La Machine à assassiner

Chapitre 10Un coup de marteau sur le crâne de M. Bessières, directeur de lasûreté générale

 

L’émotion causée par la« continuation des crimes de Corbillères » ne faisait quegrandir. L’opinion publique était soulevée. Oubliant,naturellement, qu’elle avait été la première à exiger lacondamnation de Bénédict Masson, elle accusait maintenant laSûreté, le parquet, la cour et le jury d’avoir, comme toujours, agià la légère, sans preuves définitives !

Le pauvre relieur (c’est ainsimaintenant qu’on l’appelait dans les faits divers) avait étécertainement victime d’une effroyable machination – on ne disaitpas laquelle – mais, puisque les crimes continuaient, on ne pouvaitplus douter de son innocence.

On se déchirait dans la grandepresse ; la polémique la plus farouche mettait aux prises les« leaders » en renom ; la justice avait trouvé desdéfenseurs. On avait publié une interview du garde des Sceaux. Onfit grand bruit autour d’une déclaration du procureur de laRépublique :

« Que les crimes continuent àCorbillères, disait ce haut magistrat, cela ne prouve rien enfaveur de l’innocence de Bénédict Masson ! Cela prouve queBénédict Masson a eu un ou des imitateurs, voilà tout ! Cen’est pas la première fois qu’une épidémie de ce genre semanifeste dans une contrée où les esprits ont pu se trouver, enquelque sorte, suggestionnés par les événements !…

– Eh bien, s’il a eu desimitateurs, trouvez-les !… » répliquait-on auprocureur.

Je vous prie de croire qu’on lescherchait.

Nous avons dit que les inspecteurs de laSûreté générale étaient « sur les dents ». Quant à leurchef, M. Bessières, on racontait déjà qu’il était question dele remplacer. Nous vous laissons à penser s’il fit bon accueil àl’huissier qui lui annonça, le matin où nous nous transportons dansses bureaux, qu’un visiteur demandait à lui parler pour faire desrévélations de la plus haute importance sur les crimes deCorbillères…

« Faites entrer ! »s’écria-t-il.

Et en même temps, il appuyait sur unbouton de sonnette placé sous son bureau.

Tandis qu’on introduisait le personnageannoncé, un soi-disant « secrétaire » venait s’installerà une petite table où il y avait « tout ce qu’il faut pourécrire », quand on n’écrit pas à la machine.

M. Bessières, après avoir fait unsigne discret à son employé, dévisagea le nouveau venu… c’était unvieillard.

Il était fort agité, congestionné,enflammé. Il regardait le chef de la Sûreté générale avec des yeuxhagards. « Serait-ce un fou ? » se demanda aussitôtM. Bessières. Mais le visiteur lui parut d’esprit plus sain,en dépit de son agitation, lorsqu’il l’entendit déclarer tout d’unehaleine :

« Monsieur le directeur, vouspouvez être tranquille ! la justice n’a point condamné uninnocent. Il y a une raison pour que les crimes de Corbillèrescontinuent, et cette raison, hélas ! je suis à peu près leseul à la connaître !

– Eh bien, il faut me la dire, chermonsieur ! Prenez donc la peine de vousasseoir !

– Merci ! je ne puis pasrester assis ! Si vous saviez, monsieur le directeur, la nuitatroce que j’ai passée !

– Vous me raconterez cela tout àl’heure, cher monsieur, mais pour le moment…

– Tout !… je vous dirai tout.Toute la vérité. Il faut que vous sachiez… Il faut que le mondesache…

– La raison pour laquelle lescrimes de Corbillères continuent ! » précisaM. Bessières, qui ne redoutait rien tant que de voir cet hommeexcité se perdre dans des considérations personnelles ou étrangèresà son sujet.

Le vieillard se pencha surM. Bessières, ou plutôt projeta sur lui une tête où fulguraitla prodigieuse émotion de son âme en désordre, et sa boucheproféra :

« Les crimes de Corbillèrescontinuent, monsieur, parce que Bénédict Masson n’est pasmort ! »

Le monde est un théâtre, la vie unecomédie, souvent un drame, et les hommes des comédiens plus oumoins habiles, sifflés ou applaudis, mais toujours brûlés du désird’attirer sur eux l’attention de leurs contemporains. On ne sedoutera jamais de l’influence que certaines grosses affairesjudiciaires peuvent exercer sur des esprits qui passaient jusqu’àce jour pour bien « équilibrés »… Le hasard les a mis de« l’affaire ». Ils veulent briller au premier rang. Quen’inventeraient-ils point pour augmenter leurs petits rôles, donnerplus d’éclat à leurs témoignages ?… M. Bessières étaitdepuis trop longtemps de la partie pour n’être pas sur ses gardes.Tout de même, on a beau avoir pris l’habitude de ne s’étonner derien, il ne s’attendait pas à ce coup-là !…

Évidemment, c’était uneexplication ! Les crimes de Corbillères continuaient parce queBénédict Masson n’était pas mort !…

Il répondit au vieillardexcité :

« Alors, vous avez trouvé cela,vous ?

– Monsieur, lui répliqua l’autre,qui paraissait de plus en plus énervé, je vais vous dire tout àl’heure ce que j’ai trouvé !…

– Oh ! je vous le disd’avance, moi, ricana M. Bessières, vous n’avez pu trouvermieux. Songez donc !… réfléchissez donc un peu, chermonsieur !… (À propos vous ne m’avez pas dit encore votre nom,mais c’est une formalité dont se chargera, tout à l’heure monsecrétaire.) Voilà donc où nous en sommes : Bénédict Massonn’est pas mort, mais il a été guillotiné…

– Non, monsieur !

– Comment ! il n’a pas étéguillotiné ?

– Si, monsieur !

– Alors, il estmort ?

– Non, monsieur !…Monsieur ! Monsieur !… laissez-moi vous expliquer !…Monsieur, ne vous en allez pas !… Monsieur, ne me prenez paspour un fou !… Écoutez-moi !… Vous saurez tout !… etvous me rendrez ma fille !…

– Monsieur, je n’ai pas l’honneurde la connaître !… et j’ai un rendez-vous pressé !… Maisvoici monsieur qui est ici comme un autre moi-même, à qui vousallez donner vos nom, prénoms et qualités, et qui ne vous refuserarien de ce qui peut vous être agréable !…

– Ma fille,monsieur !…

– Il vous la rendra !… Nousn’avons rien à vous refuser ! »

Là-dessus, M. Bessières, qui avaitfait un certain signe à son pseudo-secrétaire, s’empressa delaisser le visiteur en tête-à-tête avec cet « autrelui-même »…

Le moment était venu de faireconnaissance avec ce personnage qui a joué son rôle dans lacoulisse de l’affaire Masson, coulisse que les pouvoirs publics ontvolontairement laissée, depuis lors, dans une ombreinquiétante…

Cet agent était connu depuis plus devingt ans dans tous les services de la police, Sûreté générale,Sûreté « tout court », Préfecture et même jusque dans lesservices de province, sous le nom del’Émissaire.

De son vrai nom, il s’appelaitLebouc : monsieur Lebouc… Et si l’on avait fait deM. Lebouc, l’Émissaire, ce n’était point un vilainjeu de mots. Voici comment M. Lebouc était devenu « lebouc émissaire » :

Cela remontait à certaine affairepolitique qui avait quelque peu bouleversé le monde. Poursurveiller un personnage « en place » dont lesagissements étaient soupçonnés redoutables en même temps quecontraires à la conception normale d’une saine justice, on avaitbesoin d’un agent sur l’intelligence et l’audace duquel on pûtcompter, mais que l’on pût désavouer si les événements prenaientune tournure inquiétante pour les responsables d’une telleinitiative.

M. Lebouc avait commencé jeune surles bancs de la correctionnelle. Cependant, il n’avait pas l’âmevulgaire d’un coquin, tout au plus celle d’un arriviste… Après satroisième expérience de la vie qui l’avait conduit comme les deuxprécédentes devant les juges il estima qu’il avait choisi lemauvais chemin pour arriver…

Las d’être « arrêté », il semit du côté de ceux qui « arrêtaient » les autres, decoquin, se fit croqueur, c’est-à-dire« indicateur »…

M. Lebouc se distingua tout desuite.

Ce n’était point l’infâme« casserole », ni le stupide « mouton ». Ilavait des idées générales ; il avait reçu del’instruction ; dans plusieurs affaires d’envergure, iladressa à ceux qui l’employaient des rapports qui furent remarquésautant par leur logique policière que par la forme littéraire qu’ilsavait leur donner. Enfin ! il avait ducourage !…

Dans la circonstance que j’ai dite plushaut, on s’adressa à M. Lebouc, qui en fut très fier, mena samission à bien et mérita en tout la confiance de ses chefs. Lepersonnage visé était encore plus puissant que coupable et il avaitdes amis qui étaient décidés à tout pour le sauver. Ce futM. Lebouc qui fut sacrifié et qui accepta son martyre,grassement payé, avec une humilité où tout le monde trouva soncompte… On se priva de ses services pendant quelque temps ;mais, chaque fois que se présentaient des opérations délicates dugenre de celle qui lui avait valu une si haute réputation dans lapolice, on songeait à M. Lebouc et on l’employait sous unautre nom. Un seul de ces noms finit par lui rester « entregens au courant », celui de l’Émissaire.

M. Bessières avait eu l’occasion,au cours de sa brillante carrière, d’apprécier les qualités de« l’émissaire », son intelligence éveillée, sa discrétionabsolue et surtout cette facilité souriante avec laquelle il étaittoujours prêt à se laisser « désavouer ».

En voilà plus qu’il n’en faut pourexpliquer la présence dans les bureaux de la rue des Saussaies d’unhomme qui aurait été autrefois « la perle » de la rue deJérusalem…

M. Lebouc resta seul, plus d’uneheure, en tête-à-tête avec cette espèce de fou dontM. Bessières l’avait chargé, d’un signe, de le débarrasser auplus tôt.

Pendant ce temps, le chef de la Sûretégénérale était descendu, par les couloirs intérieurs qui faisaientcommuniquer ses bureaux avec le ministère de l’Intérieur, chez leministre, où se trouvait justement le garde des Sceaux. Il ne futparlé là que de l’affaire qui occupait Paris : celle deCorbillères. La séance fut chaude. Quand M. Bessières remontaet qu’il se trouva en face de M. Lebouc, ildit :

« Eh bien, vous vous êtesdébarrassé du fou ?

– Il vient de partir !répondit l’agent ; mais il reviendra.

– Comment, ilreviendra ?…

– Oui !… Je lui ai dit derevenir ce soir, à six heures !

– Ah çà ! vousplaisantez !

– Vous savez bien, patron, que jene plaisante jamais !… Cet homme est peut-être un fou, mais jen’en suis pas sûr !… C’est mon système !… Dans notremétier, patron, il ne faut jamais être sûr de rien !… En toutcas, il était intéressant de l’entendre… Ce vieillard agité n’estni plus ni moins que l’horloger de la rue duSaint-Sacrement-en-l’Île, le père Norbert, dont la fille a ététrouvée dans la petite maison de Corbillères…

– Eh bien ?…

– Ah ! eh bien !… ehbien !… c’est difficile à dire… c’est un bonhomme dont j’ai euà m’occuper lors de l’affaire de Bénédict Masson… un homme quis’occupe de problèmes mécaniques tout à fait exceptionnels… Il ainventé une sorte d’échappement à roues carrées. Enfin, que vousdirais-je ? Ses confrères racontent que, depuis des années, ilcherche le mouvement perpétuel !…

– Il en a bienl’air !…

– Oui !…

– Et alors ?…

– Et alors, il raconte… ilprétend…

– Quoi ?…

– Il faut que je vous dise encore,patron !… C’est l’oncle d’un Jacques Cotentin, qui n’est pasle premier venu à l’École de médecine… Il est prosecteurlà-bas !… Paraît que c’est un sujet pas ordinaire du tout nonplus, celui-là !… Enfin j’ai téléphoné pour être plussûr !…

– À qui avez-voustéléphoné ?

– J’ai téléphoné au professeurThuillier…

– Pourquoi ?…

– Pour savoir !… pour savoirce qu’il fallait penser du prosecteur…

– Mais enfin, où voulez-vous envenir ?

– Le professeur Thuillier m’arépondu textuellement qu’il tenait ce Jacques Cotentin dans la plushaute estime !… qu’il le considérait comme une des gloiresfutures de la chirurgie et comme le continuateur des Carel et desRockefeller ! Vous savez, Rockefeller ?…

– Oui !… Carel, Rockefeller,connu !… font revivre les tissus, raccommodent les vivants,etc.

– Eh bien, patron, paraîtrait queJacques Cotentin raccommode aussi les morts !…

– Qu’est-ce que vous voulez que çame fasse ? Est-ce que vous « déménagez », vousaussi ?

– Non ! patron, pas avant quevous m’ayez trouvé un autre appartement… Faut que vous sachiez mêmeune chose…

– Parlez, ou laissez-moitranquille !

– J’ai voulu être sûr de cedétail-là !…

– Quel détail ?

– Oh ! un détail qui a sonimportance ! Vous savez que la Faculté, après l’exécution deBénédict Masson, a réclamé sa tête ?

– C’est dans larègle !…

– Mais vous ne savez pas où l’on aporté sa tête ?

– À l’école !

– Non ! chezl’horloger !…

– Chez l’horloger !… Qu’est-cequ’un horloger peut bien…

– Pardon !… Le prosecteurhabite chez l’horloger !

– Ah ! oui…

– Écoutez !… tout cela estbien extraordinaire !… Ce n’est pas moi qui vouscontredirai !… Mais, par principe, moi, j’écoute toujours,parce que, par principe, je ne suis jamais sûr de rien !… Ehbien, voilà ce qu’il m’a raconté, le vieux… Il aurait fabriqué unautomate !…

– Un automate ?…

– Oui, un automate !… Ne meregardez pas comme ça, patron, ou je n’aurai jamais la force decontinuer…

– Continuez, Lebouc ; je nevous regarde plus !…

– Mais vous continuez àm’écouter ?…

– Pour vous faire plaisir !…Allons, sortez-moi votre histoire… Le fou a inventé unautomate…

– Oui ! un automate dontle prosecteur a habillé l’armature intérieure d’un réseau denerfs !…

– Quoi !de nerfs ?… des cordes à violon ?…

– Non ! non !… denerfs ! de vrais nerfs humains !…

– Vous êtes malade !… Commentvivraient-ils, ces nerfs ?

