Histoire d’un paysan – 1794 à 1795 – Le Citoyen Bonaparte

Chapitre 8

 

C’était au printemps de l’an IV, le bruit degrandes victoires en Italie commençait à se répandre ; mais ons’inquiétait beaucoup plus chez nous des armées de Sambre-et-Meuseet Rhin-et-Moselle, sur le point d’entrer en campagne, que desaffaires d’Italie. Qu’est-ce que faisait à la république de savoirsoixante et même quatre-vingt mille Autrichiens de l’autre côté desAlpes, puisque, avec vingt mille hommes postés dans la montagne,nous les empêchions d’entrer en France ? Nous devions en êtrecontents ; pour garder ce pays, ils perdaient un bon tiers deleurs forces. Au contraire, en allant les attaquer, nous étionstenus d’y mettre autant de monde qu’eux, de dégarnir les côtes deBrest, de Cherbourg, les frontières des Pyrénées, celles même dunord et de l’est, ce qu’il a bien fallu faire plus tard. Une seulegrande bataille perdue sur le Rhin culbutait la république ;les hommes de bon sens le voyaient ; malgré cela, cesvictoires coup sur coup étonnaient le monde.

C’est en lisant la lettre de Marescot quenotre étonnement redoubla, car mon beau-frère, comme tous les gensde son pays, n’avait ni règle ni mesure ; il avait écrit entête la proclamation de Bonaparte :

« Soldats, vous êtes mal nourris etpresque nus ; le gouvernement vous doit beaucoup et ne peutrien pour vous. Je vais vous conduire dans les plus fertilesplaines du monde ; vous y trouverez honneur, gloire,richesse ; soldats, manqueriez-vous decourage ? »

Après cela le gueux se mettait à chantervictoire sur victoire, à Montenotte, Millesimo, Dego, Mondovi. Jecroyais l’entendre ; il ne parlait pas, il criait, il dansaitcomme à la naissance de Cassius ; la fusillade, l’incendie,rien ne lui faisait : happer ! happer ! voilà sonaffaire. Et de temps en temps il s’arrêtait pour dire qu’iln’existait qu’un général sur terre : le généralBonaparte ! que tous les autres n’étaient que des mazettesauprès de lui : Kléber, Marceau, Hoche, Jourdan ; quetous ne lui montaient pas à la hauteur du talon. Il nereconnaissait plus, après Bonaparte, que Masséna, Laharpe, Augereauet quelques autres de l’armée d’Italie. Ensuite il recommençait, enmêlant à ces choses les bonnes prises qu’il avait déjà faites, lasatisfaction de Lisbeth, la bonne mine de Cassius ; en faisantsonner comme des cymbales tous ces noms nouveaux de la Bormida, deCherasco, de Ceva, etc., qu’on n’avait jamais entendus.

Toute ma vie je me rappellerai la figure dupère Chauvel, en lisant cette lettre à notre petit bureau, dans labibliothèque. Il serrait les lèvres, il fronçait les sourcils, etpuis un instant devenait rêveur et regardait devant lui. Lesproclamations de Bonaparte surtout l’arrêtaient ; il lesrelisait presque haut. Quand Marescot s’écria que Bonaparte étaitun petit homme, de deux pouces plus grand que Kléber avec ses sixpieds, Chauvel sourit et dit tout bas :

– Il ne compte pas la hauteur du cœur,ton beau-frère ; le cœur tient aussi la place et contribue àla taille. Je l’ai vu, Bonaparte, nous nous connaissons !

Marescot finit cette grande lettre en disantque, de l’endroit où campait son bataillon, il voyait toute laLombardie, avec ses rizières, ses fleuves, ses villes, sesvillages, et, dans le fond, à plus de cent lieues, les cimes desAlpes toutes blanches ! Il dit que tout était à eux, qu’ilsallaient tout envahir ; que l’Être suprême avait tout faitpour les braves ; il m’engageait à revenir, me prévenant quel’avancement marcherait vite ; que les rations ne seraientplus en retard, ni la paye, ni rien ; enfin l’avidité desrapineurs !

