Le Sous-marin « JULES-VERNE »

Chapitre 3GIBRALTAR

 

Le massacre des pêcheurs du village de laCavalerie eut dans l’univers entier un retentissement considérable.Les journaux de toutes les opinions furent d’accord pour s’indignercontre le misérable, qui, en pleine civilisation, faisait revivreles plus mauvais jours de la piraterie barbaresque.

En Amérique, le scandale fut immense… Mais,grâce au patriotisme effréné des Yankees, grâce surtout auxmillions de Georgie Fowler, le père de Tony, il se trouva un grandnombre de journaux qui prirent fait et cause pour le pirate.

Tony Fowler avait volé un sous-marin, dont ilferait certainement profiter les États de l’Union. C’était uneexcellente plaisanterie faite aux inventeurs de la vieille Europe,si méticuleuse et si méfiante… Il avait enlevé une jeunefille ?… Cela prouvait la force de son amour, voilà tout.C’était un fait, qui, d’ailleurs, se produisait tous les jours.Pour ce qui était du massacre de l’île Minorque, en dépit desconclusions très nettes de l’enquête ordonnée par le gouvernementespagnol, il était évident que l’équipage du Jules-Verneavait été attaqué, provoqué, et n’avait fait qu’user du strictdroit de légitime défense.

Pourtant, même en Amérique, il ne se trouvaitpersonne pour attaquer Ursen Stroëm et Goël Mordax. Il n’y avaitqu’une voix pour les plaindre. Dans toutes les capitales, aussibien à Vienne et à Paris qu’à Auckland, à Sydney ou à Buenos Aires,ils étaient à la mode. Les gens du monde coupaient leur barbe à la« Ursen Stroëm ». Il y avait des feutres et des cravatesà la « Goël ». Le corset « Edda » et même laredingote « Lepique » trouvèrent de nouveauxadmirateurs.

Devant cette poussée de l’opinion publique,les gouvernements ne pouvaient rester indifférents.

Ursen Stroëm avait envoyé huit cent millefrancs aux pêcheurs de la Cavalerie ; le milliardaireRockfeller leur fit don d’une somme égale. Mussolini envoya 150 000lires et adressa à Ursen Stroëm un autographe des plus flatteurs.Les autres États, en vrais moutons de Panurge, suivirent lemouvement. Le roi d’Angleterre, soucieux de sa réputation d’hommecorrect, envoya cinq mille livres sterling. L’Espagne, la Hollandeet même la principauté de Monaco, se saignèrent aux quatre veinespour figurer dignement.

En France, il y eut plusieurs discoursretentissants, et le vote de la souscription, menacé d’avance deplusieurs interpellations, fut renvoyé au budget de l’annéesuivante.

Les pauvres pêcheurs se crurent riches… Mais,sauf les huit cent mille francs d’Ursen Stroëm, que M. Lepiquealla leur porter lui-même, ils ne touchèrent qu’une faible partiedes autres fonds votés à leur intention, à cause du trop grandnombre d’intermédiaires officiels, et de la minutie desformalités.

Cependant, Ursen Stroëm résolut d’utiliser lemouvement d’opinion qui se produisait en sa faveur. Il fitcertaines démarches et réussit à obtenir l’envoi d’un croiseurfrançais et d’un croiseur anglais dans les eaux de Gibraltar.

On était sûr, maintenant, que Tony Fowlerchercherait à sortir de la Méditerranée, ou tôt ou tard il devaitêtre infailliblement pris.

Il s’agissait de lui barrer le passage.

L’Étoile-Polaire, sous lecommandement de M, de Noirtier, avait fait route pour Gibraltar,ayant à bord Ursen Stroëm, Goël, Mlle Séguy et M. Lepique.

Gibraltar, la ville aux mille canons, commejuchée au sommet de son roc de calcaire, n’offre riend’intéressant. Sa population est un ramassis de soldats, detouristes, de juifs et de Marocains venus de Ceuta pourtrafiquer.

Quand on a visité le lacis de casemates et desouterrains dont la montagne est creusée, quand on a admiré lesfortifications et les casernes, ainsi que les entrepôts quialimentent la contrebande de tout le sud de l’Espagne, il ne resteplus grand-chose à voir.

Ursen Stroëm et ses amis descendirentplusieurs fois à terre. M. Lepique captura divers insectes quimanquaient à sa collection, s’égara dans les casemates, et futarrêté comme espion. Mais cette ville de négoce et de guerre, avecdes épidémies de fièvre qui sévissent régulièrement, ne plut àaucun d’entre eux. D’ailleurs, ils n’osaient quitter que pourquelques heures le pont de l’Étoile-Polaire, dans lacrainte que la présence de Tony Fowler ne fût brusquementsignalée.

