La Dame noire des frontières

Chapitre 5UNE LETTRE ANONYME

Yvonne de Bernoise était heureuse de ladécision prise par son père, heureuse aussi de la visite ducapitaine Marchal. Elle passa une bonne partie de l’après-midi àrêver, « comme rêvent les jeunes filles ». Elle souriaità un avenir de bonheur qu’elle voyait tout proche déjà, comme cesbeaux fruits qu’il suffit d’étendre la main pour cueillir.

Justine écoutait le gentil babillage de sajeune maîtresse, avec un indulgent sourire.

Elle trouvait, à part soi, qu’Yvonne avaitfait un choix judicieux et que le capitaine Marchal – brave,énergique, intelligent, distingué – serait la perle des maris.

– Je suppose, dit tout à coup Yvonne,avec un tendre soupir, que mon père ne nous fera pas attendre troplongtemps.

– Mademoiselle, répliqua Justine avec unsourire malicieux, permettez-moi de vous dire qu’il faut avoir dela patience.

Et, comme la jeune fille demeuraitsilencieuse.

– Vous avez l’air toute songeuse,mademoiselle Yvonne, je crois qu’une bonne promenade au grand airvous ferait du bien. Voulez-vous que je vous habille et que jefasse atteler le poney ?

– Tu as eu là une excellente idée, lapromenade me distraira, mais, inutile de faire atteler, noussortirons à pied.

Un quart d’heure après, Yvonne et la fidèleJustine sortaient de l’hôtel et, après avoir traversé le squarequ’orne un curieux buste de Henri IV, se dirigeait vers la route deCalais.

Bientôt, elles se trouvèrent en pleinecampagne.

Elles suivaient le sommet de la colline battupar les vents, coupé de chemins creux, bordés de haies vives etd’où l’on découvrait une perspective admirable : les côtes, lamer chargée de voiliers et de paquebots, et, plus loin, sous undôme de fumées chatoyantes, Boulogne avec ses maisons blanches etgrises. Par-delà le détroit, aux limites de l’horizon, les côtes del’Angleterre s’estompaient dans une brume légère.

Il montait de tout ce paysage uneréconfortante impression de richesse et de tranquillité.

Yvonne s’avançait lentement, la joue rougiepar la brise marine qui faisait voltiger capricieusement lavoilette de son canotier. Elle était heureuse, l’avenir luiapparaissait sous les couleurs les plus riantes.

En traversant un hameau de pêcheurs, Justineremarqua qu’une matelote assez jolie, vêtue du costume classiqueavec la haute coiffe empesée, en forme d’auréole, marchait àquelques pas derrière elles.

Elle ne s’en préoccupa, tout d’abord, pasautrement, mais quand, cinq cents mètres plus loin, elle constataque la matelote était toujours à leur suite, elle commença àconcevoir quelque inquiétude. D’ailleurs, Yvonne, même, avait finipar s’apercevoir de la présence de l’obstinée suiveuse et elle enfit la remarque à Justine.

– Oui, mademoiselle, répondit celle-ci,il y a déjà pas mal de temps que cette femme nous suit.

– C’est peut-être une simplecoïncidence.

– Une coïncidence, en tout cas, assezsingulière. Pourvu que cette matelote n’ait pas, contre nous, demauvaises intentions !

– Est-ce que tu aurais peur ?demanda Yvonne en souriant.

– Moi, pas du tout, il faudrait autrechose que cela pour m’effrayer, mais vous, mademoiselle ?

– Je n’ai pas peur non plus. La filled’un soldat ne doit jamais avoir peur !

Justine réfléchissait.

– Il y a un moyen de savoir si c’est nousqu’elle suit, proposa-t-elle, c’est de nous arrêter et de lalaisser passer devant nous.

– Oui, c’est cela, ton idée estexcellente. Arrêtons-nous ici, je veux justement me cueillir unbouquet.

En voyant que les deux promeneuses avaientfait halte, en face d’une haie toute fleurie de chèvrefeuillesauvage, la matelote pressa le pas.

D’ailleurs, elle ne paraissait avoir aucunemauvaise intention, sa physionomie était mélancolique et elleregardait autour d’elle avec inquiétude.

Arrivée à quelques pas deMlle de Bernoise et de sa femme de chambre,elle s’arrêta brusquement, rougit et parut hésiter.

