Histoire d’un paysan – 1794 à 1795 – Le Citoyen Bonaparte

Chapitre 2

 

Le lendemain 7 avril 1794, je quittaiParis ; j’en avais assez vu.

Quand un homme seul fait trembler tous lesautres ; quand, sur ses rapports, on est regardé commecoupable, que les preuves, les témoins, les défenseurs ne sont plusque des formalités ; que les juges et les jurés sont choisispour envoyer ceux qui les gênent à la guillotine, cela dittout !

Je m’en allai bien triste et bien malade, toutblanc de poussière, car il faisait chaud.

Tout le long de la route des postes vousarrêtaient, visitaient vos papiers, mettaient leur visa dessus.Robespierre n’avait confiance que dans la police ; presquetous les juges de district, les administrateurs, les représentantsen mission, les maires, et jusqu’aux gardes champêtres, étaient desa police ; cela faisait en quelque sorte une nation demouchards, qui se payait et vivait sur les paysans, les ouvriers,les travailleurs de toute sorte. On comprend combien de pareillesavanies, qui se renouvelaient à chaque bourgade, indignaient lesvoyageurs.

Le huit ou neuvième jour, après avoir passéChâlons, je me traînais un soir sur la route deVitry-le-Français ; la sueur me tombait goutte à goutte dufront, et je m’écriais en moi-même : « Faut-il donc tantsouffrir en ce monde, avant d’arriver au cimetière ! Faut-ilque tantôt une espèce de gueux et tantôt une autre roule en voitureet se goberge comme des princes, pendant que les honnêtes genspérissent lentement de fatigue et de misère ! »

J’avais fini par m’asseoir sur un tas depierres, regardant au loin, bien loin, un petit village au bout dela route ; le soleil descendait ; j’avais faim et soif,et je me demandais si j’aurais encore le courage d’aller jusque-là.Comme j’étais ainsi découragé, tout à coup le roulement d’unevoiture sur la route me fit tourner la tête, et je vis s’approcherau trot une de ces charrettes de la campagne, – tressées d’osier, –en forme de grande corbeille, un vieux bonhomme en large chapeau depaille et carmagnole de drap gris assis devant. À mesure qu’ils’approchait, je reconnaissais qu’il avait une bonne figure, degros yeux bleu clair, de bonnes lèvres, la perruque à la cadogandans son sac, qu’on appelait crapaud ; il me regardait aussi,et me cria le premier :

– Tu es las, citoyen ! monte donc àcôté de moi, ça te reposera de la route.

J’étais étonné et même attendri.

– J’allais te demander ce service,citoyen, lui dis-je en me levant, pendant qu’il s’arrêtait et metendait la main. Je n’en peux plus !

– Ça se voit, fit-il. Tu viens deloin ?

– J’arrive de la Vendée. Je suis maladeet hors de service ; la marche me fatigue, je crache le sang.Pourvu que j’arrive au pays pour mourir, c’est tout ce que jedemande.

La charrette s’était remise à trotter ;lui, me regardant alors, s’écria comme touché :

– Bah ! bah ! jeune homme,qu’est-ce que cela signifie ? Tu n’as donc pas decourage ? Quand on est jeune, il ne faut jamais se désespérer.Je te dis, moi, qu’il ne te faut que du repos, une bonnenourriture, du bon vin, et tout se remettra. Crois-moi ! HueGrisette !

Je ne répondis rien ; quelques instantsaprès il me demanda :

– Tu as passé par Paris,citoyen ?

– Oui, lui dis-je, et cela m’a rendu plusmalade ; j’ai vu là des choses qui m’ont arraché le cœur, j’ensuis abattu.

– Quoi donc ? fit-il en meregardant.

– J’ai vu guillotiner les meilleurspatriotes : Danton, Camille Desmoulins, mon généralWestermann, et tous les braves gens qui nous avaient sauvés. Si jen’étais pas tellement malade, et si je valais la peine d’êtreguillotiné, je n’oserais pas parler comme je le fais ; maisqu’on vienne m’empoigner, je m’en moque, les scélérats ne metiendront pas longtemps : c’est de l’abominablecanaille !

En parlant, la colère et la fatigue mefaisaient cracher le sang à pleine bouche. Je pensais :

« Tout est perdu !… Tant pis !…Si c’est un robespierriste, qu’il me dénonce ! »

Lui, voyant cela, se tut un instant ; ilétait devenu tout pâle, et ses gros yeux étaient comme enflés delarmes ; mais il ne me dit pourtant rien, m’engageantseulement à me contenir. Alors je lui racontai ce que j’avais vu,dans les détails ; les tas de soi-disant sans-culottes quicouraient derrière les voitures, criant : « À bas, lescorrompus ! » et le reste.

Nous approchions du village, un pauvrevillage : les maisons plates, affaissées sous les lourdestuiles creuses, les fumiers et les hangars dans un état de misère.Il en existait pourtant une assez belle et mieux bâtie, avec depetits jardins sur les côtés, devant laquelle la voitures’arrêta.