– Et bien, ils baigneraientdans un liquide qui ne serait autre que le sérum dont Rockefellerse sert pour entretenir indéfiniment la vie des tissus !… etqu’ils auraient soumis, en plus, à l’action duradium !

– Vousm’impressionnez, Lebouc !… et alors ?

– Et alors, c’est biensimple ! il ne manquait à leur machine qu’un cerveau !…Ils lui ont collé celui de BénédictMasson !… »

Nous ne pouvons, pour rendre à peu prèsl’effet produit par cette déclaration sur l’état d’esprit deM. Bessières, que nous servir d’une expression assez usagéedans tous les milieux, du haut en bas de la société, comprise detous sans que l’on sache du reste pourquoi : M. ledirecteur de la Sûreté générale en resta « comme deux ronds deflan » !…

Puis, quand il eut repris le cours de sarespiration :

« C’est vous, dit-il, qu’il fautfaire enfermer, mon ami !

– Peut-être !

– Oh !sûrement !…

– J’ai toujours fait ce que l’on avoulu ! En attendant, les crimes de Corbillèrescontinuent !

– Eh ! je le sais fichtrebien !… Allez donc leur raconter, en bas, l’histoirede la poupée du vieux ! Si ça pouvait les dérider !« Le Premier » et le garde des Sceaux ne sont pas àprendre avec des pincettes !… je viens de subir une petiteséance !… Pendant ce temps-là, je vois que vous ne vousembêtez pas, ici !… Non, mais dites donc,l’Émissaire !… Est-ce que vous vous moquez demoi ?… Vous avez dit à cet énergumène de revenir à sixheures !…

– Oui !…à cause de safille !…Car enfin, ça, c’est un fait !…on lui a volé safille !…

– Qui,on ?…

– Eh bien, lapoupée !…

– Son automate lui a volé safille !…

– Qu’il dit !… Calmez-vous,patron !… Il n’y a pas de quoi se fâcher !… Il n’y a qu’àen rester ahuri comme moi, ou à en rigoler !… Après tout, sivous voulez que nous parlions d’autre chose…

– Allez ! Lebouc…allez !… c’est peut-être vous qui avez raison !… Il fauttoujours écouter les enfants et les fous, bien qu’il n’y ait riende plus menteur au monde !… mais il suffit quelquefois d’unmot pour vous faire entrevoir la bonne piste !… Je vousécoute…

– Non ! ce n’est pas moi quevous écoutez ! c’est le vieux… Voilà ce qu’il raconte :le Bénédict Masson, comme on le sait depuis le procès, étaitamoureux de sa fille Christine… Le prosecteur n’ayant rien trouvéde mieux, puisqu’il lui fallait un cerveau pour mettre dans sonautomate, que d’y glisser celui qu’on lui apportait de Melun,c’est-à-dire celui de Bénédict Masson, il s’est produit ceci, quiest, en somme, assez logique : le premier geste de l’automate,dès qu’il a donné signe de vie, a été d’emporter Christine… Paraîtqu’il s’est jeté dessus comme un sauvage !…

– Je ne ris pas, Lebouc, je ne rispas !… mais je sens que je deviens abruti de vous entendre meraconter sérieusement des choses pareilles !…

– Je vous parle sérieusement,patron, parce que, depuis bien longtemps, rien ne me fait plusrire, et aussi à cause d’un certain détail qui a bien sonimportance… Avant de se sauver avec la Christine, la poupée alaissé un mot sur la table… un mot que le vieux a apporté ici… levoilà !… Ce n’est pas long, ce qu’il a écrit :« Je suis innocent ! »

– Bravo ! voilà pour le moinsune idée fixe, ou je ne m’y connais pas !…

– Patron !… nous avonsd’autres papiers de Bénédict Masson… sur lesquels il a écrit :« Je suis innocent ! »… J’ai fait apporter ici ledossier que nous avons fait venir de Melun depuis que l’affaire deCorbillères, que nous croyions si bien enterrée, ressort de terre,c’est le cas de le dire… les voici !… Eh bien,comparez !…

– Voyons, Lebouc… En admettant mêmeque ce soit la même écriture… ce qui reste à démontrer… vousn’allez pas me faire croire que ce papier ne date pasd’avant sa mort… Lebouc, vous allez prendre votreretraite, mon ami !…

– Oui, patron ! Une fois deplus, une fois de moins !…

– Vous avez voulu vous payer matête, n’est-ce pas ?

– Je suis trop pauvre ! fitLebouc.

