Journal d’Anne Franck

MARDI 18 AVRIL 1944

Chère Kitty,

Ici, tout va bien ; hier soir le menuisier est revenu, il a commencé à visser des plaques de fer sur les panneaux des portes.

Papa vient de dire qu’il est presque sûr qu’il y aura des opérations de très grande envergure avant le 20 mai, aussi bien en Russie et en Italie qu’à l’Ouest ; moi, j’ai de plus en plus de mal à nous imaginer libérés de notre situation actuelle.

Hier, Peter et moi avons enfin pu avoir notre conversation, qui était repoussée depuis au moins dix jours. Je lui ai tout expliqué des filles et je n’ai pas craint d’entrer dans les détails les plus intimes. Cela m’a plutôt amusée de voir qu’il croyait que, sur les images, on laissait tout bonnement en blanc l’entrée des femmes. Il n’arrivait donc pas à se figurer qu’elle se trouvait vraiment entre les jambes. La soirée s’est terminée par un baiser mutuel, un peu à côté de la bouche, c’est vraiment une sensation délicieuse !

Je vais peut-être tout de même monter là-haut un jour en emportant mon livre de jolies phrases, pour approfondir enfin un peu les choses, je ne me satisfais pas de nos retrouvailles jour après jour dans les bras l’un de l’autre et j’aimerais tant qu’il en soit de même pour lui.

Après notre petit hiver changeant, nous avons un printemps superbe, avril est en effet radieux, ni trop chaud ni trop froid, avec de temps à autre une petite giboulée. Notre marronnier est déjà passablement vert et on voit même poindre déjà çà et là de petites grappes de fleurs.

Samedi, Bep nous a gâtés en nous apportant quatre bouquets de fleurs, trois de narcisses et un de jacinthes des bois, ce dernier pour moi. M. Kugler nous fournit de mieux en mieux en journaux.

Je dois faire de l’algèbre, Kitty, au revoir.

Bien à toi,

Anne M. Frank

MERCREDI 19 AVRIL 1944

Ma chérie,

(C’est le titre d’un film avec Dorit Kreysler, Ida Wüst et Harald Paulsen !)56

Qu’y a-t-il de plus beau au monde que de se tenir devant une fenêtre ouverte, plonger du regard dans la nature, entendre les oiseaux siffler, sentir le soleil sur sa joue et tenir un gentil garçon dans ses bras ? C’est si apaisant, si rassurant de sentir son bras autour de moi, de le savoir tout près et pourtant de ne rien dire ; cela ne peut pas être mal, car cette paix est bonne. Oh, ne plus jamais être dérangés, même par Mouschi !

Bien à toi,

Anne M. Frank

VENDREDI 21 AVRIL 1944

Très chère Kitty,

Hier après-midi, je devais rester couchée à cause d’un mal de gorge, mais comme cela m’a ennuyée dès le premier après-midi et que je n’avais pas de fièvre, je me suis relevée aujourd’hui. Aujourd’hui, d’ailleurs, le mal de gorge a presque disparu57.

Comme tu l’as probablement déjà découvert par toi-même, notre Führer a eu cinquante-cinq ans hier. Aujourd’hui, c’est le dix-huitième anniversaire de son altesse royale la princesse héritière Elizabeth d’York. La B.B.C. fait savoir qu’elle n’a pas encore été déclarée majeure, comme c’est le cas d’ordinaire chez les princesses. Nous nous sommes déjà demandé à quel prince cette beauté serait donnée en mariage, mais nous n’avons pu en trouver de convenable ; peut-être sa sœur, la princesse Margaret Rose, pourra-t-elle obtenir le prince héritier Baudouin de Belgique !

Ici, nous passons d’un tracas à l’autre, à peine avons-nous bien renforcé les portes d’entrée que Van Maaren recommence à se manifester. Selon toute vraisemblance, il a volé de la fécule de pomme de terre et veut maintenant rejeter la faute sur Bep. L’Annexe est une fois de plus en révolution. On le comprend, Bep est hors d’elle. Peut-être que Kugler va faire surveiller ce sujet dévoyé.

Ce matin, le monsieur de la Beethovenstraat qui devait faire l’estimation était ici, il veut bien donner 400 florins pour notre bahut, les autres offres, elles aussi, nous paraissent trop basses.

J’ai l’intention de demander à « De Prins »58 s’ils veulent bien publier un de mes contes, sous un pseudonyme évidemment, mais comme mes contes sont encore trop longs jusqu’à présent, je ne crois pas que j’aie beaucoup de chances de réussir.

À la prochaine fois, darling.

