Les Amours du Chico

Chapitre 18CHANGEMENT DE RÔLES

Pardaillan posa le manteau et la lampe par terre. Dans cetombeau, comme dans les deux précédents cachots où il venait deséjourner, il n’y avait aucun meuble ; pas de fenêtres, pas deporte. Il lui eût été difficile de retrouver l’emplacement de laporte secrète, qui s’était refermée d’elle-même.

Pardaillan accomplissait ses gestes avec un calme prodigieux. Lafacilité avec laquelle il avait à demi étranglé son ennemi etl’avait projeté dans ce trou prouvait que ses forces lui étaientrevenues.

Ce n’était d’ailleurs pas le seul changement survenu dans sapersonne. En même temps que la vigueur, l’intelligence paraissaitlui être revenue.

Il n’avait plus cet air morne, hébété, peureux qu’il avaitquelques instants plus tôt. Il avait ce visage impénétrable,froidement résolu, et cependant nuancé d’ironie, qu’il avaitautrefois, lorsqu’il se disposait à accomplir quelque coup defolie.

Il se dirigea vers d’Espinosa, le fouilla sans hâte, prit leparchemin, qu’il étudia attentivement, et ayant reconnu que cen’était pas une copie, mais l’original parfaitement authentique, ille plia soigneusement et, à son tour, il le mit dans son sein.

Ceci fait, il prit la dague, qu’il passa à sa ceinture, ets’assura que d’Espinosa n’avait pas d’autre arme cachée, ni aucunpapier susceptible de lui être utile, le cas échéant, et, n’ayantrien trouvé, il s’assit paisiblement à terre, près de la lampe etdu manteau, et attendit avec un sourire indéchiffrable auxlèvres.

Assez promptement, le grand inquisiteur revint à lui. Ses yeuxse portèrent sur Pardaillan et, en voyant cette physionomie quiavait retrouvé son expression d’audace étincelante, il hochagravement la tête, sans dire un mot.

Pas un instant, il ne perdit cet air calme, rigide qui était lesien. Son regard se posa sur celui de Pardaillan, aussi ferme etassuré que s’il avait été dans le palais, entouré de gardes et deserviteurs. Il ne montra ni étonnement, ni crainte, ni gêne.Seulement son œil de feu ne cessait pas de scruter Pardaillan avecune attention passionnée.

Il se disait qu’il avait encore une chance de salut, puisque leremède, grâce à quoi son prisonnier avait retrouvé assez delucidité pour essayer de l’entraîner dans la mort avec lui,perdrait toute sa force stimulante au bout d’une demi-heure.

Il s’agissait donc de se dérober à une nouvelle attaque duprisonnier jusqu’à ce que, le stimulant n’ayant plus d’action, ilredevînt ce qu’il était avant, ce qu’il resterait jusqu’à samort : un enfant inoffensif et peureux.

En somme, lui, d’Espinosa, était vigoureux et adroit. Il nechercherait pas à lutter contre son adversaire ; tous sesefforts se borneraient à éviter un corps à corps dans lequel ilsavait bien qu’il serait battu. Il fallait gagner quelques minutes.Toute la question se résumait à cela. Car, chose incroyable, l’idéene lui venait pas que le prisonnier, ayant peut-être pénétré sonprojet, pouvait avoir eu assez de force, d’adresse et d’habiletépour jouer une longue et macabre comédie, à laquelle sessubordonnés, jusques et y compris le moine chimiste qui avaitcomposé la drogue atrophiante se seraient laissé prendre.

Et comment admettre que le prisonnier eût pu résister à l’effetdu poison expérimenté toujours avec un succès sur d’autressujets : ces malheureux qu’il avait montrés à Pardaillanparqués comme des bêtes dans une cage ?

Et en admettant même que la constitution extraordinairementrobuste du condamné l’eût mis à même de résister plus longtempsqu’un autre à l’action dissolvante, comment admettre qu’il eût purésister à l’effroyable jeûne qui lui avait été imposé ? Siexceptionnellement doué qu’il fût, ceci était inadmissible. Etc’est pourquoi cette pensée d’une comédie admirablement jouée nel’effleura pas.

