Le Mort Vivant

Chapitre 12OÙ LE GRAND ÉRARD APPARAÎT (IRRÉVOCABLEMENT) POUR LA DERNIÈREFOIS

On dit volontiers que les Anglais sont unpeuple sans musique : mais, pour ne point parler de la faveurexceptionnelle accordée par ce peuple aux virtuoses de l’orgue deBarbarie, il y a tout au moins un instrument que nous pouvonsconsidérer comme national dans toute l’acception de ce mot :c’est, à savoir, le flageolet, communément appelé le siffletd’un sou. Le jeune pâtre des bruyères, – déjà musical au tempsde nos plus anciens poètes, – réveille (et peut-être désole)l’alouette avec son flageolet ; et je voudrais qu’on me citâtun seul briquetier ne sachant pas exécuter, sur le sifflet d’unsou, les Grenadiers anglais ou Cerise mûre. Cedernier air est, en vérité le morceau classique du joueur deflageolet, de telle sorte que je me suis souvent demandé s’iln’avait pas été, à l’origine, composé pour cet instrument.L’Angleterre est en tout cas le seul pays du monde où un très grandnombre d’hommes trouvent à gagner leur vie simplement par leurtalent à jouer du flageolet, et encore à n’y jouer, qu’un seul air,l’inévitable Cerise mûre.

Mais, d’autre part, on doit reconnaître que leflageolet est un instrument sinon mystérieux, du moins entouréd’une épaisse couche de mystère. Pourquoi, par exemple,l’appelle-t-on le « sifflet d’un sou », tandis que je nevois pas que quelqu’un ait eu jamais un de ces instruments pour unsou ? On l’appelle aussi parfois le « siffletd’étain » : et cependant, ou bien je me trompe fort, oul’étain n’a point de place dans sa composition. Et enfin, jevoudrais bien savoir dans quelle sourde catacombe, dans quel déserthors de portée de l’oreille humaine s’accomplit l’apprentissage dujoueur de flageolet ? Chacun de nous a entendu des personnesapprenant le piano, le violon, ou le cor de chasse : mais lepetit du joueur de flageolet (comme celui du saumon) se dérobe ànotre observation. Jamais nous ne l’entendons avant qu’il soitparvenu à la pleine maîtrise.

D’autant plus remarquable était le phénomènequi se produisait, certain soir d’octobre, sur une route traversantune verte prairie, non loin de Padwick. Sur le siège d’une grandecarriole couverte, un jeune homme d’apparence modeste (et quelquepeu stupide, disons le mot !) se tenait assis ; les rênesreposaient mollement sur ses genoux ; le fouet gisait derrièrelui, à l’intérieur de la carriole ; le cheval s’avançait sansavoir besoin de direction ni d’encouragement ; et le jeunecocher, transporté dans une sphère supérieure à celle de sesoccupations journalières, les yeux levés au ciel, se consacraitentièrement à un flageolet en ré, tout battant neuf, dontil s’efforçait péniblement d’extraire l’aimable mélodie duGarçon de charrue. Et vraiment, pour un observateur que lehasard aurait amené sur cette prairie, cet instant aurait été d’unintérêt inoubliable. « Enfin, aurait-il pu se dire, enfinvoici le débutant du flageolet ! »

Le bon et stupide jeune homme (qui s’appelaitHarker, et était employé chez un loueur de voitures de Padwick)venait de se bisser lui-même pour la dix-neuvième fois, lorsqu’ilfut plongé dans un grand état de confusion en s’apercevant qu’iln’était pas seul.

– Bravo ! s’écria une voix virile,du rebord de la route. Voilà qui fait du bien à entendre !Peut-être seulement encore un peu de rudesse, au refrain ! –suggéra la voix, sur un ton connaisseur. – Allons, encore unefois !

Du fond de son humiliation, Harker considéral’homme qui venait de parler. Il vit un solide gaillard d’unequarantaine d’années, hâlé de soleil, rasé, et qui escortait lacarriole avec une démarche toute militaire, en faisant tourner ungourdin dans sa main. Ses vêtements étaient en très mauvaisétat : mais il paraissait propre et plein de dignité.

– Je ne suis qu’un pauvre commençant,murmura le pauvre Harker, je ne croyais pas que quelqu’unm’entendît !

