La Dégringolade, Tome 2

III

– Ah çà ! qu’est-ce que cettecharade qui se joue en votre honneur ? demandaM. de Boursonne à Raymond, dès qu’ils se trouvèrentseuls.

– Eh ! le sais-je plus que vous,monsieur ? répondit le jeune homme.

– C’est que, voyez-vous, mon cher,poursuivit le vieil ingénieur, vous auriez peut-être tort deprendre pour argent comptant les démonstrations de ces Maillefert.D’aussi illustres égoïstes ne se donnent pas tant de peine pourrien. Il me paraît clair qu’ils ont des vues sur vous.Lesquelles ? En avez-vous idée ?

Pas la moindre.

Le vieil ingénieur parut réfléchir.

Il était piqué de la réserve de Raymond. Etcomme en dépit des conseils de la sagesse, il est rare qu’on seconnaisse soi-même :

– J’ai pour principe absolu, reprit-il,de ne jamais me mêler des affaires des autres. Je ne prétends doncpas forcer vos confidences. Mais je croirais manquer à l’amitié queje vous porte, si je ne vous disais pas : Soyez prudent,prenez garde !…

Ces exhortations à la défiance étaientinutiles.

Si étranger que fût Raymond à la diplomatiedes salons, si inexpérimenté qu’il pût être des intriguesmisérables que voile parfois la politesse savante de la bonnecompagnie, il comprenait que ce qui se passait autour de luin’était pas naturel.

Un instinct supérieur à toutes les expérienceslui disait qu’il était sérieusement menacé, qu’une partie étaitengagée dont son bonheur et son honneur étaient peut-êtrel’enjeu.

Il était sûr d’un danger prochain.

Mais quel était ce danger ?…

À cette question, malheureusement, il netrouvait pas de réponse, de réponse qui le satisfît, du moins.

Était-ce la duchesse de Maumussy qu’il devaitsurtout redouter ?…

Si cette vanité dont l’homme le plus modesteporte en soi le germe lui disait que la jeune duchesse lui portaitun intérêt plus que fraternel, la voix de la raison lui disait quecet intérêt n’était peut-être qu’une comédie.

Et le but, Raymond pensait l’entrevoir.

La dernière lettre de Jean Cornevin luirevenait à l’esprit.

Que disait-elle, cette lettre ? QueLaurent Cornevin n’était probablement pas mort, ainsi qu’on l’avaitcru, et que, par conséquent, la preuve du crime de MM de Maumussyet de Combelaine n’était pas anéantie.

Ce que Jean avait découvert, les assassins nele savaient-ils pas ?…

Ne tremblaient-ils pas de se voir d’un momentà l’autre démasqués ?

Et cela admis, Raymond n’en arrivait-il pas àse demander si la duchesse de Maumussy, cette jeune femme si belleet si séduisante, ne lui avait pas été envoyée pour s’emparer deson esprit, pour l’éblouir d’espérances magnifiques, pour l’amener,lui, le fils de la victime, à contribuer à l’impunité desmeurtriers…

– En ce cas, pensait-il,Mme de Maillefert et M. Philippe seraientdu complot, et ainsi s’expliqueraient leurs avances.

Mais Mlle Simone n’en étaitpas, elle, bien évidemment, puisque, tout en obligeant Raymond àfaire danser Mme de Maumussy, elle l’avaitd’un coup d’œil, averti de se tenir sur ses gardes.

– Il faut que je lui parle, se disait-il,que j’aie le courage de lui demander de m’éclairer…

Malheureusement, le lendemain, lorsqu’il seprésenta au château, Mlle Simone n’était pas dansle petit salon où les hôtes ordinaires venaient attendre que lacloche sonnât le dîner.

Mme de Maillefert, dureste, semblait fort mécontente de cette absence de sa fille.

– Simone est insupportable, disait-elle,avec cette manie qu’elle a de courir les champs, ni plus ni moinsqu’un pauvre gentilhomme campagnard réduit à faire valoirlui-même…

Raymond, à ce moment, se trouvait assis prèsde la duchesse de Maumussy.

– Il est de fait, lui dit-elle queMlle de Maillefert a des habitudes étrangespour une fille de son nom, maîtresse d’une si grande fortune… Carvous devez savoir que c’est huit millions, au bas mot, que cetteblonde charmante apportera à l’homme adroit qui aura su luiplaire…

L’allusion était directe, et évidemmentpréméditée.

Et cependant, comme si elle eût craint que sonintention ne fût pas comprise :

– Une jeune fille si riche,ajouta-t-elle, doit renoncer à l’espoir d’être aimée pourelle-même !…

Vingt-quatre heures plus tôt, Raymond se fûtpeut-être révolté, mais il apprenait à se maîtriser. La cloche dumaître d’hôtel sonnait, il en profita pour ne pas répondre.