Coûte que coûte, il gagnerait donc les quelques minutesnécessaires. Et si le prisonnier devenait trop menaçant, il s’endébarrasserait d’un coup de dague. Il abrégerait ainsi sonagonie ; mais à tout prendre, il pouvait se déclarer satisfaitdes tourments qu’il lui avait fait endurer.

Voilà ce que disait le grand inquisiteur en étudiant Pardaillan,cependant que sa main, sous la robe rouge, cherchait la dague qu’ilavait cachée. Alors seulement il s’aperçut qu’il n’avait plus cettearme sur laquelle il comptait en cas de suprême péril.

Il sentit la sueur de l’angoisse perler à la racine de sescheveux. Mais il montra le même visage impassible, le même regardaigu qui n’avait rien perdu de son assurance. Et comme il croyaittoujours que Pardaillan, en le saisissant à la gorge, avait obéi àun mouvement tout impulsif, non raisonné, il pensa que dans sachute la dague s’était peut-être détachée de sa ceinture et qu’ellegisait à terre, peut-être tout près de lui. Il fallait la retrouverà l’instant. Et du regard il se mit à fureter partout.

Alors, avec cet air d’ingénuité aiguë, sur un ton narquois, leprisonnier lui dit :

– Ne cherchez pas plus longtemps, voici l’objet.

Et en disant ces mots, il frappait doucement sur la poignée dela dague passée à sa ceinture et il ajoutait avec un sourirerailleur :

– Je vous remercie, monsieur, d’avoir eu l’attention desonger à m’apporter une arme.

D’Espinosa ne sourcilla pas. C’était un lutteur digne de semesurer avec le redoutable adversaire qu’il avait devant lui.

Au même instant une idée lui traversa le cerveau comme un éclairet, d’un geste instinctif, il porta les mains à son sein où ilavait caché le fameux parchemin.

Une teinte terreuse, à peine perceptible, se répandit sur sonvisage. Le coup lui était, certes, plus sensible que la perte del’arme qui devait le sauver.

Alors, seulement, il commença de soupçonner la vérité et qu’ilavait été joué de main de maître par cet homme vraimentextraordinaire qui avait su déjouer la surveillance d’une nuéed’espions invisibles ; cet homme qui avait pu tromper lesmoines médecins qui avaient passé de longues heures à l’étudier età l’observer ; cet homme, enfin, qui avait su si bien jouer lerôle qu’il s’était donné qu’il en avait été dupe, luid’Espinosa.

Il jeta sur celui dont il était le prisonnier – par unrenversement de rôles inouï d’audace – un regard d’admirationsincère en même temps qu’un soupir douloureux trahissait ledésespoir que lui causait sa défaite, l’écroulement de ses vastesdesseins, sa perte inévitable avant d’avoir pu accomplir lesgrandes choses qu’il avait rêvées pour la plus grande gloire del’Église.

Et comme il avait lu dans son esprit, Pardaillan dit, sans nulleraillerie, avec une pointe de commisération que l’oreille subtilede d’Espinosa perçut nettement et qui l’humiliaprofondément :

– Le parchemin que vous cherchez est en ma possession…comme votre dague. Ce précieux document, que j’étais venu chercherde si loin, qui, devait donner un royaume à votre maître et fairede mon pays une province espagnole, je n’eusse jamais cru que jen’aurais qu’à tendre la main pour m’en emparer Je suis vraimenthonteux du peu de difficulté que j’ai rencontré dansl’accomplissement de la mission qui m’était confiée.

« Mais aussi, monseigneur, convenez que vous avez agi avecune étourderie sans égale. Trop d’assurance nuit parfois, et s’ilsied d’avoir confiance en soi, il ne faut cependant pas forcer lamesure sous peine de tomber dans la présomption et de consommer laruine d’entreprises qu’on s’est donné bien du mal à mettre surpied. Vous en faites la triste expérience. À force de vouloirpousser les choses à l’excès, à force de présomption, vous avezfini par perdre la partie que vous aviez si belle. Convenez qu’ellen’était pourtant pas égale cette partie, et que vous aviez tous lesatouts dans votre jeu. Convenez aussi que je ne vous ai pas pris entraître, et vous ne sauriez en dire autant… soit dit sans vousoffenser.

