle-ci. « Un paquet de contradictions », peux-tu m’expliquer clairement ce que cela veut dire ? Que signifie « contradiction » ? Comme tant d’autres mots il a deux sens, contradiction extérieure et contradiction intérieure. Le premier, c’est tout simplement ne pas s’incliner devant les opinions des autres, en savoir plus, avoir le dernier mot, bref tous ces affreux défauts qu’on me connaît bien, le second, les autres n’en savent rien, c’est mon secret à moi.

Je t’ai déjà raconté plusieurs fois que mon âme est pour ainsi dire divisée en deux. D’un côté se logent ma gaieté exubérante, mon regard moqueur sur tout, ma joie de vivre et surtout ma façon de prendre tout à la légère. Par là, je veux dire que je ne vois rien de mal à un flirt, à un baiser, à étreindre quelqu’un, à une plaisanterie un peu douteuse. Ce côté est plus souvent à l’affût et refoule l’autre côté qui est bien plus beau, plus pur et plus profond. C’est vrai finalement, le beau côté d’Anne, personne ne le connaît et c’est pourquoi si peu de gens peuvent me supporter. Évidemment, je suis un clown amusant pour un après-midi, après quoi tout le monde a eu sa dose pour un mois. En fait, exactement ce qu’un film d’amour peut être aux yeux de gens profonds, une simple distraction, un divertissement occasionnel, une chose vite oubliée, pas mauvaise mais pas bonne non plus. Cela m’est très désagréable d’avoir à te le dire, mais pourquoi ne le ferais-je pas, puisque je sais que c’est la vérité ? Mon côté insouciant, superficiel, devancera toujours mon côté profond et c’est pourquoi il aura toujours le dessus. Tu ne peux pas t’imaginer combien de fois j’ai essayé de repousser, de changer radicalement, de cacher cette Anne, qui n’est que la moitié de celle qui porte le nom d’Anne, je n’y arrive pas et je comprends aussi pourquoi.

J’ai très peur que tous ceux qui me connaissent telle que je suis toujours ne découvrent mon autre côté, le côté plus beau et meilleur. J’ai peur qu’ils se moquent de moi, me trouvent ridicule, sentimentale, ne me prennent pas au sérieux. J’ai l’habitude de ne pas être prise au sérieux, mais seule l’Anne insouciante y est habituée et arrive à le supporter, l’Anne profonde n’en a pas la force. Quand il m’arrive vraiment de me forcer à soumettre la gentille Anne aux feux de la rampe pendant un quart d’heure, celle-ci se rétracte comme une sensitive dès qu’elle doit ouvrir la bouche, laisse la parole à Anne numéro 1 et a disparu avant que je ne m’en aperçoive.

En société, la douce Anne n’a encore jamais, pas une seule fois, fait son apparition, mais dans la solitude, elle l’emporte toujours. Je sais exactement comment j’aimerais être, comment je suis en réalité… à l’intérieur, mais malheureusement je ne le suis que pour moi-même. Et c’est sans doute, non c’est certainement pour cette raison que je prétends avoir une nature intérieure heureuse et que les autres gens voient en moi une nature extérieure heureuse. À l’intérieur, Anne la pure me montre le chemin, à l’extérieur, je ne suis rien d’autre qu’une petite chèvre turbulente qui a arraché ses liens.

Comme je l’ai déjà dit, je ressens toute chose autrement que je ne l’exprime et c’est pourquoi j’ai la réputation d’une coureuse de garçons, d’une flirteuse, d’une madame je-sais-tout et d’une lectrice de romans à l’eau de rose. Anne la joyeuse s’en moque, rétorque avec insolence, hausse les épaules d’un air indifférent, fait semblant de ne pas s’en soucier, mais pas du tout, Anne la silencieuse réagit complètement à l’opposé. Pour être vraiment franche, je veux bien t’avouer que cela me fait de la peine, que je me donne un mal de chien pour essayer de changer, mais que je dois me battre sans arrêt contre des armées plus puissantes.

En moi une voix sanglote : « Tu vois, voilà où tu en es arrivée, de mauvaises opinions, des visages moqueurs ou perturbés, des personnes qui te trouvent antipathique, et tout cela seulement parce que tu n’écoutes pas les bons conseils de la bonne moitié en toi. » Ah, j’aimerais bien écouter, mais je n’y arrive pas, quand je suis calme et sérieuse, tout le monde pense que je joue encore la comédie et alors je suis bien obligée de m’en sortir par une blague, sans même parler de ma propre famille qui pense qu’à coup sûr je suis malade, me fait avaler des cachets contre la migraine, et des calmants, me tâte la nuque et le front pour voir si j’ai de la fièvre, s’enquiert de mes selles et critique ma mauvaise humeur ; je ne supporte pas longtemps qu’on fasse à tel point attention à moi, je deviens d’abord hargneuse, puis triste et finalement je me retourne le cœur, je tourne le mauvais côté vers l’extérieur, et le bon vers l’intérieur, et ne cesse de chercher un moyen de devenir comme j’aimerais tant être et comme je pourrais être, si… personne d’autre ne vivait sur terre.

Bien à toi,

Anne M. Frank

Ici se termine le journal d’Anne Frank.

  1. Les « ajouts » en italique correspondent à des notations postérieures d’Anne Frank.
  2. Ami et associé d’Otto Frank. (Note de Mirjam Pressler.)
  3. Littéralement « Tour de l’Ouest », c’est le clocher de l’église Westerkerk, toute proche du 263 Prinsengracht, où se trouvait l’Annexe.
  4. En allemand dans le texte.
  5. Radio Orange : la radio du gouvernement néerlandais en exil à Londres.
  6. Trilogie romanesque de Jo van Ammers-Küller, sur une famille aristocratique hollandaise à l’époque révolutionnaire.
  7. Grand magasin d’Amsterdam.
  8. Du romancier norvégien Trygve Gulbranssen.
  9. Après l’arrivée de Dussel, Margot a donc dû dormir dans la chambre de ses parents.
  10. En « germano-néerlandais » dans le texte : « Donderwetterwetter ». Anne a inventé une variante du juron allemand « Donnerwetter », à peu près : « Mille tonnerres. »
  11. Moffi, diminutif de « Mof », l’équivalent néerlandais de « boche ».
  12. Une marque de baume.
  13. Anne fait allusion à deux hauts faits d’un réseau de résistance d’Amsterdam, dirigé par le sculpteur Gerrit van der Veen (1902-1944) : l’incendie du service provincial du travail le 10 février 1943 et celui du service municipal de l’état civil le 27 mars. Van der Veen devait être arrêté et exécuté l’année suivante.
  14. Dans la nuit du 26 au 27 avril 1943, un (et non deux) bombardier Halifax touché par la DCA allemande s’est en effet écrasé juste à côté de ce grand hôtel, où résidait une partie du commandement allemand à Amsterdam.
  15. Grève générale du 29 avril au 3 mai 1943, à titre de protestation contre les réquisitions massives de travailleurs envoyés en Allemagne.
  16. « Putti » et « Kerli » : surnoms affectueux que M. et Mme Van Daan se donnaient entre eux.
  17. Le débarquement allié a eu lieu aux environs de Syracuse dans la nuit du 9 au 10 juillet 1943.
  18. Ce bombardement américain, le plus grave subi par Amsterdam pendant la guerre, visait l’usine Fokker, qui produisait des avions pour l’Allemagne, mais manqua son but. Le bilan cité par Anne est exact.
  19. L’IJ ou Y est le bras de mer canalisé qui relie Amsterdam à la mer du Nord et où se trouve en partie le port.
  20. « Henri de l’autre côté. » Ce roman de Marianne Philips met en scène deux jeunes gens d’Amsterdam, Henri et Mietje, qui s’aiment malgré leurs origines sociales opposées, vers 1900. C’est aussi un tableau de la communauté juive de la ville à cette époque.