Le dîner fut triste. Des hôtes nombreux de laduchesse de Maillefert, cinq ou six seulement restaient. Les autress’étaient envolés vers Paris aux premières gelées. Et si laduchesse prolongeait son séjour, c’était, disait-elle, dansl’intérêt de sa mission, et aussi pour terminer quelques affairesd’intérêt.

Plus tristement encore la soirée s’écoula sansque Mlle Simone parût, encore bien que, sur leshuit heures, elle eût envoyé miss Lydia Dodge prévenir sa mère deson retour.

– Que peut-elle avoir contre moi ?se demandait Raymond, en rentrant au Soleil levant, elleme fuit… Ne dois-je plus la revoir ?…

Terreurs vaines ! Le lendemain même,lorsque suivi de M. de Boursonne il se présenta auchâteau, il ne trouva au salon que Mlle Simone.L’attendait-elle donc ?

Telle dut être l’idée du vieil ingénieur, caraprès quelques mots de politesse banale, il alla se planter devantune fenêtre, tout comme s’il n’eût pas fait nuit. Il est vrai queprécisément parce que la nuit était fort obscure, les carreaux setrouvaient faire l’office d’une glace où il distinguait fortnettement Raymond et Mlle Simone.

À grand’peine, et de ses deux mains appuyéessur sa poitrine, Raymond essayait de comprimer les battements deson cœur. Enfin elle se présentait, cette occasion de parler qu’ilavait appelée de tous ses vœux. Il se sentait la force d’enprofiter, car l’excès même de la passion lui rendait quelquesang-froid, de même que l’excessif danger donne aux plus poltronsune sorte de courage…

Mais il n’avait pas prononcé dix syllabes, queMlle Simone l’interrompit.

Elle aussi, la pauvre jeune fille, elle étaitaffreusement émue, et à sa pâleur et à la contraction de seslèvres, on pouvait voir quelle violence elle se faisait :

– Monsieur, commença-t-elle, c’est bienvous, n’est-ce pas, qui, le soir du bal donné par ma mère, êtesentré dans le salon de miss Lydia ?…

Un domestique m’avait ouvert la porte,mademoiselle…

– Je sais… En ce moment, ma mère et moinous nous trouvions dans la pièce voisine, nous avions unediscussion… fâcheuse, et nous croyant seules nous parlions assezhaut…

Raymond était devenu blême.

Son indiscrétion avait été involontaire.Assurément, sans M. de Boursonne, il se serait enfui ense bouchant les oreilles aux premiers mots arrivés jusqu’à lui.

Seulement, il ne pouvait pas dire cela, et, encette circonstance, mentir lui répugnait comme une indignité.

– Vous parliez haut, c’est vrai,mademoiselle, balbutia-t-il.

– De sorte que vous avez entendu tout ceque nous disions ?

Il baissa la tête.

– Vous avez entendu ? insista lajeune fille.

– Oui.

Jamais rien n’avait coûté à Raymond autant quecet aveu. Qu’allait-il en advenir ?Mlle Simone n’allait-elle pas l’accabler demépris ?

Non. Elle le regarda sans colère, mais avecune fermeté incroyable chez une jeune fille si timide :

– Et qu’avez-vous conclu de ce que vousavez entendu ? interrogea-t-elle.

– Que votre dévouement est sublime,mademoiselle.

Elle frappa du pied.

– Ce n’est pas répondre,prononça-t-elle.

Raymond demeura d’abord interdit, puis, tout àcoup, une inspiration l’éclairant :

– Ah !… je comprends, fit-il. C’estmon avis sur la situation que vous avez acceptée, mademoiselle, quevous voulez ?

Elle se penchait vers lui avec une anxiétévisible, comme si des paroles qui allaient tomber de ses lèvres eûtdépendu toute sa destinée.

Lui eut ce pressentiment que sa réponse allaitdécider de son avenir, et lentement et mesurant chacune de sesexpressions :

– Non seulement je m’explique votreconduite, mademoiselle, dit-il, non seulement, je l’admire, mais jel’approuve comme la seule digne d’une Maillefert…

– Ah !…

– Je vous la conseillerais, si j’avais lebonheur de posséder votre confiance. Vous pensez que vous n’êtesque la dépositaire et en quelque sorte l’économe de l’immensefortune que vous possédez. Vous avez raison. Avant tout, cettefortune appartient à la maison de Maillefert, c’est à soutenirl’éclat et l’honneur de ce grand nom qu’elle doit être employéetout entière.

La joie la plus vive se peignait sur lestraits si purs de Mlle Simone, en dépit de sesefforts pour demeurer impénétrable. Il y avait des remerciementsplein ses yeux.

– Vous dites tout entière ?répéta-t-elle.

– Oui, mademoiselle, jusqu’au dernierlouis.

– C’est bien votre pensée que vous medites ?

– Ma pensée intime, oui, et la pluschère, sur laquelle reposent toutes mes espérances…

Elle l’arrêta d’un geste.