D’Espinosa avait écouté jusqu’au bout avec une attentionsoutenue. Il ne manifestait ni dépit, ni crainte, ni colère. Et àles voir : Pardaillan parlant avec simplicité sans éclats devoix intempestifs, avec des gestes mesurés : d’Espinosaécoutant gravement, approuvant parfois d’un hochement de têtesignificatif, on n’eût, certes, pu soupçonner le drame mortel quise jouait entre ces deux hommes, en apparence si calmes, sipaisibles.

– Ainsi, fit d’Espinosa, vous avez pu résister à lapuissance du stupéfiant qu’on vous a fait boire ?

Pardaillan se mit à rire doucement du bout des dents.

– Mais, monsieur, fit-il avec son air ingénument étonné,quand on veut faire prendre un stupéfiant pareil à celui dont vousparlez, encore faut-il s’arranger de manière à ce que ce stupéfiantne trahisse pas sa présence par un goût particulier. Voyons, c’estélémentaire, cela.

– Cependant, vous avez absorbé le narcotique.

– Eh ! précisément, monsieur. Raisonnablement,pouvez-vous penser qu’un homme comme moi se sentira terrassé par unsommeil invincible pour une ou deux malheureuses bouteilles qu’ilaura vidées, sans que ce sommeil suspect éveille sa méfiance ?Cette méfiance a suffi pour me faire remarquer que votre stupéfiantavait changé – oh ! d’une manière imperceptible – le goût dusaumur que je connais fort bien. Cela a suffi pour que le contenude la bouteille suspecte s’en allât se mélanger aux eaux sales demes ablutions.

– Cela tient, dit gravement d’Espinosa, à ce que, meméfiant de votre vigueur exceptionnelle, j’avais recommandé deforcer un peu la dose du poison. N’importe, je rends hommage à ladélicatesse de votre odorat et de votre palais, qui vous a permisd’éventer le piège auquel d’autres, réputés délicats, s’étaientlaissé prendre.

Pardaillan s’inclina poliment, comme s’il était flatté ducompliment. D’Espinosa reprit :

– En ce qui concerne le poison, la question est élucidée.Mais comment avez-vous pu deviner que mon dessein était de vousacculer à la folie ?

– Il ne fallait pas, dit Pardaillan en haussant lesépaules, il ne fallait pas dire, devant moi, certaines parolesimprudentes que vous avez prononcées et que Fausta, plus experteque vous, vous a reprochées incontinent. Fausta elle-même n’auraitpas dû me dire certaines autres paroles qui ont éveillé monattention. Enfin, il ne fallait pas, ayant commis ces écarts delangage, me faire admirer avec tant d’insistance cette jolieinvention de la cage où vous enfermez ceux que vous avez faitsombrer dans la folie. Il ne fallait pas m’expliquer, sicomplaisamment, que vous obteniez ce résultat en leur faisantabsorber une drogue pernicieuse qui obscurcissait leurintelligence, et que vous acheviez l’œuvre du poison en lessoumettant à un régime de terreur continu, en les frappant à coupsd’épouvante, si je puis ainsi dire.

– Oui, fit d’Espinosa, d’un air rêveur, vous avezraison ; à force d’outrance, j’ai dépassé le but. J’aurais dûme souvenir qu’avec un observateur profond tel que vous, ilfallait, avant tout, se tenir dans une juste mesure. C’est uneleçon ; je ne l’oublierai pas.

Pardaillan s’inclina derechef, et de cet air naïf et narquoisqu’il avait quand il était satisfait :

– Est-ce tout ce que vous désiriez savoir ? dit-il. Nevous gênez pas, je vous prie… Nous avons du temps devant nous.

– J’userai donc de la permission que vous m’octroyez sicomplaisamment, et je vous dirai que je reste confondu de la forcede résistance que vous possédez. Car enfin, si je sais biencompter, voici quinze longs jours que vous n’avez fait que deuxrepas. Je ne compte pas le pain qu’on vous donnait : il étaitmesuré pour entretenir chez vous les tortures de la faim et nonpour vous sustenter.

