Chapitre 9La statuette
– Affectes-tu de ne rien savoir, ou bienn’as-tu pas lu les journaux américains depuis que je t’aiquitté ? demanda Léon à son compagnon, tandis qu’un garçondéposait le potage devant eux.
– Je n’ai pas lu les journaux américains,dit Tom Punch, en commençant son travail de réfection. Maispourquoi cette demande ?
– Parce que, répondit le Bellevillois, situ avais lu, par exemple, le Chicago Life, je n’auraispresque plus rien à te raconter ; tu serais au courant d’unebonne partie des aventures qui me sont arrivées… Ainsi, tu n’asmême pas appris la mort du vieil Hattison et la destruction deSkytown ? Tu n’as pas su que ma tête était mise à prix parWilliam Boltyn ?
– Hein ! Que dis-tu ? s’exclamal’ancien majordome, stupéfait au point qu’il s’interrompit demanger.
– Il n’est pas possible que tu en soisencore à ignorer le mariage de mon maître, Olivier Coronal, avecmiss Aurora Boltyn, reprit Léon, qui s’amusait beaucoup de la mineeffarée de son ami… Tu dois bien avoir aussi entendu parler de sondivorce, prononcé il y a quelques mois.
Sous cette avalanche de nouvelles, qui lesurprenaient toutes les unes plus que les autres, Tom Punch eut ungeste éloquent de protestation.
– Léon, dit-il, je crois que, depuis dixminutes, tu te moques de moi. Tu me bâtis là un roman qui ne tientpas debout. Ah ! tu n’as pas changé. Toujours le même,toujours fumiste.
Ce fut le tour du Bellevillois deprotester.
– Mais non, je ne me moque pas ; etencore j’en oublie, des nouvelles. Seulement, j’ai eu tort devouloir tout te dire à la fois. Je vais te raconter tout cela endétail.
– Je t’écoute, fit Tom Punch, en hommequi s’apprête à juger sainement ce qu’il va entendre.
Léon en eut pour jusqu’à la fin du repas àretracer ses aventures et celles de son maître en Amérique.
Tom Punch marquait, de temps à autre, sonattention par des exclamations de joie et de surprise.
La scène de l’incendie de Skytown et celle dela mort de Hattison lui plurent entre toutes, excitèrent sonenthousiasme.
Ce fut bien pis encore lorsque son ami luidécrivit la réunion des milliardaires, à laquelle il avait sifortuitement assisté dans le palais de Harry Madge, à Chicago.
Tantôt, suspendu aux lèvres de Léon, Tom Punchretenait sa respiration et ouvrait de grands yeux, tantôt iltrémoussait son gros ventre de la façon la plus comique.
Il convient de dire que, joyeux, surpris ouému, il n’en perdait pas pour cela une bouchée, et qu’il n’oubliaitpas non plus de remplir fréquemment son verre.
Le majordome devait passer, ce soir-là, partoute la gamme de la stupéfaction.
Son visage changea encore d’expression lorsqueLéon en vint à lui dévoiler les projets de la société desmilliardaires, à lui dire qu’en ce moment même, une cinquantained’hypnotiseurs, chargés d’une mission d’espionnage politique,avaient débarqué en France.
Tom Punch commençait à douter de la véracitéde son interlocuteur.
Léon dut – pour ainsi dire – lui mettre lespreuves en main, lui raconter son séjour d’un mois dans la maisondes Invalides, et les scènes de lecture à distance dont il avaitété témoin.
Le majordome ne riait plus, ilréfléchissait ; et cet acte, chez lui, était assez peufréquent pour qu’on le remarquât.
Pendant qu’on leur servait le café, les deuxamis restèrent silencieux. Mais Léon n’avait pas dit tout ce qu’ilvoulait dire.
Il lui restait encore, et surtout, à parler ducomplot criminel dirigé contre Lucienne Golbert par les deux frèresJonas et Smith Altidor, les chefs des hypnotiseurs.
Il le fit, sans que Tom Punch l’interrompîtautrement qu’en laissant retomber avec violence son poing de tempsà autre sur la table, heureusement massive, du restaurant.
– Tu vois, conclut Léon, qu’il n’y aplus, dans ceci, matière à plaisanter. M’sieur Olivier a vu, hier,cette pauvre Mme Lucienne. Elle est tout abattue etne sait à quoi attribuer l’étrange mal dont elle souffre. Il luisemble, dit-elle, que par moments, on lui enfonce dans le cœur unepointe d’acier. Je pense bien ! Ces maudits hypnotiseursexécutent cette opération sur la statuette qu’ils ont fabriquée, etmon maître m’a expliqué que leur volonté seule peut suffire pourfaire périr Mme Lucienne. Il m’a dit aussi que leseul moyen de la sauver, c’était de retrouver les hypnotiseurs, quise sont enfuis à la hâte, et de leur dérober la statuette. Aussibien, demain, je me mets en campagne. Il faut qu’avant huit joursj’aie réussi.
– Comment ! s’écria Tom Punch, et tune m’avais pas dit cela plus tôt. Mais je ne te quitte plus, jepars avec toi, où tu voudras. J’ai encore dans mon portefeuillequelques billets de mille, ils sont à ta disposition. Je veux, moiaussi, sauver la femme de mon ancien maître. Que faut-ilfaire ?
– Ne cours pas si vite, répondit Léon. Jedois d’abord aller voir ce vieux savant dont je t’ai parlé tout àl’heure. Il me donnera peut-être des indications utiles. Après,nous verrons. Si je t’ai parlé de cela, ajouta-t-il, c’est parceque je me doutais bien un peu que tu m’offrirais ton concours.
– Parbleu ! s’écria Tom Punch, dèslors qu’il s’agit de sauver la vie à Mme Lucienne,ce n’était pas difficile à deviner.
La soirée s’avançait.
Léon dit à son ami de l’attendre aurestaurant, et il courut chez le père Lachaume.
– Ah ! vous voilà, jeune homme, ditle savant avec humeur. Vous venez me demander si j’ai desrenseignements à vous donner… Aucun, mon ami, aucun… Et comme unevieille bête que je suis, je vous ai fait perdre deux jours.
Il prit un temps.
– D’abord, les deux frères Altidor n’ontjamais demeuré dans la pension de famille que vous m’avez indiquée.Il y habite bien en effet deux Américains, mais ce sont lesdirecteurs d’une troupe d’artistes, qui sont venus faire unetournée en Europe.
– Ah ! dit Léon désappointé. Moi quicomptais tant sur cette indication !… Malgré ce que m’avaitdit m’sieur Olivier à ce sujet, je conservais l’espoir de tenir unebonne piste. Je vois que je me suis trompé, et ça me désole. C’estvraiment un mauvais début… le temps presse ; et pour ma part,je bous d’impatience et de colère !
– Je partage vos sentiments, répliqua lepère Lachaume. Je crois que les hypnotiseurs sont des hommesexperts. Ils n’ont pas laissé de traces.
– Oh ! je les retrouverai bien quandmême, s’écria Léon… Au revoir, monsieur Lachaume ; et si vousallez voir mon maître un de ces jours, dites-lui que nous sommesdeux maintenant à donner la chasse aux Yankees. Il saura bien ceque ça signifie.
Pendant l’absence de Léon, Tom Punch,sincèrement affligé par les révélations qu’il venait d’entendre,avait entrepris de se consoler.
Après son café, qu’il avait arrosé d’uncarafon tout entier de cognac, il s’était fait apporter de labière.
Le majordome avait l’air profondémentmélancolique. Ses lèvres – qu’on eût prises pour l’embouchure d’uncor de chasse, tant elles étaient arrondies – s’affaissaient auxcommissures.
Il avait laissé s’éteindre son cigare ;et, les yeux rivés au parquet, il ne s’interrompait de sesréflexions que pour vider une chope d’un trait, et pour faire signequ’on lui en apportât une autre.
En apercevant la majestueuse pile de soucoupesqui, pendant sa courte absence, avait envahi la table, Léon serendit compte de ce qui s’était passé.
Il se composa un visage sévère pour venir serasseoir à coté de son ami.
– Je vois, dit-il, qu’on ne peut comptersur toi pour rien de sérieux. Tout à l’heure, sans doute, la villeva t’apparaître de nouveau tendue de draperies funèbres ; etdemain matin tu auras réintégré l’hôpital dont tu ne fais quesortir… Tant pis, ajouta-t-il, en prenant un ton dégagé, je memettrai seul à la recherche des hypnotiseurs.