– Me tromper, dit-elle, serait odieux etlâche !…

– Oh !…

– Indigne de l’homme de cœur qui,entendant outrager une pauvre jeune fille qu’il ne connaissait pas,a risqué sa vie pour la défendre…

– Mademoiselle…

Elle se leva.

– Je vous crois, fit-elle résolument.

Et donnant à Raymond sa main, qu’il garda dansles siennes :

– Croyez-moi de même,ajouta-t-elle ; seulement…

Elle n’acheva pas… Tout le sang généreux deson cœur, comme un torrent de pourpre, affluait à son visage.

La duchesse de Maumussy entrait.

Avait-elle écouté et avait-elle entendu ?Choisissait-elle pour paraître l’instant où son instinct avait dûlui dire qu’il allait être question d’elle ? Le fait estqu’elle était certainement émue : elle était pâle et ses mainstremblaient.

– Où donc est votre mère, ma chèreSimone ? demanda-t-elle.

La jeune fille hésita. Elle se défiait dutremblement de sa voix, et son embarras était grand, lorsqueM. de Boursonne vint à son secours…

S’inclinant avec son meilleur sourire devantMme de Maumussy :

– Mme de Maillefert,répondit-il, et M. le duc sont, nous a-t-on dit, en grandeconférence avec un sous-préfet des environs.

C’était vrai, seulement Raymond l’avaitoublié. La jeune femme eut un éclat de rire trop bruyant pour êtresincère, et se laissant tomber sur un fauteuil :

– Mon Dieu !… s’écria-t-elle, quec’est donc amusant de voir cette chère duchesse et cet excellentM. Philippe s’occuper de politique !…

Et tout de suite, avec cette volubilitéfiévreuse des gens qui redoutent les trahisons du silence, elle semit à parler des événements dont Paris était le théâtre.

Elle en pouvait parler pertinemment,disait-elle, ayant reçu le matin même une lettre de son mari.

« Le duc de Maumussy ne lui dissimulaitpas qu’il était mécontent, sinon inquiet, de la tournure deschoses. Selon lui, le gouvernement impérial s’engageait dans unevoie sans issue. L’empereur fermait l’oreille aux conseils de sesanciens amis, pour écouter des charlatans politiques sans portée.L’influence de l’impératrice amenait au pouvoir des hommes d’unemaladresse si incroyable qu’elle avait un faux air de trahison.

– Je m’étais trompé, pensait Raymond,cette femme n’a pas été envoyée par mes ennemis… Si elle savait quije suis et quel est mon passé, elle ne parlerait pas ainsi devantmoi…

Quoi qu’il en fût, ce ne devait pas, ce nepouvait pas être un intérêt médiocre, qui arrachait ainsi laduchesse de Maumussy à ses habitudes de silencieuse torpeur.

Car c’en était fait de sa nonchalancehautaine. Tout son être vibrait.

Le buste rejeté en arrière, la joue ardente,les narines gonflées, le sein haletant, elle parlait, d’une voixbrève et saccadée qui ne souffrait ni réplique nicontradiction.

Et il fallait entendre les commentaires dontelle accompagnait la lettre de son mari et de quels sarcasmes ellecinglait ce mari et ses amis, et les hommes au pouvoir, et lesministres, et la cour, et l’impératrice et l’empereur !

– Tudieu ! quelle commère !pensait M. de Boursonne.

Il lui paraissait évident que la jeune femmecherchait surtout à dissimuler le motif réel de son irritation, etqu’ainsi, comme on dit vulgairement, elle passait sa colère.

Et la preuve, c’est queMme de Maillefert et son fils étant rentrés,elle se mit tout de suite et sans à-propos à les accabler derailleries positivement blessantes au sujet de cette longueconférence électorale qu’ils venaient d’avoir avec un sous-préfetdes environs.

Mais aussi, à l’attitude de la mère et dufils, Raymond et M. de Boursonne eussent pu mesurer lecrédit de la duchesse de Maumussy.

Mme de Maillefert ditseulement, et Dieu sait de quel accent :

– Vous avez certainement vos nerfs, cesoir, ma chère Clélie.

Clélie était le prénom deMme de Maumussy.

– Jamais, au contraire, répondit-elle, jene me suis sentie si bien portante ni de meilleure humeur.

En sortant du château, après cette soiréedécisive, M. de Boursonne sifflotait un air fantastique,ce qui était chez lui l’indice des plus sombres préoccupations.

C’est qu’après s’être juré de ne pluss’occuper des affaires de Raymond, voyant la tournure que prenaientces affaires, il se faisait un cas de conscience de l’abandonneraux inspirations de son inexpérience.

– Eh bien !… lui demanda-t-il, où enêtes-vous ?

Raymond planait alors dans le bleu dutroisième ciel, et trouver un confident, c’était un bonheurencore.

– Cette soirée, répondit-il, sera la plusheureuse de ma vie…

– Diable !…

– J’aime éperdumentMlle de Maillefert, et de ce soir je crois,oui, je crois fermement que je ne lui suis pas indifférent…

– Peste !…

– N’avez-vous pas entendu ce qu’elle m’adit ?