En disant ces mots, d’Espinosa le fouillait de son regard aigu.Et encore une fois, Pardaillan déchiffra sa pensée dans ses yeux,car il répondit en souriant :

– Je pourrais vous laisser croire que je suis en effetd’une force de résistance exceptionnelle qui me permet de résisteraux affres de la faim, et là où d’autres succomberaient, deconserver mes forces et ma lucidité. Mais comme vous paraissezfonder je ne sais quel espoir sur mon état de faiblesse, je jugepréférable de vous faire connaître la vérité.

Et allongeant la main, sans se déranger, il attira à lui cefameux manteau dont il ne pouvait plus se séparer, et aux yeuxétonnés de d’Espinosa, il en tira un jambon de dimensionsrespectables, un flacon rempli d’eau et quelques fruits.

– Voici, dit-il, mon garde-manger. Lors du mirifique festinque me firent faire mes deux moines geôliers, je mangeai et busassez sobrement, ainsi que le commandait la prudence, vu l’état dedélabrement dans lequel m’avaient mis cinq longs jours de jeune.Mais si je mangeai peu je profitai de ce que mes gardiens n’avaientd’yeux que pour les provisions accumulées sur ma table et je fisdisparaître quelques-unes de ces provisions, plus deux flacons debon vin, plus quelques fruits et menues pâtisseries.

« Ces provisions me furent d’un grand secours et c’estgrâce à elles que vous me voyez si vigoureux. Les dignes moines quiavaient mission de me surveiller n’étaient pas, il faut croire,très perspicaces, car ils n’ont rien vu. Quand mes deux flacons devin furent vides, j’eus soin de les remplir de l’eau claire,quoique pas très fraîche, qu’on me distribuait. Je ne savais pas,en effet, si un jour on ne me priverait pas complètement denourriture et de boisson.

« Or je tenais à prolonger mon existence autant qu’ilserait en mon pouvoir de le faire. J’espérais, pour ne point vousle céler, que vous commettriez cette suprême faute de vous enfermeren tête à tête avec moi. L’événement a justifié mes prévisions etbien m’en a pris d’avoir agi en conséquence. »

– Ainsi, fit lentement d’Espinosa, vous aviez à peu prèstout prévu, tout deviné ? Cependant, les différentes épreuvesauxquelles vous avez été soumis étaient de nature à ébranler uneraison aussi solide que la vôtre : La « machine àhacher » notamment, avec ses hachoirs, son soleil àl’insoutenable éclat, cette succession de froid et de chaud, cetair empuanti, tout cela n’a pas réussi à vous déprimer ?

– J’avoue que cette invention de la machine à hacher, avecles différents incidents qui l’agrémentent, est une assez hideuseinvention. Mais quoi ? Je savais que je ne devais pas mourirencore, puisque je ne vous avais pas revu, et au surplus, teln’était pas votre but. Je pensai donc que les hachoirs, le chaud,le froid, le soleil ardent, l’asphyxie, tout cela disparaîtraitsuccessivement en temps voulu. C’était un moment fort désagréable àpasser. Je me résignai à le supporter de mon mieux puisque, aussibien, il ne m’était pas possible de l’éviter.

D’Espinosa le considéra, longuement sans mot dire, puis, avec unlong soupir :

– Quel dommage, fit-il, qu’un homme tel que vous ne soitpas à nous ! Que ne serions-nous en droit d’entreprendre, avecsuccès, si vous étiez à nous ?

Et voyant que Pardaillan se hérissait :

– Rassurez-vous, reprit-il, je ne prétends pas essayer devous soudoyer. Ce serait vous faire injure. Je sais que les hommesde votre trempe se dévouent à une cause qui leur paraît belle etjuste… mais ne se vendent pas.

Et il demeura un moment songeur sous l’œil narquois dePardaillan, qui l’observait sans en avoir l’air et respectait saméditation. Enfin il redressa la tête, et regardant son adversaireen face, sans trouble apparent, sans provocation, avec une aisanceadmirable :

– Et maintenant que je suis votre prisonnier – car je suisvotre prisonnier, insista-t-il – que comptez-vous faire ?