Je descendis en remerciant ce brave homme, etje prenais mon sac à la courroie, lorsqu’il me dit :

– Bah ! tu vas rester ici, citoyen,tu ne trouverais pas de bouchon au village.

En même temps une grande femme sèche sortit dela maison, avec un de ces anciens chapeaux de paille en forme decornet ; le vieux encore sur la charrette, lui cria :

– Ce jeune homme est de la maison pour cesoir ; c’est un brave garçon, nous allons vider bouteilleensemble ; et pour le reste, comme on dit, à la fortune dupot !

Je voulais refuser, mais lui, me prenant parl’épaule et me poussant doucement dans la salle, disait :

– Bah ! bah ! c’est entendu… tume feras plaisir, et à ma femme, à ma fille, à ma sœur. Henriette,prends le sac du citoyen ; qu’on lui prépare un bon lit ;le temps de dételer, de mettre le cheval à l’écurie etj’arrive.

Il fallut bien faire ce qu’il voulait ;pour dire vrai, je n’en étais pas fâché, car cette maison meparaissait la meilleure de l’endroit ; et la grande salle enbas, la table ronde au milieu, avec un rouleau de paille pournappe, les assiettes, les gobelets, la bouteille autour, merappelaient le bon temps des Trois-Pigeons.

La femme, elle, m’ayant regardé d’un aird’étonnement, me conduisit dans une petite chambre derrière, lafenêtre sur un verger, et me dit :

– Mettez-vous à votre aise, Monsieur.

Depuis longtemps je n’avais plus entendu lesgens se parler poliment ; j’en fus un peu surpris. Elles’était retirée. Je sortis de mon misérable sac ce qui me restaitde mieux, je me lavai avec du savon dans une grande écuelle, jechangeai de souliers, enfin je fis ce que je pus, et je rentraibientôt dans la salle. La soupière était déjà sur la table. Uneautre femme et une jeune fille de seize à dix-sept ans, très jolie,se trouvaient là, causant avec le maître de la maison.

– Allons, assieds-toi, me dit le citoyen.Je sors pousser les volets.

Je m’assis avec les dames ; il revint etme servit le premier une bonne assiette de soupe aux légumes, commeje n’en avais pas senti de pareille depuis deux ans ; ensuitenous eûmes un bon morceau de veau rôti, de la salade, une corbeillede noix, avec du pain et du vin excellent. Cette famille devaitêtre la plus riche du pays. Tout en mangeant, le citoyen Lami, –voilà que son nom me revient. Oui, c’est Lami qu’ils’appelait ; cela remonte à 94. Que de choses se sont passéesdepuis ! – Ce citoyen donc raconta ce que j’avais vu etl’indignation que ce spectacle m’avait causée. C’était vers la findu souper. Tout à coup, l’une des dames se leva, le tablier sur lesyeux, et sortit en sanglotant, et quelques instants après les deuxautres la suivirent. Alors il me dit :

– Citoyen, ma sœur est mariée àArcis-sur-Aube ; c’est une amie de la famille Danton. Elle estrevenue de là depuis trois jours ; et nous tous nousconnaissons cette famille, nous lui sommes attachés ; j’aimoi-même eu bien des rapports avec Georges Danton ; vouspensez si cela nous touche.

Il ne me tutoyait plus, et je vis qu’il étaitprêt à fondre en larmes.

– Ah ! quel malheur, fit-il, quelhorrible malheur !

Et tout à coup il sortit aussi. Je restai seulplus d’un grand quart d’heure, le cœur gros. Je n’entendaisrien ; et puis ils revinrent ensemble, les yeux rouges ;on voyait qu’ils avaient pleuré. Le citoyen, en rapportant unebouteille de vieux vin ; il me dit en la débouchant :

– Nous allons boire au salut de larépublique !… À la punition des traîtres !…

En même temps il remplit mon verre et le sienet nous bûmes. Les femmes ayant repris leur place, la sœur ducitoyen Lami, qu’on appelait Manon, raconta qu’un mois avant,Danton était encore chez sa mère, à Arcis-sur-Aube ; qu’il sepromenait dans une grande salle donnant sur la place, les portes etles fenêtres ouvertes ; que chacun pouvait aller le voir, luiserrer la main, lui demander un conseil ; ouvriers, bourgeois,paysans, il recevait tout le monde, disant au premier venu ce qu’ilpensait, sans méfiance ; qu’il avait souvent amené desamis : Camille Desmoulins et sa jeune femme, la sienne et sesdeux enfants, quelquefois son beau-père et sa belle-mèreCharpentier ; ils redescendaient tous chez la mère de Danton,mariée en secondes noces avec le citoyen Recordain, marchand àArcis-sur-Aube. On ne connaissait pas de plus honnêtes gens et deplus aimés dans tous le pays.

