Le Maître d’armes

Chapitre 10

 

Le vent, en sautant de l’ouest au nord, avaitindiqué l’arrivée de l’hiver ; aussi à peine eut-on réparé lespremiers désastres causés par l’ennemi en retraite, qu’il fallutfaire face à l’ennemi qui s’avançait. Il était d’autant plus urgentde se hâter qu’on était arrivé déjà lorsque l’inondation avait eulieu, au 10 novembre. On vit les vaisseaux qui avaient échappé àl’ouragan regagner en toute hâte la haute mer, pour ne reparaître,comme les hirondelles, qu’avec le printemps ; les ponts furentenlevés, et dès lors, on attendit plus tranquillement les premièresgelées. Le 3 décembre, elles étaient arrivées ; le 4, la neigetomba et, quoiqu’il ne fit que cinq ou six degrés au-dessous deglace, le traînage s’établit ; c’était un grand bonheur :toutes les provisions d’hiver ayant été gâtées par l’inondation, letraînage préservait de la disette.

En effet, grâce au traînage, qui par savitesse équivaut presque à la vapeur, dès que ce mode de transportest établi, il arrive dans la capitale, d’un bout à l’autre del’Empire, du gibier tué quelquefois à mille ou douze cents lieuesde l’endroit où il doit être mangé. Alors, les coqs de bruyère, lesperdrix, les gelinottes et les canards sauvages, rangés par couchesavec de la neige dans des tonneaux, affluent aux marchés, où ils sedonnent plutôt qu’ils ne se vendent. Près d’eux, on voit, étendussur des tables ou empilés en monceaux, les poissons les plusrecherchés de la mer Noire et de la Volga ; quant aux animauxde boucherie, on les expose en vente debout sur leurs quatre pieds,comme s’ils étaient vivants, et on taille à même.

Les premiers jours où Saint-Pétersbourg eutrevêtu sa blanche robe d’hiver furent pour moi des jours de curieuxspectacle, car tout était nouveau. Je ne pouvais surtout me lasserd’aller en traîneau ; car il y a une volupté extrême à sesentir entraîné sur un terrain poli comme une glace, par deschevaux qu’excite la vivacité de l’air et qui, sentant à peine lepoids de leur charge, semblent voler plutôt que courir. Cespremiers jours furent d’autant plus agréables pour moi que l’hiver,avec une coquetterie inaccoutumée, ne se montra que petit à petit,de sorte que j’arrivai, grâce à mes pelisses et à mes fourrures,jusqu’à vingt degrés presque sans m’en être aperçu ; à douzedegrés, la Neva avait commencé de prendre.

J’avais tant fait courir mes malheureuxchevaux que mon cocher me déclara un matin que si je ne leurlaissais pas quarante-huit heures au moins de repos, au bout dehuit jours ils seraient tout à fait hors de service. Comme le cielétait très beau, quoique l’air fût plus vif que je ne l’avaisencore senti, je me décidai à faire mes courses en mepromenant ; je m’armai de pied en cap contre les hostilités dufroid ; je m’enveloppai d’une grande redingote d’astrakan, jem’enfonçai un bonnet fourré sur les oreilles, je roulai autour demon cou une cravate de cachemire, et je m’aventurai dans la rue,n’ayant de toute ma personne que le bout du nez à l’air.

D’abord, tout alla à merveille ; jem’étonnai même du peu d’impression que me causait le froid, et jeriais tout bas de tous les contes que j’en avais entendufaire ; j’étais, au reste, enchanté que le hasard m’eût donnécette occasion de m’acclimater. Néanmoins, comme les deux premiersélèves chez lesquels je me rendais, monsieur de Bobrinski etmonsieur de Nariskin, n’étaient point chez eux, je commençais àtrouver que le hasard faisait trop bien les choses, lorsque je crusremarquer que ceux que je croisais me regardaient avec une certaineinquiétude, mais, cependant, sans me rien dire. Bientôt unmonsieur, plus causeur, à ce qu’il paraît, que les autres, me diten passant : « Noss ! » Comme je nesavais pas un mot de russe, je crus que ce n’était pas la peine dem’arrêter pour un monosyllabe, et je continuai mon chemin. Au coinde la rue des Pois, je rencontrai un ivoschik qui passait ventre àterre en conduisant son traîneau ; mais si rapide que fût sacourse, il se crut obligé de me parler à son tour, et mecria : « Noss ! Noss ! » Enfin,en arrivant sur la place de l’Amirauté, je me trouvai en face d’unmoujik qui ne me cria rien du tout, mais qui, ramassant une poignéede neige, se jeta sur moi et, avant que j’eusse pu me débarrasserde tout mon attirail, se mit à me débarbouiller la figure et à mefrotter tout particulièrement le nez de toute sa force. Je trouvaila plaisanterie assez médiocre, surtout par le temps qu’il faisaitet, tirant un de mes bras d’une de mes poches, je lui allongeai uncoup de poing qui l’envoya rouler à dix pas. Malheureusement ouheureusement pour moi, deux paysans passaient en ce moment qui,après m’avoir regardé un instant, se jetèrent sur moi et, malgré madéfense, me maintinrent les bras, tandis que mon enragé moujikramassait une autre poignée de neige et, comme s’il ne voulait pasen avoir le démenti, se précipitait de nouveau sur moi. Cette fois,profitant de l’impossibilité où j’étais de me défendre, il se mit àrecommencer ses frictions. Mais, si j’avais les bras pris, j’avaisla langue libre ; croyant que j’étais la victime de quelqueméprise ou de quelque guet-apens, j’appelai de toute ma force ausecours. Un officier accourut et me demanda en français à qui j’enavais.