– Mais, fit Pardaillan avec son air le plus naïf et commes’il disait la chose la plus naturelle du monde, je compte vousprier d’ouvrir cette fameuse porte secrète, et que vous êtes seulau monde à connaître, et qui nous permettra de sortir de ce lieu,qui n’a rien de bien plaisant.

– Et si je refuse ? demanda d’Espinosa sanssourciller.

– Nous mourrons ensemble ici, dit Pardaillan avec unefroide résolution.

– Soit, dit d’Espinosa avec non moins de résolution,mourons ensemble. Au bout du compte, le supplice sera égal pourtous les deux, et si la vie mérite un regret, vous aurez ce regretau même degré que moi.

– Vous vous trompez, dit froidement Pardaillan. Le supplicene sera pas égal. Je suis plus vigoureux que vous et j’ai ici desprovisions qui dureront quelques jours, en les rationnantconvenablement. Il est clair que vous succomberez par la faim et lasoif. J’ai tâté de ce genre de supplice, je puis vous assurer qu’ilest assez affreux. Quand vous ne serez plus qu’un cadavre, moi,avec le fer que voici, je pourrai abréger mon agonie.

Si fort, si maître de lui qu’il fût, d’Espinosa ne put réprimerun frisson. Le ton sur lequel Pardaillan disait ces mots prouvaitqu’il avait longuement médité son acte et que nulle puissancehumaine ne l’empêcherait d’exécuter les choses comme il les avaitarrangées.

– Nous n’aurons pas les mêmes regrets en face de la mort,continua Pardaillan de sa voix implacablement calme. Le seul regretque j’éprouverai sera de ne pouvoir, avant de m’en aller, dire deuxmots à Mme Fausta. C’est une satisfaction quej’aurais voulu me donner, je l’avoue. Mais bah ! on ne faitpas toujours comme on veut. Je partirai donc sans regret, avec lasatisfaction de me dire que j’ai accompli, avant, jusqu’au bout, lamission que je m’étais donnée : arracher au roi Philippe cedocument qui lui livrait la France, mon pays. Vous, monsieur,êtes-vous sûr qu’il en soit de même pour vous ?

– Que voulez-vous dire ? haleta d’Espinosa, qui seredressa comme s’il avait été piqué par un fer rouge.

– Ceci que je vous ai entendu dire à vous-même : legrand inquisiteur ne saurait mourir avant d’avoir mené à bien latâche qu’il s’est imposée pour le plus grand profit de notre saintemère l’Église.

– Démon ! rugit d’Espinosa, douloureusement atteintdans ce qui lui tenait le plus au cœur.

– Vous voyez donc bien, continua Pardaillan, implacable,que nous ne sommes nullement logés à la même enseigne. Je m’en iraisans regret. Vous, monsieur, vous mourrez désespéré de laisservotre œuvre inachevée. Ceci dit, monsieur, j’attendrai que vousreveniez vous-même sur ce sujet. Quant à moi, je suis résolu à neplus vous en parler. Quand vous serez décidé, vous me le direz.Bonsoir !

Et Pardaillan, sans plus s’occuper de d’Espinosa s’accota contrele mur, s’arrangea le mieux qu’il put avec son manteau et paruts’endormir.

D’Espinosa le considéra longuement, sans faire un mouvement. Lapensée de sauter sur lui à l’improviste, de lui arracher la dague,de le poignarder avec et de s’enfuir ensuite l’obsédait. Mais il sedit qu’un homme comme Pardaillan ne se laissait pas surprendreaussi aisément. Il comprit que le sommeil du chevalier n’était pasaussi profond qu’il voulait le laisser croire et que, s’il se ruaitsur lui, il viendrait certainement se jeter sur la pointe de ladague qu’il lui présenterait.

Il renonça donc à cette idée, qu’il reconnaissait impraticable.Mais en écartant cette idée il lui en vint une autre. Pourquoi neprofiterait-il pas du sommeil apparent ou réel de Pardaillan pourouvrir la porte secrète et d’un bond se mettre hors de touteatteinte ? En y réfléchissant bien, ceci lui parut peut-êtreréalisable. C’était une chance à courir. Que risquait-il ?Rien. S’il réussissait, c’était sa délivrance et la mort certainede Pardaillan.

Que fallait-il pour cela ? Ramper un instant dans unedirection opposée précisément à celle où se trouvait Pardaillan.Celui-ci ne pourrait pas croire à une agression soudaine etpeut-être le laisserait-il approcher suffisamment de l’endroit oùétait placé le ressort qui ouvrait la porte.

Ayant décidé de tenter l’aventure, avec des précautions infiniesil se mit en marche. Il avait avancé de quelques pieds etcommençait à espérer qu’il pourrait mener à bien sa tentative,lorsque Pardaillan, sans bouger de sa place, lui dittranquillement :

– Je sais maintenant dans quelle direction il me faudrachercher la sortie… quand vous aurez cessé de vivre. Mais,monsieur, votre compagnie m’est si précieuse que je ne saurais m’enpasser. Veuillez donc venir vous asseoir ici près de moi.

Et sur un ton rude :

– Et n’oubliez pas, monsieur, qu’au moindre mouvementsuspect de votre part, je serai obligé, à mon grand regret, de vousplonger ce fer dans la gorge. Nous sortirons d’ici ensemble, et jevous ferai grâce de la vie, ou nous y resterons ensemble jusqu’àvotre mort. Alors je chercherai à me tirer de là. Maintenant que,grâce à vous, je sais où doivent se porter mes recherches, ilfaudrait que je joue vraiment de malheur pour ne pas trouver.

D’Espinosa se mordit les lèvres jusqu’au sang. Une fois de plus,il venait de se laisser duper par ce terrible jouteur. Sans dire unmot, sans essayer une résistance qu’il savait inutile, il vints’asseoir près de Pardaillan, ainsi que celui-ci l’avait ordonné,et muet, farouche, il se plongea dans ses pensées.

La situation était terrible. Mourir pour lui n’était rien, et ilétait résolu à accepter la mort plutôt que délivrer Pardaillan.Mais ce qui lui broyait le cœur, c’était la pensée de laisser sonœuvre inachevée.

Tant de vastes projets, tant de grandes entrepriseslaborieusement amorcées devraient donc rester en suspens, parce quelui, ministre tout-puissant, lui, grand inquisiteur, chef redoutéde la plus redoutable des institutions, qui faisait trembler mêmele pape sur son trône pontifical, lui, d’Espinosa, s’était laisséjouer, bafouer, berner à ce point par un misérable aventurier,gentilhomme obscur, sans feu ni lieu ! Et ceci n’étaitrien : tout au plus piqûre d’amour-propre blessé.

Ce qui était terrible, lamentable, grotesque, c’est qu’ils’était laissé prendre comme un écolier et qu’il était entièrementà la merci de cet aventurier qu’il croyait pousser dans le néant.C’est que, par un incroyable et fabuleux renversement de rôles,lui, le chef suprême, dans ce couvent où tout était à lui :choses et gens, où tout lui obéissait au geste, il était leprisonnier de cet aventurier qu’il croyait tenir dans sa mainpuissante et qui pouvait d’un geste détruire, avec sa vie, tout cequ’il représentait de puissance, de richesse, d’autorité,d’ambition.

Oui, ceci était lamentable et grotesque. Quel effarement dans lemonde religieux lorsqu’on apprendrait que Inigo d’Espinosa,cardinal-archevêque de Tolède, grand inquisiteur, avaitmystérieusement disparu au moment où, un nouveau pape devant êtreélu, tous les yeux étaient tournés vers lui, attendant qu’ildésignât le successeur de Sixte Quint. Quelle stupeur lorsque l’onsaurait que cette disparition coïncidait avec une visite faite à unprisonnier, dans un des cachots de ce couvent San Pablo où tout luiappartenait !

