Bérénice

Scène IV

 

Titus, seul.

Eh bien, Titus, que viens-tu faire?

Bérénice t’attend. Où viens-tu, téméraire?

Tes adieux sont-ils prêts? T’es-tu bien consulté?

Ton cœur te promet-il assez de cruauté?

Car enfin au combat qui pour toi se prépare

C’est peu d’être constant, il faut être barbare.

Soutiendrai-je ces yeux dont la douce langueur

Sait si bien découvrir les chemins de mon cœur?

Quand je verrai ces yeux armés de tous leurs charmes,

Attachés sur les miens, m’accabler de leurs larmes,

Me souviendrai-je alors de mon triste devoir?

Pourrai-je dire enfin: « Je ne veux plus vous voir? »

Je viens percer un cœur que j’adore, qui m’aime;

Et pourquoi le percer? Qui l’ordonne? Moi-même.

Car enfin Rome a-t-elle expliqué ses souhaits?

L’entendons-nous crier autour de ce palais?

Vois-je l’Etat penchant au bord du précipice?

Ne le puis-je sauver que par ce sacrifice?

Tout se tait, et moi seul, trop prompt à me troubler,

J’avance des malheurs que je puis reculer.

Et qui sait si sensible aux vertus de la reine

Rome ne voudra point l’avouer pour Romaine?

Rome peut par son choix justifier le mien.

Non, non, encore un coup, ne précipitons rien.

Que Rome avec ses lois mette dans la balance

Tant de pleurs, tant d’amour, tant de persévérance:

Rome sera pour nous… Titus, ouvre les yeux!

Quel air respires-tu? N’es-tu pas dans ces lieux

Où la haine des rois, avec le lait sucée,

Par crainte ou par amour ne peut être effacée?

Rome jugea ta reine en condamnant ses rois.

N’as-tu pas en naissant entendu cette voix?

Et n’as-tu pas encore oui la renommée

T’annoncer ton devoir jusque dans ton armée?

Et lorsque Bérénice arriva sur tes pas,

Ce que Rome en jugeait ne l’entendis-tu pas?

Faut-il donc tant de fois te le faire redire?

Ah lâche! fais l’amour, et renonce à l’empire;

Au bout de l’univers va, cours te confiner,

Et fais place à des cœurs plus dignes de régner.

Sont-ce là ces projets de grandeur et de gloire

Qui devaient dans les cœurs consacrer ma mémoire?

Depuis huit jours je règne, et jusques à ce jour

Qu’ai-je fait pour l’honneur? J’ai tout fait pour l’amour.

D’un temps si précieux quel compte puis-je rendre?

Où sont ces heureux jours que je faisais attendre?

Quels pleurs ai-je séchés? Dans quels yeux satisfaits

Ai-je déjà goûté le fruit de mes bienfaits?

L’univers a-t-il vu changer ses destinées?

Sais-je combien le ciel m’a compté de journées?

Et de ce peu de jours si longtemps attendus,

Ah malheureux! combien j’en ai déjà perdus!

Ne tardons plus: faisons ce que l’honneur exige;

Rompons le seul lien…

 

Auteurs::

Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer