Une chasse à courre au Pôle Nord – Chez les esquimaux – Voyages, explorations, aventures – Volume 15

Chapitre 9PÊCHE-CHASSE AUX MORSES

 

D’abord nous rappellerons que, comme labaleine, le morse est un mammifère. La femelle allaite sespetits.

De plus, l’animal est à sang chaud et il estobligé de venir souvent respirer à la surface, quoiqueamphibie.

Ces morses, avec leurs longues défensesrecourbées, sont les éléphants de la mer.

Un morse est une montagne de chair et de chairexcellente au pôle.

Là, les froids excessifs exigent unealimentation riche en graisse, aliment respiratoire donnant le feuintérieur qui élève la température de l’homme à trente-huitdegrés.

Or, par une loi naturelle bien connue desmédecins aujourd’hui, le palais savoure les aliments dont le corpsa besoin.

Une personne qui aime le lard, a besoin delard ; celle à laquelle il répugne, n’en a pas besoin ;c’est en vertu de ce principe évident que l’on voit des enfantsétiolés et rachitiques, s’habituer à l’huile de foie de morue,malgré sa puanteur.

Le besoin ressenti inconsciemment produitl’appétence.

Peut-être la viande de morse et de phoqueserait elle rejetée, dans nos climats tempérés, comme trophuileuse ; mais, là-bas, au pôle, tout le monde en mange avecplaisir. Nansen et ses compagnons en faisaient leur régal et lapréféraient à tout.

Elle fournit surtout d’excellents potages graset du bouilli.

Mais cette chasse-pêche au morse estdangereuse, vu le caractère belliqueux et querelleur de cet animalbien armé.

Nansen eut à soutenir contre les morses desluttes terribles.

Sa vie fut plusieurs fois en très granddanger, même quand il n’attaquait pas, car le morse est souventagressif.

Ces animaux, entre eux, sont d’une brutalitéinvraisemblable.

Sociables, puisqu’ils s’assemblent, maisquelle drôle de société !

Quand ils sont couchés sur un glaçon, si unvoisin touche l’autre, celui-ci se dresse furieux, rugissant et ilenfonce ses défenses dans la chair de son camarade quiriposte ; dans le combat, d’autres morses sont touchés etentrent en rage immédiatement.

Alors, c’est une bataille générale quicommence et se termine par la fuite sous l’eau des plus faiblesd’abord ; mais ce n’est pas fini.

Les plus forts continuent le combat avecacharnement.

Mais blessés, un à un, ils se glissent à l’eauqu’ils rougissent de leur sang.

Enfin, restent deux grands mâles qui sedisputent le glaçon avec entêtement.

Le vainqueur demeuré seul, pousse des cris detriomphe, s’ébroue, se promène.

Il est content !

À lui, le glaçon !

Et quand il a bien constaté qu’il en est leseul maître, il pique une tête et l’abandonne.

C’était bien la peine de se battre !

Ne voilà-t-il pas de drôles debêtes !

Or, chacun avait son kayack, bateau d’unelégèreté inouïe.

Au lieu de les carcasser avec des côtes debaleines et de phoques, d’en fabriquer le banc et le tillac avecdes omoplates de morses, comme font les Esquimaux, les charpentiersdes deux équipages et de l’expédition avaient établi les carcassesdes kayaks en frêne et en acacia, avec bordure en sapin, banc enorme, tillac en sapin et membrures en acacia.

Le tout d’une légèreté invraisemblable, maisd’une élasticité et d’une solidité extraordinaires.

Toutes les parties bien liées se prêtaient unmutuel appui.

Le bordage était consolidé par des barrestransversales soutiens du pontage ; car l’embarcation estentièrement couverte en peau de phoque cousue à la ramie, cetteplante textile admirable qui ne pourrit jamais et qui, gonflant àl’eau, rend une couture imperméable.