– Eh bien ! vous me plaisezainsi ! dit l’homme. Vous commencez peut-être un peu tard,mais ce n’est pas un mal. Allons, je vais moi-même vous aider unpeu ! faites-moi une place à côté de vous !

Dès l’instant suivant, l’homme à l’alluremilitaire était assis sur le siège, et tenait en main le flageolet.Il secoua d’abord l’instrument, en mouilla l’embouchure, à lamanière des artistes éprouvés, parut attendre l’inspiration d’enhaut, et se lança enfin dans la Fille que j’ai laissée derrièremoi. Son exécution manquait peut-être un peu de finesse :il ne savait pas donner au flageolet cette aérienne douceur qui,entre certaines mains, fait de lui le digne équivalent des oiseauxdes bois. Mais pour le feu, la vitesse, et l’aisance coulante dujeu, il était sans rival. Et Harker l’écoutait de toutes sesoreilles. La Fille que j’ai laissée derrière moi, d’abord,le pénétra de désespoir, en lui donnant conscience de sa propreinfériorité. Mais le Plaisir du soldat, ensuite, lesouleva, par-dessus la jalousie, jusqu’à l’enthousiasme le plusgénéreux.

– À votre tour ! lui dit l’homme àl’allure militaire, en lui offrant le flageolet.

– Oh ! non, pas après vous !s’écria Harker. Vous êtes un artiste !

– Pas du tout ! répondit modestementl’inconnu : un simple amateur, tout comme vous. Et je vaisvous dire mieux que cela ! J’ai une manière à moi de jouer duflageolet : vous, vous en avez une autre, et je préfère lavôtre à la mienne. Mais, voyez-vous, j’ai commencé quand je n’étaisencore qu’un gamin, avant de me former le goût ! Allons,jouez-nous encore cet air ! Comment donc celaest-il ?…

Et il affecta de faire un grand effort pour serappeler le Garçon de charrue.

Un timide espoir (et d’ailleurs insensé)jaillit dans la poitrine de Harker. Était-ce possible ? Yavait-il vraiment « quelque chose » dans son jeu ?Le fait est que lui-même, parfois, avait eu l’impression d’unecertaine richesse poétique, dans les sons qu’il émettait.Serait-il, par hasard, un génie ? Et, pendant qu’il se posaitcette question, l’inconnu continuait vainement à tâtonner, sanspouvoir retrouver l’air du Garçon de charrue.

– Non ! dit enfin le pauvreHarker. Ce n’est pas tout à fait ça ! Tenez, voici comment çacommence !… Oh ! rien que pour vous montrer !

Et il prit le flageolet entre ses lèvres. Iljoua l’air tout entier, puis une seconde fois, puis unetroisième ; son compagnon essaya de nouveau de le jouer, etéchoua de nouveau. Et quand Harker comprit que lui, le timidedébutant, était en train de donner une véritable leçon à ceflûtiste expérimenté, et que ce flûtiste, son élève, ne parvenaittoujours pas à l’égaler, comment vous dirai-je de quels rayonsglorieux s’illumina pour lui la campagne qui l’entourait ?comment, – à moins que le lecteur ne soit lui-même un flûtisteamateur, – comment pourrai-je lui faire entendre le degré d’idiotevanité où atteignit le malheureux garçon ? Mais, au reste, unseul fait suffira à dépeindre la situation : désormais, ce futHarker qui joua, et son compagnon se borna à écouter, et àapprouver.

Tout en écoutant, cependant, il n’oubliait pascette habitude de prudence militaire qui consiste à regardertoujours devant et derrière soi. Il regardait, derrière lui, etcomptait la valeur des colis divers que contenait la carriole,s’efforçant de deviner le contenu des nombreux paquets entourés depapier gris, de l’importante corbeille, de la caisse de boisblanc ; et se disant que le grand piano, soigneusement emballédans sa caisse toute neuve, pourrait être en somme une assez bonneaffaire, s’il n’y avait pas, du fait de ses dimensions, unedifficulté considérable à l’utiliser. Et l’inconnu regardait devantlui, et il apercevait, dans un coin de la prairie, un petit cabaretrustique tout entouré de roses. « Ma foi, je vais toujoursessayer le coup ! » conclut-il. Et, aussitôt, il proposaun verre d’eau-de-vie.