Des jours se passèrent ainsi… Tony Fowlersemblait avoir renoncé au projet de franchir le détroit deGibraltar. Les torpilles-vigies, immergées à différentesprofondeurs et reliées, soit aux navires qui croisaient entrel’Espagne et le Maroc, soit aux postes établis sur la côte, nefournissaient que des indications erronées. Les navires de lapetite flottille de surveillance accouraient bien tous au signal dela sonnerie ; mais déjà, Tony Fowler avait eu le temps degagner les eaux profondes, ou de faire machine arrière.

Les capitaines des croiseurs, qui avaient cruà un facile triomphe, étaient extrêmement vexés. Peu à peu, ilsfinirent par regarder la capture du pirate sous-marin comme uneentreprise presque impossible. Ils se relâchaient de leur beau zèledu début, se bornant à faire strictement le service qui leur étaitimposé, sans se donner aucune espèce de peine, sans prendre lamoindre initiative. Quelques-uns même affirmaient hardiment queTony Fowler avait franchi le détroit de Gibraltar, et que c’étaitperdre son temps que de lui donner la chasse.

Sur ces entrefaites, des complicationsdiplomatiques se produisirent en Extrême-Orient… Une à une, lespuissances retirèrent leurs navires de guerre, après s’êtreexcusées officiellement auprès d’Ursen Stroëm. Finalement, il nedemeura qu’un croiseur anglais, dont Gibraltar était le portd’attache, et qui continua d’évoluer dans le détroit, combinant sesmanœuvres avec celles de l’Étoile-Polaire.

À bord du yacht, on commençait à désespérer,que pouvait donc faire Tony Fowler ?… Avait-il renoncé àsortir de la Méditerranée ?… Avait-il effectué subrepticementson débarquement sur les côtes de Tunis, à la lisière du granddésert saharien ?… Ou bien, le Jules-Verne, ayantsubi d’irréparables avaries, avait-il échoué sur unbas-fond ?…

Ou flottait-il, en détresse, entre deux eaux,sans pouvoir remonter à la surface ?… Qu’étaient devenus,enfin, Edda Stroëm et Coquardot ?

À bord de l’Étoile-Polaire, on nevivait pour ainsi dire plus.

Ursen Stroëm et Goël bouillaient d’impatienceen attendant l’achèvement du Jules-Verne II, qui leurpermettrait de se lancer à la poursuite du ravisseur d’Edda. Chaquejour, la T.S.F. transmettait aux chantiers du golfe de la Girolatades instructions détaillées et précises… Mlle Séguy n’avait plus laforce de cacher ses larmes. C’était maintenant Ursen Stroëm, qui,parvenu à maîtriser la douleur que lui causait la perte d’Edda,consolait la jeune fille.

Quant à M. Lepique, il passait la majeurepartie de son temps sur le pont, occupé à ruminer des projets devengeance. Il était dans un état perpétuel d’exaspération. Sesmains se crispaient, ses sourcils se fronçaient : il jetaitautour de lui des regards menaçants. Il finissait par lancer dansle vide une série de vigoureux coups de poing… Quand cette violentegymnastique lui avait enfin calmé les nerfs, il redescendait auprèsde Mlle Séguy, dont il essayait de relever le courage par lesaffectueuses paroles que lui dictait son cœur de grand enfant naïfet sentimental.

Goël Mordax, lui, ne pouvait tenir en place.Il pressait Ursen Stroëm de retourner à la Girolata. Bien quePierre Auger télégraphiât chaque jour que tout allait bien, ilsemblait à l’ingénieur que sa présence activerait les travaux,hâterait encore la rapidité déjà merveilleuse de la construction.Ursen Stroëm demeurait inflexible.

– Tant que je n’aurai pas la certitudeque Tony Fowler a réussi à passer le détroit, disait-il à Goël,nous ne quitterons pas Gibraltar… Le détroit est la seule issue parlaquelle il puisse s’échapper… Il importe que nous soyons là pourbarrer le chemin au misérable !…

À ces raisons, il n’y avait rien à répondre.Goël, impatienté et désespéré, se confinait dans un mornesilence…

Cependant, à bord du Jules-Verne, lasituation semblait gravement compromise. Depuis le massacre de laCavaleria, près de trois semaines s’étaient écoulées. Les vivresfrais commençaient à s’épuiser.