Bien à toi,

Anne M. Frank

MARDI 25 AVRIL 1944

Chère Kitty,

Depuis au moins dix jours, Dussel a cessé encore une fois d’adresser la parole à Van Daan, et tout cela parce que, après le cambriolage, nous avons pris un tas de nouvelles mesures de sécurité. L’une d’entre elles était qu’il n’a plus le droit d’aller en bas le soir, comme je t’ai déjà dit. Peter va faire chaque soir à neuf heures et demie la dernière ronde avec M. Van Daan et ensuite, plus personne n’a le droit de descendre. Après huit heures du soir, on n’a plus le droit de tirer la chasse d’eau des W.C., le matin après huit heures non plus. Le matin, les fenêtres ne s’ouvrent que lorsque la lumière est allumée dans le bureau de Kugler et le soir, plus question d’y mettre des bouts de bois pour laisser la fenêtre entrouverte. C’est ce dernier point qui a provoqué la bouderie de Dussel. Il prétend que Van Daan a aboyé contre lui, mais c’est lui le responsable. Il dit qu’il se passerait plutôt de manger que d’air frais, et qu’il faut tout de même trouver un moyen d’ouvrir les fenêtres.

« Eh bien moi, je vais en parler à M. Kugler », m’a-t-il dit. J’ai répondu que ce genre de choses ne se décidaient jamais avec M. Kugler, mais en commun.

« Oui, tout se passe derrière mon dos ici, je vais en dire un mot à ton père. »

Le samedi après-midi et le dimanche, il n’a plus le droit non plus de s’installer dans le bureau de Kugler, parce que le chef de chez Keg, s’il vient, pourrait l’entendre. Malgré cela, Dussel s’est empressé d’y retourner. Van Daan était fou de rage et papa est descendu le lui dire. Naturellement, il a encore inventé je ne sais quelle histoire, mais cette fois ça n’a pas marché, même avec papa. Papa aussi lui parle le moins possible en ce moment, parce que Dussel l’a offensé, de quelle façon, je ne sais pas et aucun de nous ne le sait, mais il faut que ce soit grave.

Et la semaine prochaine, c’est l’anniversaire de ce sale type. Fêter son anniversaire, ne pas ouvrir la bouche, bouder et recevoir des cadeaux, est-ce que cela va ensemble ?

La santé de M. Voskuijl baisse rapidement, voilà déjà plus de dix jours qu’il a près de 40° de fièvre. Le docteur juge son état désespéré, ils pensent que le cancer a gagné le poumon. Le pauvre homme, on voudrait tant l’aider, mais dans ce cas, seul Dieu peut apporter son aide !

J’ai écrit une jolie histoire, elle s’appelle « Blurry l’explorateur », et a été tout à fait du goût de mes trois auditeurs.

Je suis toujours très enrhumée et j’ai contaminé aussi bien Margot que maman et papa. Pourvu que Peter ne l’attrape pas, il a insisté pour que je l’embrasse et m’a appelée son Eldorado. Où va-t-il chercher cela, ce fou ! Mais c’est tout de même un amour !

Bien à toi,

Anne M. Frank

JEUDI 27 AVRIL 1944

Chère Kitty,

Ce matin, Madame était de mauvaise humeur ; elle n’a fait que se plaindre, d’abord du rhume, de ne pas avoir de bonbons, d’en avoir assez de se moucher tout le temps. Puis du soleil qui ne brille pas, du débarquement qui n’arrive pas, de ne pas pouvoir regarder par la fenêtre, etc. Elle nous a fait rire aux larmes et cela n’allait pas si mal puisqu’elle s’est mise à rire avec nous.

Recette de notre paillasson de pommes de terre, modifiée comme suit faute d’oignons :

Prendre des pommes de terre épluchées, les passer à la moulinette à crudités. Y ajouter un peu de farine de rationnement sèche, et de sel. Enduire les cocottes ou les plats à four de paraffine ou de stéarine, faire cuire cette pâte deux heures et demie. Consommer avec de la compote de fraises pourrie.

(Oignons introuvables, pas de graisse pour le moule ni pour la pâte !)

En ce moment je lis L’Empereur Charles Quint, écrit par un professeur à l’université de Göttingen ; cet homme a travaillé quarante ans à ce livre. En cinq jours, j’en ai lu cinquante pages, plus c’est impossible. Le livre comporte 598 pages, tu peux calculer combien de temps je vais y passer, sans compter le second volume ! Mais… très intéressant !

