Scène VI
Titus, Paulin
Paulin
Dans quel dessein vient-elle de sortir,
Seigneur? Est-elle enfin disposée à partir?
Titus
Paulin, je suis perdu, je n’y pourrai survivre:
La reine veut mourir. Allons, il faut la suivre.
Courons à son secours.
Paulin
Hé quoi? n’avez-vous pas
Ordonné dès tantôt qu’on observe ses pas?
Ses femmes, à toute heure autour d’elle empressées,
Sauront la détourner de ces tristes pensées.
Non, non, ne craignez rien. Voilà les plus grands coups,
Seigneur; continuez, la victoire est à vous.
Je sais que sans pitié vous n’avez pu l’entendre;
Moi-même, en la voyant, je n’ai pu m’en défendre.
Mais regardez plus loin: songez, en ce malheur,
Quelle gloire va suivre un moment de douleur,
Quels applaudissements l’univers vous prépare,
Quel rang dans l’avenir…
Titus
Non, je suis un barbare.
Moi-même, je me hais. Néron, tant détesté,
N’a point à cet excès poussé sa cruauté.
Je ne souffrirai point que Bérénice expire.
Allons, Rome en dira ce qu’elle en voudra dire.
Paulin
Quoi, Seigneur?
Titus
Je ne sais, Paulin, ce que je dis.
L’excès de la douleur accable mes esprits.
Paulin
Ne troublez point le cours de votre renommée:
Déjà de vos adieux la nouvelle est semée;
Rome, qui gémissait, triomphe avec raison,
Tous les temples ouverts fument en votre nom,
Et le peuple, élevant vos vertus jusqu’aux nues,
Va partout de lauriers couronner vos statues.
Titus
Ah, Rome! Ah, Bérénice! Ah, prince malheureux!
Pourquoi suis-je empereur? Pourquoi suis-je amoureux?