Tony Fowler voyait avec inquiétude arriver lemoment où il lui faudrait de nouveau nourrir exclusivement seshommes de conserves et de poissons.

La découverte des torpilles-vigies lui avaitdonné la certitude que le passage du détroit était sévèrementgardé. Il se demandait, avec anxiété, par quels moyens ilparviendrait à gagner l’Atlantique. Il avait avec Robert Knipp delongs conciliabules, qui demeuraient toujours sans résultat.

Tony Fowler vivait dans des angoissesmortelles, n’osant quitter les parages de Gibraltar, puisque saseule chance de salut était de sortir de la Méditerranée, n’osantnon plus s’approcher trop près de la forteresse anglaise, où ilsavait que sa présente était guettée.

Suivant la tactique précédemment adoptée parTony Fowler, le Jules-Verne ne remontait plus à la surfaceque pendant la nuit, pour renouveler sa provision d’airrespirable.

Edda et le fidèle Coquardot souffraientbeaucoup de cet état de choses, puis ils étaient toujoursétroitement surveillés. La jeune fille ne quittait plus querarement sa cabine : le chagrin, la captivité, l’air viciéqu’elle respirait, abattaient ses forces. Amaigrie et pâle, ellen’était plus que l’ombre d’elle-même.

Le Yankee recevait avec une indifférencecomplète les plaintes de la captive. C’est à peine s’il daignait yrépondre par quelques paroles de politesse, ou par de vaguespromesses, jamais suivies d’exécution.

Tony Fowler était absorbé par la surveillancede son équipage, qui lui donnait de perpétuelles inquiétudes. À lagrande joie de Coquardot, qui n’attendait qu’une occasion favorablepour fomenter la révolte, les hommes commençaient à murmurer,furieux de voir les vivres frais tirer à leur fin. Ils parlaient detenter une nouvelle descente sur les côtes d’Espagne pour seravitailler.

Eh ! s’écriait Tony Fowler avec fureur,quand nous serons en plein Atlantique, loin de toute terre, ilfaudra bien que ces gaillards-là m’obéissent au doigt et à l’œil…Ils auront beau faire, nous ne relâcherons nulle part avant d’avoiratteint le rivage des États-unis.

Mais, pour arriver à l’Atlantique, il fallaitfranchir le détroit et, de prime abord, la tentative paraissaitimpossible.

Tony Fowler fit plusieurs essais. Il suivit lacôte d’Espagne, puis celle du Maroc. Il s’immergea par les grandsfonds. Partout, il se heurtait à des torpilles-vigies, qui reliéesà la terre par des courants électriques, se balançaient entre deuxeaux comme de vigilantes araignées au bout de leur fil.

Il eut un moment de découragement. Sonprincipal complice, Robert Knipp, le regardait maintenant avecironie.

L’ancien contremaître d’Ursen Stroëm n’avaitpas, en effet, oublié les promesses d’Edda : et il observaitphilosophiquement les événements, prêt à trahir son maître, ou àlui rester fidèle, selon que l’exigerait son intérêt.

Tony Fowler devinait aisément ce qui sepassait dans l’âme de son complice : mais il se gardait d’yfaire allusion.

– Il faut que nous passions coûte quecoûte, répétait-il pour la centième fois à Robert Knipp.

– Ma foi, c’est votre affaire, réponditinsolemment le Yankee en haussant les épaules… Vous nous avezimprudemment embarqués dans une fâcheuse aventure. À vous de vousen tirer comme vous l’entendrez. Moi, je m’en lave les mains…

– Voyons… Si nous détruisions lestorpilles-vigies ?

– Mauvais moyen… La destruction d’un seulde ces engins suffirait à nous trahir et Ursen Stroëm est homme àles remplacer par de bonnes torpilles explosives, dont il seraitdangereux d’approcher.

– Que me conseillez-vous,alors ?

Robert Knipp se mit à rire :

– Rendre la jeune fille… Que nous soyonspendus maintenant ou dans six mois ! …

– Jamais ! s’écria rageusement TonyFowler… J’aime mieux mourir avec elle, et que leJules-Verne soit notre tombeau !

– Vous en parlez à votre aise !ricana Robert Knipp. Mais avant de vous laisser mourir, vous ferezbien de demander leur avis aux hommes de l’équipage.

Et il s’éloigna en sifflant le Yankeedoodle.