– Comment ! Monsieur, m’écriai-je enfaisant un dernier effort et en me débarrassant de mes trois hommesqui, de l’air le plus tranquille du monde, se remirent à continuerleur chemin, l’un vers la Perspective, et les deux autres du côtédu quai Anglais ; vous ne voyez donc pas ce que ces drôles mefaisaient ?

– Que vous faisaient-ils donc ?

– Mais ils me frottaient la figure avec de laneige. Est-ce que vous trouveriez cela une plaisanterie de bongoût, par hasard, avec le temps qu’il fait ?

– Mais, Monsieur, ils vous rendaient un énormeservice, me répondit mon interlocuteur en me regardant, comme nousdisons, nous autres Français, dans le blanc des yeux.

– Comment cela ?

– Sans doute, vous aviez le nez gelé.

– Miséricorde ! m’écriai-je en portant lamain à la partie menacée.

– Monsieur, dit un passant en s’adressant àl’interlocuteur, monsieur l’officier, je vous préviens que votrenez gèle.

– Merci, Monsieur, dit l’officier comme si onl’eût prévenu de la chose la plus naturelle du monde ; et, sebaissant il ramassa une poignée de neige, et se rendit à lui-mêmele service que m’avait rendu le pauvre moujik, que j’avais sibrutalement récompensé de son obligeance.

– C’est-à-dire alors, Monsieur, que sans cethomme…

– Vous n’auriez plus de nez, continual’officier en se frottant le sien.

– Alors, Monsieur, permettez !… Et je memis à courir après mon moujik qui, croyant que je voulais acheverde l’assommer, se mit à courir de son côté ; de sorte que,comme la crainte est naturellement plus agile que lareconnaissance, je ne l’eusse probablement jamais rattrapé, siquelques personnes, en le voyant fuir et en me voyant lepoursuivre, ne l’eussent pris pour un voleur et ne lui eussentbarré le chemin. Lorsque j’arrivai, je le trouvai parlant avec unegrande volubilité, afin de faire comprendre qu’il n’était coupableque de trop de philanthropie ; dix roubles que je lui donnaiexpliquèrent la chose. Le moujik me baisa les mains, et un desassistants qui parlait français m’invita à faire désormais plusd’attention à mon nez. L’invitation était inutile : pendanttout le reste de ma course, je ne le perdis pas de vue. J’allais àla salle d’armes de monsieur Siverbrük, où j’avais rendez-vous avecmonsieur de Gorgoli, qui m’avait écrit de venir l’y trouver. Je luiracontai l’aventure qui venait de m’arriver comme une chose fortextraordinaire ; alors il s’informa si d’autres personnes nem’avaient rien dit avant que le pauvre moujik se dévouât. Je luirépondis que deux passants m’avaient fort regardé et, en mecroisant m’avaient crié : « Noss !Noss ! » Eh bien ! me dit-il, c’est cela, onvous criait de prendre garde à votre nez. C’est la formuleordinaire ; une autre fois tenez-vous donc pour averti. »Monsieur de Gorgoli avait raison, et ce n’est pas précisément pourle nez ou pour les oreilles qu’il y a le plus à craindre àSaint-Pétersbourg, attendu que, si vous ne vous apercevez pas quela gelée les gagne, le premier passant le voit pour vous et vousprévient presque toujours à temps pour porter remède au mal. Mais,lorsque malheureusement le froid s’empare de quelque autre partiedu corps cachée par les vêtements, comme l’avis devient impossible,vous ne vous en apercevez que par l’engourdissement de la partieaffectée, et alors il est souvent trop tard. L’hiver précédent, unFrançais nommé Pierson, commis d’une des premières maisons debanque de Paris, avait été victime d’un accident de ce genre, fautede précaution.

