Une chasse à courre au Pôle Nord – Chez les esquimaux – Voyages, explorations, aventures – Volume 15

Chapitre 14SAGACITÉ

 

Le Sioux, avant toutes choses, commença parmanger copieusement.

Personne ne l’interrogea.

Inutile.

Il n’aurait pas répondu.

À son air, on voyait bien qu’il savait quelquechose.

On l’entourait.

– Quand il eut fini son repas, il allumagravement sa pipe et dit :

– Quand j’étais Sioux, je passais pour lemeilleur pisteur de la tribu.

» Depuis que je suis un gentleman blanc,je n’ai rien perdu de mes qualités.

» J’ai fait suivre, par mon chien, lapiste de ma nièce et de son ordonnance.

» Je suis arrivé à un tas de mousse à peuprès séchée, comme si on avait vidé un sac après l’avoirrempli.

» J’ai examiné cette mousse, me demandantce que cela signifiait de trouver ainsi de la mousse presque sècheamoncelée.

» En la secouant par petits paquets, j’yai trouvé deux balles.

Il tira de son carnier deux balles et lesmontra à d’Ussonville.

– Deux balles de nos fusils ! dit leSioux.

– Oui ! dit d’Ussonville.

– Ma nièce a tiré à quarante pas de la moussesur la mousse.

» J’ai vu, sur l’herbe, l’empreinte deses pieds et celle des pieds de son ordonnance.

» Le poids du corps, pendant l’arrêt, acouché les herbes fortement.

» Puis j’ai ramassé les culots des deuxballes que voici.

» Il y a eu piétinement.

» Quarante pas, c’est la bonne distancepour tirer un ours blanc.

» Mais pourquoi tirait-elle sur de lamousse ? En remuant cette mousse, je me suis aperçu qu’ellesentait l’ours blanc ou plutôt qu’elle avait l’odeur d’une peaufraîche de cet animal.

» J’ai compris.

» La mousse bourrait une peau d’ourscousue puis décousue après le coup.

» Ceux qui l’ont fait ont voulu emporterla peau et ont coupé les fils.

» Voilà des bouts de fils.

» Non des tendons dont se servent lesEsquimaux et les Peaux-Rouges, des fils européens…

» L’ours était un piège.

» Il y avait une embuscade.

» J’ai vu l’endroit où deux hommesguettaient à plat ventre, j’ai vu celui où trois autres attendaientle moment de lancer les lassos ; les herbes couchéesparlaient.

» J’ai vu que les deux femmes avaient étérenversées et liées.

» Voici un bout de ficelle ramassé parmoi ; les voleurs de femmes l’ont oublié.

» Puis deux hommes ont chargé les femmessur leurs épaules.

» Au milieu des pistes de plusieurshommes, on en voyait deux plus fortes, plus empreintes que lesautres.

» Mon chien m’a conduit au bord de lamer ; là, toute trace cessait.

» De là, je conclus qu’une bande a tenduun piège à ma nièce.

» Elle est venue en radeau, elle estrepartie en radeau ou en pirogue.

» Voilà ce que master Morton a vu avecles yeux d’Œil-de-Lynx.

– C’est bien, dit froidementM. d’Ussonville, le Sioux Œil-de-Lynx méritait son nom etdésormais master Morton s’appellera Le Voyant.

Puis il ajouta :

– Je vais préparer une expédition.

» Puisque la mer est libre de glace aupoint où les ravisseurs se sont embarqués, je vais fairetransporter sur nos voitures des canots avec lesquels nouschercherons les traces de ceux qui ont enlevéMlle de Pelhouër.

» Monsieur Le Voyant, vous serez notreguide.

Œil-de-Lynx se leva :

– Je jure, dit-il, de retrouver ma nièce morteou vivante.

Sur ce, tous ceux qui furent désignés pourcette expédition se préparèrent.

Nous la raconterons dans notre prochainvolume.

 

À SUIVRE : « UNE FRANÇAISE CAPTIVE CHEZ LESPEAUX-ROUGES »

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