– Lebouc, vous n’avez qu’une façonde me faire oublier vos plaisanteries de mauvais goût… Vous allezpartir pour Corbillères !… Je vais vous donner touspouvoirs ! Peut-être, après tout, que Bénédict Masson étaitinnocent !… tant pis pour ces messieurs de lajustice !… Moi, je m’en fiche, après tout, de la placeVendôme !… Vous allez me dénicher le ou les coupables !…Ne craignez rien !… je suis là pour vous soutenir,Lebouc !…

– Ah ! quant à cela, patron,je compte bien sur vous !…

– Vous pouvez !… Qui est-cequi vient encore là ? Entrez ! »

L’huissier s’avança d’un air mystérieuxet dit à voix basse :

« Monsieur le directeur, c’est unepersonne qui n’a pas voulu dire son nom et qui m’a chargé de vousremettre ce pli de la part de M. l’avocat généralGassier !… »

M. Bessières décacheta vivement etlut :

« Mon cher directeur, je vousenvoie un de nos amis à propos de l’affaire deCorbillères… Il vous racontera des chosesintéressantes…écoutez-le jusqu’au bout. M. Lavieuville estsain de corps et d’esprit ! »

« Eh bien, ça nous changera !Quelle drôle de recommandation ! » fit entendreM. Bessières… Et il lança le mot sur le bureau del’« Émissaire ».

« Ah ! dit Lebouc, c’estLavieuville !… L’horloger a justement parlé d’unLavieuville…

– Faites entrer ! »commanda le chef de la Sûreté générale.

Un homme à figure chafouine, et toutgrelottant dans un pardessus d’occasion, les souliers maculés d’uneboue neigeuse, se présenta, les épaules courbées, le front humble,les yeux obliques :

« Messieurs !… commença-t-il,je vous demande pardon de me présenter dans cet état, mais depuisque l’on m’a volé ma petite voiture.

– Asseyez-vous, monsieur !…vous m’êtes recommandé par M. l’avocat généralGassier…

– Sans quoi je n’eusse jamais osévenir vous trouver !… je vous demande la plus grandediscrétion… c’est une question de vie ou de mort ! Monsieur,je suis monsieur Lavieuville, marguillier à Saint-Louis-en-l’Île…j’avais une petite voiture automobile à conduiteintérieure…

– Pardon !… monsieur !…pardon !… M. l’avocat général Gassier me dit que vousdésirez me parler à propos de l’affaire deCorbillères !…

– Justement, monsieur le directeur,nous y sommes ! Ma voiture m’a été volée par BénédictMasson !

– Alors, c’est une vieillehistoire, monsieur, et je crois qu’il est un peu tard pour la luiréclamer !

– Eh ! monsieur, ce n’est pasune si vieille histoire que cela ! Elle ne date pas de huitjours !

– Mais, monsieur, vous oubliez queBénédict Masson a été exécuté il y a plus de troissemaines…

– C’est bien pourquoi je viens voustrouver, monsieur ! Ce qui m’arrive est inimaginable, et sansM. l’avocat général Gassier, à qui j’ai tout raconté, preuvesen main, je n’eusse jamais osé, je vous le répète, venir voustrouver… »

M. Bessières leva les bras auplafond, se laissa tomber sur un siège, se prit la tête dans lesmains en proie à une fureur sombre qu’il parvint cependant àdompter et il jeta au visiteur, d’une mâchoireféroce :

« Parlez, monsieur, je vousécoute !…

– Eh bien, monsieur, je dois vousdire que j’ai une femme de ménage, Mme Langlois…

– Bien, monsieur,Mme Langlois…

– Qui va quelquefois, le soir,prendre sa camomille chez Mlle Barescat, mercière…

– Mlle Barescat,parfait !

– En compagnie de notre chaisière,Mme Camus, et de l’herboriste, M. Birouste…

– Mme Camus, M. Birouste.Vous n’oubliez personne ?

– Monsieur, je n’étais pas à cettepetite réunion amicale chez Mlle Barescat.

– Alors, pourquoi m’enparlez-vous ?

– Parce qu’elle a la plus grandeimportance pour ce que j’ai à vous dire… Mme Langlois, mafemme de ménage, est bien malade, monsieur le directeur…

– Croyez, cher monsieur, que jeregrette bien sincèrement…

– C’est d’autant plus regrettableque, si elle avait été mieux portante, elle m’eût accompagnéjusqu’ici… Mlle Barescat et Mme Camus, elles, vont mieux, maiselles n’osent sortir de chez elles… Quant à M. Birouste, iln’a pas quitté le lit depuis cette effroyable aventure…

– De quelle aventureparlez-vous ? de la vôtre ou de la leur ?

– C’est la même, monsieur,seulement elle a eu deux actes : le premier s’est passé chezMlle Barescat, pendant sa camomille. Il faut vous dire queMme Langlois faisait autrefois le ménage de BénédictMasson !

– Et il ne l’a pasassassinée ?