En effet, monsieur Pierson, qui était parti deParis pour accompagner à Saint-Pétersbourg une somme considérablefaisant partie de l’emprunt négocié par le gouvernement russe, etqui était sorti de France par un temps superbe, n’avait pris aucuneprécaution contre le froid. En arrivant à Riga, il avait trouvé letemps encore fort supportable, de sorte qu’il avait continué saroute, jugeant inutile d’acheter ni manteau, ni fourrures, nibottes doublées de laine : en effet, les choses allèrentencore bien en Livonie ; mais trois lieues au-delà de Revel,la neige tomba à flocons si pressés que le postillon perdit sonchemin et versa dans une fondrière. Il fallut aller chercher dusecours, les deux hommes n’étant point assez forts pour relever lavoiture : le postillon détela donc un de ses chevaux et partitrapidement pour la ville la plus prochaine, tandis que monsieurPierson, voyant la nuit s’avancer, ne voulut point, de crainte desvoleurs, quitter un seul instant le trésor qu’il escortait. Maisavec la nuit la neige cessa, et le vent ayant passé au nord, lefroid monta subitement à vingt degrés. Monsieur Pierson, quiconnaissait le danger terrible qu’il courait, se mit aussitôt àmarcher autour de sa voiture, pour le combattre autant qu’il étaiten son pouvoir. Au bout de trois heures d’attente, le postillonrevint avec des hommes et des chevaux, la voiture fut remise surroues et, grâce à son double attelage, monsieur Pierson gagnarapidement la première ville, où il s’arrêta. Le maître de postechez lequel on était venu prendre des chevaux l’attendait avecinquiétude, car il savait dans quelle position il était restépendant tout le temps de l’absence du postillon ; aussi sapremière demande, quand monsieur Pierson descendit de sa voiture,fut pour lui demander s’il n’avait rien de gelé. Le voyageurrépondit qu’il espérait que non, attendu qu’il n’avait cessé demarcher et que, grâce au mouvement, il croyait avoir luttévictorieusement contre le froid. À ces mots, il découvrit sonvisage et montra ses mains ; ils étaient intacts.

Cependant, comme monsieur Pierson éprouvaitune grande lassitude et qu’il craignait, s’il continuait sa routependant la nuit, quelque accident pareil à celui auquel il croyaitavoir échappé, il fit basculer son lit, prit un verre de vin chaudet s’endormit.

Le lendemain, il se réveille et veut se lever,mais il semble cloué dans son lit ; d’un de ses bras qu’illève avec peine, il atteint le cordon de la sonnette et appelle. Onvient ; il dit ce qu’il éprouve : c’est comme uneparalysie générale. On court chez le médecin, il arrive, lève lacouverture et trouve les jambes du malade livides et tachetées denoir : la gangrène commençait à s’y mettre. Le médecin annonceaussitôt au malade que l’amputation est de toute nécessité.

Quelque terrible que fût cette ressource,monsieur Pierson s’y résolut. Le médecin envoie aussitôt chercherles instruments nécessaires, mais, tandis qu’il fait sespréparatifs, le malade se plaint tout à coup que sa vue s’affaiblitet que c’est à peine s’il distingue les objets qui l’entourent. Ledocteur commence alors à craindre que le mal ne soit plus grandencore qu’il ne le supposait, procède à un nouvel examen etreconnaît que les chairs du dos viennent de s’ouvrir. Alors, aulieu d’annoncer à monsieur Pierson la nouvelle et terribledécouverte qu’il vient de faire, il le rassure, lui promet que sonétat est moins alarmant qu’il ne l’avait cru d’abord, et lui dit,comme preuve de ce qu’il avance, qu’il doit éprouver un grandbesoin de sommeil. Le malade répond qu’effectivement, il se sentsingulièrement assoupi. Dix minutes après, il était endormi et, aubout d’un quart d’heure de sommeil, il était mort.

Si on avait aussitôt reconnu sur son corps lesatteintes de la gelée et qu’on l’eût à l’instant même frotté avecde la neige, comme le bon moujik avait fait pour mon nez, monsieurPierson se serait remis en route le lendemain comme si rien n’étaitarrivé.

Ce fut une leçon pour moi ; et craignantde ne pas toujours trouver dans les passants la même obligeanceopportune, je ne sortis plus qu’avec un petit miroir dans ma poche,et de dix minutes en dix minutes, je me regardais le nez.

Au reste, Saint-Pétersbourg avait pris, enmoins de huit jours, sa robe d’hiver : la Neva était gelée eton la traversait en tous sens, soit à pied, soit avec des voitures.Partout des traîneaux : la Perspective était devenue uneespèce de Longchamp, les poêles étaient allumés dans les égliseset, le soir, à la porte des théâtres, de grands feux brûlaient dansdes enceintes bâties à cet effet, couvertes du haut, ouvertes descôtés et garnies de bancs circulaires sur lesquels les domestiquesattendaient leurs maîtres. Quant aux cochers, les seigneurs qui ontquelque pitié les renvoient à l’hôtel en leur indiquant l’heure àlaquelle ils doivent revenir. Les plus malheureux de tous sont lessoldats et les boutchnicks : il n’y a pas de nuit où l’on n’enrelève morts quelques-uns.

