Une chasse à courre au Pôle Nord – Chez les esquimaux – Voyages, explorations, aventures – Volume 15

Chapitre 11REVANCHE DE DAMES

 

Taki-Data, qui était rancunière, fit auxautres une proposition.

« Elle est allée à la chasse à l’ourssans nous, allons-y sans elle. »

Accepté à l’unanimité.

Les femmes sont ainsi faites.

Tout se décide chez elles sous la poussée dessentiments.

Elles ne les raisonnent pas.

Elles ne veulent pas les raisonner ; onles irrite en voulant les discuter.

Une femme vous dit :

« Mon sentiment est que… »

« J’ai le sentiment que… »

Elle a tout dit.

Jamais elle ne parle de raisonner.

Aussi, avec elle, ne cherchez pas de bonnesraisons, prenez-la parles sentiments.

Santarelli cependant s’inquiéta de cettequerelle qui le peinait.

Il en parla à d’Ussonville.

– Nous devrions, dit-il, intervenir pour lesapaiser et les réconcilier.

D’Ussonville s’écria :

– Gardez-vous-en bien !

» Restez neutre !

» Vous ne feriez que jeter de l’huile surle feu, mon cher ami.

» Si vous voulez l’enfer dans votreménage, vous n’avez qu’à essayer de prouver que ma nièce n’a pascommis un grand crime en allant seule à cette chasse à l’ours.

» Mme Santarelli prendraaussitôt ombrage et jalousie.

» Alors ça n’en finira plus.

» Tenez, voici Castarel qui vient versnous ; demandez lui son avis.

Santarelli posa la question.

– Mon opinion, dit le Marseillais, est qu’ilfaudra terminer cette brouille en blaguant ces dames et je mecharge de leur faire sentir à toutes le ridicule de cettequerelle.

– Très bien ! dit d’Ussonville.

» Désarmez-les par le rire.

– Et la partie qu’elles ontprojetée ?

– Laissons faire.

» Après tout, elles ont droit à unerevanche qui leur donnera satisfaction.

Et ces dames partirent.

Mlle de Pelhouër, avec unsourire narquois, les vit sortir du camp sans l’emmener.

Elle dit à son ordonnance :

– Nadali, visite ton fusil !

» Nous aussi nous allons enchasse !

» Ces dames ne seront pas les seules às’amuser et nous aurons du plaisir aussi.

Elle s’en alla de son côté avec sonordonnance.

Les autres, en quête d’ours blancs, eurentcette chance périlleuse de rencontrer un beau troupeau d’unetrentaine de bœufs musqués qui, à la vue de l’ennemi, commencèrentà piaffer et à mugir d’une façon menaçante.

Évidemment ces bœufs savaient ce que c’étaitque l’homme.

Déjà ce troupeau avait dû être chassé et subirdes pertes.

Taki-Data, qui avait le commandement, fitdévelopper tout son monde en ligne et recommanda de viser juste,sans hâte.

Accoutumée à chasser le buffle au Dahomey,elle savait combien les taureaux sauvages sont dangereux.

Aussi réserva-t-elle son feu etcommanda-t-elle à sa sœur d’en faire autant.

Elle savait que, criblés de balles, lestaureaux foncent toujours.

On en était à trois cents mètres.

– Commencez le feu, ordonna Taki Data Et lafusillade roula.

Les taureaux, cornes basses, en tourbillonsavec une vélocité terrible rendant le feu difficile, seprécipitèrent.

Avalanche vivante !

Avalanche de chair et de cornes !

Charge formidable !

Mais les balles faisaient rage aussi et lagrêle de plomb, brisait l’élan de cette masse redoutable.

Trois taureaux cependant arrivèrent l’un àquinze pas, l’autre à dix, l’autre à trois de la ligne destireurs.

Heureusement les Taki les abattirent en lestirant à la tête.

Sans elles, ils auraient enfoncé la ligne deschasseurs.

Douze taureaux à bas, cinq vaches et sixveaux, c’était beau !

Les amazones se mirent aussitôt à l’œuvre,éventrant d’abord et vidant les animaux abattus.

Puis elles se mirent à les dépecer pendant queles deux Taki sonnaient, dans leurs trompes, des appels aucamp.

On envoya des voitures et l’on ramena lebutin.

Victoire superbe !

La revanche était prise.

Aussi ces dames attendaient-elles impatiemmentle retour de Mlle de Pelhouër.

Sûrement elle ferait une tête…

Car il est avéré que les taureaux sont plusdangereux que les ours.

Mais le tard se faisait.

Mlle de Pelhouër nerevenait pas.

Il est vrai que l’on était à l’époque dusoleil de minuit.

La lumière baissait, mais l’astre du jour nese couchait pas.

On ne s’inquiéta pas trop d’abord, carMlle de Pelhouër pouvait avoir eu peu dechance, ne pas avoir trouvé de gros gibier et, entêtée comme ellel’était, avoir prolongé ses recherches.

Mais, enfin, on s’alarma.

Les Indiens, les Esquimaux, les trappeurs à latête de petites escouades, furent lancés dans toutes lesdirections.

Tous les officiers montèrent dans les voitureset cherchèrent de leur côté, accompagnés chacun d’unordonnance.

Mais, vers neuf heures du matin, après avoirfouillé l’île en tous sens, les détachements rentraient sans avoirrien trouvé.

Nulle trace.

Pas le plus petit indice.

Que faire ?

Que penser ?

D’Ussonville n’avait pas pris part auxrecherches ; comme un général en chef, il était resté à sonquartier général.

Connaissant son monde, sachant que personnen’épargnerait sa peine, sachant quels pisteurs étaient lesPeaux-Rouges, les Esquimaux, les trappeurs, il était sûr qu’aucuneffort ne serait épargné.

Avec le docteur, il se tenait prêt à partirsur la dernière voiture au premier appel.

Attente vaine.

Une morne tristesse plana sur le camp.

On l’aimait tant, cette jeune fille quiincarnait en elle la bravoure d’un peuple !

La fatigue, du reste, eut raison du chagrin etde l’inquiétude.

Après un repas rapide, tous les chercheurséreintés s’endormirent.

D’Ussonville, cependant, implacablementlogique, ordonna aux équipes d’ouvriers qui s’offraient de chercherà leur tour, de continuer le travail.

Après rapports qu’on lui avait faits, il avaitacquis la certitude que tous les coins de l’île avaient étéfouillés.

Dès lors il jugea inutile de lancer desouvriers en des recherches inutiles ; ce que les trappeursn’avaient pas trouvé, ils ne le trouveraient pas.

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