  21. Il s’agit des magasiniers. (Note de Mirjam Pressler.)
  22. « Quand sonnent huit heures et demie. »
  23. « Nous allons vous annoncer la meilleure nouvelle de toute la guerre : l’Italie a capitulé. »
  24. « L’homme a un grand esprit/mais est si petit dans ses actes. » (En allemand dans le texte.)
  25. Hannah Goslar fut déportée avec sa famille à Bergen-Belsen, où elle retrouva Anne et Margot à la fin de la guerre mais, contrairement à celles-ci, elle survécut.
  26. « Exceptionnellement. »
  27. En allemand dans le texte : « Himmelhoch jauchzend, zum Tode betrübt », citation d’Egmont, de Goethe.
  28. Petit nom affectueux donné par certains enfants néerlandais à leur mère.
  29. Anne fait allusion à une jeune fille aimée par Otto Frank à l’époque de ses études, mais qui avait rompu avec lui.
  30. Anne parle de sa grand-mère maternelle, « Oma Holländer », qui avait rejoint la famille à Amsterdam en mars 1939 et était morte d’un cancer en janvier 1942.
  31. Sis Heyster, pédopsychiatre, écrivait des chroniques sur l’éducation des enfants et des adolescents, en particulier des filles, dans la revue féminine Libelle.
  32. Anne désigne ainsi sa grand-mère maternelle (Oma dans le texte néerlandais), mamie (Omi) est sa grand-mère paternelle.
  33. Anne appelle ainsi Peter Schiff, par opposition à l’autre Peter, Peter van Daan.
  34. En allemand dans le texte : « Du bist doch eine echte Rabenmutter ! »
  35. En allemand dans le texte : « Unsterbliche Musik deutscher Meister. »
  36. Idem : « Ich mach’ das schon ! »
  37. Chanson enfantine à caractère patriotique et édifiant, œuvre de Jan-Pieter Heije (1809-1876).
  38. Une sorte de serrure de sûreté.
  39. En allemand dans le texte : « Ich danke Dir für all das Gute und Liebe und Schöne. » Anne a repris les mêmes mots en allemand dans les phrases suivantes.
  40. La ville où habitait Victor Kugler.
  41. Le 22 mars 1944, un bombardier B-17 (« Forteresse volante ») de l’armée américaine, touché par la DCA allemande au retour d’une attaque sur Berlin, s’était écrasé sur une école du quartier de Spaarndam, assez proche de l’adresse des clandestins. L’école était heureusement fermée – c’était un mercredi après-midi – mais le crash fit huit victimes civiles.
  42. Sic pour « präventiv ».
  43. « La seconde patrie d’Anne. » (En allemand dans le texte.)
  44. En allemand dans le texte.
  45. « Bulletins des forces armées. » (En allemand dans le texte.)
  46. « Point de la situation aérienne. » (En allemand dans le texte.)
  47. « Programme des travailleurs. » (En allemand dans le texte.)
  48. Frank Phillips (1901-1980) était un présentateur des informations de la B.B.C.
  49. Gerrit Bolkestein (1871-1956), ministre néerlandais de l’éducation de 1939 à 1945.
  50. Bombardement anglo-américain du 26 mars 1944 sur le port d’Ijmuiden, visant la base navale allemande. Les chiffres élevés cités par Anne Frank sont confirmés par les sources historiques.
  51. Nom donné par les Allemands au territoire polonais qu’ils occupaient.
  52. L’Allemagne nazie occupa la Hongrie, jusque-là son alliée, le 19 mars 1944. Comme le prévoyait Anne, les juifs hongrois furent massivement déportés à Auschwitz d’avril à juillet 1944.
  53. Mouvement national-socialiste néerlandais, collaborant avec l’occupant.
  54. P.M. Gerbrandy était le Premier ministre du gouvernement néerlandais en exil à Londres ; Bolkestein était ministre de l’Éducation (cf. entrée du 29 mars 1944).