Cependant, le froid augmentait toujours, et ilarriva à un tel degré que des troupes de loups furent aperçues dansles environs de Saint-Pétersbourg, et qu’un matin, on trouva un deces animaux qui se promenait comme un chien dans le quartier de laFonderie. La pauvre bête, au reste, n’avait rien de bien menaçantet me faisait bien plutôt l’effet d’être venue pour demanderl’aumône qu’avec l’intention de prendre de force ; onl’assomma à coups de bâton.

Comme je racontais le soir même cette aventuredevant le comte Alexis, il me parla à son tour d’une grande chasseà l’ours qui devait avoir lieu le surlendemain, dans une forêt, àdix ou douze lieues de Moscou. Comme la chasse était dirigée parmonsieur de Nariskin, un de mes élèves, je n’eus pas de peine àobtenir du comte qu’il lui parlât de mon désir d’y assister ;il me le promit et, en effet, le lendemain je reçus une invitationavec un programme, non pas de la fête, mais du costume, un habittout garni de fourrures et dont la fourrure est en dedans, avec uneespèce de casque en cuir qui descend en pèlerine sur lesépaules ; le chasseur a la main droite armée d’un gantelet ettient à cette main un poignard. C’est avec ce poignard qu’ilattaque l’ours dans une lutte corps à corps et que, presquetoujours du premier coup, il le tue.

Les détails de cette chasse, que je m’étaisfait répéter, m’avaient ôté un peu de mon enthousiasme pourelle.

Cependant, comme je m’étais mis en avant, jene voulais pas reculer et je fis tous mes préparatifs, achetanthabit, casque et poignard, afin de les essayer le même soir et den’être pas trop empêtré dans mon attirail.

J’étais resté assez tard chez Louise, de sorteque ce ne fut qu’à minuit passé que je rentrai chez moi. Jecommençai aussitôt ma répétition avec costume ; je dressai montraversin sur une chaise et me précipitai dessus pour le frapperjuste à la place que j’avais marquée et qui devait correspondrepour l’ours à la sixième côte, lorsque je fus tout à coup détournéde l’attention que j’apportais à cet exercice par un bruitépouvantable qui se fit dans ma cheminée. J’y courus aussitôt et,introduisant ma tête entre les portes que j’avais déjà fermées (carà Saint-Pétersbourg les cheminées se ferment la nuit comme despoêles), j’aperçus un objet dont je ne pus distinguer la forme qui,après être descendu presque à la hauteur de ma plaque, remontavivement. Je ne doutai pas un instant que ce ne fût quelque voleurqui avait probablement employé ce moyen pour pénétrer chez moi etqui, s’apercevant que je n’étais point encore couché, se hâtait debattre en retraite. Comme je criai plusieurs fois : « Quiva là ? » et que personne ne me répondit, ce silence nefit que me confirmer dans mon opinion. Il en résulta que je restaiprès d’une demi-heure sur mes gardes ; mais, n’entendant plusaucun bruit, je jugeai que le voleur était parti pour ne plusrevenir et, ayant barricadé avec le plus grand soin la porte de macheminée, je me couchai et m’endormis.

Il y avait un quart d’heure à peine quej’avais la tête sur l’oreiller, lorsque tout au milieu de monsommeil, il me sembla entendre des pas dans le corridor. Toutpréoccupé encore de l’histoire inexplicable de ma cheminée, je meréveille en sursaut et j’écoute. Plus de doute, il y a quelqu’unqui passe et repasse devant la porte de ma chambre, et qui faitcrier le parquet malgré l’intention qu’il semble mettre à ne pasproduire le moindre bruit. Bientôt ces pas s’arrêtent devant maporte avec hésitation ; il est probable qu’on s’assure si jedors. J’allonge la main vers la chaise où j’avais jeté toute madéfroque, j’attrape mon casque et mon poignard, je me coiffe del’un, je m’arme de l’autre, et j’attends.

Au bout d’un instant d’hésitation, j’entendsqu’on met la main sur ma clef, ma serrure grince, ma porte s’ouvre,et je vois s’avancer vers moi, éclairé par la lumière d’unelanterne qu’il a laissée dans le corridor, un être fantastique dontla figure, autant que j’en puis juger dans l’obscurité, me semblecouverte d’un masque. Aussitôt je pense qu’il vaut mieux leprévenir que de l’attendre ; en conséquence, comme il s’avancevers la cheminée avec une hardiesse qui prouve sa connaissance deslieux, je saute à bas de mon lit, je le saisis à la gorge, je leterrasse et, lui mettant le poignard sur la poitrine, je luidemande à qui il en a et ce qu’il veut ; mais alors, à mongrand étonnement, c’est mon adversaire qui pousse des cris affreuxet semble appeler au secours. Alors, voulant voir décidément à quij’ai affaire, je me précipite dans le corridor, je saisis lalanterne et je reviens ; mais, si courte qu’ait été monabsence, le voleur a disparu comme par enchantement. Seulement,j’entends dans la cheminée comme un léger froissement ; j’ycours, je regarde et j’aperçois dans le lointain la semelle dessouliers et le fond de la culotte de mon homme, s’éloignant avecune rapidité qui dénote dans leur propriétaire l’habitude de cessortes de chemins ; je reste stupéfait.