– Que désirez-vous, mademoiselle ?…demanda Justine d’un ton sec.

– Mademoiselle, madame, je vous prie dem’excuser, balbutia la jeune fille, très troublée. Je voudrais bienvous parler et c’est pour cela que, vous ayant aperçue sur la routede Calais, je me suis permis de vous suivre.

– Voilà de singulières façons, répliquaJustine. Vous ne savez guère, sans doute, à qui vous avezaffaire ?

Cette remontrance eut un effet immédiat. Lajeune inconnue fondit en larmes et, se jetant tout à coup aux piedsd’Yvonne, baisa humblement le bas de la robe de la jeune fille.

– Je vous en conjure, mademoiselle,écoutez-moi…

Il y avait, dans cette supplication, un telaccent de réelle douleur et de désespoir sincère, qu’Yvonne en futtouchée.

– Relevez-vous, dit-elle avec bonté. Detoute manière, il eût été préférable de venir me demander chez monpère, le général de Bernoise… Mais, je vous écoute !

Ces bienveillantes paroles rendirent à lasuppliante toute sa présence d’esprit et ce fut avec beaucoup dedignité et de simplicité qu’elle expliqua le but de sadémarche.

– Je vous demande encore une fois pardonpour ma hardiesse, dit-elle, mais c’est à vous qu’il fallait que jem’adresse et non pas à votre père M. le général de Bernoise.Je ne suis qu’une pauvre fille indigne d’occuper votreattention…

« Aussi, n’est-ce pas pour moi, mais pourmon fiancé, le soldat Bossard, que je suis venue vous supplier. Ildoit m’épouser sitôt qu’il aura fini son temps, c’est-à-dire dansquelques mois…

– Je ne vois pas en quoi je puis vousêtre utile, interrompit Yvonne.

– Vous allez le savoir, mademoiselle. Monfiancé est en prison, en prévention de conseil de guerre et je vousjure, pourtant, qu’il est innocent.

– C’est sans doute, fit Justine, cesoldat de l’infanterie de marine qui a été arrêté ce matin, pouravoir blessé grièvement des matelots allemands qui se trouvaient enmême temps que lui dans une taverne ?

– C’est lui-même.

– Il avait sans doute un peu trop bu,reprit Justine.

– Non, madame, s’écria Germaine avecindignation, nous avions soupé tous deux en compagnie d’un ami demon fiancé, un journaliste très célèbre, M. RobertDelangle.

Yvonne réfléchissait, elle avait souvententendu le capitaine Marchal lui parler de son ami le reporter.

– Continuez, dit-elle, très intéressée.Mais, j’ai entendu dire que votre fiancé était tombé à brasraccourcis, sans provocation aucune, sur les Allemands qui buvaientpaisiblement à une table voisine.

– J’étais là, mademoiselle. Je puis vousdire exactement comment les faits se sont passés. Il est exact queles Boches n’ont pas provoqué directement mon fiancé, mais, dansleur mauvais français, ils ne cessaient de répéter que la Franceétait une nation finie, que leur kaiser irait bientôt « plumerle coq gaulois », que notre armée et notre marine étaientau-dessous de tout et bien d’autres choses encore dans le mêmegenre…

« J’étais indignée, mon fiancé, – ils’appelle Jacques, Jacques Bossard – est resté calme pendant assezlongtemps. J’essayais de le contenir pour éviter une bagarre, maisà la fin, un des Boches a étalé, en ricanant, une petite cartecoloriée où l’on voyait le partage de la France…

– Je ne connaissais pas ces détails,murmura Yvonne, pensive.

– Il paraît qu’on vend de ces cartes danstoutes les villes allemandes et qu’on les distribue même dans lesécoles. Quand Jacques a vu cela, il n’a plus été maître de lui.Dame, il a tapé sur les Allemands, sans dire gare, et il en a faitune vraie bouillie. Mais, vous vous rendez compte, n’est-ce pas,mademoiselle, qu’il n’a pas eu tort. Est-ce qu’un Français peutlaisser impunément insulter la France ? Non, n’est-ce pas. Et,si j’avais été un homme, j’aurais fait comme lui !

Germaine s’était redressée, les narinesvibrantes, le visage rose d’indignation et ses grands yeux clairsétincelaient.