  55. Bombardement anglais du 11 avril 1944 sur le Registre central d’état civil de La Haye. Les doubles de toutes les cartes d’identité délivrées aux Pays-Bas y étaient conservés, sous le contrôle de l’occupant.
  56. Titre original : Geliebter Schatz. Comédie allemande de Paul Martin (1943).
  57. En allemand dans le texte : « Verschwunden. »
  58. Titre complet : De Prins der geïllustreerde bladen (Le Prince des revues illustrées), un magazine (1901-1948) qui publiait de nombreux récits en feuilletons.
  59. Arbre généalogique de la famille de Nassau, à partir de Jean VI de Nassau-Dillenburg (1536-1606).
  60. En allemand dans le texte : « Knutscherei. »
  61. En allemand dans le texte : « Auf wiederhören. »
  62. La nouvelle femme de ménage des bureaux.
  63. En allemand dans le texte : « Die Entführung der Mutter. »
  64. Élisabeth-Charlotte du Palatinat (1652-1722), épouse de Philippe d’Orléans, frère de Louis XIV.
  65. « Dégâts immenses, épouvantables, affreux, irréparables. » Pour le mot « dégâts », Anne a employé le néerlandais « schade » au lieu de l’allemand « Schaden ».
  66. « Crime racial » : terme employé par les nazis pour désigner les rapports sexuels entre personnes de « race » différente.
  67. Grâce à l’action de sa mère, qui était chrétienne, Jacqueline van Maarsen n’était plus considérée comme juive et avait pu quitter le lycée juif.
  68. Après la victoire du Monte Cassino (17 mai), la 5e armée américaine commandée par le général Clark libère Rome, déclarée « ville ouverte », le 4 juin.
  69. Échec du débarquement anglo-canadien sur Dieppe, le 19 août 1942.
  70. « Voici venu le grand jour. Une lutte acharnée se prépare, mais elle sera suivie de la victoire. L’année 1944 est l’année de la victoire totale, bonne chance ! »
  71. « Une seule volonté, un seul espoir. »
  72. Biographie romancée de Liszt publiée en allemand en 1936, œuvre de l’écrivain hongrois Zsolt von Harsányi (1887-1943).
  73. Série de monographies sur l’histoire de la civilisation des Pays-Bas, éditée de 1937 à 1947.
  74. Jan Smuts (1870-1950), Premier ministre sud-africain, membre du Cabinet de guerre de Churchill ; général « Hap » Arnold (1886-1950), commandant des forces aériennes américaines.
  75. Titre original : Microbe Hunters. Ouvrage de vulgarisation sur les progrès de la médecine, traduit en néerlandais en 1934.
  76. Anne emploie ici une expression allemande passablement moqueuse : « Von hinten Lyzeum, von vorne Museum. »
  77. Les dernières défenses allemandes de Cherbourg ne sont tombées que le 1er juillet 1944. Vitebsk et Zhlobin, au Nord et à l’Est de la Biélorussie, ont été reprises par l’Armée Rouge le 26 juin.
  78. Wuwa : « Wunderwaffe », « arme-miracle », c’est-à-dire le V1.
  79. Résidant aux Pays-Bas.
  80. Anton Mussert (1894-1946), chef du Mouvement national-socialiste néerlandais (NSB).
  81. « Mauvais temps sans discontinuer jusqu’au 30 juin. »
  82. Un mari idéal, comédie d’Oscar Wilde (1895).
  83. Trois villes de Biélorussie reprises par l’Armée Rouge les 27 et 28 juin 1944.
  84. Bernhard « Buddy » Elias (1925-2015), cousin germain d’Anne Frank, fit effectivement une carrière d’acteur.
  85. En allemand dans le texte : « Künstlerneigungen. »
  86. Essai d’Hélène Haluschka, Was sagen Sie zu unserem Evchen ?, traduction néerlandaise par Annie Salomons, 1937.
  87. Attentat de Von Stauffenberg, le 20 juillet 1944, à la « Tanière du Loup », le QG de Hitler en Prusse Orientale.