Je voyais, d’après ce que cette pauvre femmeme racontait, que Danton s’était perdu lui-même par sa trop grandeconfiance ; car on peut bien penser qu’un homme de policecomme Robespierre, qui dans le Comité de salut public nes’inquiétait que de la police, des espionnages, des dénonciationset des conspirations, – qu’il inventait souvent lui-même, – on peutbien penser qu’un pareil être avait toujours trois ou quatre de sesmouchards autour de Danton, pour lui rapporter ses paroles, sesindignations et ses menaces.

J’avais lu dans les gazettes que Dantons’était engraissé pendant sa mission en Belgique, et je demandainaturellement à cette personne, si Danton était riche. Elle merépondit que la famille Danton était aisée avant comme après laRévolution ; qu’on ne l’avait pas vue depuis dans un étatmeilleur ou pire. C’est ce que je savais d’avance ; un hommecomme Chauvel avait l’œil beaucoup trop fin, il méprisait lui-mêmebeaucoup trop l’argent pour s’associer avec des filous.

Voilà tout ce qui me revient de ceschoses ; et depuis j’ai toujours été convaincu queRobespierre, Saint-Just, Couthon et toute cette race d’ambitieuxsans cœur, avaient couvert de boue la tombe de ce grandhomme ; qu’ils l’avaient calomnié bassement, chose du resteassez facile à voir, puisque, s’ils avaient eu des preuves après lamort des dantonistes, les gens de police qui couvraient la Franceles auraient affichées partout. Et je suis sûr aussi que le seulcrime de Westermann, à leurs yeux, était d’avoir été reconnu parDanton, à l’armée du Nord, comme un véritable homme de guerre, ettout de suite élevé par lui du grade de simple commandant à celuide général, en Vendée. Westermann, un des premiers citoyens àl’attaque du château des Tuileries, le 10 août, pouvait soulever lepeuple en faveur de la justice et venger ses amis. Le plus simpleétait de s’en débarrasser, malgré ses services et sonpatriotisme : c’est ce que ces êtres vertueux avaientfait.

Enfin j’ai dit ce que je pense sur toutcela.

Les honnêtes gens chez qui j’étais meretinrent jusqu’au lendemain à midi : je déjeunai, je dînaichez eux, et puis le citoyen attela sa charrette et me conduisitlui-même jusqu’à Vitry-le-Français. Jamais je n’ai trouvé d’hommepareil ; aussi je m’en souviens et je dis à mes enfants des’en souvenir. Il s’appelait Lami, Jean-Pierre Lami. C’était unvrai patriote, et qui me rendit courage, en m’assurant que ma finn’arriverait pas encore ; que j’en reviendrais pour sûr. Il medit cela d’un air tellement simple et naturel, que je reprisconfiance. Du reste, il ne voulut pas recevoir un sou, et même ilfallut encore, à l’entrée de Vitry-le-Français, vider ensemble unebouteille de vin, que ce brave homme paya de sa poche. Après celail m’embrassa comme une vieille connaissance et me souhaita un bonvoyage.

Étant donc parti de là plus courageux, jesuivis le conseil du citoyen Lami, de prendre à chaque repas unechopine de bon vin, même s’il était cher, en calculant sur mabourse, bien entendu, parce qu’il me restait encore huit ou dixjours de route, dans l’état où je me trouvais. L’idée de la mortm’avait quitté ; je songeais à Marguerite, à mon père, àmaître Jean, et je me disais :

« Courage, Michel, ilst’attendent ! »

Je revoyais le pays, j’entendais les cris desamis :

« Le voilà !… c’estlui !… »

Au lieu de me laisser abattre, de m’appuyersur mon bâton, le dos courbé, je me redressais, j’allongeais lepas. Et la vue du pays désolé, les plaintes des paysans taxés aumaximum, la publication de ces taxes dans chaque district,l’enlèvement des grains, les disputes à la porte des boutiques,l’arrivée des commissaires de subsistances, des gendarmesnationaux, toutes ces choses que je rencontrais à chaque bourgade,et la demande qu’on me faisait de mes papiers, les interrogatoiresen règle des aubergistes chaque soir avant de vous donner un lit,ces mille ennuis de la route ne me faisaient plus rien.

J’avais aussi le bonheur de rencontrerquelquefois la carriole d’un paysan et de monter dessus pour deuxou trois sous ; les petites villes et les villages défilaientaprès Vitry-le-Français : Bar-le-Duc, Commercy, Toul, Nancy,Lunéville… Ah ! c’est encore la vue des montagnes qui me remuale cœur, ces vieilles montagnes bleues qui seront encore là quandnous n’y serons plus depuis des siècles, que nos enfants et nospetits-enfants verront après nous, et salueront comme nous lesavons saluées en revenant de la terre étrangère : les hauteursdu Dagsbourg, où l’on a bâti depuis une petite chapelle blanche, etplus loin à droite, le Donon, qui seul conservait sa grande traînéede neige au-dessus des bois. Enfin j’approchais de chez nous ;il faisait un temps superbe.

Ce jour-là, j’étais parti de Sarrebourg àquatre heures du matin, et vers neuf heures je descendais la côtede Mittelbronn ; je revoyais les Maisons-Rouges, les Baraquesd’en haut et du Bois-de-Chênes, et la ligne des remparts. Vingtminutes après je passais la porte de France. Ai-je besoin de vouspeindre nos embrassades, notre attendrissement ; les larmes deMarguerite en me voyant si faible et pensant que j’avais traversétoute la France dans cet état, pour la retrouver ; ladésolation d’Étienne et celle du vieux père qui vint aussitôt, carle brave homme avait apporté des paniers à vendre sur lemarché ? Ces choses, quand j’y songe, me touchent encore.

À peine assis dans la bibliothèque, aprèsavoir tant souffert et tant eu de force pendant la route, je mesentis comme épuisé. Je serrais mon père dans mes bras, lorsque lescrachements de sang me reprirent d’une façon terrible, et, pour lapremière fois depuis le combat de Port-Saint-Père, je tombai sansconnaissance. On me crut mort. C’est dans le lit de Chauvel, versle soir, que je m’éveillai, si faible qu’il ne me restait plus quele souffle. Marguerite était penchée sur moi et pleurait à chaudeslarmes. Je lui pris la tête dans mes mains et je l’embrassai encriant :

– J’ai bien fait, n’est-ce pas, de medépêcher pour te voir encore ?

Le père, lui, n’avait pu rester, étant tropdésolé. Pourtant M. le docteur Steinbrenner, alors un jeunehomme, mais déjà plein de bon sens, avait dit que je n’étais pas endanger de mort, qu’il ne me fallait que du repos et de latranquillité. Il avait seulement recommandé de ne laisser entreraucun patriote, parce qu’ils n’auraient pas manqué de me demanderdes nouvelles.

C’est dans ce temps que je reconnus toutl’amour de Marguerite, et que je compris combien j’étais heureux.Jamais personne n’a reçu les mêmes soins que moi ; jour etnuit Marguerite me veillait et me soignait ; elle nes’inquiétait plus de leur commerce.

Je me remis lentement. Au bout de troissemaines Steinbrenner déclara que j’étais sauvé, mais qu’il avaiteu peur bien des fois de me voir passer d’une minute à l’autre. Quevoulez-vous ? on trompe les malades pour leur bien, et jetrouve qu’on n’a pas tort ; les trois quarts perdraientcourage s’ils connaissaient leur état. Enfin j’étais hors dedanger, et seulement alors Steinbrenner permit de me donner un peude nourriture. Tous les matins Nicole venait de l’auberge desTrois-Pigeons, avec un petit panier au bras, demander de mesnouvelles ; c’est maître Jean qui l’envoyait. En cette année94, le sucre se vendait trente-deux sous un denier la livre, et laviande, on ne pouvait en avoir, même avec de l’argent. Ah !brave maître Jean, vous m’avez traité comme votre proprefils ; dans tous les malheurs de la vie, vous m’avez tendu lamain ; vous étiez l’honnêteté, la bonté même ; que leshommes comme vous sont rares, et quel long souvenir ils laissentdans le cœur de ceux qui les ont connus ! Nicole passait parla cuisine et je ne manquais de rien. Marguerite, en voyant mon bonappétit, me souriait. Maître Jean et les patriotes Élof Collin,Létumier, Raphaël Manque venaient aussi me serrer la main.

C’est principalement après les grandesmaladies qu’on se réjouit de vivre, et qu’on revoit les choses enbeau ; moi, tout m’attendrissait et me faisait pleurer commeun enfant ; rien que la lumière du jour à travers les rideauxme donnait des éblouissements ; et que Marguerite meparaissait belle alors, avec ses cheveux noirs, son teint pâle, sesdents blanches ! O Dieu ! quand j’y pense, je rattrapemes vingt ans !

Au bout d’un mois, j’avais repris mesforces ; j’aurais pu facilement m’en aller aux Baraques, maisl’idée de voir ma mère ne me plaisait pas trop, je savais d’avancecomment elle me recevrait ! Toute la ville parlait déjà de monmariage avec Marguerite ; ma mère avait commencé de terriblesdisputes avec mon père sur ce chapitre ; ellecriait :

– Je ne veux pas d’unehérétique !

Et mon père, indigné, lui répondait :

– Et moi j’en veux ! La loi nedemande que mon consentement, et je le donne avec ma bénédiction.Crie, fais des esclandres, le maître, c’est moi !

Ces choses, je ne les ai sues que par lasuite ; mon bon père nous les cachait.

Mais à cette heure je vais vous raconter notremariage, ce qui vous fera plus de plaisir, j’en suis sûr, que lesiège de Mayence ou la débâcle de Coron, car on aime mieux voir lesgens heureux que misérables.

Vous saurez donc que, vers la fin du mois demai, comme j’étais sur pied, bien remis et rhabillé par Marguerite,parce que je n’avais pas le sou, je ne vous le cache pas, j’en suismême fier ; elle pouvait dire : « Michel est à moidepuis le cordon de sa perruque jusqu’à la semelle de sessouliers ! » en ce temps donc, Marguerite et moi nousécrivîmes tous les deux au père Chauvel, à l’armée des Alpes, pourlui raconter ce qui s’était passé et lui demander son consentement.Il nous l’envoya tout de suite, disant que son seul regret était dene pas être à Phalsbourg, mais qu’il approuvait tout et chargeaitson ami Jean Leroux de le remplacer comme père au mariage.

Il fit aussi d’autres invitations à la noce,car cet homme de bon sens, même au milieu des plus grandesaffaires, voyait ce qui se passait au loin et n’oubliait rien dansdes occasions pareilles. Notre mariage fut arrêté pour le 3messidor an II de la république, ou, si vous aimez mieux, pour le21 juin 1794. C’était au temps de la plus grande disette. Tout lemonde sait que, dans les temps ordinaires, le mois de juin estdifficile à passer ; la récolte des grains se fait en juilletet en août. Qu’on se figure l’état du pays après 93 ; toutétait consommé depuis longtemps, et l’on ne pouvait encore rienrécolter. Il n’arrivait plus rien au marché, les pauvres gensallaient, comme avant la révolution, faucher les orties, et s’ennourrissaient, en les cuisant avec un peu de sel.

Mon Dieu ! qu’est-ce que je puis encorevous dire ? Malgré la rigueur du temps, malgré le ravage dupays par les Allemands et la cherté des vivres ; malgré leslistes d’anciens constituants, d’anciens présidents, d’anciensjuges, d’anciens fermiers généraux, – les complices de Louis Capet,de Lafayette et de Dumouriez, – qu’on menait à guillotine, malgrétout, la noce fut joyeuse. Le festin dura jusqu’à neuf heures dusoir ; on battait la retraite lorsque les amis partirent,riant et chantant, se souhaitant bonne nuit ; on n’aurait pascru que nous étions en pleine terreur. Mon père, maître Jean, dameCatherine, reprirent le chemin des Baraques ; mon frèreÉtienne ferma la boutique et monta se coucher ; Marguerite etmoi nous restâmes seuls ensemble, les plus heureux du monde.

Ainsi se passa mon mariage, et naturellementce fut le plus beau jour de ma vie.

Maître Jean m’avait prévenu que l’ouvrage nemanquerait pas aux Baraques, et que je pourrais reprendre mon vieuxmarteau quand cela me conviendrait ; il m’avait aussi faitentendre que j’aurais bientôt sa forge et qu’il irait surveillerlui-même sa ferme de Pickeholz.

J’étais donc débarrassé de toute inquiétudesur l’avenir, sachant que mes trois livres m’attendaient tous lesjours. Les choses prirent pourtant une autre tournure que je nepensais. Le lendemain matin, comme Étienne, Marguerite et moi, nousdéjeunions dans notre petite bibliothèque, avec un restant de lard,des noix et un verre de vin, – nos trois almanachs pendus auxvitres sur la rue des Capucins, un paquet de gazettes à droite, lagrosse cruche d’encre à gauche, enfin au milieu de notre fonds deboutique, tout heureux de vivre pour la première fois en famille, –au moment de remettre ma grosse veste de forgeron, je racontai lesbelles promesses que m’avait faites le parrain, pensant réjouirtout le monde. Marguerite, en petite camisole blanche du matin,m’écoutait d’un air tranquille, et, tout à coup, élevant sa voixclaire, elle me répondit :

– C’est très bien, Michel. Que maîtreJean aille soigner sa ferme de Pickeholz et quitte sa forge, ça leregarde ; mais nous autres, nous devons songer à nos propresaffaires.

– Hé ! ma bonne Marguerite, luidis-je, qu’est-ce que je pourrais faire ici, les brascroisés ? N’est-ce pas assez que tu m’aies rhabillé de fond encomble, veux-tu donc encore me nourrir ?

– Non, non, ce n’est pas ce que je veux,dit-elle. Étienne, j’entends aller la sonnette, va voir ce que lesgens demandent ; il faut que je cause avec ton frère.

Étienne sortit, et Marguerite, assise auprèsde moi, devant le petit bureau de son père, m’expliqua que nousallions étendre notre commerce, vendre des épiceries : poivre,sel, café, etc. ; que nous achèterions tout de première main,chez les Simonis de Strasbourg, et que cela nous rapporterait bienplus que les livres et les gazettes, parce que le monde, avant des’instruire, songe d’abord à manger.