Tony Fowler était furieux. Le cynisme de soncomplice le révoltait. Il resta quelque temps songeur ; puisbrusquement, sa physionomie s’éclaira. Il eut un sourire detriomphe. Il s’approcha du cornet acoustique qui communiquait avecla cage du timonier et commanda :

– Il fait déjà nuit depuis deux heures…Faites manœuvrer les pompes et les hélices, et que l’on remonte àla surface.

– Impossible ! répondit le timonier,dont la voix parvenait distincte à l’oreille de Tony Fowler… Lesappareils météorologiques accusent à la surface une tempêteformidable… Il ne serait pas prudent…

– Faites ce que je vous dis !…ordonna le Yankee avec colère… Du moment où je vous dis deremonter, c’est que j’ai mes raisons pour cela.

Le timonier obéit ; et l’air commença àentrer, en sifflant, dans les réservoirs. En dépit des héliceslatérales, le Jules-Verne était animé d’un violentmouvement de roulis et de tangage, à mesure qu’il se rapprochait dela surface.

Malgré son lest et sa quille de plomb, ildansait dans le creux des lames comme une coquille de noix.

Le capot de la plate-forme avait été ouvertpour le renouvellement de l’atmosphère. Tony Fowler s’y engagea àmi-corps, et à demi aveuglé par les grosses lames qui lesouffletaient, il inspecta à l’horizon, cramponné des deux mains àla balustrade de fer.

Le ciel et la mer étaient d’un noir d’encre.La crête livide des hautes lames phosphorait. De temps à autre, lezigzag jaune et bleu d’un éclair déchirait le sombre manteau desnuages, éclairant de véritables montagnes d’eau. On eût dit quel’Atlantique et la Méditerranée se ruaient l’un contre l’autre, etavaient choisi pour champ de bataille le chenal resserré dudétroit.

Très loin, Tony Fowler distingua les feux deGibraltar et de deux ou trois navires mouillés en rade. Tony Fowlerse hâta de rentrer dans l’intérieur du sous-marin.

Voilà une tempête qui arrive à propos !s’écria-t-il… C’est ce soir que nous passerons ou jamais !

Quelques instants après, leJules-Verne faisait sa plongée, et retrouvait, à trentemètres de profondeur, un calme et une stabilité parfaits.

Tony Fowler s’installa lui-même à la barre. Ilordonna au mécanicien d’imprimer aux hélices la vitesse maxima. Surses ordres, les fulgores furent éteints, et soigneusement arrimésle long des flancs du sous-marin. Pour compléter cet ensemble deprécautions, Tony Fowler ordonna à Robert Knipp de se rendre, avecdeux hommes, dans la soute aux poudres, et de remplacer lesfulgores par autant de torpilles autonomes, chargées demélinite.

Ces appareils, en usage dans toutes lesmarines de guerre sont conçus d’après le même principe que lesfulgores et se gouvernent de la même façon.

– Si quelqu’un veut m’empêcher de passer,s’écria Tony Fowler, tant pis pour lui ! … Une seule de cestorpilles est suffisante pour faire sauter un croiseur, et même uncuirassé de premier rang.

Pendant que ces préparatifs avaient lieu,Robert Knipp et les autres hommes de l’équipage ne soufflaient mot.En eux-mêmes, ils ne pouvaient s’empêcher d’admirer l’audace et lesang-froid de leur chef, et tous reprenaient confiance dans lesuccès final de l’entreprise.

Le Jules-Verne filait à toutevitesse, entre deux eaux, sans s’inquiéter des torpilles-vigiesdont les sonneries tintaient sur son passage. Déjà Tony Fowler seredressait avec orgueil et s’écriait :

– Nous devons être en ce moment sous lefeu des batteries de Gibraltar…

Lorsqu’un choc se produisit brusquement… Puis,un second choc.

Tony Fowler crut que le Jules-Verneavait donné contre un écueil. Il pressa un bouton électrique :deux fulgores s’allumèrent…

Le Jules-Verne avait buté contre un de cesréseaux de fil d’acier, nommés filets Bullivan, du nom de leurinventeur, et qui servent à défendre les cuirassés contre lestorpilles.

Ces filets, construits en mailles trèsrésistantes, et disposés de six mètres en six mètres sur unquadruple rang, avaient été placés là par les ordres de Goël etd’Ursen Stroëm.

– Pincés ! fit Robert Knipp avec unlamentable rictus.

– Imbécile ! riposta Tony Fowler.Que l’on fasse immédiatement manœuvrer les cisailles automatiques.Que l’on coupe les mailles des deux premiers filets pour nousdégager… Puis, que l’on fasse machine en arrière.