– Si, parfaitement.

– Eh bien ?

– Eh bien ! mon cher camarade, àmoins que le français ne soit plus le français, et que je ne soisplus qu’une vieille bête, elle vous a clairement demandé si vousconsentiriez à l’épouser sans dot.

Le visage de Raymond rayonna.

– Oui, c’est bien là ce que j’ai compris,s’écria-t-il.

Imperceptiblement, le vieil ingénieur haussales épaules.

– Et qu’en concluez-vous ?interrogea-t-il.

La question parut stupéfier Raymond.

– Ce que j’en conclus ?…répéta-t-il. Ceci : la dot de Mlle Simoneétait le seul obstacle que j’aperçusse entreMlle Simone et moi… La dot étant supprimée,l’obstacle n’existe plus…

– De sorte que vous croyez que maintenanttout va aller de soi…

De même que toutes les natures nerveuses etenthousiastes, Raymond pouvait, en un moment, passer del’exaltation la plus grande au plus extrême abattement.

La voix de M. de Boursonne le ramenabrusquement du ciel au milieu des ornières de la réalité.

– Mlle Simone m’a dit decroire en elle, prononça-t-il d’un air sombre, et j’y croisaveuglément.

Mais c’est bien inutilement que Raymond etM. de Boursonne s’épuisaient à évaluer les probabilitésde l’avenir. Les événements devaient, comme à plaisir, dérouterleurs conjectures.

Après cette orageuse soirée, troublée par lesemportements étranges de Mme de Maumussy,après les scènes dont il s’était trouvé l’involontaire et trèsembarrassé témoin, Raymond n’était pas sans inquiétude sur laréception qui l’attendait à Maillefert.

Inquiétudes inutiles ! Jamais encore iln’avait été accueilli comme il le fut le lendemain.

Puis, en moins de quatre jours, sa situations’embellit de telle sorte qu’on eût pu croire que très assurémentla famille de Maillefert allait devenir la sienne. Un prétendantdéclaré et officiellement admis à faire sa cour n’eût pas osésouhaiter de plus délicats encouragements, de plus charmantesattentions.

Devenue soudainement tout miel,Mme de Maillefert ne lui épargnait aucun deces patelinages que prodiguent les mères adroites à l’hommequ’elles convoitent pour leur fille.

Elle ne l’appelait plus monsieur Delorge, maisbien mon cher monsieur Raymond, ou bien Raymond tout court.

– Que ne l’appelle-t-elle :« Mon gendre », pendant qu’elle y est ! pensaitM. de Boursonne.

En ce cas, M. Philippe eût eu aussi tôtfait de dire : « Mon cher beau-frère. »

Car ses façons étaient plus familières encoreque celles de sa mère, et avaient ceci de singulièrementsignificatif, qu’elles se manifestaient en dehors.

Ses amis étant retournés à Paris, il se pritpour Raymond d’une si belle passion qu’il ne le quittait presqueplus.

Tous les jours, après le déjeuner, sidétestable que fût le temps, il allait le rejoindre à l’endroit oùil poursuivait ses études, et il passait des heures à le regarderopérer, avec toutes les apparences de l’intérêt le plus vif.

Puis, M. de Boursonne aidant, il ledébauchait. Il venait le prendre au saut du lit, tantôt pour unepartie de chasse avec les jeunes gens des environs, tantôt pour unepromenade à Saumur ou à Angers.

Il se montrait avec lui, bras dessus brasdessous, aux Rosiers. Il arrivait à l’improviste partager son dînerau Soleil levant, déclarant, parole d’honneur ! quemaître Béru était un bien autre artiste que le cuisinier deMaillefert. À plusieurs reprises, il le traîna au Café ducommerce pour faire une partie de billard.

Le parti pris de la mère et du fils était tropvisible pour que M. de Boursonne ne le constatât pas.

Et la preuve qu’il existait, c’est que jamaisMme de Maillefert n’était avec Raymond aussifamilière que les soirs où elle avait des étrangers dans lesalon.

Alors, avec la plus adroite maladresse, ellesaisissait les occasions bonnes ou mauvaises, de laisser éclater laplus excessive intimité.

Elle disait, par exemple à Raymond :

– Vous qui êtes presque de lafamille…

Lui n’avait pas tardé à reconnaître queM. Philippe et sa mère s’entendaient pour lui ménager desoccasions d’entretenir Mlle Simone. À tout instant,sous un prétexte ou sous un autre, on les laissait ensemble.

Le temps était-il assez beau pour permettreune promenade au jardin ?

– Offrez donc votre bras à Simone, moncher Raymond, disait invariablementMme de Maillefert.

Elle-même prenait le bras deM. de Boursonne, M. Philippe présentait le sien à laduchesse de Maumussy, on sortait.