– Sans doute, sans doute, lui dis-je,c’est une fameuse idée ; seulement il faudrait avoir del’argent.

– Nous en avons un peu, dit-elle ; àforce d’économie, j’ai pu mettre quatre cent cinquante livres decôté ; mais c’est encore la moindre des choses : le nomde Chauvel est connu de toute l’Alsace et la Lorraine, partout onle respecte ; si nous voulons avoir des marchandises à crédit,nous en aurons.

Quand j’entendis parler de crédit, les cheveuxm’en dressèrent sur la tête ; je revis devant moi le vieilusurier Robin qui toquait à la vitre ; mon pauvre père enroute pour la corvée, et la mère qui criait : « Ah !gueuse de chèvre ! gueuse de chèvre !… elle nous feratous périr ! » J’en eus froid dans le dos et je ne pusm’empêcher de le dire à Marguerite. Elle voulut alors me fairecomprendre que c’était bien différent, que nous allions acheterpour revendre, que nous aurions cinquante jours et même trois moisd’avance. Rien de tout cela n’entrait dans ma tête ; le seulmot de crédit m’épouvantait. Elle le vit bien et finit par me direen souriant :

– Bon, c’est bon, Michel ; tu neveux pas de crédit, nous n’en demanderons pas ; seulement nouspouvons acheter de la marchandise avec l’argent que j’ai, n’est-cepas ?

– Ah ! pour ça, oui, c’est autrechose ; quand tu voudras Marguerite.

– Eh bien, fit-elle en se levant, partonstout de suite ; j’ai l’argent là tout prêt. Notre commerce degazettes ne va plus, la misère est trop grande, on n’a plus unliard de trop pour savoir les nouvelles. Ne perdons pas detemps.

Elle était vive et toute décidée. Moi, biencontent de savoir que nous ne prendrions rien à crédit, je nedemandais pas mieux que d’aller avec Marguerite à Strasbourg. Ilfallut retenir tout de suite nos places au coche de Baptiste ;il partait à midi juste. J’avais le sac d’argent dans ma vesteboutonnée. Nous étions derrière, serrés les uns contre les autres,avec des Alsaciens qui rentraient chez eux. Il faisait unepoussière extraordinaire en ce mois de juin, d’autant plus que lesroutes, mal entretenues, avaient des ornières d’un pied, et que lestalus roulaient en poussière jusqu’au milieu des champs. On nerespirait pas. C’est tout ce qui me revient de notre voyage.Marguerite et moi nous nous regardions comme des êtres bienheureux. On fit halte à la montée de Wasselonne ; lesAlsaciens descendirent enfin, grâce à Dieu, et nous finîmes pararriver nous-mêmes à la nuit. Marguerite connaissaitStrasbourg ; elle me conduisit à l’auberge de laCave-Profonde, que tenait alors le grand-père Diemer. Nous eûmesune chambre. Quel bonheur de se laver avec de l’eau fraîche, aprèsune route pareille ! Les gens d’aujourd’hui ne peuvent plusmême s’en faire l’idée, c’est impossible ; il faut avoir passépar là.

Une chose qui me revient encore, c’est que surles huit heures une servante monta nous demander si nous souperionsà la grande ou bien à la petite table ; j’allais répondre quenous souperions à la petite table, pensant que c’était celle desdomestiques et que cela nous coûterait moins ; par bonheurMarguerite répondit aussitôt que nous souperions à la grande ;et, la servante étant partie, elle m’expliqua qu’on ne payait à lagrande table que vingt-cinq sous, parce que tout le monde,rouliers, gens du marché, paysans, y mangeaient et ne tenaient pasà payer cher ; au lieu qu’à la petite table des richards, dansune chambre à part on payait trois livres. Je frémis en moi-même dudanger que nous venions de courir d’avaler six francs demarchandises en un seul repas. Enfin je ne veux pas vous peindre cesouper, cela ne finirait jamais. Vous saurez seulement que lelendemain, vers sept heures, Marguerite et moi, bras dessus, brasdessous, nous allâmes voir les Simonis, rue des Minotiers, surl’ancienne place du Marché aux légumes, où l’on a mis depuis lastatue de Gutenberg.

Les Simonis étaient des gens connus de toutel’Alsace ; moi-même j’en avais entendu parler comme des plusriches commerçants de la province. Je me les figurais donc, enproportion de leur réputation, avec des habits magnifiques, deschapeaux fins et des breloques ; aussi quel ne fut pas monétonnement quand, au détour de la rue, je vis un petit homme detrente-cinq à quarante ans, en carmagnole, les cheveux noués par unsimple ruban, qui roulait des tonnes et rangeait des caisses contrele mur de sa boutique, en attendant de les mettre en magasin, etque Marguerite me dit :

– Voici M. Simonis.

Cela changea toutes mes idées sur les richescommerçants ; je reconnus alors que l’habit ne fait pas lemoine, et depuis je ne me suis plus trompé sur ce chapitre.