Au lieu de la pagaie des Esquimaux faite d’unos long terminé par deux omoplates, les charpentiers avaientfabriqué des pagaies de frêne à palette de hêtre, dont lesextrémités étaient armées d’une pique d’acier pour pousser lekayack comme un traîneau sur la glace, ce que souvent on est obligéde faire.

Le lecteur sait qu’un trou d’homme pour passerle corps jusqu’aux hanches, dans le bateau, est la seule ouverturede celui-ci.

On s’introduit dans le bateau et on lève sablouse esquimaude sur le bord du trou d’homme qui est bouché dèslors et rendu imperméable complètement, absolument.

Dès lors, impossible de couler tant que lekayack n’est pas crevé.

Mlle de Pelhouër, avec sablouse esquimaude, s’était exercée dans son kayack, et, comme sesamies, elle était devenue très habile à pagayer et à diriger sonembarcation.

L’équipement de pêche de celle-ci étaitcomplet et très léger.

D’abord un harpon.

Très supérieur à celui des Esquimaux qui est àmanche d’os avec pointe en pierre ou en arête de poisson.

Le harpon des pécheurs de l’expéditiond’Ussonville était à manche de frêne avec dard à ardillonsd’acier.

Il était bien équilibré et très facile àlancer même de loin.

Mlle de Pelhouër lemaniait aussi bien que l’Esquimau le plus adroit.

Au lieu d’avoir une lanière en cuir, le harponavait un cordonnet de soie bien autrement solide, quoique debeaucoup plus fin ; plus de six cents mètres de ce cordonnets’enroulaient autour d’un dévidoir monté à l’avant de la petiteembarcation.

L’animal touché par le harpon filait dévidantle cordonnet ; mais il lui fallait bien remonter à la surfacepour respirer, et, à coups de pagaie, le pêcheur se rapprochait delui et le tirait.

Car au bord de chaque kayack, sous la main, unfusil était retenu par deux porte-mousquetons, facile àdécrocher.

Les baltes achevaient l’œuvre du harpon et labête coulait.

Mlle de Pelhouër avaitentendu dire par les Esquimaux que la pêche aux morses était trèspérilleuse et elle se promit d’en faire une.

Elle fit part de sa résolution à ses amies lesdeux Taki ; naturellement ces deux anciennes cambacérès(générales) des amazones de la garde de Béchanzin voulurent en êtreet s’y préparèrent.

Elles avertirent leurs ordonnances.

Les négresses préparèrent les kayaks.

Les ordonnances de Mmes Santarelliet Castarel s’en aperçurent et prévinrent leurs maîtresses.

Celles-ci questionnèrent Mile de Pelhouër.

– Je veux tuer des morses ! ditcelle-ci.

Et elles de s’écrier :

– Nous aussi.

– Pas cette fois.

– Pourquoi ?

– Je veux tenter l’aventure avec les deuxTaki !

– Et avec nous.

– Non.

» Après oui.

» J’aurai de l’expérience.

– Nous prendrons de l’expérience avecvous.

– Ce n’est pas prudent.

» Je suis fille.

» Vous êtes mariées.

– Sans enfants.

– Et vos maris ?

– Ils se consoleront.

» Vous emmenez bien les deuxTaki !

– Deux vieilles filles.

– Des femmes sans enfants sont presque desfilles et nous irons.

– Non !

» Ça ne se peut pas.

– Nous vous montrerons que si.

– Comment ?

– En y allant sans vous.

C’était Mme Santarelli,l’Abyssinienne, qui parlait ainsi.

Si entêtée bretonne que fûtMlle de Pelhouër, elle consentit à céder enpartie.

– Vous, dit-elle, soit !

» Mais Mme Castarel,non.

Celle-ci vivement :

– Pourquoi donc ?

– Vous êtes trop jeune.

– Quel âge aviez-vous donc quand vous aveztiré vos premiers éléphants.

» Je tire aussi bien que vous.

» Serai-je donc moins brave ?