C’est fou ce dont une collégienne peut entendre parler en un seul jour, tiens, moi par exemple. D’abord j’ai traduit du néerlandais en anglais un passage de la dernière bataille de Nelson. Puis j’ai étudié la suite de la guerre de Norvège (1700-1721), avec Pierre le Grand, Charles XII, Auguste le Fort, Stanislas Leszcynski, Mazeppa, Von Görtz, le Brandebourg, la Poméranie occidentale, la Poméranie orientale et le Danemark, plus les dates habituelles. Ensuite j’ai atterri au Brésil, j’ai lu des choses sur le tabac de Bahia, la surproduction de café, le million et demi d’habitants de Rio de Janeiro, Pernambouc et Sao Paulo, sans oublier l’Amazone. Sur les nègres, les mulâtres, les métis, les blancs, plus de 50 % d’analphabètes et la malaria. Comme il me restait encore un peu de temps, j’ai parcouru en vitesse un arbre généalogique : Jean le Vieux, Guillaume Louis, Ernest Casimir Ier, Henri Casimir Ier, jusqu’à la petite Margriet Franciska (née en 1943 à Ottawa)59.

Midi : au grenier, l’apprentissage s’est poursuivi par les doyens, les prêtres, les pasteurs, les papes et… Ouf ! jusqu’à une heure.

Après deux heures, la pauvre enfant (hum hum) était de nouveau au travail. C’était au tour des singes à museau large et à museau étroit. Allez, Kitty, dis-moi combien de doigts a un hippopotame !

Puis vient la Bible, avec l’arche de Noé, Sem, Cham et Japhet. Ensuite Charles Quint. Chez Peter, Le Colonel, en anglais, par Thackeray. Faire réciter des mots français, et puis comparer le Mississippi et le Missouri !

Assez pour aujourd’hui, adieu !

Bien à toi,

Anne M. Frank

VENDREDI 28 AVRIL 1944

Chère Kitty,

Je n’ai jamais oublié mon rêve de Peter Schiff (voir début janvier). Quand j’y pense je sens encore aujourd’hui sa joue contre la mienne, avec cette merveilleuse sensation, qui rendait tout bon. Avec Peter, celui d’ici, j’avais parfois aussi ce sentiment, mais jamais aussi fort, jusqu’au moment où… nous étions assis ensemble hier soir, comme d’habitude sur le divan, dans les bras l’un de l’autre, alors l’Anne ordinaire a soudain disparu et a été remplacée par la deuxième Anne, cette Anne qui n’est pas exubérante et amusante, mais qui veut seulement aimer et être tendre.

J’étais serrée contre lui et sentais monter en moi l’émotion, les larmes ont jailli de mes yeux, celle de gauche est tombée sur son bleu de travail, celle de droite a coulé le long de mon nez, dans le vide, et aussi sur son bleu. S’en serait-il aperçu ? Aucun geste ne le trahissait. Aurait-il les mêmes sentiments que moi ? Il n’a presque rien dit non plus. Se douterait-il qu’il a deux Anne en face de lui ? Autant de questions sans réponse.

À huit heures et demie, je me suis levée, je suis allée à la fenêtre, c’est là que nous nous disons toujours au revoir, je tremblais encore, j’étais encore Anne numéro deux, il s’est approché de moi, je lui ai passé mes bras autour du cou et j’ai déposé un baiser sur sa joue gauche, j’allais faire de même sur la droite lorsque ma bouche a rencontré la sienne et nous les avons pressées l’une sur l’autre. Pris de vertige, nous nous pressions l’un contre l’autre, encore et encore, pour ne plus jamais cesser, oh !

Peter a besoin de tendresse, pour la première fois de sa vie il a découvert une fille, pour la première fois il a vu que les filles les plus taquines ont aussi une vie intérieure et un cœur et qu’elles changent dès qu’elles sont seules avec vous. Pour la première fois de sa vie, il a donné son amitié et s’est donné lui-même ; jamais encore, jamais auparavant, il n’a eu d’ami ou d’amie. À présent, nous nous sommes rencontrés, je ne le connaissais pas non plus, n’avais jamais eu non plus de confident et voilà où nous sommes arrivés… Et revoilà cette question, qui ne me lâche pas : « Est-ce que c’est bien ? » Est-ce bien de céder si vite, d’être si passionnée, aussi passionnée et pleine de désirs que Peter lui-même ? Ai-je le droit, moi, une fille, de me laisser aller ainsi ?

Je ne connais qu’une seule réponse : « J’en ai tant envie… depuis si longtemps, je suis si solitaire et j’ai enfin trouvé une consolation ! »

Le matin, nous sommes normaux, l’après-midi encore à peu près, sauf de temps en temps, mais le soir le désir accumulé dans la journée, le bonheur et les délices de toutes les fois précédentes prennent le dessus et nous ne pensons plus que l’un à l’autre. Chaque soir, après le dernier baiser, je voudrais me sauver en courant, ne plus le regarder au fond des yeux, me sauver, me sauver, dans le noir et toute seule !

Et qu’est-ce qui m’attend, quand j’ai descendu les quatorze marches ? La lumière crue, des questions par-ci et des rires par-là, je dois agir et ne rien laisser voir.