Et régulièrement, par le plus grand deshasards, Raymond finissait par se trouver seul avecMlle Simone.

La peur finissait par prendre le pauvregarçon. Car de se fier à ces magnifiques apparences, des’abandonner aux douceurs d’une situation si étrangement inespérée,il n’avait garde.

– Grand Dieu ! disait-il àM. de Boursonne, qu’est-ce que cela signifie ?…

– Hum ! rien de bon ! répondaitle vieil ingénieur.

– C’est trop beau.

– Beaucoup trop pour durer.

– Quel peut être le but deMme de Maillefert ? Qu’espère-t-elle decette comédie ?

Le bonhomme branlait la tête d’un airéquivoque.

– Ce qu’ils espèrent, répondait-il,hum !… peut-être bien que moi… mais non, je ne suis pas assezsûr encore… Ce serait trop odieux.

Et il refusait obstinément de s’expliquer,disant que, s’il ne se trompait pas, les faits ne tarderaient guèreà faire éclater la vérité.

Le plus extraordinaire, c’est qu’à mesure queMme de Maillefert devenait plus ardente etplus expansive, Mlle Simone montrait plus deréserve et de froideur.

Autant sa mère s’ingéniait à lui ménager avecRaymond des heures de tête-à-tête, autant elle mettait à les éviterune ingénieuse obstination.

Nul moyen de lui parler. Toujours maintenantelle traînait après ses jupes miss Lydia Dodge, sa gouvernanteanglaise, laquelle, préalablement stylée, se jetait à la traversede tous les entretiens.

– Elle me hait, pensait Raymond, en proieà un sombre désespoir. Que lui ai-je fait ? En quoi ai-je bienpu lui déplaire ?…

Et il s’effrayait de la voir de plus en pluspâle et toujours plus froide et plus triste.

Elle se donnait pourtant beaucoup demouvement. Elle passait des journées entières dehors, à parcourirses propriétés, suivie d’une espèce d’homme d’affaires, qui logeaitau Soleil levant, et qui, de l’avis de maître Béru, devaitêtre « un marchand de biens ».

– Pauvre fille !… disaitM. de Boursonne, ils finiront par la tuer.

Il est sûr que souvent Raymond voyait àMlle Simone les yeux rouges comme si elle eûtbeaucoup pleuré, et que souvent il fut sur le point d’enfreindre ladéfense qu’elle lui avait faite de l’interroger.

Jusqu’à ce qu’enfin, la surprenant un jour enlarmes, n’y tenant plus, et oubliant la présence de miss LydiaDodge :

– Ayez pitié de moi, lui dit-il,bannissez-moi de votre présence ou daignez me permettre de partagervotre chagrin…

Elle continuait de pleurer doucement, et saphysionomie avait une si navrante expression de tristesse, queRaymond sentait son cœur se briser.

– Qu’avez-vous, au nom du ciel ?insista-t-il.

– Je souffre… murmura la pauvreenfant.

– On vous tourmente ?…

– Oh !… indignement !

Raymond frémit de colère.

– Et vous croyez que je tolèreraicela !… s’écria-t-il, avec une si terrible expression demenace, que miss Dodge en fit un saut en arrière : vous croyezque, moi vivant, on osera…

D’un geste doux et triste, ellel’interrompit.

– Voulez-vous donc achever de medésespérer ? murmura-t-elle. Voulez-vous donc nousperdre ?…

Nous ! elle avait dit nous !…Raymond l’avait bien entendu.

– Ne puis-je donc rien !demanda-t-il, de l’accent du dévouement prêt à tout.

– Rien…

Le malheureux se tordait les mains.

– Ah ! cette angoisse me tue !…dit-il. C’est trop souffrir.

Elle le regarda fixement, et d’une voixdouce :

– Pensez-vous donc, fit-elle, que je nesouffre pas, moi ?

Mais les instances passionnées de Raymondn’arrachèrent pas un mot d’explication àMlle Simone. À ses ardentessupplications :

– Je ne puis parler, répondait-elle, jene le puis, je n’en ai pas le droit !…

Entre eux, miss Lydia Dodge, la méthodiquegouvernante anglaise, semblait tomber des nues. Elle ne pouvaitrevenir de voir entre eux cette soudaine entente. La veille encoreils en étaient à hésiter, à rougir et à balbutier avant des’adresser un mot de politesse banale ; et voici que tout àcoup ils s’abandonnaient, tant il en est de la douleur comme unpéril commun dont la brutale étreinte efface les conventionssociales, supprime les timidités et arrache à la vérité tous sesvoiles.

– Ah ! vous êtes impitoyable,mademoiselle, prononça enfin Raymond. Me bannir de votre présenceme serait moins cruel…

D’un geste brusque,Mlle Simone l’arrêta.