Épilogue

Le 4 août 1944, entre 10 heures et 10 h 30 du matin, une voiture s’arrêta devant l’immeuble du Prinsengracht 263. Un Oberscharführer-SS en uniforme, Karl Joseph Silberbauer, en descendit, accompagné par au moins trois Néerlandais au service de la police allemande, en civil mais armés. Il est probable que la cachette avait été dénoncée. Les soupçons ont tout de suite porté sur le magasinier W.G. van Maaren. Cependant, les deux enquêtes menées après-guerre n’ont pu apporter suffisamment de preuves pour le poursuivre devant les tribunaux.

La police allemande arrêta les huit clandestins, y compris Viktor Kugler et Johannes Kleiman – par contre, Miep Gies et Elisabeth (Bep) Voskuijl ne furent pas interpellées –, et emporta tous les objets de valeur, ainsi que l’argent qui restait.

Kugler et Kleiman furent emprisonnés le jour même à la maison d’arrêt de l’Amstelveenseweg, pour être transférés un mois plus tard à celle du Weteringsschans, toujours à Amsterdam. Le 11 septembre 1944, on les emmena au camp de transit de police à Amersfoort, sans procès. Le 18 septembre 1944, Kleiman fut relâché pour raisons de santé. Il devait décéder en 1959 à Amsterdam. Kugler réussit à s’évader le 28 mars 1945, peu avant son transfert en Allemagne au titre du « travail obligatoire ». Il devait émigrer au Canada en 1955 et mourir en 1981 à Toronto.

Elisabeth (Bep) Wijk-Voskuijl mourut en 1983 à Amsterdam. Miep Gies-Santrouschitz, pour sa part, devait décéder en 2010, dans sa cent unième année. Après leur arrestation, les clandestins restèrent pendant quatre jours à la maison d’arrêt du Weteringsschans à Amsterdam, avant d’être transférés au camp de transit de Westerbork, spécialement conçu pour les juifs néerlandais. Le 3 septembre 1944, ils partaient en déportation avec le dernier convoi vers les camps d’extermination de l’Est, à destination d’Auschwitz en Pologne, où ils arrivèrent trois jours plus tard. Là, Edith Frank mourut le 6 janvier 1945 de famine et d’épuisement. Herman van Pels (Van Daan), d’après les constatations de la Croix Rouge néerlandaise, fut gazé le jour même de son arrivée à Auschwitz, le 6 septembre 1944. Mais d’après Otto Frank, il aurait été tué quelques semaines plus tard, en octobre ou en novembre 1944, peu avant la fermeture des chambres à gaz. Augusta van Pels (Van Daan) fut transférée d’Auschwitz, via Bergen-Belsen et Buchenwald, à Theresienstadt, où elle arriva le 9 avril 1945. De là, elle a été certainement déportée ailleurs, où elle succomba. On ignore toujours le lieu et la date de sa mort. Margot et Anne furent déportées fin octobre au camp de concentration de Bergen-Belsen, dans la Lande de Lüneburg. Les conditions d’hygiène étant catastrophiques, une épidémie de typhus y éclata durant l’hiver de 1944-1945, coûtant la vie à des milliers de prisonniers dont Margot et, quelques jours plus tard, Anne Frank. La date de leur mort se situe entre fin février et début mars. Les corps des deux jeunes filles se trouvent sans doute dans la fosse commune de Bergen-Belsen. Le 12 avril 1945, le camp de concentration était libéré par les troupes anglaises. Peter van Pels (Van Daan) fut déporté le 16 janvier 1945 d’Auschwitz à Mauthausen (Autriche), où il devait succomber le 5 mai 1945, trois jours seulement avant la libération.