– Oh ! Léon, protesta Tom Punch enroulant des yeux attendris, peux-tu bien me traiter de façon aussiinjuste ! Qu’ai-je bu ? grands dieux ! Regarde… Neme suis-je pas modéré ? J’en suis à peine à mon quinzième« demi », comme on dit à Paris… Aussi tu me laisses seul,après m’avoir raconté pendant deux heures les choses les plusextraordinaires et les plus terribles. J’étais trop ému…
– En tout cas, interrompit Léon toujourssérieux, quoique au fond il eût une grande envie de rire de la minepiteuse et des protestations du majordome, tu aurais mieux fait deréfléchir aux moyens que nous allons employer pour retrouver latrace des hypnotiseurs.
– Réfléchir, s’exclama Tom Punch… Voilàbien où éclate ton injustice. Mais je n’ai fait que cela,réfléchir !
– Je m’en aperçois, claironna Léon, quine put s’empêcher, cette fois, d’éclater de rire, tant la mine deTom Punch était comique. En tout cas, je viens de subir un premieréchec. Il paraît que les deux frères Altidor ont cessé d’habiter lapension de famille dont je t’ai parlé. Nous n’avons donc plusaucune indication. Eh bien, qu’as-tu trouvé de ton côté, puisque tuas tant réfléchi ?
– J’ai trouvé, commença gravement lemajordome… Non, je ne te dirai pas cela ce soir. Allons dormir.Demain matin nous aviserons.
Les deux amis sortirent du restaurant.
Quoi qu’il en eût dit, Tom Punch n’était pastrop solide sur ses jambes, mais il ne voulait pas le laisserparaître. Il craignait les railleries de son compagnon.
Aussi, fut-il tout heureux que la pluie se mîtà tomber.
– Nous allons prendre un fiacre, dit-il.Je t’emmène chez moi. C’est au bout de la rue des Écoles, à côté duJardin des Plantes.
Le majordome, en effet, avait loué là un petitlogement et s’y était installé, depuis qu’il avait quitté leservice de son prince russe.
Il était bien connu de tous les habitants duquartier et surtout des enfants, à qui il distribuait desfriandises et qui l’appelaient « papa Tom » en faisantcercle autour de lui.
– Que dis-tu de mon home ?demanda-t-il à Léon, lorsqu’ils furent entrés. Ça n’égale pas,assurément, le palais de William Boltyn ni celui de Harry Madge,mais j’y suis tranquille.
Il n’y avait que deux pièces ; Tom Punchavait dévalisé tous les brocanteurs du quartier pour en orner lesmurailles selon un goût bien personnel.
Il y avait de tout : des trophées delances et de javelots d’une authenticité douteuse, mais, enrevanche, d’un effet décoratif surprenant, des lampions japonais,des panoplies de vieux fleurets, toute une collection de banjosenguirlandés de rubans multicolores, et surtout – ce à quoi TomPunch tenait le plus – une énorme carapace de tortue marine,mesurant près de deux mètres de long et qui, renversée, donnaitasile à une infinité de bibelots.
Léon resta longtemps, étendu sur un canapé,sans pouvoir trouver le sommeil.
Il se demandait comment, sans aucun indice, ilpourrait bien découvrir la retraite des hypnotiseurs.
Il était furieux qu’ils eussent quitté lapension de famille, ainsi que le lui avaient dit Olivier Coronal etM. Lachaume.
Levé de très bonne heure, il alla secouer TomPunch, qui dormait encore à poings fermés.
– Nous n’avons pas une minute à perdre,lui dit-il. Dépêchons-nous de sortir.
Ils déjeunèrent hâtivement dans une crémeriedu voisinage, et Léon entraîna son ami.
– Où me mènes-tu ?
– J’ai mon idée, répondit leBellevillois. Je veux m’assurer par moi-même que Jonas et Smith ontbien quitté la pension qui avoisine le Luxembourg. Nous allons nousposter en observation dans ces parages.
– Entendu, dit Tom Punch ; et s’ilstombent sous ma main, je te réponds qu’ils passeront un mauvaisquart d’heure.