Mon cœur est encore trop tendre pour repousser aussitôt un choc comme celui d’hier soir, Anne la douce vient trop rarement et, de ce fait, ne se laisse pas non plus mettre à la porte immédiatement. Peter m’a touchée, plus profondément que je ne l’avais jamais été dans ma vie, sauf dans mon rêve ! Peter m’a empoignée et m’a retournée à l’intérieur, n’est-il pas normal, pour n’importe quel être humain, d’avoir ensuite besoin de calme pour remettre de l’ordre dans son intérieur ? Oh, Peter, qu’as-tu fait de moi ? Qu’attends-tu de moi ?

Où cela nous mène-t-il ? Oh, maintenant je comprends Bep, maintenant, maintenant que j’en passe par là, maintenant je comprends ses doutes ; si j’étais plus âgée et qu’il veuille se marier avec moi, que répondrais-je donc ? Anne, sois franche ! Tu ne serais pas capable de l’épouser, mais laisser tomber, c’est tellement difficile. Peter a encore trop peu de caractère, trop peu de volonté, trop peu de courage et de force. C’est encore un enfant, pas plus âgé que moi intérieurement ; il ne cherche que la paix et le bonheur.

N’ai-je vraiment que quatorze ans ? Ne suis-je vraiment encore qu’une collégienne godiche ? Suis-je encore vraiment si inexpérimentée en toutes choses ? J’ai plus d’expérience que les autres, j’ai vécu quelque chose que personne ou presque ne connaît à mon âge.

J’ai peur de moi-même, j’ai peur, dans mon désir, de m’abandonner trop vite, comment cela pourra-t-il marcher, plus tard, avec d’autres garçons ? Oh, c’est difficile, on se retrouve avec le cœur et la raison, chacun doit parler à son heure, mais suis-je vraiment sûre d’avoir bien choisi cette heure ?

Bien à toi,

Anne M. Frank

MARDI 2 MAI 1944

Chère Kitty,

Samedi soir, j’ai demandé à Peter s’il est d’avis que je dois parler un peu de nous à papa, et après avoir un peu tergiversé il a trouvé que oui : j’étais contente, cela témoigne de la qualité de ses sentiments. Dès que je suis redescendue je suis allée chercher de l’eau avec papa, nous étions encore dans l’escalier quand je lui ai dit : « Papa, tu comprends sans doute que quand Peter et moi sommes ensemble, nous ne nous asseyons pas à un mètre l’un de l’autre, c’est mal, tu crois ? » Papa n’a pas répondu tout de suite, puis il a dit : « Non, je ne trouve pas ça mal, mais ici, dans cet espace restreint, il faut être prudente, Anne. » Il a ajouté autre chose dans le même esprit, puis nous sommes remontés. Dimanche matin il m’a appelée et m’a dit : « Anne, j’ai réfléchi encore une fois à la question (je commençais déjà à avoir peur !), ici à l’Annexe ce n’est pas une bonne chose à vrai dire, je croyais que vous n’étiez que des camarades, Peter est amoureux ?

– Absolument pas, ai-je répondu.

– Oui, tu sais que je vous comprends très bien, mais il faut que tu gardes tes distances ; ne va pas trop souvent là-haut, ne l’encourage pas plus qu’il n’est nécessaire. Dans ces affaires, l’homme est toujours l’élément actif, la femme peut le retenir. Dehors, quand on est libre, c’est tout différent, on voit d’autres garçons et d’autres filles, on peut sortir, faire du sport et tout ce qu’on veut, mais ici, si on est trop ensemble et que l’on veut s’en aller, on ne le peut pas, on se voit à toute heure, constamment en fait. Sois prudente, Anne, et ne prends pas l’affaire trop au sérieux !

– Je ne le fais pas, papa, mais Peter est bien élevé, c’est un gentil garçon !

– Oui, mais il n’a pas beaucoup de force de caractère, il est facile à influencer dans le bon sens, mais aussi dans le mauvais, j’espère pour lui que le bon l’emportera car il a un bon fond ! »

Nous avons continué à parler un moment et nous avons convenu que papa lui parlerait aussi.

Dimanche après-midi dans le grenier de devant, il m’a demandé : « Alors, Anne, tu as parlé à ton père ?

– Oui, je vais te raconter. Papa n’y trouve rien de mal, mais il dit qu’ici, où nous sommes tous tellement l’un sur l’autre, il pourrait facilement y avoir des heurts.

– Nous étions pourtant d’accord pour ne pas nous disputer, et j’ai l’intention de m’y tenir.

– Moi aussi, Peter, mais papa n’était pas au courant, il pensait que nous étions de simples camarades. Tu crois que ce n’est pas possible ?

– Moi, si, et toi ?

– Moi aussi. J’ai dit aussi à papa que j’ai confiance en toi. J’ai confiance en toi, Peter, aussi complètement qu’en papa, et je crois que tu en es digne, n’est-ce pas ?