» Je suis Française par mon père,Abyssinienne par ma mère et je ne crains pas la mort.

Elle était superbe en disant cela cette petitefemme de quinze ans.

Mlle de Pelhouër luitendit la main.

– Venez ! dit-elle.

» Vous l’aurez voulu.

» Mais vous laisserez un écrit constatantque j’ai refusé tant que je l’ai pu.

– Oui !

» Je dirai adieu à Castarel.

Elle l’aimait son Castarel.

Ce gros polichinelle si farceur, si rieur, simystificateur, si brave et si bon garçon, l’amusait si bien qu’ellepassait sur la laideur physique.

Il était drôle !

On dit en argot de théâtre.

« Ce sont les comiques qui sontle plus gobés par les femmes.

« Elles aiment les hommesrigolos. » Rien de plus vrai.

Soyez rigolo, soyez amusant et vousserez adoré.

On connaît les succès d’Arnal et de tantd’autres… qui n’étaient pas beaux.

Mais, malgré qu’elle aimât beaucoup Castarel,sa femme ne voulait pas rester au camp, quand les autres allaients’exposer.

Quant à Mme Santarelli,c’était dans le sang.

Princesse abyssinienne, orgueilleuse,chevaleresque, aimant passionnément la gloire, elle ne voulait pasêtre en courage au-dessous de personne.

Du reste, elle dit ce mot trèsféminin :

– Santarelli m’aime beaucoup.

» Si je meurs, je serai pleurée.

Consolation ! ! !

Donc elles partirent.

Depuis qu’elles avaient chassé le lion etl’éléphant, il eut été ridicule de les empêcher de chasser le morseet elles auraient regardé comme humiliant d’être accompagnées parleurs maris.

Tout l’honneur pour ceux-ci, alors ?

Rien pour elles que cette infériorité d’avoirété protégées.

C’est du féminisme.

Elles en faisaient sans s’en douter.

Elles se mirent à la mer en kayaks.

Dix pêcheuses, chaque maîtresse ayant sonordonnance avec elle.

À peine étaient-elles en mer que, sur unepointe de rocher, deux hommes s’assirent.

Ils avaient des lorgnettes marines.

C’étaient Santarelli et d’Ussonville.

Ils étaient très préoccupés.

Santarelli, après hésitation, dit :

– Mon commandant, nous devrions peut-êtremonter en kayak et les suivre.

D’Ussonville, secouant la têtegravement :

– À quoi bon !

» Je connaisMlle de Pelhouër.

» Si elle nous voyait, elle se fâcherait,retournerait à terre et bouderait.

» Croyez que votre femme et la petiteMme Castarel en feraient autant.

» Puis, trompant notre surveillance,elles iraient à la mer sans nous.

» Voilà, mon cher, pour vousl’inconvénient d’épouser une femme héroïque.

» Moi, je n’ai rien à me reprocher.

» Mlle de Pelhouërm’a adopté comme oncle pour avoir des aventures.

» Elle en veut avoir.

» C’est dans l’ordre.

» Elle y a droit.

– N’importe !

» Je redoute cette pêche.

» S’il s’agissait d’un lion, d’unéléphant, j’aurais confiance en elles.

» Elles tirent si bien !

» Mais ces morses sont dans l’eau ;c’est un mauvais point d’appui pour le tireur qu’un kayak sur lamer mobile.

» Et la position !

» Elles sont assises.

» Et puis, le morse a la vie plus durequ’aucun autre animal.

D’Ussonville eut un haussement d’épaules.

– Ami Santarelli, dit-il, nous pouvons avoirune épidémie de fièvre typhoïde.

» Que diriez-vous si elles avaient peurde soigner nos malades ?

» Cela vous humilierait.

» Or, je crois la fièvre typhoïde plusdangereuse que les morses.

» Il y a des fatalités. Celle-ci en estune !

» Je la subis philosophiquement.

» Je viens ici en spectateur qui sedemande curieusement :

» – Comment vont-elles se tirer de cetteaffaire ?