– Voulez-vous donc, fit-elle, m’ôter toutmon courage, au moment même où j’en ai le plus besoin !…

Et comme si elle se fût défiée d’elle-même,comme si elle eût craint de se trahir, ou d’en avoir trop dit déjà,elle prit le bras de miss Lydia Dodge et s’éloigna, laissantRaymond éperdu d’angoisses et écrasé sous le sentiment de sonimpuissance.

Avec l’intensité de la réalité même, sonimplacable imagination lui représentait la situation deMlle Simone, cette situation dont le mystèreaugmentait l’horreur, et il la voyait se débattant sous le filet dequelque abominable intrigue, sans amis, sans conseils, sanssoutien…

Il ne fallut rien moins que le bruit d’unechaise bruyamment remuée, pour le rappeler au souvenir de laréalité. Mme de Maumussy venait d’entrer…

Il tressaillit de tout son être, quand il lavit l’observant de son regard tranquille, où il lui semblait lireles plus insultantes ironies.

C’était, depuis la soirée où elle s’étaitabandonnée à de si inexplicables emportements, la première fois queRaymond se trouvait seul avec elle.

– Qu’avez-vous, monsieur Delorge ?demanda-t-elle doucement.

Saisi d’une sorte de vertige qui lui enlevaitjusqu’à la faculté de réfléchir, il marcha sur elle, et d’une voixsourde :

– J’ai, répondit-il, que j’aimeMlle Simone de Maillefert, madame la duchesse, plusque la vie, plus que l’honneur, plus que tout le monde, que la voirmalheureuse est au-dessus de mes forces, et que je saurai bienfaire payer ses larmes aux misérables qui les lui fontrépandre.

Il la regardait fixement, en parlant ainsi,obstinément, comme s’il eût espéré plonger jusqu’au fond de saconscience.

Elle ne baissait ni ne détournait lesyeux.

– C’est pour moi que vous ditescela ? interrogea-t-elle.

– Oui…

La jeune duchesse eut une seconded’hésitation.

Puis, tout à coup, elle se leva vivement,courut fermer la porte du salon, et revenant prendre sa place enface de Raymond :

– Vous reste-t-il, commença-t-elle, assezde raison pour m’entendre, monsieur Delorge ?

– Oh ! je suis parfaitement calme,madame…

– Eh bien ! voici le conseil quevous donnerait une amie : Quittez Maillefert, non pas dans uneheure, mais à l’instant, partez…

Raymond riait d’un rire nerveux.

– Je vous gêne donc beaucoup, madame laduchesse ? dit-il.

Elle le toisa d’un coup d’œil superbe, etdurement :

– Moi !… s’écria-t-elle,moi !…

Puis haussant les épaules :

– Laissez-moi continuer, reprit-elle plusdoucement. Vous vous croyez aimé deMlle de Maillefert, et il se peut qu’ellecroie vous aimer. Vous vous abusez l’un et l’autre. L’amour vrai neréfléchit ni ne raisonne, et je vois à Simone l’âme calculatriced’un procureur. Si elle vous aimait, elle dirait un mot, un seul,et… peut-être serait-elle votre femme. Elle ne le dira pas…

Raymond ricanait toujours.

– Je cherche, madame la duchesse, fit-il,l’intérêt qui vous fait parler ainsi…

Elle tressaillit, un éclair de colère traversases yeux noirs, mais elle se contint, et baissant lavoix :

– Si vous vous trouviez, reprit-elle,dans une maison qui s’écroule et qu’un passant vous criât :« Sauve-toi ! » iriez-vous lui demander quel intérêtil avait à vous empêcher d’être enseveli sous les décombres ?Eh bien ! moi, je suis ce passant. Trop haut est votre cœur ettrop noble votre mépris de l’argent, pour certaines intrigues. Vousne savez pas, sans doute, jusqu’où peuvent descendre les vilesconvoitises du luxe, du bien-être et du plaisir. Ne l’apprenez pasà vos dépens. Votre place n’est pas ici. Mieux on vous y accueilleet plus vous devez craindre. Ce n’est pas la vie que vouslaisseriez…

Ce qu’il y avait de commisération réelle dansl’accent de Mme de Maumussy, Raymond ne lesentit pas.

Il crut à une insulte, et transporté de colèrejusqu’à saisir le bras de la jeune femme :

– Que voulez-vous dire ?s’écria-t-il, parlez… Vous en avez trop dit maintenant…

Mais elle se dégagea, et toisant Raymond d’uncoup d’œil superbe :

– Je pense que vous êtes fou, monsieurDelorge, dit-elle…

Et s’asseyant au piano, elle se mit à joueravec une sorte de furie le morceau ouvert sur le pupitre…

Sous tant de secousses successives, Raymondsentait vaciller son intelligence. Plus les paroles de la duchesseétaient obscures et mystérieuses, plus en essayant de lesinterpréter il se sentait assailli de sinistres appréhensions.