– Je l’espère. (Il était tout confus et rougissant.)

– Je crois en toi, Peter, ai-je poursuivi, je crois que tu as une bonne nature et que tu feras ton chemin dans le monde. »

Ensuite nous avons parlé d’autres choses, puis je lui ai dit encore : « Si nous sortons d’ici, je sais bien que tu ne t’occuperas plus de moi ! »

Il s’est enflammé : « Ce n’est pas vrai, Anne, oh non, tu n’as pas le droit de penser ça de moi ! » À ce moment-là, on nous a appelés.

Papa lui a parlé, il me l’a raconté lundi. « Ton père pense que cette camaraderie pourrait bien finir par de l’amour, a-t-il dit. Mais j’ai répondu que nous nous freinerons mutuellement ! »

Papa veut que j’aille moins souvent là-haut le soir, mais je ne veux pas, non seulement parce que j’aime bien être avec Peter, mais j’ai dit que je lui faisais confiance et je veux lui prouver aussi ma confiance et je ne pourrai jamais le faire si je reste en bas par méfiance.

Non, j’y vais !

Entre-temps l’affaire Dussel s’est arrangée. Samedi soir, à table, il a présenté ses excuses en belles tournures néerlandaises. Van Daan a retrouvé aussitôt son amabilité. Dussel a sûrement passé toute la journée à apprendre sa petite leçon.

Dimanche, le jour de son anniversaire, s’est passé dans le calme. Nous lui avons offert une bouteille de bon vin de 1919, les Van Daan (qui cette fois pouvaient donner leur cadeau), une bouteille de piccalilly et un petit paquet de lames de rasoir, Kugler un pot de citron (limonade), Miep un livre « Marijntje », Bep une petite plante. Il a régalé chacun de nous d’un œuf.

Bien à toi,

Anne M. Frank

MERCREDI 3 MAI 1944

Chère Kitty,

Commençons par les nouvelles de la semaine ! La politique a pris des vacances, il n’y a rien, mais vraiment rien à signaler. À la longue je me suis mise à croire, moi aussi, à l’arrivée du débarquement, ils ne peuvent pas laisser les Russes faire tout le boulot eux-mêmes ; d’ailleurs ils ne font rien non plus pour l’instant.

M. Kleiman est de nouveau au bureau chaque matin. Il a fourni un nouveau ressort pour le divan de Peter et Peter doit maintenant se mettre à tapisser, il n’en a pas du tout envie, ce qui se comprend. Kleiman nous a aussi procuré de la poudre à chat contre les puces.

T’ai-je déjà raconté que notre Moffi n’est plus là ? Disparu sans laisser de traces depuis jeudi dernier. Il doit être depuis longtemps au paradis des chats, tandis que tel ou tel ami des bêtes se prépare un bon petit gigot. Peut-être qu’une fille riche aura une toque faite de sa fourrure. Peter est très attristé de cette affaire.

Depuis quinze jours nous prenons notre déjeuner le samedi à onze heures et demie ; le matin nous devions donc nous contenter d’une tasse de flocons d’avoine. À partir de demain, il en ira ainsi chaque jour, cela sert à économiser un repas. Les légumes verts sont toujours aussi difficiles à trouver, à midi nous avions de la salade cuite pourrie. Salade, épinards et salade cuite, il n’y a rien d’autre. Le tout accompagné de pommes de terre pourries, une combinaison rêvée !

Depuis plus de deux mois je n’avais plus eu mes règles, enfin ça y est depuis dimanche. Malgré la douleur et les petits désagréments je suis tout de même bien contente qu’elles ne m’aient pas fait attendre plus longtemps.

Comme tu peux t’en douter, on se demande souvent ici avec désespoir : « À quoi bon, oh à quoi bon cette guerre, pourquoi les gens ne peuvent-ils vivre en paix, pourquoi faut-il tout anéantir ? »

La question est compréhensible, mais personne n’a encore trouvé jusqu’à présent de réponse satisfaisante. Oui, pourquoi fabriquent-ils en Angleterre des avions de plus en plus gros, des bombes de plus en plus lourdes et en même temps des pavillons individuels pour la reconstruction ? Pourquoi dépense-t-on chaque jour des millions pour la guerre et pas un sou pour la médecine, pour les artistes, pour les pauvres ? Pourquoi les gens doivent-ils souffrir la faim tandis que dans d’autres parties du monde une nourriture surabondante pourrit sur place ? Oh, pourquoi les hommes sont-ils si fous ?