– Et après ? demanda Robert Knipptout effaré.

– Eh bien, après, nous passeronspar-dessous ces maudits filets… Je pense qu’ils ne descendent pas àcent mètres de profondeur.

Les cisailles fonctionnèrent. Mais l’opérationdevait demander un certain temps. Tout autour du sous-marin, lesavertisseurs des torpilles-vigies sonnaient furieusement. Leshommes de l’équipage perdaient la tête.

Cependant, les mailles d’un des filets avaientété coupées. Celle du second allaient l’être entièrement, lorsqueTony Fowler, qui ne quittait pas des yeux la chambre du téléphone,qui lui permettait de voir ce qui se passait à la surface de lamer, poussa un cri de terreur… Filant entre les lames, à toutevapeur, deux navires, sans doute prévenus par les torpilles-vigiesde la marche du sous-marin, s’étaient risqués à sortir, malgré legros temps.

Tony Fowler les distinguait, grâce à leursfeux. Ils étaient à sec de toile. Parfois, ils disparaissaiententre les lames ; puis brusquement, ils reparaissaient à lacrête d’une montagne d’eau, Tony Fowler put lire leur nom sur letableau d’arrière. C’étaient l’Étoile-de-Mer et TheNelson, croiseur cuirassé de Sa Majesté Britannique.

Il restait encore une vingtaine de mailles àcouper.

– Aux torpilles ! commanda TonyFowler… Du coup, ce misérable Goël ne m’échappera pas !

Pendant les péripéties de ce drame sous-marin,Edda Stroëm et Coquardot – est-il besoin de le dire ? –avaient été enfermés à clef dans leurs cabines.

Sans savoir au juste ce qui se passait, Eddase sentait le cœur serré par une angoisse inexprimable. Un instinctmystérieux l’avertissait de la présence de Goël, et de la terriblelutte dont elle était l’enjeu. Quant à Coquardot, il était plongédans l’abattement le plus profond. Depuis longtemps, c’en étaitfini de ses belles colères ! Étendu sur sa couchette, ilattendait avec résignation que le sommeil vint s’emparer de lui.Mais, il ne pouvait arriver à s’endormir. Lui aussi était nerveux,inquiet ; et il pressentait obscurément la gravité desévénements.

Tout à coup, une formidable explosionretentit… Un des deux navires qui poursuivaient leJules-Verne s’était trouvé en contact avec une torpille etvenait de sauter.

« Pourvu que ce soit GoëlMordax !… » songeait Tony Fowler avec jubilation.

Ce n’était pas Goël. C’était le croiseuranglais The Nelson, dont la coque, atteinte par leprojectile chargé de plusieurs kilogrammes de mélinite, venait des’entrouvrir avec un horrible fracas.

The Nelson disparut, au milieu d’unegigantesque trombe d’eau. L’Étoile-Polaire n’eut que letemps de s’enfuir, pour ne pas être prise par le remous, et pour nepas couler à son tour.

– Le misérable ! rugit Ursen Stroëm,qui se tenait sur la dunette, à côté de Goël Mordax.

Le croiseur anglais avait coulé à pic.L’équipage de l’Étoile-Polaire entrevit un instant samâture. Puis, une énorme lame passa… Et ce fut tout.

– Il a franchi le détroit,maintenant ! s’écria Ursen Stroëm avec découragement… Il nenous reste plus qu’à regagner notre mouillage…

– Soit, répondit Goël, accablé.

– D’autant plus, ajoutaM. de Noirtier, qu’avec cette mer démontée nous nepourrions résister à la tempête un quart d’heure de plus.

L’Étoile-Polaire, capeyant souspetite vapeur, parvint à grand’peine à regagner la rade deGibraltar.

Cependant, quand la dernière maille du filetBullivan eut été coupée et que la torpille eut été lancée, leJules-Verne, faisant machine en arrière, s’immergea par uneprofondeur de cent mètres.

Et, passant au-dessous des filets Bullivan, endépit des torpilles-vigies désormais inutiles, il franchit ledétroit de Gibraltar, dont personne ne songeait plus à lui barrerle passage.

Bientôt, son hélice battit les flots del’océan Atlantique.

Deux heures après, Tony Fowler fit remonter lesous-marin à la surface.

La tempête était presque calmée. La lune, parune échancrure des nuages, éclairait une mer de vagues courtes etdures. Dans le lointain, on apercevait les derniers feux des côtesd’Espagne.

Hurrah ! s’écria Tony Fowler… Maintenant,je considère que j’ai partie gagnée !

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