Se jouait-elle de lui ? Obéissait-elle àcet instinct irraisonné qui fait prendre en pitié toute créaturequi souffre ? Remplissait-elle simplement un rôle ?…

Mais à quoi bon se mettre l’esprit à latorture ? Ne valait-il pas mieux pour Raymond essayer defléchir cette jeune femme qui était là, qui savait la vérité, elle,qui d’un mot pouvait l’éclairer, le sauver et sauver avec luiMme de Maillefert !…

– Madame, commença-t-il, madame laduchesse.

Elle ne parut pas l’entendre… Ses doigtscouraient sur le clavier avec une merveilleuse agilité… Peut-être,réellement, ne l’entendit-elle pas.

Alors il s’approcha doucement, et de la maineffleura l’épaule de la jeune femme.

Sans cesser de jouer, elle se détournavivement.

– Que me voulez-vous, monsieur ?demanda-t-elle.

– Madame, s’il vous reste une ombre depitié…

– Quoi ?

– Daignez vous expliquer plusclairement…

Elle le regardait d’un air mécontent.

– Je vous ai dit tout ce que j’avais àdire, interrompit-elle, insister est inutile.

Et comme elle voyait Raymond prêt à tomber àses genoux :

– Ah !… Je vous cède la place,monsieur, dit-elle.

Sur quoi, s’étant levée, elle sortit enfredonnant l’air d’opéra qu’elle venait de jouer…

Déjà Raymond s’était redressé et, d’un œilenflammé, il regardait autour de lui, comme s’il eût cherché à quis’en prendre de tant de misères.

Heureusement, une lueur suprême de raisonl’éclaira :

– Je ne m’appartiens plus, pensa-t-il, sije reste, si je me trouve en face de M. Philippe, je me perds,et je perds à tout jamais Simone…

Et il se précipita dehors…

Dans le vestibule,Mme de Maillefert, avec toutes sortes decérémonies, reconduisait une vieille dame qui était venue lui fairevisite.

Apercevant Raymond :

– Comment ! vous nous quittez, moncher Delorge, lui cria-t-elle gaiement.

Il ne répondit pas. D’un seul bond il franchitles dix marches du perron et se lança dans l’avenue.

Il lui semblait que l’existence, comme uneplanche pourrie jetée sur un abîme, craquait et manquait sous lui,et qu’il roulait jusqu’aux plus sombres profondeurs.

Et pour comble, une voix obstinée et irritantecomme le remords s’élevait en lui, qui lui répétait que, siterrible que fût le châtiment, il l’avait mérité, lui le fils dugénéral Delorge, en se mêlant à ce monde qui était celui desassassins de son père.

Des heures s’écoulèrent en alternatives dedésespoir et de rage, et il flottait entre mille résolutionscontradictoires, quand la porte de sa chambre s’ouvrantM. de Boursonne parut.

– J’arrive de Maillefert, lui dit levieil ingénieur, j’y ai trouvé tout le monde surpris de votredisparition. Je ne suis pas curieux…

Raymond s’était levé.

– Vous allez tout savoir, monsieur,dit-il.

Et fort exactement quoique d’une voix encorealtérée, il raconta son entretien avec Mlle Simoneet avec la duchesse de Maillefert…

Encore bien que donnant les signes les plusmanifestes d’impatience, M. de Boursonne l’écouta sansmot dire ; mais dès qu’il eut achevé :

– La peste étouffe, s’écria-t-il, lesamoureux romanesques et nerveux ! Quand on est bâti commecela, sacrebleu ! on devrait bien rester chez soi !

– Vous en parlez à votre aise, monsieur,et si vous aviez été à ma place…

– D’abord je ne m’y serais pas mis, àvotre place, mon cher. Ensuite, ayant eu cette chance inespérée desurprendre Mme de Maumussy dans un de ses bonsmoments, je me serais bien gardé de la blesser par mes violencesridicules…

– Cette femme est mon ennemie, monsieur,vous-même me l’avez dit…

– Et je le crois… Seulement la duchesseest Italienne, c’est-à-dire la femme de la sensation présente, quiau lieu d’analyser ses émotions s’y abandonne tout entière, quiveut une chose avec la tête et fait le contraire avec le cœur…

– Enfin que résoudre ?… interrompitRaymond.

Ah ! le vieil ingénieur n’hésita pas.

– Plantez là Mlle Simone,dit-il.

– Jamais !…

Le bonhomme haussa les épaules.

– Alors, sacrebleu ! fit-il, quevoulez-vous que je vous dise ! Attendez… le succès est auxtemporisateurs. Retournez au château comme si de rien n’était…

Ainsi fit Raymond, et lorsqu’il arriva àMaillefert le lendemain, rien ne lui parut changé.Mlle Simone n’était ni plus ni moins triste,M. Philippe était toujours aussi amusant,Mme de Maumussy avait repris son attitude desphinx…

Il en était à se demander s’il ne s’était pasépouvanté de chimères, lorsqu’un soir, comme il arrivait auchâteau :

– Est-ce que vous n’avez pas rencontréM. Philippe ? lui ditMme de Maillefert.