Quel éclat de rire lorsqu’on apprendrait enfin que le profondpolitique, le diplomate consommé qu’on le croyait, s’était laisséniaisement saisir, jeter dans une oubliette et finalement tuer. Parqui ? Par un aventurier étranger, enfermé à triple tour dansun cachot des sous-sols du couvent, et, qui pis est, débilité parle supplice de la faim. Sa mémoire qu’il eût voulu laisser grande,et sinon respectée du moins redoutée, serait un objet de riséeuniverselle.

Telles étaient les pensées que ressassait d’Espinosa dans soncoin.

Pardaillan ne paraissait pas s’occuper de lui. Mais d’Espinosasavait qu’il ne le perdait pas de vue, qu’au moindre mouvement ille verrait se dresser devant lui.

Il n’avait d’ailleurs aucune velléité de résistance. Ilcommençait à apprécier son adversaire à sa juste valeur et sentaitconfusément que le mieux qu’il eût à faire était de s’abandonner àsa générosité : il en tirerait certes plus d’avantages qu’àtenter de se soustraire par la force ou par la ruse.

Il était bien forcé de s’avouer que sur ces deux terrains, commesur tous les autres, il serait infailliblement battu par cet hommedont il reconnaissait la supériorité. Et il se replongea dans sespensées.

Après s’être dit qu’il consentirait à la mort pourvu quePardaillan mourût avec lui, il avait fait le compte de ce que luicoûterait cette satisfaction, et en ressassant les pensées que nousavons essayé de traduire plus haut, il avait trouvé que, toutcompte fait, la mort de Pardaillan lui coûterait cher. C’était unpetit pas vers la capitulation.

Pour un esprit froid, méthodique comme le sien, le sentiment necomptait pas, tout se pesait, se calculait à sa juste valeur et,suivant les avantages à en retirer, sa conduite se trouvait toutetracée. Il ignorait le dépit, le faux amour-propre et la crainte del’humiliation, qui font que, tout en le déplorant, tout en pestantintérieurement, on s’obstine néanmoins dans une voie qu’on saitsans issue.

D’Espinosa était un homme trop supérieur pour ne pas s’éleverau-dessus de ces mesquineries excusables chez le commun desmortels. Après s’être dit que la mort de Pardaillan entraînant sapropre mort ne pouvait lui être d’aucune utilité, il voulutenvisager la question sous une autre face et se posa ce pointd’interrogation : « Est-il bien sûr que, moi mort, ilmourra aussi ? »

Il n’était pas éloigné de partager l’avis de Fausta, quiprétendait que Pardaillan était invulnérable. Il se disait que cetêtre exceptionnel était de force à attendre patiemment qu’il fûtmort de faim, lui d’Espinosa, ainsi qu’il l’en avait menacé, aprèsquoi il chercherait et trouverait la porte secrète.

Il avait commis l’impardonnable faute de limiter ses recherches.Certes la découverte du ressort caché n’était pas besogne facile.Elle n’était cependant pas impossible. Pour un observateur sagacecomme cet aventurier, cette besogne se simplifiait beaucoup.

Évidemment, la porte ouverte, il fallait sortir. D’Espinosasavait quels obstacles rendaient la route infranchissable pour quine savait pas comment les surmonter. L’instant d’avant, la penséeque quelqu’un, perdu dans les souterrains qu’il faudrait franchirpour arriver au jour, saurait tourner toutes les difficultés, l’eûtfait sourire.

Maintenant il croyait Pardaillan capable de renverser tous lesobstacles. Il le voyait libre et joyeux, chevauchant avecinsouciance vers la France, rapportant à Henri de Navarre, ceprécieux parchemin qu’il avait conquis de haute lutte. Et lui,d’Espinosa, aurait accepté la mort, ce qui n’était rien, auraitabandonné le pouvoir avant d’avoir assuré à jamais la suprématie del’Église, ce qui était tout à ses yeux, ce qui seul comptait, pourarriver à ce résultat.

Serait-il dément à ce point ? Non, cent fois non !Mieux valait le prendre lui-même par la main et le conduire hors decette tombe, mieux valait au besoin lui donner une escorte pour leconduire hors du royaume, et s’il l’exigeait, pour sa sécurité,l’accompagner lui-même, mais rester vivant et continuer l’œuvreentreprise. Sa résolution prise, il ne différa pas un instant lamise à exécution et, s’adressant à Pardaillan :

– Monsieur, dit-il, j’ai réfléchi longuement et s’il vousconvient d’accepter certaines conditions, je suis tout prêt à voustirer d’ici à l’instant.