– Tu me feras le plaisir de te modérer,répliqua Léon. Nous serons bien avancés, quand tu les aurasassommés. Cela ne nous donnera pas la statuette qui leur sert àenvoûter Mme Lucienne. Il faut agir avec plus deprudence. Laisse-moi faire… C’est drôle, mais j’ai comme une idéede derrière la tête que les deux frères habitent toujours au mêmeendroit. Seulement, depuis que je leur ai faussé compagnie, ilsdoivent prendre davantage encore de précautions pour ne pas êtrevus, lorsqu’ils rentrent chez eux ou lorsqu’ils en sortent.
Pendant une bonne partie de la journée, TomPunch et Léon firent donc le guet aux abords de la pension defamille.
Le temps était brumeux. Une pluie fine se mità tomber.
Les deux amis se réfugièrent sous la portecochère d’une maison voisine, où ils firent mine de se mettre àl’abri.
Ils durent pourtant se résigner à quitter laplace, sans avoir aperçu les hypnotiseurs.
– Malgré tout, je ne veux pas démordre dema conviction, dit Léon ; mais je vais agir autrement. Je vaisme grimer, me faire couper les cheveux pour n’être pas reconnu, etje vais aller louer une chambre dans la pension.
Une heure après, Léon, méconnaissable, lescheveux ras, les joues ornées de superbes favoris blonds, sonnait,en compagnie de Tom Punch qui n’avait pas voulu le quitter, à laporte du Family House.
Une porte vitrée donnait accès sur un corridororné de plantes vertes.
À droite, une autre porte vitrée portaitl’inscription :
BUREAU
– Entrons, et referme la porte, dit Léonà son compagnon.
Dans le bureau, meublé de divans et defauteuils, une vieille dame était assise.
Elle releva ses lunettes sur son front, pourexaminer les arrivants.
– Nous venons pour louer une chambre, ditLéon en anglais. Quels sont vos prix, madame ?
– Oh ! répondit vivement la vieilledame avec une petite voix flûtée, je ne puis rien vous louer… Jen’ai que quelques chambres, et elles sont toutes occupées.
– C’est dommage, repartit Léon quimaudissait sa mauvaise étoile. Je crois que votre pension nousaurait convenu. Nous sommes Américains et ne savons ni l’un nil’autre parler un mot de français. Un de nos amis de New York nousavait donné votre adresse, et nous avait dit que nous serions trèsbien ici. Je regrette vivement que toutes vos chambres soientoccupées.
Léon n’avait qu’un but, faire causer lavieille dame.
Il s’y était bien pris, car elle repritaussitôt :
– Assurément, moi aussi je regrette,gentlemen. Ma pension n’est pas très importante, et deux de meslocataires occupent, à eux seuls, plus de la moitié des chambresdont je dispose. Dernièrement encore, ils en ont retenu une deplus… Ce sont de vos compatriotes, gentlemen, deux Yankees d’unehonorabilité et d’une distinction parfaites.
– Ah ! dit Léon, sans doute desagents d’affaires, des représentants de maisons de commerce.
– Oh ! non, monsieur, ce sont desartistes qui sont venus faire une tournée en Europe.
– Des artistes, s’écria Léon. Comme ça setrouve bien. Ils exercent la même profession que nous, madame… Neseriez-vous pas heureux de vous entretenir quelques instants avecces confrères ? demanda-t-il, en s’adressant à Tom Punch.
– Oh ! si, fit le majordome, quiriait sous cape. Nous leur demanderions justement quelquesrenseignements dont nous avons besoin.
– Ces gentlemen sont-ils chez eux ?reprit alors Léon, qui jouait à ravir son rôle de Yankee. Je vousprierais de nous annoncer.
– Non, dit la vieille dame. Ils sontabsents.
– Oh ! nous n’avons décidément pasde chance aujourd’hui… Et demain matin, seront-ils là ?demanda le Bellevillois, qui tourmentait dignement ses favorispostiches.
– Je ne puis vous le dire. Ils sontparfois plusieurs jours sans rentrer chez eux. Mais si vous voulezme laisser votre carte, je la leur remettrai.
– Non, c’est inutile, nous reviendronsnous-mêmes, dit Léon en prenant congé.
– Mais, qu’est-ce que tout celasignifie ? demanda Tom Punch, lorsqu’ils eurent regagné larue. Que leur veux-tu, à ces deux artistes yankees.