En ce moment un voisin, qui a entendu lesabbat infernal que je fais depuis dix minutes, entre chez moi,croyant que l’on m’assassine, et me trouve debout, en chemise, unelanterne d’une main, un poignard de l’autre et mon casque sur latête. Sa première question est de me demander si je suis devenufou.

Alors pour lui prouver que je suis dans toutmon bon sens et même pour lui donner quelque idée de mon courage,je lui raconte ce qui s’est passé. Mon voisin éclate de rire ;j’ai vaincu un ramoneur. Je veux douter encore, mais mes mains, machemise et mon visage même, pleins de suie, attestent la vérité deses paroles. Mon voisin me donne alors quelques explications, et jen’ai plus de doute.

En effet, le ramoneur est à Saint-Pétersbourgun être de première nécessité ; aussi, tous les quinze joursau moins fait-il sa tournée dans chaque maison. Seulement, sestravaux sont nocturnes car, si dans la journée on ouvrait lesconduits des poêles ou si on éteignait le feu des cheminées, lefroid pénétrerait dans les appartements. Les poêles se ferment doncdès le matin, aussitôt qu’on y a allumé le feu, et les cheminéestous les soirs dès qu’on l’y a éteint. Il en résulte que lesramoneurs, qui sont abonnés avec les propriétaires des maisons,grimpent sur les toits et, sans même prévenir les locataires, fontdescendre dans la cheminée un fagot d’épines, dont une grossepierre est le centre, et raclent avec cette espèce de balai lacheminée dans les deux tiers de sa longueur ; puis, quand labesogne supérieure est terminée, ils entrent dans la maison,pénètrent dans les appartements des locataires et nettoient à leurtour la partie basse des conduits. Ceux qui sont habitués ouprévenus savent ce dont il s’agit et ne s’en préoccupentaucunement. Malheureusement, on avait oublié de me mettre au faitet, comme c’était la première fois que le pauvre diable de ramoneurentrait chez moi pour y exercer son industrie, il avait failli enêtre victime.

Le lendemain, j’eus la preuve que le voisin nem’avait dit que la vérité. Mon hôtesse entra chez moi dès le matin,et me dit qu’il y avait en bas un ramoneur qui réclamait salanterne.

À trois heures de l’après-midi, le comteAlexis vint me prendre dans son traîneau, qui était tout bonnementune excellente caisse de coupé montée sur patins, et nous nousacheminâmes avec une merveilleuse rapidité vers le rendez-vous dechasse, qui était une maison de campagne de monsieur de Nariskine,distante de dix ou douze lieues de Saint-Pétersbourg et située aumilieu de bois très épais ; nous y arrivâmes à cinq heures, etnous trouvâmes presque tous les chasseurs arrivés. Au bout dequelques instants, la réunion se compléta, et l’on annonça que ledîner était servi. Il faut avoir vu un grand dîner chez un grandseigneur russe pour se faire une idée du point où peut être portéle luxe de la table. Nous étions à la moitié de décembre, et lapremière chose qui me frappa fut, au milieu du surtout qui couvraitla table, un magnifique cerisier tout chargé de cerises, comme enFrance à la fin de mai. Autour de l’arbre, des oranges, des ananas,des figues et des raisins s’élevaient en pyramides et complétaientun dessert qu’il eût été difficile de se procurer à Paris au moisde septembre. Je suis sûr que le dessert seul coûtait plus de troismille roubles.

Nous nous mîmes à table ; dès cetteépoque, on avait adopté à Saint-Pétersbourg cette excellentecoutume de faire découper par des maîtres d’hôtel et de laisser lesconvives se servir à boire eux-mêmes : il en résulte que,comme les Russes sont les premiers buveurs du monde, il y avaitentre chacun des convives, au reste confortablement espacés, cinqbouteilles de vins différents, des meilleurs crus, de Bordeaux,d’Épernay, de Madère, de Constance et de Tokay ; quant auxviandes, elles venaient, le veau d’Archangel, le bœuf d’Ukraine, etle gibier de partout.