Lisbeth, qui ne savait ni A ni B, s’était sansdoute fait lire cette lettre, car elle avait mis au bas cinq ou sixcroix, comme pour signifier : « C’est vrai !… voilàce que je pense. Vive la joie, les batailles, l’avancement !il faut que nous ayons tout, que nous agrafions tout et que jedevienne princesse. »

Cette lettre fut cause d’un grand mouvementdans le pays ; je l’avais prêtée à maître Jean ; maîtreJean la prêta le lendemain à d’autres ; elle allait partout,et partout on disait :

– Bonaparte est un jacobin, un ancien amide Robespierre ; il a mitraillé les royalistes envendémiaire ; il va remettre les droits de l’homme aupinacle.

Chaque jour nous entendions répéter les mêmeschoses.

Notre ancien club de la place d’armes s’étaitrouvert après thermidor, et depuis quelques mois les vieillesbourriques attachées au ci-devant cardinal de Rohan, à l’anciennegabelle, à la perception des dîmes, faisaient là leurs motions pourle rappel des émigrés, pour les indemnités dues aux couvents, etd’autres choses pareilles. Pas un homme de bon sens n’allait lesentendre, ils étaient forcés de prêcher pour eux seuls, ce qui lesennuyait beaucoup.

Mais quelques jours après la lettre deMarescot, un vendredi, les patriotes arrivés au marché de grains etde légumes envahirent le club. Élof Collin avait écrit un longdiscours ; maître Jean Leroux voulait faire signer une adresseà l’armée d’Italie, et voter des remercîments à son général en chefle citoyen Bonaparte. Et tout à coup le père Chauvel mit sacarmagnole, il prit sa casquette et sortit vers onze heures,pendant la vente. Nous ne savions ce qu’il était devenu, quand nousentendîmes une grande rumeur sur la place ; je regardai denotre porte : Chauvel revenait, suivi d’une foule decanailles, qui l’accablaient d’injures, qui le bousculaient, etl’auraient même frappé, s’il n’était pas entré dans le corps degarde, sous la voûte de la mairie.

Naturellement, je courus à son secours ;il était pâle comme un mort et frémissait, criant d’une voix decommandement à l’officier de garde :

– Écartez ces misérables !… ceslâches qui se jettent sur un vieillard !… Je me place sousvotre protection.

Plusieurs hommes du poste sortirent à sarencontre. J’étais indigné de ne voir ni maître Jean, ni RaphaëlManque, ni Collin, ni personne autour de lui pour le défendre. Ilvenait de prononcer un discours furieux contre cette espèce depatriotes sans principes, qui se mettent toujours du côté de laforce, qui crient victoire avec les vainqueurs, et se jettent sousles pieds tantôt d’un Lafayette, tantôt d’un Dumouriez, tantôt d’unBonaparte, pour avoir part au gâteau !… contre ces espècesd’êtres qui n’ont pas de conviction et placent leur intérêt, leurégoïsme au-dessus de la justice et du droit.

Il avait attaqué la proclamation de Bonaparte,que tout le monde trouvait sublime, disant que Schinderhannes n’enaurait pas fait d’autre à ses bandits ; qu’il leur auraitdit : « Vous aimez le bon vin, les beaux habits, lesjolies filles ; personne ne veut vous faire crédit, la caisseest vide ; eh bien, venez, je connais une bonne ferme enAlsace, où les gens ont travaillé, économisé depuis cent ans depère en fils ; nous allons tomber dessus et la piller !Est-ce que vous manqueriez de courage ? »

Alors la fureur avait tellement éclaté contrelui, que le gros Schlachter, le bûcheron de Saint-Witt, avait étéle prendre au collet dans la chaire, et que, sans la force deChauvel, qui malgré sa petite taille avait des bras de fer, ill’aurait précipité sur le pavé. Schlachter avait trouvé sonhomme ; mais Chauvel, voyant que pas un ami ne venait lesoutenir, était descendu tout déchiré. C’est au milieu des coups depoing, des bousculades et des insultes qu’il avait gagné la porteet traversé la place. Je me souviens que, du haut des marches de lamairie, ses cheveux gris arrachés et l’une de ses joues couverte desang, il se retourna, criant d’une voix terrible aux femmes qui lepoursuivaient :

– Attendez !… attendez !… vosenfants payeront pour vous… C’est avec leur chair et leur sangqu’on rétablira des rois !… Vous pleurerez, misérables !Vous redemanderez la liberté, l’égalité… Vous aurez des maîtrescomme il vous en faut, et vous penserez à Chauvel !…

– Tais-toi, bête !… Tais-toi,Marat !… lui criaient ces malheureuses.