On ne me fera jamais croire que la guerre n’est provoquée que par les grands hommes, les gouvernants et les capitalistes. Oh non, les petites gens aiment la faire au moins autant, sinon les peuples se seraient révoltés contre elle depuis longtemps ! Il y a tout simplement chez les hommes un besoin de ravager, un besoin de frapper à mort, d’assassiner et de s’enivrer de violence, et tant que l’humanité entière, sans exception, n’aura pas subi une grande métamorphose, la guerre fera rage, tout ce qui a été construit, cultivé, tout ce qui s’est développé sera tranché et anéanti, pour recommencer ensuite !

J’ai souvent été abattue, mais jamais désespérée, je considère notre clandestinité comme une aventure dangereuse, qui est romantique et intéressante. Dans mon journal, je considère chaque privation comme une source d’amusement. C’est que je me suis promis de mener une autre vie que les autres filles et, plus tard, une autre vie que les femmes au foyer ordinaires. Ceci est un bon début pour une vie intéressante et c’est la raison, la seule raison pour laquelle, dans les moments les plus dangereux, je ne peux pas m’empêcher de rire du burlesque de la situation.

Je suis jeune et je possède encore beaucoup de qualités enfermées en moi, je suis jeune et forte et je vis cette grande aventure, j’y suis encore complètement plongée et je ne peux pas passer mes journées à me plaindre, parce que je ne peux pas m’amuser ! J’ai reçu beaucoup d’atouts, une heureuse nature, beaucoup de gaieté et de force. Chaque jour je sens que je me développe intérieurement, je sens l’approche de la libération, la beauté de la nature, la bonté des gens de mon entourage, je sens comme cette aventure est intéressante et amusante ! Pourquoi serais-je donc désespérée ?

Bien à toi,

Anne M. Frank

VENDREDI 5 MAI 1944

Ma chère Kitty,

Papa est mécontent de moi, il pensait qu’après notre conversation de dimanche je cesserais de moi-même d’aller là-haut chaque soir. Il ne veut pas entendre parler de ces « papouilles60 ». Je n’ai pas supporté ce mot, c’était déjà assez pénible d’en parler, pourquoi faut-il qu’en plus il me fasse tant de peine ! Je vais lui parler aujourd’hui. Margot m’a donné un bon conseil, voici à peu près ce que j’ai l’intention de lui dire :

« Je crois, papa, que tu attends de moi une explication, je vais te la donner. Je t’ai déçu, tu attendais de moi plus de réserve, tu veux sûrement que je sois comme doit l’être en principe une fille de quatorze ans, c’est là où tu te trompes ! Depuis que nous sommes arrivés ici, depuis juillet 1942 jusqu’à il y a quelques semaines, je n’ai vraiment pas eu la vie facile. Si tu savais ce que j’ai pleuré le soir, comme j’étais désespérée et malheureuse, comme je me sentais seule, alors tu comprendrais mon envie d’aller là-haut ! Je n’y suis pas arrivée du jour au lendemain, à me sentir assez forte pour pouvoir vivre absolument sans mère et sans soutien de qui que ce soit ; il m’en a coûté beaucoup, beaucoup de luttes et de larmes pour acquérir l’indépendance que j’ai aujourd’hui. Tu peux rire et ne pas me croire, cela m’est bien égal, je sais que je suis une personne autonome et je ne me sens pas responsable pour un sou vis-à-vis de vous. Si je t’ai tout raconté, c’est seulement parce que je craignais qu’autrement, tu ne me trouves trop cachottière, mais je n’ai à rendre compte de mes actes qu’à moi-même.

Quand j’avais des problèmes, vous deux, et toi aussi, vous avez fermé les yeux et vous êtes bouché les oreilles, tu ne m’as pas aidée, au contraire, tout ce que j’ai récolté ce sont des avertissements à ne pas être aussi bruyante. Je n’étais bruyante que pour ne pas être tout le temps triste, j’étais exubérante pour ne pas entendre constamment cette voix intérieure. J’ai joué la comédie, un an et demi durant, jour après jour, je ne me suis pas plainte, je ne suis pas sortie de mon personnage, non, rien de tout cela, et maintenant, maintenant j’ai fini de me battre. J’ai triomphé ! Je suis indépendante de corps et d’esprit, je n’ai plus besoin de mère, toute cette lutte m’a rendue forte ! Et maintenant, maintenant que j’ai pris le dessus, que je sais la lutte terminée, maintenant je veux aussi poursuivre mon chemin moi-même, le chemin que je juge bon.

Tu ne peux et ne dois pas considérer que j’ai quatorze ans, toutes les épreuves m’ont mûrie, je ne regretterai pas mes actes, j’agirai comme je crois pouvoir le faire !

Tu ne peux pas m’écarter de là-haut par la douceur, ou bien tu m’interdis tout, ou bien tu me fais confiance contre vents et marées, alors laisse-moi tranquille ! »

Bien à toi,

Anne M. Frank

SAMEDI 6 MAI 1944

Chère Kitty,

Hier avant le repas j’ai fourré ma lettre dans sa poche. Après l’avoir lue, il a eu l’air effondré toute la soirée, d’après Margot. (J’étais en haut à faire la vaisselle !) Pauvre Pim, j’aurais pu prévoir l’effet produit par cette épître. Il est si sensible ! J’ai immédiatement dit à Peter de ne plus rien dire ni demander.

Pim ne m’a plus reparlé de l’affaire, est-ce partie remise ?

Ici, tout va de nouveau un peu mieux. Ce que Jan, Kugler et Kleiman nous apprennent des prix et des gens du dehors est à peine croyable, une demi-livre de thé coûte 350 florins, une demi-livre de café 80 florins, le beurre, 35 florins la livre, un œuf 1,45 florin. On paie les cigarettes bulgares 14 florins les cent grammes ! Tout le monde fait du marché noir, le moindre garçon de courses a quelque chose à proposer. Le commis de notre boulanger nous a fourni de la soie à repriser, 0,90 florin pour un petit écheveau de rien du tout, le laitier se procure des cartes d’alimentation clandestines, une entreprise de pompes funèbres livre du fromage. On cambriole, on assassine et on vole chaque jour, les agents de police et les veilleurs de nuit ne sont pas en reste et font aussi bien que les voleurs professionnels, tout le monde veut se mettre quelque chose sous la dent et comme les augmentations de salaire sont interdites, les gens sont bien obligés de se livrer à la contrebande. La police des mineurs n’arrête pas de faire des recherches, des filles de quinze, seize, dix-sept, dix-huit ans et plus disparaissent tous les jours.

Je veux essayer de terminer l’histoire d’Ellen, la fée. Pour rire, je pourrais la donner à papa pour son anniversaire, en lui offrant tous les droits d’auteur. Au revoir (en fait, c’est impropre, aux émissions en allemand de la radio anglaise, ils disent : « À se réentendre61 », moi qui écris, je devrais dire « Au réécrire »).

Bien à toi,

Anne M. Frank

DIMANCHE MATIN 7 MAI 1944

Chère Kitty,

Papa et moi avons eu hier après-midi une longue conversation, j’ai pleuré à chaudes larmes et il a fait de même. Sais-tu ce qu’il m’a dit, Kitty ?

« J’ai déjà reçu beaucoup de lettres dans ma vie, mais celle-ci est la plus laide ! C’est toi, Anne, qui as reçu tant d’amour de tes parents, des parents qui sont toujours à ta disposition, qui t’ont toujours défendue, en toutes circonstances, c’est toi qui parles de ne ressentir aucune responsabilité ! Toi qui te sens lésée et abandonnée, non Anne, c’était d’une grande injustice ce que tu nous as fait là !

Peut-être n’en avais-tu pas l’intention mais c’est ainsi que tu l’as formulé, non Anne, “nous” n’avons pas mérité un tel reproche ! »

Oh ! j’ai été en dessous de tout, c’est sûrement l’acte le plus grave que j’aie commis de ma vie. Je voulais seulement faire l’intéressante avec mes pleurs et mes larmes, seulement me donner l’air d’être grande pour lui donner du respect pour moi. C’est sûr, j’ai eu beaucoup de chagrin et en ce qui concerne maman tout est vrai, mais accuser ainsi ce bon Pim, lui qui a toujours fait et fait encore tout pour moi, non, c’était trop méchant.

C’est une très bonne chose que j’aie été précipitée de ma hauteur inaccessible, que mon orgueil soit un peu brisé, car j’étais de nouveau beaucoup trop imbue de ma personne. Ce que fait Mlle Anne est encore loin d’être toujours bien ! Quelqu’un qui cause un tel chagrin à un autre alors qu’il prétend l’aimer, et qui de surcroît le fait volontairement, est encore bien bas, très bas !

Et ce qui me fait le plus honte, c’est la façon dont papa m’a pardonné, il va jeter la lettre dans le poêle et il est si gentil avec moi en ce moment qu’on pourrait croire que c’est lui qui a mal agi. Non, Anne, tu as encore énormément à apprendre, commence donc par là, au lieu de regarder les autres de haut et de les accuser !

J’ai eu beaucoup de chagrin, mais qui n’en a pas à mon âge ? J’ai beaucoup joué la comédie, mais je n’en étais même pas consciente, je me sentais seule, mais je n’étais presque jamais désespérée ! Comme papa, qui a marché dans la rue avec un couteau pour en finir, non, je n’ai jamais été aussi loin.