– Comment, tu n’as pas deviné ? ditLéon, en se plantant devant son ami comme un petit poussin en facede la mère poule. Eh bien, veux-tu que je te dise quelle est maconviction ? On s’est moqué du père Lachaume. Ces deux Yankeesne sont pas plus artistes que toi et moi. Des gens qui louenttoutes les chambres disponibles d’un hôtel, pour être tranquilles,pour exécuter sans crainte leurs diaboliques projets ! Il n’ya pas de doute possible… Ces deux personnes-là sont les deux frèresAltidor.
Tom Punch restait en admiration devant laperspicacité de son ami.
– C’est pourtant vrai que tu as raison,répondit-il. Mais alors nous les tenons ; ils ne nouséchapperont pas. Nous pénétrons chez eux, nous leur volons lastatuette et nous retournons triomphalement à Meudon.Mme Lucienne est sauvée, et l’on nous accueille àbras ouverts.
L’enthousiasme du majordome était tel qu’il semit à gambader dans la rue, sans souci des passants – rares, il estvrai – qui contemplaient avec stupéfaction ce gros homme au visagecoloré comme une fleur de pivoine, et qui se trémoussait comme ungigantesque pantin articulé.
– Calme-toi donc, ordonna Léon. Tu vasattirer sur nous l’attention des voisins. Tu as bien de la chancede voir les difficultés s’aplanir de la sorte, au gré de tonimagination. Ne nous réjouissons pas avant d’être sûrs dusuccès.
Les deux amis, ce soir-là, furent moinsmoroses.
Assez avant dans la nuit ils firent desprojets d’avenir, et discutèrent la conduite qu’ils tiendraient lelendemain.
– Quel bonheur si nous pouvons sauverMme Lucienne, disait Léon. Je n’aurai jamais été siheureux. Le bonheur et la tranquillité renaîtront dans la villa deMeudon… Et m’sieur Olivier, sera-t-il content, lui aussi !…Cet épouvantable complot le désespère. Quant à moi, Ned Hattison mepardonnera d’avoir causé la mort de son père, et, le jour où il medira cela, je serai bien récompensé.
– Et moi donc, répliquait Tom Punch,j’aurai contribué aussi à sauver la fille de M. Golbert. Jepourrai donc me présenter devant Ned Hattison. Il ne pourra plus mereprocher de l’avoir laissé partir seul pour l’Amérique.
En se levant, le lendemain matin, Léon envoyaimmédiatement un télégramme rassurant à Olivier Coronal.
Le brave garçon s’était réjoui trop vite.
Lorsque, toujours accompagné de Tom Punch, ilse présenta de nouveau à la pension de famille, la vieille dameleur déclara encore que ses locataires étaient sortis, mais d’unton si net, si cassant, qu’ils jugèrent inutile d’insister et seretirèrent très contrariés.
– Nous avons agi sans réflexion, monvieux Tom, dit Léon en réfléchissant. La vieille sorcière doit êtreà la solde des hypnotiseurs. Elle leur aura raconté notre visite,et, comme ils prennent toutes leurs précautions, ils auront trouvécela suspect. Nous n’avons plus qu’une seule ressource, c’est derecommencer à faire le guet autour de la maison.
– Eh bien, installons-nous, acquiesçaphilosophiquement Tom Punch.
– Sur le trottoir ! Tu n’y pensespas !… On nous remarquerait… Les hypnotiseurs seraientinstruits de notre surveillance. Ils disparaîtraient tout à fait.Allons plutôt nous poster au coin de la rue, chez le marchand devin.
Pendant plusieurs jours, tout en affectant delire les journaux, ils épièrent, derrière la vitre, la porte de lapension de famille. Ce jour-là, encore, ils ne virent pas leshypnotiseurs.
– Je n’y comprends, rien, déclara Léonavec colère. Je ne me suis cependant pas trompé !
Avec une remarquable ténacité, il revint seulle lendemain et passa encore la journée à surveiller la rue.
Il maudissait ces continuels retards. Unefièvre intense s’emparait de lui.
Il eût voulu bondir, se ruer dans les chambresde la pension, dans l’espoir d’y découvrir la statuette maudite,qu’un secret pressentiment lui disait être cachée là.
En rentrant, fort avant dans la soirée, audomicile de Tom Punch, le brave garçon était désespéré.
Il n’osait même pas télégraphier à sonmaître.