Après le premier service, le maître d’hôtelentra, tenant sur un plat d’argent deux poissons vivants et quim’étaient inconnus. Aussitôt, tous les convives poussèrent un crid’admiration, c’étaient deux sterlets. Or, comme les sterlets ne sepêchent que dans la Volga, et que la partie la plus rapprochée dela Volga coule à plus de trois cent cinquante lieues deSaint-Pétersbourg, il avait fallu, attendu que ce poisson ne peutvivre que dans l’eau maternelle, il avait fallu percer la glace dufleuve, pêcher dans ses profondeurs deux de ses habitants et,pendant cinq jours et cinq nuits de voyage, les maintenir dans unevoiture fermée et chauffée à une température qui ne permît pas àl’eau du fleuve de se geler.

Aussi avaient-ils coûté chacun huit centsroubles, plus de seize cents francs les deux. Potemkine, defabuleuse mémoire, n’aurait pas fait mieux !

Dix minutes après, ils reparurent sur latable, mais cette fois si bien cuits à point que les éloges separtagèrent entre l’amphitryon qui les avait fait pécher et lemaître d’hôtel qui les avait fait cuire ; puis vinrent lesprimeurs, petits pois, asperges, haricots verts, toutes chosesayant véritablement la forme de l’objet qu’elles avaient laprétention de représenter, mais dont le goût uniforme et aqueuxprotestait contre la forme.

On ne quitta la table que pour passer ausalon, où les tables de jeu étaient dressées ; comme jen’étais ni assez pauvre ni assez riche pour avoir cette passion, jeregardai faire les autres. À minuit, c’est-à-dire à l’heure oùj’allai me coucher, il y avait déjà, de part et d’autre, trois centmille roubles et vingt-cinq mille paysans de perdus.

Le lendemain, au point du jour, on vint meréveiller. Les piqueurs avaient connaissance de cinq ours détournésdans un bois qui pouvait avoir une lieue de tour. J’appris cettenouvelle, tout agréable qu’on me la croyait être, avec un légerfrissonnement. Si brave que l’on soit, on éprouve toujours quelqueinquiétude à aborder un ennemi inconnu et avec lequel on doit serencontrer pour la première fois.

Je n’en revêtis pas moins gaillardement moncostume. D’ailleurs, comme pour prendre part à la fête, le soleilétait magnifique, et la température, qui s’adoucissait à sesrayons, ne marquait pas à cette heure matinale plus de quinzedegrés, ce qui, vers midi, en promettait sept ou huitseulement.

Je descendis et trouvai tous nos chasseursprêts et dans un costume uniforme, sous lequel nous avionsgrand-peine à nous reconnaître nous-mêmes. Des traîneaux toutattelés nous attendaient, nous y montâmes ; dix minutes après,nous étions au rendez-vous.

C’était une charmante maison de paysan russe,toute en bois et faite à la hache, avec son grand poêle et sonsaint patron, que chacun de nous salua dévotement selon la coutume,en passant le seuil de la porte. Un déjeuner substantiel nousattendait. Chacun y fit honneur ; mais je remarquai que,contrairement à leurs habitudes, aucun de nos chasseurs ne buvait.C’est qu’on ne se grise pas avant un duel, et que la chasse quenous allions entreprendre était un véritable duel. Vers la fin dudéjeuner, le piqueur parut à la porte, ce qui voulait dire qu’ilétait temps de se mettre en route. À la porte, on nous remit àchacun une carabine toute chargée, que nous devions porter enbandoulière, mais dont nous ne devions faire usage qu’en cas dedanger. Outre cette carabine, chacun de nous reçut encore cinq ousix plaques de fer-blanc que l’on jette à l’ours, et dont le son etl’éclat ont pour but de l’irriter.

Au bout de cent pas, nous trouvâmesl’enceinte ; elle était entourée par la musique deM. de Nariskine, la même que j’avais entendue sur la Nevapendant les belles nuits d’été. Chaque homme tenait à la main soncor, prêt à pousser sa note. L’enceinte tout entière était entouréeainsi, de manière à ce que les ours, de quelque côté qu’ils seprésentassent, fussent repoussés par le bruit. Entre chaquemusicien, il y avait un piqueur, un valet ou un paysan avec unfusil chargé à poudre seulement, de peur qu’une des balles ne vintnous atteindre, le bruit des coups de feu devant se joindre à celuides instruments si les ours tentaient de forcer. Nous franchîmescette ligne et nous entrâmes dans l’enceinte.

À l’instant même, le bois fut enveloppé d’uncercle d’harmonie qui fit sur nous le même effet que la musiquemilitaire doit faire sur les soldats au moment de labataille ; si bien que moi-même je me sentis tout transportéd’une ardeur belliqueuse dont, cinq minutes auparavant, je ne meserais pas cru capable.