Je devrais mourir de honte et je meurs de honte ; on ne peut défaire ce qui est fait, mais on peut éviter de nouvelles erreurs. Je veux repartir de zéro et ce ne sera sûrement pas difficile, puisque maintenant j’ai Peter. Avec lui pour me soutenir, j’en suis capable ! Je ne suis plus seule, il m’aime, je l’aime, j’ai mes livres, mes cahiers et mon journal, je ne suis pas trop laide, pas trop bête, je suis gaie de nature et je veux acquérir un bon caractère !

Oui, Anne, tu as très bien senti que ta lettre était trop dure et qu’elle n’était pas vraie, mais tu n’en étais pas moins fière ! Je n’ai qu’à reprendre exemple sur papa, et je vais m’améliorer.

Bien à toi,

Anne M. Frank

LUNDI 8 MAI 1944

Chère Kitty,

Au fait, est-ce que je t’ai déjà parlé de notre famille ? Je crois que non et c’est pourquoi je vais m’y atteler sans plus attendre.

Papa est né à Francfort-sur-le-Main, de parents immensément riches. Michael Frank avait une banque, ce qui lui avait permis de devenir millionnaire, et Alice Stern avait des parents très distingués et très riches.

Dans sa jeunesse Michael Frank n’était pas riche du tout, mais il s’était nettement élevé dans la société. Dans sa jeunesse à lui, papa a mené une vraie vie de gosse de riches, toutes les semaines des soirées, des bals, des fêtes, des jolies filles, des valses, des dîners, des enfilades de pièces, etc. Tout cet argent s’est envolé après la mort de grand-père, et après la Guerre mondiale et l’inflation il n’en restait plus rien. Pourtant, jusqu’à la guerre, nous avions encore bien des parents riches. Papa a donc eu une éducation de première classe et hier, il a ri comme un fou parce qu’à cinquante-cinq ans, c’était la première fois de sa vie qu’il raclait la poêle à table. Maman n’était pas riche à ce point-là, mais tout de même très aisée et c’est pourquoi nous pouvons écouter bouche bée les récits de fiançailles avec deux cent cinquante invités, de bals privés et de dîners.

Riches, on ne peut plus dire que nous le soyons en aucune façon, mais tout mon espoir se reporte après la guerre, je t’assure que je ne suis pas du tout aussi entichée de cette petite vie mesquine que maman et Margot.

J’aimerais aller passer un an à Paris et un an à Londres pour apprendre la langue et étudier l’histoire de l’art. Tu n’as qu’à comparer avec Margot, qui veut devenir puéricultrice en Palestine.

J’ai encore l’imagination remplie de belles robes et de gens intéressants, je veux voir un peu le monde et y vivre quelques expériences, je te l’ai dit souvent, et un peu d’argent ne peut pas faire de mal !

Miep nous a raconté ce matin les fiançailles de sa cousine, où elle est allée samedi. La cousine en question a des parents riches, le fiancé est un garçon aux parents encore plus riches. Miep nous a mis l’eau à la bouche en nous décrivant le repas qu’ils ont eu : potage de légumes aux boulettes de viande, fromage, petits pains à la viande, hors-d’œuvre, avec œufs et rosbif, petits pains au fromage, gâteau moscovite, vin et cigarettes, le tout à volonté. Miep a bu dix verres de genièvre et fumé trois cigarettes ; et ça se prétend antialcoolique ? Si Miep a déjà tant consommé, on peut se demander ce que son époux s’est envoyé ! Ils étaient naturellement tous un peu gris à cette fête. Il y avait aussi deux agents de la section criminelle de la police, qui ont pris des photos du couple ; tu vois que Miep ne peut oublier une minute le sort des clandestins, car elle a aussitôt retenu le nom et l’adresse de ces policiers, au cas où il arriverait quelque chose et que l’on ait besoin de bons Néerlandais.

Elle nous a tellement mis l’eau à la bouche, nous qui n’avons eu pour notre petit déjeuner que deux cuillerées de flocons d’avoine, et dont le ventre criait famine, nous qui, jour après jour, ne mangeons que des épinards à moitié cuits (pour les vitamines !) et des pommes de terre pourries, nous qui n’emmagasinons dans nos estomacs creux que de la salade, de la salade cuite, des épinards, des épinards et encore des épinards. Peut-être finirons-nous par devenir un jour aussi forts que Popeye, bien que je n’en voie pas encore beaucoup de signes !

Si Miep nous avait emmenés à ces fiançailles, il ne serait rien resté des petits pains pour les autres invités.

Si nous avions été à cette fête, nous aurions sûrement tout pillé et nous n’aurions même pas laissé les meubles à leur place ! Je peux te dire que nous buvions les paroles de Miep, que nous l’entourions comme si de notre vie, nous n’avions jamais entendu parler de bonnes choses ou de gens chics ! Et voilà les petites-filles du fameux millionnaire, décidément les choses ne tournent pas rond dans le monde !

Bien à toi,

Anne M. Frank

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