Il entra dans le corps de garde. Moi jen’avais plus une goutte de sang. Il s’assit sur un banc et s’essuyala joue avec un mouchoir, en demandant un peu d’eau, que lessoldats lui donnèrent dans le bidon.

– Va tranquillement à la maison, Michel,me dit-il. Tout ceci n’est rien ; nous en verrons biend’autres. Marguerite pourrait être inquiète. La mauvaise racepourrait aussi casser nos vitres et piller la boutique. Maintenantque c’est la mode et que tout est de bonne prise, fit-il ensouriant avec amertume, ce ne serait pas étonnant.

J’allais partir, lorsque Marguerite, toutepâle, arriva, l’enfant sur le bras. C’est la première fois que jela vis sangloter, car elle avait beaucoup de courage. Le pèreChauvel s’attendrit aussi deux minutes.

– Ce n’est pas nous, dit-il, qui sommes àplaindre, ce sont ces malheureux, élevés dans l’admiration de laviolence.

Ensuite il me donna l’enfant, il prit le brasde sa fille, et nous partîmes ensemble, par la porte qui donnaitsur la halle. Un piquet de soldats nous entourait ; mais,grâce à Dieu, la foule était déjà dissipée, elle n’était pas entréechez nous.

Le seul ami que nous rencontrâmes à la maison,ce fut le curé Christophe ; il avait eu l’idée, comme Chauvel,qu’on viendrait nous piller, et se tenait là, sur la porte, avec sagrosse trique. Lorsque nous arrivâmes, il étendit les bras ens’écriant :

– Chauvel, il faut que je vousembrasse ; ce que vous avez dit est selon mon cœur ;malheureusement j’étais dans l’autre allée, je n’ai pu voussoutenir.

– Cela vaut mieux, dit Chauvel ; àla moindre résistance les gueux nous auraient assommés. Voilàpourtant ceux qui m’ont nommé deux fois leur représentant, dit-ilensuite d’un air de pitié. J’ai rempli mon devoir avec conscience.Qu’ils en choisissent maintenant un autre, cela ne m’empêchera pasde dire toujours ce que je pense sur ce Bonaparte, qui ne parle nide vertu, ni de liberté, ni d’égalité, dans ses proclamations, maisde plaines fertiles, d’honneurs et de richesses.

Le père Chauvel était si maltraité, qu’il engarda le lit plus de huit jours. Marguerite le soignait ; moij’allais le voir toutes les heures ; il ne finissait pas deplaindre le peuple.

– Les malheureux veulent pourtant larépublique, disait-il ; seulement, comme les royalistes et lesgros bourgeois se sont rendus maîtres de tout, comme ils ont mis lepeuple hors de la constitution, la grande masse n’a plus de chefs,elle met son espérance dans les armées. Le mois dernier, c’étaitJourdan qui devait tout sauver, après Jourdan, Hoche, après Hoche,Moreau ; maintenant c’est Bonaparte !

Alors il parlait de Bonaparte, simple généralde brigade, commandant l’artillerie à l’armée d’Italie en1794 ; il racontait que cet homme petit, brun, sec, lesmâchoires avancées, les yeux clairs et le teint pâle, neressemblait à personne ; que l’impatience d’être en sous-ordrese voyait dans ses yeux ; qu’il n’obéissait aux représentantsdu peuple qu’avec indignation, et n’avait qu’un seul ami,Robespierre jeune, espérant bientôt se rapprocher de Robespierrel’aîné. Mais qu’après la débâcle de thermidor, il s’était attachébien vite à Barras, le bourreau de son ami.