J’étais placé entre le piqueur deM. de Nariskine, qui devait à mon inexpérience l’honneurde prendre part à la chasse, et le comte Alexis, sur lequel j’avaispromis à Louise de veiller et qui, au contraire, veillait sur moi.Il avait à sa gauche le prince Nikita Mouravieff, avec lequel ilétait extrêmement lié, et au-delà du prince Nikita Mouravieff, jepouvais encore apercevoir, à travers les arbres,M. de Nariskine. Au-delà, je ne voyais rien.

Nous marchions ainsi depuis dix minutes à peuprès, lorsque les cris « medvede, medvede[4] » retentirent, accompagnés dequelques coups de feu. Un ours qui s’était levé au bruit des corsavait probablement apparu sur la lisière et était repoussé à lafois par les piqueurs et les musiciens. Mes deux voisins me firentde la main signe d’arrêter, et chacun de nous se tint sur sesgardes. Au bout d’un instant, nous entendîmes devant nous lefroissement des broussailles accompagné d’un grognement sourd.J’avoue qu’à ce bruit, qui paraissait s’approcher de mon côté, jesentis, malgré le froid qu’il faisait, la sueur me monter au front.Mais je regardai autour de moi ; mes deux voisins faisaientbonne contenance ; je fis comme eux. En ce moment, l’oursparut, sortant la tête et la moitié du corps d’un buisson d’épinessitué entre moi et le comte Alexis.

Mon premier mouvement fut de lâcher monpoignard et de prendre mon fusil, car l’ours, étonné, nousregardait tour à tour et paraissait encore indécis vers lequel denous deux il s’avancerait ; mais le comte ne lui donna pas letemps de choisir. Jugeant que je ferais quelque maladresse, ilvoulut attirer à lui l’ennemi et, s’approchant de quelques pas,afin de gagner une espèce de clairière où il serait plus libre deses mouvements, il lui jeta au nez une des plaques de fer-blancqu’il tenait à la main. L’ours aussitôt se jeta dessus d’un seulbond et, avec une légèreté incroyable, prit la plaque entre sesgriffes, puis la tordit en grognant. Le comte alors fit encore unpas vers lui et lui en jeta une seconde ; l’ours la saisitcomme fait un chien de la pierre qu’on lui lance, et la broya entreses dents. Le comte, pour augmenter sa colère, lui en jeta unetroisième ; mais cette fois, comme s’il eût compris quec’était une folie à lui de s’acharner sur un objet inanimé, illaissa dédaigneusement la plaque tomber à côté de lui, tourna satête vers le comte, poussa un rugissement terrible, fit vers luiquelques pas au trot, de manière qu’ils ne se trouvèrent plus qu’àune dizaine de pieds l’un de l’autre. En ce moment, le comte fitentendre un coup de sifflet aigu. À ce bruit, l’ours se dressaaussitôt sur ses pattes de derrière : c’était ce qu’attendaitle comte. Il se jeta sur l’animal, qui étendit ses deux bras pourl’étouffer ; mais avant même qu’il ait eu le temps de lesrapprocher, l’ours jeta un cri de douleur et, faisant trois pas enarrière, en chancelant comme un homme ivre, il tomba mort. Lepoignard lui avait traversé le cœur.

Je courus au comte pour lui demander s’iln’était point blessé, et je le trouvai calme et froid, comme s’ilvenait de couper le jarret à un chevreuil. Je ne comprenais rien àun pareil courage ; j’étais tout tremblant, moi, pour avoirassisté seulement à ce combat.

– Vous voyez comme il faut faire, me dit lecomte, ce n’est pas plus difficile que cela. Aidez-moi à leretourner ; je lui ai laissé le poignard dans la blessure,afin de vous donner la leçon entière.

L’animal était tout à fait mort. Nous leretournâmes avec peine, car il devait bien peser quatre cents,étant un ours noir de la grande espèce. Il avait effectivement lepoignard enfoncé jusqu’au manche dans la poitrine. Le comte leretira et plongea la lame deux ou trois fois dans la neige pour lanettoyer. En ce moment, nous entendîmes de nouveaux cris, et nousvîmes, à travers les branches, le chasseur qui était à la gauche deM. de Nariskine aux prises à son tour avec un ours. Lalutte fut un peu plus longue ; mais enfin l’ours tomba commele premier.

Cette double victoire, que je venais de voirremporter sous mes yeux, m’avait exalté ; la fièvre qui mebrûlait le sang avait écarté toute crainte. Je me sentais la forced’Hercule Néméen et je demandai à mon tour à faire mes preuves.

L’occasion ne se fit pas attendre. À peineavions-nous fait deux cents pas depuis l’endroit où nous avionslaissé les deux cadavres, que je crus apercevoir le haut du corpsd’un ours, à moitié sorti de sa tanière, placée entre deux rochers.Un instant je fus incertain et, pour me tirer d’incertitude, jejetai bravement vers l’objet, quel qu’il fût, une de mes plaquesd’étain. La preuve fut décisive : l’ours releva ses lèvres, memontra deux rangées de dents blanches comme la neige, et fitentendre un grognement. À ce grognement, mes voisins de droite etde gauche s’arrêtèrent, apprêtant leur carabine, afin de me prêtersecours si besoin était, car ils virent bien que celui-là étaitpour moi.