Yvonne de Bernoise reconnaissait, dans letréfonds de sa conscience, qu’on ne pouvait donner tort au soldatJacques Bossard. Le seul grief qu’on pût invoquer contre lui,c’était d’avoir agi trop brutalement.

– Je ne sais, mademoiselle, si vous avezun fiancé, ajouta brusquement Germaine, mais, voyez comme vousauriez de la peine s’il lui arrivait quelque malheur !

Yvonne sentit son cœur se gonfler, elle étaittrop émue pour répondre, ce fut Justine qui s’en chargea. En dépitde son air bourru, elle n’était pas restée insensible aux prièresde la jolie matelote.

– C’est bien, dit-elle, d’un ton plusdoux, Mlle de Bernoise est très touchée devotre chagrin et elle intercédera près de son père, en faveur devotre fiancé.

– Je vous le promets, s’écria Yvonneimpétueusement, tout ce que je pourrai faire, je leferai !

– Que vous êtes bonne !mademoiselle ! Oh ! merci… murmura Germaine.

Et elle prit la main de la jeune fille, avantque celle-ci eût pu s’y opposer, l’embrassa avec ferveur ets’enfuit à toutes jambes.

La tache blanche de la haute coiffure dedentelle avait déjà disparu au tournant de la haie dechèvrefeuilles, avant qu’Yvonne et sa camériste, tout émues encoreeussent fait un mouvement ou prononcé une parole.

Ce fut Yvonne qui, la première, rompit lesilence :

– Cette scène m’a toute bouleversée,murmura la jeune fille, j’ai besoin de réfléchir. Nous allonsrentrer.

– Comme il plaira à mademoiselle.

– Je vais parler à mon père.

– Ne pensez-vous pas qu’auparavant, ilserait prudent de savoir si cette fille a dit exactement la vérité,si elle ne vous a pas exposé les faits sous le jour le plusfavorable à sa cause ?

– Non, je suis certaine qu’elle n’a pasmenti. La sincérité a un accent auquel il est impossible de seméprendre.

Justine n’osa pas insister et toutes deuxredescendirent lentement du côté de la ville.

En rentrant, Yvonne alla droit au cabinet detravail de son père. Elle trouva le général de fort méchantehumeur.

Il écouta sans l’interrompre le récit que luifit sa fille de sa rencontre avec Germaine. Ce ne fut quelorsqu’elle l’eut complètement terminé qu’il donna libre cours à samauvaise humeur.

– Je ne sais pas, vraiment, s’écria-t-ilavec colère, si je dois, à l’avenir, te laisser sortir seule avecJustine ! Il me déplaît fort que tu te laisses ainsi aborder,en public, par des femmes que tu ne connais pas.

– Je ne savais pas, balbutia Yvonne.Justine non plus ne pouvait pas savoir que vous attacheriez unetelle importance à une peccadille…

– Je sais bien, fit le général un peucalmé, que tu as agi par ignorance, mais, une autre fois, sois plusréservée.

Et, se tournant vers Justine qui avait assistéà cette scène et s’était réfugiée, toute honteuse, dans un coin ducabinet de travail :

– Et vous, ajouta-t-il, ne laissez plusdésormais des inconnus adresser la parole à votre maîtresse !Je serais très contrarié si l’on venait à savoir que l’on a vu mafille se promener en compagnie d’une matelote. Si le fait serenouvelait, je serais obligé de me séparer de vous.

Consternée, la camériste ne risqua pas un motde justification. Elle savait, par expérience, que le généraldétestait la contradiction.

Yvonne reprit courageusement :

– Mon père, je suis seule responsable detout ceci. Justine n’est pas coupable… et j’espère que, malgrétout, vous vous intéresserez à ce pauvre soldat qui, somme toute,n’a péché que par excès de patriotisme.

Le général de Bernoise s’était levé, la minegrave :

– Ma chère enfant, dit-il, tu parles ettu raisonnes comme une petite fille. Je te le dis une fois pourtoutes, ne te mêle jamais de mes affaires de service.

« Ton protégé n’est pas intéressant.C’est une tête brûlée, très brave, sans doute – et en cela, il nefait que son devoir – mais très indiscipliné. Il a déjà encouru denombreuses punitions et, la nuit même où a eu lieu la bagarre, ilavait quitté la caserne sans permission. Il sera puni. Si on nefaisait, de temps en temps, quelques exemples, personne ne voudraitplus obéir, tout le monde voudrait commander. J’obéis bien, moi,j’ai obéi toute ma vie !