– C’est que… je ne suis pas buveur !dit Harker.

– Écoutez-moi ! interrompit soncompagnon. Je vais vous dire qui je suis ! Je suis le sergentBrand, de l’armée coloniale. Cela vous suffira pour savoir si jesuis ou non un buveur !

Peut-être la révélation du sergent Brandn’était-elle pas aussi significative qu’il le supposait. Et c’estdans une circonstance comme celle-là que le chœur des tragédiesgrecques aurait pu intervenir avec avantage, pour nous faireremarquer que le discours de l’inconnu ne nous expliquait que trèsinsuffisamment ce qu’un sergent de l’armée coloniale avait à faire,le soir, vêtu de haillons, sur une route de village. Personne mieuxque ce chœur ne nous aurait donné à entendre que, suivant toutevraisemblance, le sergent Brand devait avoir renoncé depuis quelquetemps déjà à la grande œuvre de la défense nationale, et, suivanttoute vraisemblance, devait, à présent, se livrer à l’industrietoute personnelle de la maraude et du cambriolage. Mais il n’yavait point de chœur grec présent en ce lieu ; et le guerrier,sans autres explications autobiographiques, se contenta d’établirque c’étaient deux choses très différentes, de s’enivrerrégulièrement et de trinquer avec un ami.

Au cabaret du Lion Bleu, le sergent Brandprésenta à son nouvel ami, M. Harker, un grand nombred’ingénieux mélanges destinés à empêcher l’approche del’intoxication. Il lui expliqua que l’emploi de ces mélanges étaitindispensable, au régiment, car, sans eux, pas un seul officier neserait dans un état de sobriété suffisante pour assister, parexemple, aux revues hebdomadaires. Et le plus efficace de cesmélanges se trouvait être de combiner une pinte d’ale doux avecquatre sous de gin authentique. J’espère que, même dans le civil,mon lecteur saura tirer profit de cette recette, pour lui-même, oupour un ami : car l’effet qu’elle produisit sur M. Harkerfut vraiment celui d’une révolution. Le brave garçon eut à êtrehissé sur son siège, où il déploya dès lors une dispositiond’esprit entièrement partagée entre le rire et la musique. Aussi lesergent se trouva-t-il tout naturellement amené à prendre les rênesde la voiture. Et, sans doute, avec l’humeur poétique de tous lesartistes, avait-il un penchant tout particulier pour les beautésles plus solitaires du paysage anglais : car, après que lacarriole eût voyagé pendant quelque temps sous sa direction, sanscesse les chemins qu’elle suivait étaient plus déserts, plusombreux, plus éloignés des routes passantes.

Au reste, pour vous donner une idée desméandres que suivit la carriole, sous la conduite du sergent, jedevrais publier ici un plan topographique du comté de Middlesex, etce genre de plan est malheureusement bien coûteux à reproduire.Qu’il vous suffise donc d’apprendre que, peu de temps après latombée de la nuit, la carriole s’arrêta au milieu d’un bois, etque, là, avec une tendre sollicitude, le sergent souleva d’entreles paquets, et déposa sur un tas de feuilles sèches, la formeinanimée du jeune Harker.

« Et si tu te réveilles avant demainmatin, mon petit, songea le sergent, il y aura quelqu’un qui ensera bien surpris ! »

De toutes les poches du camionneur endormi, ilretira doucement ce qu’elles contenaient, c’est-à-dire, surtout,une somme de dix-sept shillings et huit pence. Après quoi,remontant sur le siège, il remit le cheval en marche. « Siseulement je savais un peu où je suis, ce serait une bien bonnefarce ! se dit-il. D’ailleurs, voici untournant ! »

Il le tourna, et se trouva sur la berge de laTamise. À cent pas de lui, les lumières d’un yacht brillaientgaiement ; et tout près de lui, si près qu’il ne pouvaitsonger à n’en être pas vu, trois personnes, une dame et deuxmessieurs, allaient délibérément à sa rencontre. Le sergent hésitaune seconde : puis, se fiant à l’obscurité, il s’avança. Alorsun des deux hommes, qui était de l’apparence la plus imposante,s’avança au milieu du chemin et leva en l’air une grosse canne parmanière de signal.