– Pas encore,monsieur !… mais au train des choses, cela pourrait bienarriver un jour ou l’autre !… Voilà pourquoi je suis chezvous, monsieur !… et pourquoi M. l’avocat généralGassier…

– M. l’avocat général Gassiers’est moqué de vous, monsieur, et je ne comprends pas…

– Je ne pense pas queM. l’avocat général Gassier se soit moqué de moi, interrompitsans s’émouvoir M. Lavieuville, et si vous ne comprenez pas,monsieur le directeur, c’est que vous ne m’écoutez pas !… J’enreviens à la camomille chez Mlle Barescat… Mme Langlois, quifaisait le ménage de Bénédict Masson, faisait aussi celui dubonhomme Norbert, l’horloger !

– Elle fait donc tous les ménagesde l’Île-Saint-Louis, cette brave dame ?…

– Non ! monsieur le directeur,mais elle sait à peu près ce qui se passe dans tous les ménages etelle est fort instructive à entendre… dans le cas qui nous occupe,elle entretenait ces dames d’une sorte de personnage qui habitaitclandestinement chez l’horloger et qu’elle avait pris pour unmutilé de la guerre, pour un amoché comme on dit de nos jours. Leneveu du bonhomme Norbert, le prosecteur Jacques Cotentin, qui est,m’a dit M. l’avocat général Gassier, une espèce de génie,donnait ses soins à ce soi-disant mutilé… Or… ne vous étonnez derien, monsieur le directeur… Vous comprenez que si M. Gassierm’a envoyé à vous… Eh bien, ce soit disant mutilé, aux derniersrenseignements, serait tout simplement unautomate !… »

M. Bessières bondit comme s’ilavait été un automate lui-même obéissant à quelque ressortcaché…

« Tout simplement !s’écria-t-il… Et qu’entendez-vous par les derniersrenseignements ?

– Ceux qui m’ont été fournis parmon ami M. Gassier, à qui j’avais raconté mon aventure, et quia fait une enquête personnelle, d’où il a déduit lui-même quenous avions toutes les chances pour avoir affaire à unautomate !

– Ah ! vraiment ?… Cesmessieurs du parquet de la Seine ont fait, de leur côté, leurpetite enquête… réfléchit tout haut M. Bessières en serasseyant avec un étrange sourire…

– Ils ne vous le cachent pas,monsieur, puisque ce sont eux qui, officieusement, si j’ose dire,m’ont donné le conseil de venir vous trouver !…

– Oui ! oui… continuez, chermonsieur Lavieuville, vous commencez à devenir intéressant !…Décidément ces messieurs de la justice ont l’esprit de corps etpratiquent la solidarité !… Mais je n’aurais jamaisimaginé…

– Je continue… Le soir de lacamomille, il arriva qu’au moment même où ces dames parlaient entreelles de ce soi-disant mutilé… la porte s’ouvrit et quelle ne futpas leur épouvante en voyant apparaître le mystérieux personnagetout couvert de sang et portant dans ses bras Mlle ChristineNorbert évanouie… je ne vous dépeins pas la scène !… vousinterrogerez Mme Langlois… Sachez que c’est là que cetteespèce de monstre mécanique donna à sa captive les premiers soinsque nécessitait son état et il s’enfuit, sans avoir dit unmot !…

– Ah !ah ! l’automate ne parle pas !…

– Non, monsieur !… il ne parlepas !… mais il entend très bien !…

– Vous merassurez !…

– M, Birouste, l’herboriste,rentre, affolé, chez lui !… Horreur ! Il y retrouve leterrible visiteur, toujours soignant Christine Norbert !… Deplus en plus épouvanté, notre herboriste se sauve par une fenêtre…C’est alors que moi, à peu près à la même heure, c’est-à-dire versles six heures et demie du matin, je sortais de l’église deSaint-Louis-en-l’Île, où je venais d’assister à l’office divin, etje m’apprêtais à monter dans ma petite auto à conduite intérieurequand ledit personnage me renversait, jetait dans ma voiture savictime, me dépouillait de mes vêtements et par cela même desquinze mille francs qui étaient dans mon portefeuille, me jetaitson manteau, mettait en marche et disparaissait du côté de la rivegauche… M. Gassier a pu savoir depuis que la voiture avaitpris le chemin de Pontoise… là, on ne la retrouve plus !… Maisavant de disparaître, le bandit s’était arrêté chez le restaurateurFlottard, chez qui il commettait je ne sais quel attentat !…Flottard s’était défendu en lui plantant dans le dos un énormecouteau de cuisine, ce dont le personnage en question n’eutmême pas l’air de s’apercevoir !… Retenez bien ceci,monsieur le directeur !… Il ne saigna même pas !… Comme,d’un autre côté, M. Gassier venait d’avoir certainsrenseignements des plus précis touchant les travaux particuliers del’horloger et du prosecteur, qui employaient un garçond’amphithéâtre nommé Baptiste, que l’on interrogea et que l’onfinit par faire parler en le menaçant de la justice,M. Gassier émit cette idée que l’on pourrait très bien avoiraffaire, comme je vous le disais tout à l’heure, à unautomate !…

– Compris !… Oh !… j’aicompris, monsieur le marguillier… Vous pourrez même dire àM. l’avocat général Gassier que je n’ai eu aucune difficulté àcomprendre !… mais qu’est-ce que vient faire Bénédict Massonlà-dedans ?…

– Eh bien, voilà, monsieur ledirecteur… Après l’exécution, on avait apporté au prosecteur latête de Bénédict Masson !…

– Je sais !… je sais !…Tenez ! monsieur le marguillier.