Yvonne ne se tenait pas encore pour battue.Elle demeura quelques instants sans répondre, puis elle risqua cedernier argument :

– Supposons, mon père, qu’une personneque vous estimez beaucoup, le capitaine Marchal, par exemple,commît quelque faute contre la discipline, ne seriez-vous pasdisposé à l’indulgence ? Ne me permettriez-vous pasd’intercéder en sa faveur ?

Ces paroles eurent un effet diamétralementopposé à celui qu’en attendait la jeune fille.

Le général de Bernoise fronça les sourcilsd’un air irrité.

– Non, s’écria-t-il, si Marchalcommettait une faute contre la discipline, il serait puni toutcomme un autre et, je te défendrais de dire un seul mot en safaveur. Pourquoi intercéderais-tu pour lui ?…

– Je croyais… balbutia Yvonne, touteconfuse.

– Certes, le capitaine Marchal est unbrave officier et un homme de talent, mais il n’est, ni ton frère,ni ton parent, ni ton fiancé.

– Mon père, je m’étais figuré… soupira lajeune fille, la mort dans l’âme.

– Il ne faut rien croire, rien tefigurer, avant que les faits nous aient donné raison… il ne fautjamais escompter l’avenir, mais, plus un mot à ce sujet, tu medésobligerais…

Après cette phrase par laquelle il venait declore brusquement la discussion, le général sortit de la pièce etYvonne se retira dans sa chambre, toute préoccupée des raisons quipouvaient avoir motivé le mécontentement de son père.

Justine, encore tout émue de la semoncequ’elle venait de recevoir, était demeurée dans le cabinet detravail. De la fenêtre où elle s’était postée, elle vit le généralfranchir le seuil de la porte et remonter la rue d’un pas saccadé.Il allait dans la direction de la caserne.

– Le général n’est pas d’ordinaire siterrible, réfléchit-elle une fois seule ; il y a dans toutecette affaire quelque chose de singulier. M. de Bernoisea l’air furieux, quelqu’un lui aurait dit du mal du capitaineMarchal que je n’en serais pas surprise…

Absorbée par ses pensées, la soubrette avaitcommencé, d’un geste machinal à ranger les papiers et les livresqui traînaient sur le bureau, quand elle aperçut une lettre ouverteet froissée qui était tombée près de la corbeille à papiers.

Justine était en général d’une discrétionscrupuleuse, pourtant, la lettre attirait invinciblement sonregard.

Elle avait l’intuition que, là peut-être, elletrouverait l’explication de la méchante humeur du général.

Encore hésitante, elle se baissa, ramassa lalettre et, d’un rapide coup d’œil, constata qu’elle ne portait pasde signature.

– Une lettre anonyme !s’écria-t-elle. Parbleu, nous y voilà ! J’aurais bien tort,par exemple, de ne pas voir ce qu’elle contient.

Après avoir pris la précaution de pousser leverrou de la porte, elle lut ces quelques lignes qui avaient ététracées à l’aide de la machine à écrire sur un papier sansen-tête :

« Mon général,

« Une personne qui, pour l’instant, nejuge pas utile de se faire connaître, mais qui vous porte le plusgrand intérêt, croit de son devoir de vous mettre au courant de laconduite scandaleuse d’un de vos protégés, le capitaineMarchal.

« Cet officier qui est à peu près sansfortune est un joueur fieffé. Tout récemment encore, il a perdu aucasino une très grosse somme. On n’ose se demander où il trouve del’argent pour satisfaire ses vices.

« En outre, ce qui est tout aussi grave,il entretient de mystérieuses et sans nul doute, coupablesrelations avec la sœur d’un millionnaire anglais, miss ArabellaWillougby. À plusieurs reprises, on a vu le capitaine Marchalsortir de chez elle à une heure très avancée de la nuit et il nepasse guère de jour sans aller lui rendre visite.

« On compte que vous ferez le nécessairepour mettre un terme à cette conduite indigne d’un officierfrançais. »

Le général de Bernoise avait, par principe, unprofond mépris pour les lettres anonymes et pour ceux qui lesécrivent. Il avait froissé avec colère l’odieuse dénonciation etl’avait jetée à terre où Justine venait de la ramasser.