– Je l’ai vu, disait-il, le 12vendémiaire, à Paris, après la destitution de Menou, qui s’étaitmontré trop faible contre les bourgeois révoltés. Barras le fitappeler aux Tuileries même, et lui proposa de se charger del’affaire en second. C’était dans une grande salle servant devestibule à la Convention. Bonaparte demanda vingt minutes deréflexion ; il s’appuya le dos au mur, la tête penchée, lescheveux pendant sur la figure, les mains croisées sur le dos. Je leregardais au milieu de ce grand tumulte des représentants et desétrangers, allant, venant, se parlant, se rapportant lesnouvelles ; il ne bougeait pas !… Et ce n’est pas à sonplan d’attaque qu’il pensait, Michel, son plan était à faire sur leterrain ; il se demandait : « Est-ce que cetteaffaire peut m’être utile ? » et se répondait :« C’est fameux !… La guerre est entre les royalistes etles jacobins ; je me moque autant des uns que des autres. Lesroyalistes constitutionnels ont derrière eux les bourgeois, lesjacobins ont derrière eux le peuple. Mais comme les bourgeois deParis font une fausse manœuvre, en se soulevant contre l’acteadditionnel et la réélection des deux tiers, acceptés par laprovince ; comme ils forcent la majorité de se retirer, ou deles remettre à la raison, dans tous les cas, je n’ai rien à perdreet tout à gagner. Je vais armer les jacobins des faubourgs, qui meregarderont comme un des leurs, et j’aurai suivi les ordres de lamajorité, en mitraillant les révoltés. Barras, un imbécile auquelje laisserai toute la gloire, demandera pour moi quelque bon poste,un commandement supérieur, et je lui grimperai sur ledos. »

« Voilà, Michel, j’en suis sûr, ce qu’ilse disait, car pour le reste il n’avait pas besoin deréfléchir ; il n’attendit même pas la fin des vingt minutes,et vint déclarer brusquement qu’il acceptait. Une heure après, tousles ordres était partis. Pendant la nuit, les canons arrivèrent,les sections furent armées ; le lendemain à quatre heures lescanons se trouvaient en position, les mèches allumées ; à cinqheures l’affaire s’engageait ; à neuf, tout était fini.Bonaparte obtint aussitôt sa récompense : il passa général dedivision, et Barras, nommé depuis directeur, lui fit épouser une deses amies, Joséphine Beauharnais, et lui donna le commandement del’armée d’Italie. Bonaparte est beaucoup trop fin et trop ambitieuxpour se déclarer contre le peuple avec les constitutionnels. Nosautres généraux manquent de nerf, ils veulent tout ménager ;on ne sait ce qu’ils sont ; ils obéissent. Lui se déclarejacobin et fait ses traités tout seul ; il envoie de l’argent,des drapeaux et des tableaux à Paris.

» Je ne connais pas d’être plusdangereux ; s’il continue de remporter des victoires, tout lepeuple sera de son côté. Les bourgeois égoïstes, au lieu de marcherà la tête de notre révolution, seront à la queue ; le peuple,qu’ils ont dépouillé de son droit de vote, et qu’ils veulentgouverner avec un roi constitutionnel, les regardera comme sespremiers ennemis ; il aimera mieux se faire soldat deBonaparte, que valet de quelques rusés compères, qui s’efforcentd’escamoter ses droits l’un après l’autre, et veulent qu’un grandpeuple ait bousculé l’Europe, pour assurer les jouissances d’unepoignée d’intrigants. Nous en sommes là ! C’est à choisirentre la ruse et la force : le peuple est las des filous. Siles constitutionnels ne le voient pas, s’ils persistent dans leursbons tours, Bonaparte ou bien tout autre général n’aura qu’àgarantir les biens nationaux, à demander compte des droits del’homme, à crier qu’il réclame au nom du peuple, et tous ces malinsseront balayés. Une seule chose peut résister à la force, c’est lajustice ; mais pour que le peuple veuille la justice, il fautque les autres commencent à lui rendre tous ses droits ; nousallons voir s’ils auront ce bon sens. »

Ainsi parlait le père Chauvel.