» Vous m’avouerez que le spectacle nesera pas banal.

– Vous parlez un peu à votre aise.

» Vous n’êtes pas marié.

» Tandis que moi…

– Croyez-vous donc que je n’aime pasMlle Pelhouër autant que vous aimez votrefemme !

– Pas de la même façon.

» Un oncle n’est qu’un oncle.

– Même pas oncle.

» Un pauvre oncle adopté.

» Mais voilà.

» À vous, Santarelli, qui êtes discret,j’avouerai que j’aime beaucoupMlle de Pelhouër.

– Et vous ne l’épousez pas ?

– Non.

» Une fois marié, j’aurais dix fois moinsde courage pour mener mes œuvres à bonne fin.

– Mais Mlle de Pelhouërvous suivrait partout sans reculer devant rien.

– Ce n’est pas la femme que je crains.

– Qui donc ?

– L’enfant.

» Croyez, Santarelli, que si vous aviezété père, vous ne seriez pas venu.

» Votre femme, du reste, étant mèren’aurait pas voulu se séparer de son enfant et elle ne vous auraitpas suivi.

– Vous avez raison.

– Au fond, je suis ici pour prendre une bonnehabitude.

– Laquelle ?

– Je veux m’habituer à perdreMlle de Pelhouër, que son indomptable courageconduira fatalement à une mort tragique.

– Oh ! je vous comprends.

– Mon ami, la bataille commence !

Ils se turent.

En effet, la lutte s’engageait.

Les jeunes femmes venaient d’apercevoir untroupeau de morses.

D’énormes mâles !

Cinq masses de chair aussi considérables quesi, au lieu d’être des éléphants de mer, ces phoques gigantesqueseussent été des mastodontes.

Sept autres mâles de différentes tailles.

Six femelles.

Les grands mâles avaient des défenses de deuxà trois pieds de long.

En ce moment, un phoque de moyenne taille,sortant de la mer, accrocha ses défenses courbes au bord du glaçonoù était le troupeau.

Après hésitation, s’aidant de ses pattes et,en battant l’eau de sa queue, se donnant de l’élan, il monta sur laglace.

Aussitôt le plus grand mâle se leva, se traînavers le nouveau venu et lui administra une volée, sans que l’autreosât riposter.

C’est toujours ainsi que ça se passe.

Après avoir infligé cette correction aunouveau, le vieux mâle le laissa tranquille.

C’est une brimade.

Nansen prétend qu’elle a pour but de fairesentir au nouveau l’autorité de l’ancien.

Ça se passerait donc à peu près comme àSaint-Cyr et à l’École Polytechnique.

En tous cas, c’est drôle.

Cet incident détourna l’attention des phoquesqui, du reste, ne se dérangent pas pour quelques kayaks, car ilsn’ont pas peur de l’homme.

Les ours même ne les effraient pas.

– Attention ! commandaMlle de Pelhouër.

» Visons bien.

Tous les harpons furent lancés.

Trois seulement manquèrent le but.

Les blessés et les autres poussèrent desrugissements effroyables.

Cet animal a une terrible voix.

Tous se jetèrent à l’eau et, au lieu de fuir,ils attaquèrent.

Mlle de Pelhouërcria :

– À vos fusils !

» Feu !

Et elle donna l’exemple.

Mais son morse ne fut pas tué.

Ces bêtes gigantesques agitaient l’eau et leskayaks dansaient.

De là incertitude du tir.

La balle se logea dans le cou.

Le morse plongea et reparut tout près dukayak, si près que Mlle de Pelhouër ne putépauler et tirer à la tête.

Elle eut l’incroyable présence d’esprit de sepencher et de faire pencher l’embarcation du côté du monstre quicreva le pont du kayak avec ses défenses et le chavira.

Or, Mlle de Pelhouërsavait qu’un kayak chaviré se retourne toujours et reprend saposition sur l’eau, ce qui arriva.