– Mon brave homme, cria-t-il,n’auriez-vous pas rencontré la voiture d’un camionneur ?

Le sergent Brand ne laissa pas d’accueillircette question avec un certain embarras.

– La voiture d’un camionneur ?répéta-t-il d’une voix incertaine. Ma foi, non, monsieur !

– Ah ! fit l’imposant gentleman, ens’écartant pour laisser passer le sergent. La dame et le second desdeux hommes se penchèrent en avant, et parurent examiner lacarriole avec la plus vive curiosité.

« Je me demande ce que diable ils peuventavoir ? » songea le sergent Brand. Il pressa son cheval,mais non sans se retourner discrètement une fois encore, ce qui luipermit de voir le trio debout au milieu de la route, avec toutl’air d’une active délibération. Aussi ne s’étonnera-t-on pas que,parmi les grognements articulés qui sortirent alors de la bouche ducamionneur improvisé, le mot « police » ait figuré aupremier plan. Et Brand fouettait sa bête, et celle-ci, galopant deson mieux (ce qui n’était encore qu’un galop très relatif), couraitdans la direction de Great Hamerham. Peu à peu, le bruit des sabotset le grincement des roues s’affaiblirent ; et le silenceentoura le trio debout sur la berge.

– C’est la chose la plus extraordinairedu monde ! s’écriait le plus mince des deux hommes. J’aiparfaitement reconnu la voiture !

– Et moi, j’ai vu un piano ! disaitla jeune fille.

– C’est certainement la mêmevoiture ! reprenait le jeune homme. Et ce qu’il y a de plusextraordinaire, c’est que ce n’est pas le même cocher !

– Ce doit être le même cocher, Gid !déclarait l’autre homme.

– Mais alors, demandait Gédéon, pourquois’est-il sauvé ?

– Je suppose que son cheval sera partitout seul ! suggérait le vieux radical.

– Mais pas du tout ! j’ai entendu lefouet vibrer comme un fléau ! disait Gédéon. En vérité, cecidépasse la raison humaine !

– Je vais vous dire quoi ! s’écriaenfin la jeune fille. Nous allons courir et – comment appelle-t-onça dans les romans ? – suivre sa piste ! ou plutôt nousallons aller dans le sens d’où il est venu ! Il doit y avoirlà quelqu’un qui l’aura vu et qui pourra nous renseigner !

– Oui, très bien, faisons cela, neserait-ce que pour la drôlerie de la chose ! dit Gédéon.

La « drôlerie de la chose »consistait sans doute, pour lui, en ce que cette course luipermettait de se sentir tout proche de miss Hazeltine. Quant àl’oncle Édouard, ce projet d’excursion lui souriait infinimentmoins. Et quand ils eurent fait une centaine de pas, dans lesténèbres, sur une route déserte, entre un mur, d’un côté, et unfossé, de l’autre, le président du Radical Club donna le signal durepos.

– Ce que nous faisons n’a pas le senscommun ! dit-il.

Mais alors, quand eut cessé le bruit de leurspas, un autre bruit parvint à leurs oreilles. Il sortait del’intérieur du bois, mystérieusement.

– Oh ! qu’est-ce que c’est ?s’écria Julia.

– Je n’en ai aucune idée ! ditGédéon, en faisant mine de vouloir entrer dans le bois.

Le radical brandit sa canne, à la façon d’uneépée.

– Gédéon ! commença-t-il, mon cherGédéon…

– Oh ! monsieur Forsyth, par pitié,n’avancez pas ! fit Julia. Vous ne savez pas ce que cela peutêtre ! J’ai si peur pour vous !

– Quand ce serait le diable lui-même,répondit Gédéon en se dégageant, je veux aller voir ce qui enest !

– Pas de précipitation, Gédéon !criait l’oncle.

L’avocat marcha dans la direction du bruit,qui était effectivement d’un caractère monstrueux. On y trouvaitmélangées les voix caractéristiques de la vache, de la sirène debateau, et du moustique, mais tout cela combiné de la façon lamoins naturelle. Une masse noire, non sans quelque ressemblanceavec une forme humaine, gisait parmi les arbres.