La soubrette eut un instant d’hésitation,puis, bravement, elle mit la lettre dans sa poche.

– C’est une vraie chance, murmura-t-elle,que Mlle Yvonne n’ait pas mis la main sur ce mauditpapier, elle en eût été malade. Il ne doit pas y avoir un mot devrai, dans tout cela ; le capitaine est un travailleur, il atoujours eu une conduite très sérieuse, je l’ai cent fois entendudire au général lui-même…

Puis, soudain, prise d’une méfiance :

– Je vais quand même tâcher de merenseigner, je ne voudrais pas que Mlle Yvonneépouse un joueur et un coureur…

Cette idée la préoccupait tellement qu’ellen’eut pas la patience de remettre à plus tard son enquête.

Sans perdre un instant, elle sortit pour alleraux nouvelles.

Elle connaissait en ville nombre defournisseurs aussi bavards que des concierges et qui, d’ordinaire,se faisaient un plaisir de mettre au courant des moindres potinsscandaleux la femme de confiance du général.

Justine avait eu à peine le temps de tournerle coin de la première rue qu’elle se trouva en face deGermaine.

– Bon ! Encore vous ! grommelaJustine d’un ton aigre-doux. Décidément, on vous rencontrepartout…

– Je suis aux aguets depuis un bout detemps, dit anxieusement la matelote. Vous comprenez, madame, jesuis si inquiète pour mon pauvre Jacques… Je voulais savoir siMlle de Bernoise a parlé à son père et ce qu’adit le général.

– Ah bien, oui ! Il est furieux quevous vous soyez permis d’aborder mademoiselle sur lagrand-route.

– Je ne croyais pas mal faire.

– Puis, le général n’aime pas que lesfemmes se mêlent des choses qui regardent le service.

Germaine baissait les yeux, la mineconsternée.

– Alors, balbutia-t-elle, je ne doisconserver aucun espoir ?

Justine eut pitié du chagrin de la jeunefille.

– Je n’ai pas dit cela, fit-elle,brusquement radoucie. Je crie bien haut, comme cela, mais je nesuis pas méchante. Ah ! certainement, le général était trèsmal disposé, aujourd’hui, mais demain, il sera peut-être demeilleure humeur. Alors, ce sera le moment de lui reparler de votrefiancé.

– C’est que…

– Ne vous désolez pas, il se passeraencore pas mal de temps avant qu’il soit jugé et, d’ici là, leschoses pourront s’arranger.

La conversation ainsi engagée, Justine fit àGermaine une foule de questions qui, toutes, plus ou moinsdirectement, avaient trait au capitaine Marchal.

D’ailleurs, la rusée soubrette mit dans cetinterrogatoire tant d’adresse que Germaine fut persuadée qu’on nelui demandait tant de choses que pour mieux connaître les officiersdont l’intervention pourrait avoir une heureuse influence sur lesort de son fiancé.

Précisément, Bossard connaissait Ronflot,l’ordonnance de Marchal et, comme les soldats, dans leursconversations, parlent surtout de leurs officiers, Justine enapprit assez sur la vie privée du capitaine pour se persuader quel’auteur de la lettre anonyme avait dit vrai.

Cependant, il lui restait des doutes. Lesdétails que, très innocemment, lui avait appris Germaine, n’étaientpas suffisamment explicites.

– Il faut que j’en sache plus long, sedit-elle, que je tire au clair toutes ces histoires. Je verrai, aubesoin, le capitaine Marchal lui-même.

Justine, qui avait tiré de Germaine tous lesrenseignements que celle-ci était à même de lui fournir la quittaassez brusquement, la laissant cependant un peu consolée, et ellese dirigea du côté de la rue de la caserne. Elle était décidée àaller trouver le capitaine lui-même à son bureau.

Quand elle y arriva, Marchal était déjà sorti,mais elle n’eut aucune peine à apprendre qu’il s’était rendu à lagare pour aller passer – comme presque chaque dimanche – sa journéeà Étaples.

Sans trop savoir encore ce qu’elle allaitfaire, Justine courut à la gare.

C’est elle – on le devine – qui, le visagesoigneusement dissimulé donna au capitaine Marchal le mystérieuxavertissement qui avait si fort troublé celui-ci.

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