Comme nous traversions toutes ces caisses etces tonnes, ces sacs entassés à droite et à gauche, et les voituresqui venaient se décharger, M. Simonis comprit d’un coup d’œilque nous étions des acheteurs ; il laissa l’ouvrage à sesgarçons et rentra derrière nous, dans sa grande boutique ouverte aularge sur deux rues, le comptoir de côté, l’arrière-boutique aufond, comme la nôtre à Phalsbourg, mais trois ou quatre fois plusgrande.

Dieu du ciel : quel spectacle pour depetits marchands commençant, que ces tas de sacs empilés, cescaisses rangées du haut en bas, ces pains de sucre par centaines,ces paniers de raisins secs et de figues ouverts pour échantillons,et cette odeur de mille choses qui coûtent cher, et qu’on trouve enpareille abondance ! L’idée que cela vient de tous les pays dumonde ; que ce poivre, cette cannelle, ce café, ces richessesde toute sorte sont arrivées sur des vaisseaux, cette idée-là nevous touche pas d’abord ; on ne pense naturellement qu’às’attirer une petite part de ces biens ; et, par la suite destemps, lorsqu’on est assis tranquillement derrière un bon poêle, àlire sa gazette, après avoir réussi dans ses affaires, on réfléchitseulement que des mille et des centaines de mille hommes, blancs ounoirs, de toutes les couleurs et de toutes les nations, onttravaillé pour vous enrichir.

Je ne vous dirai donc pas que dans cettegrande boutique de pareilles idées me vinrent alors, non !…mais je vis que c’était un grand et très grand commerce, ce qui merendit un peu timide.

Marguerite, elle, au contraire, était toutesimple ; et d’abord, posant son panier au bord du comptoir,elle dit quelques mots à M. Simonis, lui parlant de notreintention d’acheter, et de nous établir épiciers àPhalsbourg ; disant que nous avions peu d’argent, maisbeaucoup de bonne volonté d’en gagner. Il nous écoutait d’un air debonhomme, les mains croisées sur le dos ; moi j’étais toutrouge, comme un conscrit devant son général en chef.

– Alors vous êtes la fille de Chauvel, dureprésentant Chauvel ? dit Simonis.

– Oui, citoyen, et voici mon mari. Notremaison s’appellera Bastien-Chauvel.

Il rit, et s’écria, parlant à sa femme, unebonne et gentille femme, aussi vive, aussi alerte que lamienne :

– Hé ! Sophie, tiens, voici desjeunes gens qui veulent s’établir ; vois donc ce qu’il estpossible de faire pour eux ; moi je vais rentrer nosmarchandises, car la voie publique est encombrée, nous avons déjàl’avis de nous dépêcher.

Une quantité de garçons et de servantesallaient et venaient, les manches de chemise retroussées, enfin unevéritable ruche de travailleurs.

La jeune dame s’était approchée ; sonmari lui dit quelques mots à part ; elle, aussitôt, noussaluant d’un petit signe de tête, dit à Marguerite :

– Donnez-vous la peine d’entrer.

Et nous entrâmes dans un petit bureau trèssimple et même un peu sombre, à droite du magasin. La dame nous ditde prendre place, souriant à Marguerite qui parlait. Elle regardatout de suite une longue liste que ma femme avait préparéed’avance, et marqua le prix de chaque article à côté.

– Vous ne prenez que cela ?dit-elle.

– Oui, répondit Marguerite, nous n’avonspas plus d’argent.

– Oh ! s’écria la jeune dame, ilfaut être mieux assortis ; vous aurez des concurrents, et…

– Mon mari ne veut faire le commercequ’au comptant.

Alors la dame me regarda deux secondes ;elle vit bien sans doute que j’avais été paysan, ouvrier, soldat,et que je n’entendais pas grand-chose aux affaires, car elle rit etdit d’un air de bonne humeur :

– Ils sont tous comme cela, nosmessieurs ; et puis ils deviennent trop hardis, il faut lesretenir. Allons, nous nous entendrons, j’espère.

Elle sortit et donna ses ordres, nousdemandant s’il faudrait envoyer la marchandise par le roulage oul’accéléré. Marguerite répondit, par le roulage, et, ce qui me fitle plus de plaisir, c’est qu’elle me dit de payer d’avance.Aussitôt je vidai mon sac sur le comptoir ; la dame ne voulaitpas recevoir notre argent ; mais comme Marguerite l’assura quesi tout n’était pas payé je n’en dormirais plus, elle compta nosquatre piles de cent livres d’un trait et nous donna le reçu :« Valeur payable en marchandise. » Et puis cetteexcellente petite dame, que j’ai bien connue depuis, et qui mêmem’a plus d’une fois posé la main sur le bras en riant ets’écriant : « Ah ! mon cher monsieur Bastien, quelpoltron vous étiez en commençant, et que vous voilà devenu hardi,trop peut-être !… » cette bonne dame nous accompagnajusque dehors, et nous salua d’un air joyeux, promettant que toutarriverait à Phalsbourg avant la fin de la semaine. Ensuite ellejeta un coup d’œil sur les caisses qu’on emmagasinait, causant etriant avec son mari, et nous reprîmes le chemin de laCave-Profonde.