Le mouvement que je leur vis faire de mettrela main à leur fusil me fit penser que j’étais autorisé à me servirdu mien ; d’ailleurs, j’avoue que j’avais plus de confiancedans cette arme que dans mon poignard. Je le passai donc à maceinture et, prenant à mon tour ma carabine, j’ajustai l’animalavec tout le sang-froid que je pus appeler à mon aide ; lui,de son côté, me fit beau jeu en ne bougeant pas ; enfin, quandje le vis bien au bout de mon canon, j’appuyai le doigt sur lagâchette, et le coup partit.

Au même instant, un rugissement terrible sefit entendre. L’ours se dressa, battant l’air d’une de ses pattes,tandis que l’autre, brisée à l’épaule, pendait le long de soncorps. J’entendis en même temps mes deux voisins me crier :« Garde à vous ! » En effet, l’ours, comme s’il fûtrevenu d’un premier mouvement de stupéfaction, vint droit à moiavec une telle rapidité, malgré son épaule cassée, que j’eus àpeine le temps de tirer mon poignard. Je raconterais mal ce qui sepassa alors, car tout fut rapide comme la pensée. Je vis l’animalfurieux se dresser devant moi, la gueule tout ensanglantée. De moncôté, je lui portai de toute ma force un coup terrible mais jerencontrai une côte, et le poignard dévia ; je sentis alorspeser comme une montagne sa patte sur mon épaule ; je pliailes jarrets et tombai à la renverse sous mon adversaire, lesaisissant instinctivement au cou de mes deux mains et réunissanttoutes mes forces pour éloigner sa gueule de mon visage. Au mêmeinstant, deux coups de feu partirent ; j’entendis lesifflement des balles, puis un bruit mat. L’ours poussa un cri dedouleur et s’affaissa de tout son poids sur moi, Je réunis toutesmes forces et, me jetant de côté, je me trouvai dégagé. Je merelevai aussitôt pour me mettre en défense, mais c’était inutile,l’ours était mort ; il avait reçu à la fois la balle du comteAlexis derrière l’oreille et celle du piqueur au défaut del’épaule. Quant à moi, j’étais couvert de sang, mais je n’avais pasla moindre blessure.

Tout le monde accourut ; car du moment oùl’on avait su que j’étais aux prises avec un ours, chacun avaitcraint que la chose ne tournât mal pour moi. Ce fut donc avec unegrande joie que l’on me vit sur mes pieds près de mon ennemimort.

Ma victoire, toute partagée qu’elle était, nem’en fit pas moins grand honneur, car je ne m’en étais pas encoretiré trop mal pour un débutant. L’ours, comme je l’ai dit, avaitl’épaule cassée par ma balle, et mon poignard, tout en glissant surune côte, lui avait remonté jusque dans la gorge : la main nem’avait donc pas tremblé ni de loin ni de près.

Les deux autres ours qui avaient été reconnusdans l’enceinte ayant forcé nos musiciens et nos piqueurs, lachasse se trouva terminée ; on traîna les cadavres jusque dansle chemin, et on procéda au dépouillement des morts ; puis onleur coupa les quatre pattes qui, considérées comme la partie laplus friande, devaient nous être servies à dîner.

Nous revînmes au château avec nos trophées. Unbain parfumé attendait chacun de nous dans sa chambre, et cen’était pas chose inutile après être resté, comme nous l’avionsfait, toute une demi-journée enveloppés dans nos fourrures. Au boutd’une demi-heure, la cloche nous avertit qu’il était temps dedescendre à la salle à manger.

Le dîner n’était pas moins somptueux que laveille, à part les sterlets qui étaient remplacés par les pattesd’ours. C’étaient nos piqueurs qui, réclamant leurs droits, lesavaient fait cuire, au détriment du maître d’hôtel, et cela toutbonnement dans un four creusé en terre, au milieu des braisesardentes et sans préparation aucune. Aussi, quand je vis paraîtreces espèces de charbons informes et noircis, je me sentis peu degoût pour ce singulier mets ; on ne m’en passa pas moins mapatte comme aux autres et, résolu de suivre l’exemple jusqu’aubout, j’enlevai avec la pointe de mon couteau la croûte brûlée quila couvrait, et j’arrivai à une chair parfaitement cuite dans sonjus et sur le compte de laquelle je revins dès la première bouchée.C’était une des plus savoureuses choses que l’on pût manger.

En remontant dans mon traîneau, j’y trouvai lapeau de mon ours qu’y avait courtoisement fait porterM. de Nariskine.

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