Par les trous que les défenses avaient faites,il n’entra que peu d’eau.

L’équilibre repris, les trous regardant leciel, il n’y avait plus à craindre de couler.

C’est ce qu’avait si bien calculé la jeunefille en se penchant, et en offrant ainsi le pont aux défenses deson monstrueux adversaire.

Celui-ci parut furieux de voir le kayak serelever et il recommença l’attaque.

Mais, en trois secondes, il reçut troisballes, et il coula bas.

Vivement la jeune fille mit son fusil auxporte-mousquetons, elle déportemousquetonna sa pagaie et,avec un élan endiablé, elle lança son kayak sur le glaçon.

Dans cette manœuvre, on se penche le pluspossible en arrière ce qui fait sortir la pointe de la quille horsde l’eau.

Puis, quand la glace est touchée, on se pencheen avant et on s’aide de la pagaie pour engager tout à fait lalégère embarcation sur la glace.

Dès qu’elle y fut,Mlle de Pelhouër délaça sa blouse et sortit dukayak.

Elle était blessée.

La défense avait entamé la cuisse.

Elle banda vivement sa plaie avec on mouchoiret reprit son fusil.

Tout cela s’était passé très vite.

La bataille durait encore.

Les deux Taki soutenaient l’une à la proue,l’autre à la poupe, le kayak de la petiteMme Castarel qui aurait coulé.

Un morse l’avait crevé.

Mlle de Pelhouër futassez heureuse pour tuer un morse qui menaçait Taki-Data, laquellele piquait de la pique qui terminait sa pagaie.

Elle aida à tirer le kayak sur le glaçon etMme Castarel en sortit trempée.

Il faisait chaud heureusement.

La jeune femme tordit ses vêtements et les mità sécher au soleil sur son kayak.

La bataille se terminait.

Vaincus enfin, les phoques fuyaient.

Tous ceux qui avaient été harponnés étaientmorts et flottaient entre deux eaux.

Il fallait maintenant les conduire à terre ety conduire aussi Mme Castarel.

Mais comment s’y prendre.

Mettre deux personnes dans un kayak, c’étaitchose impossible.

Que faire ?

Mme Castarel proposait de semettre à l’eau et de nager en s’appuyant sur un kayak.

– Le soleil est chaud, ditMlle de Pelhouër ; mais l’eau est froidede la fonte des glaçons.

Comme elle avait donné sa blouse esquimaude àla jeune femme, celle-ci pouvait attendre.

– Vous allez, ditMlle de Pelhouër aux ordonnances, pagayer versla terre en y traînant dans l’eau les phoques que vous halerez versle rivage.

» Vous, les deux Taki, vous surveillerezcette opération, mais on attachera autant de cordonnets de soie àl’un de vos kayaks pour qu’il gagne la terre en dévidant lescordonnets de soie.

» Vous descendrez.

» Ayant gardé en main l’extrémité ducordonnet, nous tirerons le kayak à nous.

» Mme Castarel le monteraet elle remorquera son kayak à elle.

» Nous l’escorterons.

On applaudit à cette sage résolution.

Tout s’exécuta d’abord très bien ; maison vit bientôt reparaître des morses autour des kayaks.

Ce fait prouve l’acharnement de ces animauxqui ne voulaient pas laisser emmener leurs camarades à la traînederrière les embarcations.

Peut être se figuraient-ils qu’ils étaientencore vivants ; mais c’est une simple supposition.

Les bêtes ont-elles le sentiment de lamort ?

Je l’ignore.

Toujours est-il qu’une fusillade bien nourrieen tua encore et fit disparaître le reste.

On aborda.

Mme Castarel et Santarelli,ainsi que Mlle de Pelhouër, tirèrent le canotde Taki-Data, puis elles s’embarquèrent.

Mais tout n’était pas fini.

Un phoque énorme fonça encore sur leskayaks ; il fût tué d’une seule balle parMme Santarelli, pendant queMme Castarel le harponnait.

On le tira à terre.

Mlle de Pelhouërcommençait à souffrir beaucoup de sa blessure.

Mais on voyait des voitures légères accourirdu camp traînées par des chiens.

Dans la première étaient d’Ussonville,Santarelli et Castarel.

Celui-ci, qui était venu rejoindre les deuxpremiers sur leur observatoire, avait vu sa femme déshabillée surle glaçon, puis vêtue d’une simple blouse.

– Nous avons donc pris un bain, mapetite ! lui dit-il en riant.

» Quel amour pour la baignade.

Et il la blagua ferme.

D’Ussonville, qui avait vu la lutte, pensa quepeut-être l’une ou l’autre était blessée et il avait prévenu ledocteur.

Il était avec son pharmacien-infirmier, dansla deuxième voiture.

Il pansaMlle de Pelhouër.

On la coucha dans une voiture qui regagna lecamp au petit pas.

En y arrivant, ses amis la firent coucher dansun bon lit improvisé.

On y avait entassé les fourrures les unes surles autres pour faire doux matelas.

Mais on vit alors comme le système de tentesadopté par M. d’Ussonville était commode et se prêtait auxagrandissements.

On sait que nos petites tentes de soldats semontent avec quatre carrés de toile.

On en boutonne d’abord deux l’un sur l’autreet cela forme le toit soutenu par deux petits montants démontablesque le soldat porte sur son havresac et dont il emboîte les deuxmorceaux l’un dans l’autre.

Les deux autres carrés de toile servent àboucher les extrémités de la tente.

Des cordes retenues en terre par des piquetset bien tendues, des boucles de corde au bas du toit, boucles danslesquels on passe des piquets que l’on enfonce en terre, tendent latente et la raidissent au vent, fut-il violent.

Mais que l’on s’imagine les carrés de la tentepercés d’œillères sur les quatre bords.

Avec des lacets de cuir passant dans lesœillets de carrés suraboutissant, bord sur bord, on peut doubler,tripler, etc… la grandeur de chaque tente, l’exhausser,l’allonger.

On hausse aussi les supports en les emboîtantles uns dans les autres.

On peut donc avoir ainsi une belle grandetente de quatre mètres de long et plus d’autant à la base, où unmalade et son gardien sont à l’aise.

On peut laisser ouvert tel côté de la tenteque l’on veut, pendant le jour, pour rafraîchir l’air dans latente.

On bouche tout pour la nuit.

Tel était le système d’Ussonville.

Mais au lieu d’être en toile, les carrésétaient en soie et les bords étaient garnis de petites bandes decuir de chien imperméable et solide.

Les anneaux de retenue des piquets étaient enaluminium et aussi les piquets eux-mêmes avec pointe d’acier aubout.

Des qu’une tente de ce genre fut montée, on ydressa deux lits pliants en fer destinés à l’hôtel, quand il seraitconstruit.

On transportaMlle de Pelhouër sur l’un d’eux, l’autre étaitdestiné à son ordonnance.

Non sans peine, le docteur parvint à fairedisparaître l’enflure de la plaie que l’eau de mer avait envenimée,car il en était pénétré en somme assez dans le kayak pour mouillerles jambes de la jeune fille, lorsqu’elle avait chaviré, le pont dukayak ouvert à deux endroits.

Un arrosoir plein d’eau à la glace futsuspendu au-dessus de la blessure.

L’eau tombant goutte à goutte abaissa latempérature et, peu à peu, l’enflure disparut.

Inutile de dire qu’une toile cirée protégeaitle lit contre l’humidité.

Le lendemain matin, le docteur trouva la plaieen bonne voie.

Quinze jours après,Mlle de Pelhouër se levait et marchait sansraideur, sans fatigue.

Un simple séton qui n’a touché aucun nerf,brisé aucun tendon, se guérit vite.

On fêta sa guérison.

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