Scène IV
Antiochus, Arsace
Antiochus
Ne me trompé-je point? L’ai-je bien entendue?
Que je me garde, moi, de paraître à sa vue?
Je m’en garderai bien. Et ne partais-je pas,
Si Titus malgré moi n’eût arrêté mes pas?
Sans doute il faut partir. Continuons, Arsace.
Elle croit m’affliger, sa haine me fait grâce.
Tu me voyais tantôt inquiet, égaré:
Je partais amoureux, jaloux, désespéré,
Et maintenant, Arsace, après cette défense,
Je partirai peut-être avec indifférence.
Arsace
Moins que jamais, Seigneur, il faut vous éloigner.
Antiochus
Moi, je demeurerai pour me voir dédaigner?
Des froideurs de Titus je serai responsable?
Je me verrai puni parce qu’il est coupable?
Avec quelle injustice et quelle indignité
Elle doute à mes yeux de ma sincérité!
Titus l’aime, dit-elle, et moi je l’ai trahie.
L’ingrate! m’accuser de cette perfidie!
Et dans quel temps encor? dans le moment fatal
Que j’étale à ses yeux les pleurs de mon rival,
Que pour la consoler je le faisais paraître
Amoureux et constant, plus qu’il ne l’est peut-être.
Arsace
Et de quel soin, Seigneur, vous allez-vous troubler?
Laissez à ce torrent le temps de s’écouler;
Dans huit jours, dans un mois, n’importe, il faut qu’ilpasse.
Demeurez seulement.
Antiochus
Non, je la quitte, Arsace.
Je sens qu’à sa douleur je pourrais compatir:
Ma gloire, mon repos, tout m’excite à partir.
Allons, et de si loin évitons la cruelle,
Que de longtemps, Arsace, on ne nous parle d’elle.
Toutefois il nous reste encore assez de jour:
Je vais dans mon palais attendre ton retour.
Va voir si sa douleur ne l’a point trop saisie,
Cours; et partons du moins assurés de sa vie.