Le même soir, sur les dix heures, nousrentrions chez nous, à Phalsbourg. La confiance m’était venue, jevoyais que nous ferions des bénéfices. Les deux jours suivants,Marguerite m’expliqua la tenue des livres en partie simple :le brouillon pour inscrire ce qu’on donne à crédit dans le cours dela journée ; le grand livre, où l’on porte la dette de chacunà sa page ; et puis le livre des factures, pour ce qu’onreçoit, ce qu’on attend, ce qu’on doit payer aux échéances, avecles factures et les billets en liasses, lorsqu’ils sont payés. Ilne nous en fallait pas plus dans le commerce de détail, et jamaisnous n’avons eu ni réclamations, ni chicanes, tout étant en règlejour par jour.

Mais, puisque je suis sur ce chapitre, il fautque je vous raconte encore ma surprise et mon inquiétude,lorsqu’arriva la tonne de marchandises, une toute petite tonne, etque je m’écriai dans mon âme :

– Nous avons nos quatre cent cinquantelivres là-dedans !… ! O Dieu, ça n’a l’air de rien dutout… nous sommes volés !

Et à mesure qu’on vidait la tonne sur lecomptoir, voyant ce peu de poivre, ce peu de café, je medisais :

« Jamais nous ne rentrerons dans notreargent… ça n’est pas possible !

Le pire, c’est que tout au fond était lafacture, mais la facture presque doublée, car bien des choses quenous n’avions pas demandées, comme du gingembre, de la muscade, s’ytrouvaient, et nous restions redevoir à Simonis plus de trois centslivres.

Alors une sorte d’indignation me prit ;j’aurais tout renvoyé, si Marguerite ne m’avait pas répété centfois que tout se vendrait très bien ; que ces gens nevoulaient pas nous ruiner, mais au contraire nous rendreservice.

Il avait encore fallu, dans ces trois jours,acheter deux balances, et faire mettre trois rangées de tiroirspour nos épices, de sorte que nous devions au menuisier, auserrurier, à tout le monde. Si durant ces premières semaines lescheveux ne me sont pas tombés de la tête, c’est qu’ils étaientsolidement plantés. Et, sans ma confiance extraordinaire dansMarguerite, sans mon amour, et l’assurance que maître Jean vintnous donner lui-même, qu’il nous aiderait si nous étionsembarrassés, sans tout cela je me serais sauvé de la maison, carl’usurier, la faillite et la honte étaient en quelque sorte peintsdevant mes yeux. Je n’en dormais pas ! Plus tard j’ai su quemon pauvre père en avait aussi vu de grises alors, parce que mamère s’apercevant qu’il était tout inquiet, avait deviné quelquechose, et lui disait, matin et soir :

– Eh bien, ils n’ont pas encore faitbanqueroute ? Ce n’est pas encore pour aujourd’hui ? Cesera pour demain !… Le gueux va donc déshonorer nos vieuxjours… Je le savais bien… Ça ne pouvait pas finirautrement !…

Ainsi de suite.

Le pauvre homme en perdait la tête. Il ne medisait rien de ces misères, mais ses joues longues, ses yeuxinquiets m’apprenaient assez ce qu’il devait souffrir.

Enfin au bout d’un ou deux mois, quand je visque toute la ville et les environs, bourgeois, paysans, soldats,habitués à venir prendre chez nous leurs gazettes, leur papier,leur encre et leurs plumes, achetaient par la même occasion dutabac, du sel, du savon, tout ce qu’il leur fallait ; que lesménagères aussi commençaient à connaître le chemin de notre maison,et que sou par sou, liard par liard, nous rentrions dans notreargent ; quand nous eûmes remboursé la facture de Simonis, etqu’au bout de ce temps Marguerite me montra clairement que nousavions gagné chaque jour huit à dix livres, alors je repris haleineet je lui permis non seulement de redemander à Strasbourg lesmarchandises que nous avions vendues et qui nous manquaient, maisencore quelques autres qu’on nous demandait et que nous n’avionspas eues jusqu’à ce moment.

Notre petit commerce de journaux, d’encre, depapier, de catéchismes républicains, de plumes et autresfournitures de bureau allait toujours son train ; nous étionstous occupés à la boutique et cela ne nous empêchait pas, le soir,après souper, en mettant nos gros sous en rouleaux et faisant noscornets, de nous entretenir des affaires de la nation. TantôtÉtienne, tantôt Marguerite ou moi nous prenions la Décade,le Tribun du peuple, ou la Feuille de laRépublique, que nous lisions tout haut pour savoir ce qui sepassait.

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