– Non, madame…

– C’est qu’il est au chemin de fer,au-devant de nos amis, qui arrivent par l’express de neufheures…

– Vous attendez des amis ?…

Mme de Maillefertsourit :

– Nous attendons, répondit-elle, le maride ma chère Clélie, le duc de Maumussy, et avec luiM. Verdale, le fameux architecte, et le comte deCombelaine…

En d’autres temps, Raymond eût été écrasé dece coup si terriblement inattendu.

Mais il en est de l’âme humaine comme del’acier, qui plongé rouge dans un torrent glacé acquiert desqualités supérieures de résistance et d’élasticité ; l’âme, aucontact du malheur, se trempe d’une énergie plus forte ets’endurcit à la souffrance.

Raymond pâlit et ses yeux se voilèrent, maisil ne chancela pas, et si rudement que l’émotion lui serrât lagorge, il eut encore la force de dire :

– Ah !… vous attendezM. de Maumussy et M. de Combelaine !…

Mme de Maillefert sepencha vers la pendule.

– Quelle heure est-il ? fit-elle.Huit heures et demie. Dans trois quarts d’heure ils peuvent êtreici.

Et immédiatement elle entama le panégyrique duduc de Maumussy, dont elle ne pouvait assez louer, disait-elle, lecaractère chevaleresque, l’esprit délicat et fin et le merveilleuxsens politique.

Elle n’admirait pas moinsM. de Combelaine, ce dévoué serviteur de l’Empire, cethéroïque soldat toujours prêt à verser son sang, dont la fidélitédésintéressée lui rappelait, assurait-elle, ces loyaux chevaliersqui, à leur mort, demandaient à être enterrés aux pieds du suzerainqu’ils avaient servi…

Assez maître de soi pour éviter le scandaled’une brusque retraite, Raymond était allé s’asseoir non loin de lacauseuse où chaque soir Mlle Simone venaits’établir devant sa petite table à ouvrage.

Et la duchesse de Maillefert poursuivait.

Avec une non moindre chaleur, elle célébraitles mérites de M. Verdale, cet architecte fameux, ce fils deses œuvres arrivé à force de talent et de travail à une grandesituation et à une fortune immense. Et elle se déclarait raviequ’un homme de ce mérite eût bien voulu accompagnerM. de Combelaine, son ami. Justement elle méditait degrandes réparations à Maillefert. M. Verdale lui donnerait desidées.

À ce mot de réparations,Mlle Simone avait redressé la tête si vivement, quesa mère en parut choquée.

– Oh ! vous avez bien entendu,fit-elle d’un ton sec. Cette vieille baraque est inhabitable, etj’ai des raisons de croire que l’année 1870 ne s’écoulera pas sansque Sa Majesté l’Impératrice fasse à notre maison l’honneur des’arrêter un jour ou deux à Maillefert.

Mais Raymond n’écoutait pas.

Les yeux fixés sur la pendule, il calculaitcombien de minutes encore il avait à rester à Maillefert…

Il avait pu subir la duchesse deMaumussy ; mais le duc, mais M. de Combelaine,l’honneur lui défendait de se trouver sous le même toit qu’eux.

– Savez-vous, demandaitMme de Maillefert àMme de Maumussy, combien de jours cesmessieurs comptent nous donner ?…

– Non… Mon mari ne me l’a pas dit.

Raymond n’avait plus que dix minutes àrester…

Et il s’attendrissait en contemplant pour ladernière fois ce petit salon, où, au milieu d’affreux déchirements,il avait eu des heures enchantées par l’espérance.

Il examinait Mlle Simone, qui,inclinée sous une lampe travaillait, non à un délicat et inutileouvrage de femme, mais à une layette qu’elle avait promise à unepauvre fille séduite, que tout le monde dans le paysrepoussait.

Mais neuf heures sonnaient ; Raymond seleva.

– Quoi ! s’écriaMme de Maillefert, vous n’attendez pas nosamis !…

– Je ne puis…

– Parce que ?…

– M. de Boursonne m’attend,madame.

Elle haussa les épaules.

– Allez donc, fit-elle, mais en tout cas,à demain.

Il ne répondit pas. Il s’inclina devant laduchesse de Maumussy, il effleura de ses doigts tremblants la mainque lui tendait Mlle Simone, et lentement ilsortit.

La nuit était sombre et glaciale, de grosnuages couraient au ciel, un vent furieux secouait les branchesdépouillées des arbres…

Que lui importait ! Il n’avait plusbesoin de se contraindre, maintenant…

Son désespoir et sa fureur s’exhalaient enimprécations et en menaces qu’emportait la tempête, de même que lesévénements avaient emporté ses espérances et ses projets.

Parvenu au pont suspendu, cependant, ils’arrêta court. Une voiture venait, au grand trot, – malgré lesdéfenses formelles – et dans cette voiture, à la lueur deslanternes, on distinguait quatre hommes : M. Philippe etles amis attendus à Maillefert.

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