– C’est un homme, dit Gédéon ; cen’est qu’un homme ! Il est endormi et ronfle !Holà ! ajouta-t-il un instant après, il ne veut pas seréveiller !

Gédéon frotta une allumette, et, à sa lueur,il reconnut la tête rousse du charretier qui s’était engagé à luiamener le piano.

– Voici mon homme, dit-il, et ivre commeun porc ! Je commence à entrevoir ce qui se serapassé !

Et il exposa à ses deux compagnons, quimaintenant s’étaient enhardis à le rejoindre, son hypothèse sur lafaçon dont le charretier avait été conduit à se séparer de sacarriole.

– L’abominable brute ! dit l’oncleÉdouard. Secouons-le, et administrons-lui la correction qu’ilmérite !

– Gardez-vous-en, pour l’amour duciel ! dit Gédéon. Nous n’avons pas à désirer qu’il nous voieensemble ! Et puis, vraiment, mon oncle, je dois à ce bravehomme la plus vive reconnaissance : car ceci est la chose laplus heureuse de tout ce qui pouvait m’arriver. Il me semble, moncher oncle Édouard, il me semble, en vérité, que me voicidélivré !

– Délivré de quoi ? demanda leradical.

– Mais de toute l’affaire ! s’écriaGédéon. Cet homme a été assez fou pour voler la carriole, avec lepiano et ce qu’il contenait ; ce qu’il espère en faire, je nele sais, ni ne me soucie de le savoir. Mes mains sont libres !Jimson cesse d’exister ; plus de Jimson ! Félicitez-moi,oncle Édouard !… Julia, ma chère Julia, je…

– Gédéon ! Gédéon ! fitl’oncle.

– Oh ! il n’y a pas de mal, mononcle, puisque nous allons nous marier bientôt ! dit Gédéon.Vous savez bien que vous nous l’avez dit vous-même, tout à l’heure,dans le pavillon !

– Moi ? demanda l’oncle, trèssurpris, je suis bien sûr de n’avoir dit rien de pareil !

– Suppliez-le, jurez-lui qu’il l’a dit,faites appel à son cœur ! s’écriait Gédéon en s’adressant àJulia. Il n’a pas son pareil au monde quand il laisse parler soncœur !

– Mon cher monsieur Bloomfield, ditJulia, Gédéon est un si brave garçon, et il m’a promis de tantplaider, et je vois bien qu’il le fera ! Je sais que c’est ungrand malheur que je n’aie pas d’argent ! ajouta-t-elle.

– L’oncle Édouard en a pour deux, machère demoiselle, comme ce jeune coquin vous le disait tout àl’heure ! répondit le radical. Et je ne puis pas oublier quevous avez été honteusement dépossédée de votre fortune ! Donc,pendant que personne ne nous regarde, embrassez votre oncleÉdouard !… Quant à vous, misérable – reprit-il lorsque cettecérémonie eut été dûment accomplie – cette charmante jeune dame està vous, et c’est à coup sûr beaucoup plus que vous neméritez ! Mais maintenant, retournons bien vite au pavillon,puis chauffons le yacht et rentrons à Londres !

– Voilà qui est parfait ! s’écriaGédéon. Et demain il n’y aura plus de Jimson, ni de carriole, ni depiano ! Et quand ce brave homme se réveillera, il pourra sedire que toute l’affaire n’a été qu’un rêve !

– Oui, dit l’oncle Édouard, mais il yaura un autre homme qui aura un réveil bien différent ! Legaillard qui a volé la carriole s’apercevra qu’il a été tropmalin !

– Mon cher oncle, dit Gédéon, je suisheureux comme un roi, mon cœur saute comme une balle, mes talonssont légers comme des plumes ; je suis délivré de tous mesembarras, et je tiens la main de Julia dans la mienne ! Dansces conditions, comment trouverais-je la force d’avoir de mauvaissentiments ? Non il n’y a de place en moi que pour une bontéangélique ! Et quand je pense à ce pauvre malheureux diableavec sa carriole, c’est de tout mon cœur que je m’écrie :« Que Dieu lui vienne en aide ! »

– Amen ! répondit l’oncleÉdouard.

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