– Je m’appelle monsieurLavieuville…

– Monsieur le marguillierLavieuville, je sais tout ce que vous allez me dire… encore unechose que vous pourrez répéter à M. Gassier. Vous allez medire que le prosecteur a mis la cervelle encore toute chaude deBénédict Masson dans la boîte crânienne de son automate.

– Oui ! monsieur le directeur.Vous y êtes. C’est épouvantable ! »

Là-dessus M. Bessières se leva, ilne ricanait plus. Il donna un coup de poing formidable sur sonbureau, ce qui fit sursauter M. Lavieuville…

« Alors, vous allez me faire croireque vous croyez cela, vous ?

– Nous avons les preuves enmain ! fit M. Lavieuville, un peu pâle et en se reculantprudemment…

– Qui ?nous ?

– Pardon,moi ! Pour rien au monde M. l’avocat généralGassier ne doit être mêlé à cette affaire !…

– Ah ! je crois bien !…il ne désire pas, n’est-ce pas ?

– Il ne s’en est occupé que paramitié pour moi, mais sa situation officielle…

– Compris ! Il peut êtretranquille… Mais dites-lui aussi que ce n’est pas la Sûretégénérale qui prendra sur elle de lancer sur le monde une histoirepareille !… Alors, vous avez des preuves, cher monsieurLavieuville ?

– Oui, monsieur, les voici !…Si cet affreux automate ne parle pas, il écrit !…

– Ah ! oui… et avec l’écriturede Bénédict Masson, naturellement !

– Monsieur, vous devineztout !… C’est en effet avec l’écriture de Bénédict Masson quele mystérieux personnage a tracé les lignes que voici sous lesyeux épouvantés de Mlle Barescat, de Mme Camus, deMme Langlois et de M. Birouste, après l’exécution deBénédict Masson : « Silence, si vous tenez à lavie !… » et voici d’autres petits mots tracés,toujours le même soir ou plutôt la même nuit, quelques heures avantl’attentat qui me concerne, par le même personnage dans la chambremême de M. Birouste ! Enfin voici l’attestation de troisexperts assermentés auxquels M. Gassier a fait soumettre cespapiers en même temps que des documents de la main de BénédictMasson produits au procès. Ils concluent tous trois qu’il n’y aaucun doute à avoir !… que c’est la même écriture et que c’estle même individu qui l’a tracée !… »

C’était au tour de M. Bessièresd’être maintenant un peu pâle… Il se leva, les sourcils froncés,les lèvres frémissantes…

« Voulez-vous me laisser cesdocuments, monsieur ?

– J’y vois d’autant moinsd’inconvénient, répondit M. Lavieuville, que je sais queM. Gassier en a fait prendre lesphotographies… »

Et comme M. Bessières se taisait etrestait debout, il comprit que la séance était terminée…

« Je vous laisse également monadresse, monsieur le directeur, si, par hasard, vous aviez besoinde moi…

– Oh ! monsieur… vousentendrez parler de nous !… lui répliqua M. Bessières,c’est bien la moindre des choses que nous essayions de vous fairerentrer en possession de votre auto et de vos quinze millefrancs !… »

M. Lavieuville salua et s’en alla,dissimulant sous un sourire de commande le mécontentement où ilétait de cette réception… Il s’attendait à tout, excepté à cetteironie de glace sous laquelle il entrevoyait une penséesingulièrement hostile.

La porte ne fut pas plus tôt fermée surle marguillier que M. Bessières éclata.

« Ah ! je ne marche pas !s’écria-t-il en s’avançant sur M. Lebouc, qui jusqu’alorsn’avait pas bronché derrière son écritoire, sur lequel il étaitresté penché, prenant hâtivement des notes. Non ! ils nem’auront pas ! je vous en fiche mon billet, Lebouc !…Tout cela est un coup monté par ces messieurs du parquet !…Tous ces gens-là se tiennent et sont prêts à se lancer dansl’affaire la plus absurde pour sauver la face de Thémis !…C’est toujours la même histoire !… Nous la connaissons !…Il n’y a pas si longtemps que nous avons vu un monsieur haut gradé,mais plein d’une astuce primaire, mettre une jupe, une voilette etune paire de lunettes pour sonder les arcanes d’une affaire où ilétait question de sauver les grands principes !… La poupée nedate pas d’hier !… Dans la naïveté têtue de son âme, l’homme àla voilette croyait passer inaperçu !… Gassier, derrière sonautomate, est un imbécile !… Il dit que la poupée estmuette ; ça n’est pas vrai ; elle crie : « Netouchez pas aux grands corps de l’État !… Ne touchezpas… » Et pendant ce temps-là, nous, de la police, on noussacrifie !…

– Oui, monsieur, acquiesçaM. Lebouc.