Fritz Pfeffer (Albert Dussel) mourut le 20 décembre 1944 au camp de concentration de Neuengamme ; il avait été détenu auparavant à Buchenwald, puis à Sachsenhausen.

Otto Frank était le seul des huit clandestins à avoir survécu aux camps de concentration. Après la libération d’Auschwitz par l’armée russe, il gagna Odessa et, de là, Marseille, en bateau. Le 3 juin 1945, il retrouvait Amsterdam où il vécut jusqu’en 1953, avant de s’établir en Suisse, à Bâle, où vivaient sa sœur et la famille de celle-ci, ainsi que son frère. Il épousa Elfriede Geiringer, née Markovits, originaire de Vienne, qui avait survécu comme lui à Auschwitz, mais avait perdu son mari et son fils au camp de Mauthausen. Jusqu’à sa mort, le 19 août 1980, Otto Frank vécut à Birsfelden près de Bâle où il se consacra au journal de sa fille Anne.

Cet ouvrage est publié sous l’égide du ANNE FRANK FONDS.

En tant qu’unique membre survivant de sa famille et unique héritier de sa fille Anne, Otto H. Frank a créé le ANNE FRANK FONDS (AFF) à Bâle en Suisse en 1963, et s’en est fait le légataire. Depuis le décès d’Otto Frank en 1980, l’AFF agit comme son exécuteur testamentaire dans le but de diffuser l’œuvre de sa fille et de la protéger des exploitations abusives. Les manuscrits d’Anne sont exposés dans la Maison Anne Frank à Amsterdam et inscrits dans le programme Mémoire du monde de l’UNESCO.

L’AFF est une fondation caritative sous le régime de la loi suisse. Un comité d’administrateurs agit en qualité honorifique. Il fut présidé durant de nombreuses années par Buddy Elias, le cousin d’Anne Frank. Le but de l’AFF est de promouvoir un travail caritatif dans l’esprit d’Anne et Otto Frank. C’était le vœu explicite d’Otto Frank que l’AFF contribue à une meilleure entente entre les différentes cultures et religions, encourage les relations entre les jeunes du monde entier, et serve la cause de la paix.

Pour plus d’informations, visitez www.annefrank.ch.

Les enfants ont des droits.

Le destin d’Anne Frank et son journal sont devenus le symbole et le témoin des crimes contre les droits de l’homme. La jeune fille juive représente les millions d’enfants qui, aujourd’hui encore, sont victimes de violations de leurs droits fondamentaux. Il est d’autant plus essentiel de rappeler la Convention Internationale relative aux Droits de l’enfant adoptée en 1989 par les Nations Unies. Il s’agit du premier et pour l’instant seul document qui adapte aux besoins des enfants les traités et les normes relatifs aux droits de l’homme existants et qui consigne leurs intérêts de manière contraignante.

Les 54 articles de la Convention Internationale relative aux Droits de l’enfant concernent tout être humain âgé de moins de 18 ans, selon trois principes de base :

♣ le droit à la protection

♣ le droit à la survie et au développement

♣ le droit à la participation

Le Anne Frank Fonds de Bâle et l’UNICEF, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance, contribuent par leur engagement à attirer l’attention sur les droits des enfants et à les faire respecter dans le monde entier.

www.annefrank.ch

www.unicef.fr

Titre de l’original néerlandais : Anne Frank « Het Achterhuis », publié par Uitgeverij Bert Bakker, Amsterdam 1991, 2003.

Annelies Marie Frank, née le 12 juin 1929 à Francfort-sur-le-Main en Allemagne, morte en février ou mars 1945 au camp de concentration de Bergen-Belsen, est désignée comme l’auteur de cet ouvrage conformément à la Section 77 du British Copyright Designs and Patents Act de 1988.

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