Mais il faut que je vous avoue une chose, dontje me suis bien repenti plus tard, et que j’aimerais mieux laisserde côté, si je ne vous avais promis toute la vérité : c’estqu’après avoir tant souffert dans ma jeunesse, après avoir mendiésur la grande route, gardé les vaches de maître Jean, après avoirtraîné la misère de toutes les façons, je me trouvais bien heureuxde vivre comme un bourgeois, et que tout ce qui pouvait troublermes affaires m’indignait. Oui, c’est la triste vérité ! Despains de sucre pendus au plafond de notre boutique, des tiroirsgarnis de sel, de poivre, de café, de cannelle, des gros sous etquelque pièces blanches dans le comptoir, pour un pauvre diablecomme moi, c’était extraordinaire ; je n’avais jamais rienespéré de pareil ; et d’être assis le soir à ma table, deregarder Marguerite, de tenir mon petit Jean-Pierre, qui m’appelait« papa », ses grosses lèvres humides sur ma joue, celam’attendrissait ; j’avais peur de voir déranger cette bonnevie ; et rien que d’entendre Chauvel trouver tout mal, criercontre le Directoire, les conseils, les généraux, et soutenir qu’ilfaudrait une seconde révolution pour tout remettre en ordre, celame faisait pâlir de colère. Je me disais en moi-même :

« Il en demande trop ! Tout va trèsbien, le commerce reprend, les paysans ont leur part, nous avonsaussi la nôtre ; pourvu que tout s’affermisse, qu’est-ce qu’ilnous faut de plus ? Si les émigrés et les prêtres essayent derenverser le gouvernement, nous serons toujours là et nos arméesrépublicaines aussi ; à quoi bon s’inquiéterd’avance ? »

Voilà les idées que j’avais.

Chauvel le devinait sans doute ; ilcriait quelquefois contre ces gens satisfaits qui ne s’inquiètentque de leurs affaires, et ne se doutent pas que tout peut leur êtreenlevé par ruse, faute d’avoir exigé des garanties solides,définitives, c’est-à-dire le gouvernement de la nation parelle-même.

Je comprenais qu’il me parlait, mais je ne luirépondais pas, et je m’obstinais à trouver tout bien.

Pendant ce temps les victoires allaient leurtrain. Alors Bonaparte, après avoir détruit l’armée des Piémontaiset bousculé celle de Beaulieu, passait le Pô, entrait à Milan,écrasait Wurmser à Castiglione, Roveredo et Bassano ; Alvinzià Arcole, Rivoli et Mantoue ; l’armée du pape à Tolentino, etnous faisait céder Avignon, Bologne, Ferrare et Ancône. AlorsJourdan et Kléber, après les victoires d’Altenkirchen, d’Ukerat, deKaldieck, de Friedberg, enlevaient le fort de Kœnigstein etentraient à Francfort. Alors Moreau passait le Rhin à Strasbourg,prenait le fort de Kehl, gagnait les batailles de Renchen, deRastadt, d’Ettlingen, de Pfortsheim, de Néresheim, rejetait lesAutrichiens sur Donawerth, et s’étendait en Bavière, pour joindreBonaparte dans le Tyrol. Mais l’archiduc Charles ayant surpris etécrasé Jourdan à Wurtzbourg, avec des forces supérieures, Moreaufit sa fameuse retraite à travers la Souabe soulevée, livrant descombats chaque jour, enlevant des régiments entiers à l’ennemi,forçant les défilés du val d’Enfer, après une dernière victoire àBiberach, et ramenant toute son armée glorieuse à Huningue.

Jamais on n’a vu de soldats plus attachés àleur général que ceux de Moreau ; c’étaient tous de vieux etsolides républicains, qui ne se plaignaient pas d’aller pieds nuset se montraient fiers en quelque sorte de leurs haillons. Sôme enétait ; il nous écrivit alors quelques mots dont Chauvel futattendri :

– Ceux-là, disait-il, sont encore desbons ; on n’a pas besoin de leur parler de plaines fertiles,d’honneurs et de richesses !

Et ce qui le faisait rire, c’est que Sômeadmirait surtout la pipe dont Moreau fumait toujours et tirait degrosses bouffées pendant les combats ; lorsque l’affaire étaitbien chaude, les bouffées se suivaient coup sur coup ; quandelle se ralentissait, la pipe devenait aussi plus calme. Quelsenfantillages ! Mais les bonnes gens s’étonnent de tout, ilsen font de grandes histoires, et ne parlent pas de leur proprehéroïsme.

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