–… On nous a fait danser comme despantins !… Ces messieurs ont bien tort d’inventer desautomates ! Ne leur suffit-il pas de tirer nosficelles !… Eh bien ! j’en ai assez ! Vous l’avezentendu, le marguillier envoyé par l’avocat général ? Ç’a étésa première phrase : « Vous pouvez être tranquille,monsieur, « la justice n’a pas condamné uninnocent ! » Ah ! voyez-vous, tout est là,Lebouc !… Mettez-vous bien cela dans la tête :« La justice ne peut pas condamner uninnocent ! »

– Non, monsieur !…

– Si, monsieur !… ce sont deschoses qui arrivent, et ça ne me regarde pas !… Je fais ce queje peux, j’apporte des faits, à la justice de prendre sesresponsabilités !… Eh bien, elle prendra celle-là, je vous lejure !… Ce n’est pas la Sûreté générale qui ressusciteraBénédict Masson ! Ils ont des experts, qu’ils les produisenteux-mêmes ! N’est-ce pas, Lebouc ?

– Oui, monsieur !

– Eh bien, qu’est-ce que vouspensez de cela, vous ?

– Je pense que ce qu’il y aurait demieux à faire ce serait d’interroger au plus tôt le prosecteurlui-même, ce Jacques Cotentin qui, d’après M. le professeurThuillier, fait revivre indéfiniment, avec son sérum, les tissus,les nerfs et même les cerveaux !

– Encore unfarceur !…

– Ce n’est pas l’avis du professeurThuillier !

– Après tout, vous avez raison,Lebouc ! C’est le plus simple !… Tâchez de me trouver cethomme-là au plus tôt, et amenez-le-moi !

– Monsieur, j’ai justement beaucoupde chances de le trouver à Corbillères où vousm’envoyez !…

– Comment cela ?

– L’entrée de M. Lavieuville,et aussi, il faut bien le dire, monsieur le directeur, l’étatd’esprit dans lequel vous vous trouviez, ne m’a pas permis de vousrapporter jusqu’à la fin les propos un peu extravagants del’horloger…

– Vous êtes modeste, monsieur, dansvos qualificatifs.

– Mon système, monsieur ledirecteur, est de ne point juger les propos, mais de retenir lesfaits ! Eh bien, un fait m’a frappé dans ce que m’a dit cevieillard excité. C’est que, dans leurs recherches, le prosecteuret lui ont été conduits à Corbillères par les événements, ontpénétré dans la demeure de Bénédict Masson, y ont relevé les tracesterribles du passage de la poupée et le peignoir ensanglanté de lapauvre Christine Norbert, qu’ils n’ont pas plus retrouvée, elle,que l’on n’a retrouvé les premières victimes de BénédictMasson !

– Et vous ne me disiez pas cela,Lebouc ?

– Monsieur, mon système est deprocéder par ordre…

– Et le prosecteur ! Oùest-il ? Je veux voir tout de suite leprosecteur !…

– L’horloger m’a dit qu’il l’alaissé là-bas, en proie au plus grand désespoir, car cet homme aimeChristine Norbert au moins autant que la poupée, dureste !…

– Autant que lapoupée !…

– Je veux dire autant que BénédictMasson l’aime lui-même !…

– Lebouc ! mon ami Lebouc, sivous voulez que je ne devienne pas fou sur-le-champ, sautez dansune auto, courez à Corbillères et ramenez-moi le prosecteur coûteque coûte, de gré ou de force !

– Bien, monsieur ! je vousrappelle que l’horloger, qui est retourné à son domicile del’Île-Saint-Louis en attendant vos ordres, doit revenir ici ce soirà six heures.

– Ce soir, à six heures !… Nevous en occupez pas !… je vais le faire chercher tout desuite !… Allez, Lebouc !… ah ! surtout ! pas unmot de tout ceci !…

– Entendu, monsieur ledirecteur ! vous pensez bien !…

– Pas une ligne dans les journauxavant que j’aie éclairci cette affaire !…

– Monsieur le directeur peutcompter sur ma discrétion !… »

« L’Émissaire » s’en alla…M. Bessières, qui suait à grosses gouttes, se laissa tomberdans son fauteuil, les membres ballants, la tête inclinée surl’épaule, les yeux ronds roulants dans leurs orbites avec cet airfatal, désespéré et stupide qu’a le bœuf à l’abattoir, après lecoup de maillet qui ne l’a point tout à fait privé de vie… mais quil’a déjà conduit aux portes du néant…

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