– Un instant, monsieur, fit Pardaillan sans montrer ni joieni surprise, je ne suis pas pressé, nous pouvons causer un peu, quediable ! Moi aussi, j’ai mes petites conditions à poser. Nousallons donc, s’il vous plaît, les discuter, avant les vôtres… queje devine, au surplus.

D’Espinosa avait peut-être pensé que Pardaillan bondirait dejoie à la pensée de sa mise en liberté immédiate. S’il en étaitainsi, il dut s’avouer qu’avec ce diable d’homme, il n’était paspossible d’avoir le dernier mot.

Il montrait si peu d’empressement que, après avoir si longtempshésité à lui rendre la vie et la liberté, il sentait naître en luiune nouvelle inquiétude. Est-ce que cet homme, qui ressemblait sipeu aux autres hommes, allait se raviser ? Est-ce qu’il allaitdire que, sûr de sortir de là par ses propres moyens, il ne s’enirait que lorsque lui, d’Espinosa, serait bel et bientrépassé ?

À tout prendre, il comprenait qu’il fût animé d’un désir devengeance bien légitime. Cette pensée lui donna le frisson de lamalemort. Mais il ne laissa rien paraître de ses appréhensions, etce fut de sa voix calme et assurée qu’il demanda :

– Voyons vos conditions ?

– Ma mission, dit paisiblement Pardaillan, étant accomplie,je quitterai l’Espagne… aussitôt que j’aurai terminé certainespetites affaires que j’ai à régler. Vous voyez, monsieur, que jesouscris une des deux conditions que vous vouliez m’imposer.

Si maître de lui qu’il fût, d’Espinosa ne put réprimer un gestede surprise. Pardaillan eut un léger sourire et continua avec cetair glacial qui dénotait une inébranlable résolution :

– Pareillement, je souscris à votre seconde condition et jevous engage ma parole d’honneur que nul ne saura que j’ai tenu legrand inquisiteur d’Espagne à ma merci et que je lui ai fait grâcede la vie.

Pour le coup d’Espinosa fut assommé par cette pénétration quitenait du prodige et il le laissa voir.

– Quoi, balbutia-t-il, vous avez deviné !

Encore une fois, Pardaillan eut un sourire énigmatique etreprit :

– Je ne vois pas que vous ayez d’autres conditions à meposer. Si je me suis trompé, dites-le.

– Vous ne vous êtes pas trompé, fit d’Espinosa qui s’étaitressaisi.

– Et maintenant voici mes petites conditions à moi.Premièrement, je ne serai pas inquiété pendant le court séjour quej’ai à faire ici et je quitterai le royaume avec tous les honneursdus au représentant de Sa Majesté le roi de France.

– Accordé ! fit d’Espinosa sans hésiter.

– Secondement, nul ne pourra être inquiété du fait d’avoirmontré quelque sympathie à l’adversaire que j’ai été pour vous.

– Accordé, accordé !

– Troisième enfin, il ne sera rien entrepris contre le filsde don Carlos, connu sous le nom de don César El Torero.

– Vous savez ?…

– Je sais cela… et bien d’autres choses, dit froidementPardaillan. Il ne sera rien entrepris contre don César et safiancée, connue sous le nom de la Giralda. Il pourra, avec safiancée, quitter librement l’Espagne sous la sauvegarde del’ambassadeur de France. Et comme il ne serait pas digne que lepetit fils d’un monarque puissant vécût pauvre et misérable àl’étranger, il lui sera remis une somme – que je laisse à votregénérosité le soin de fixer – et avec laquelle il pourra s’établiren France et y faire honorable figure. En échange de quoi j’engagema parole que le prince ne tentera jamais de rentrer en Espagne etignorera, du moins de mon fait, le secret de sa naissance.

À cette proposition, évidemment inattendue, d’Espinosa réfléchitun instant ; et fixant son œil clair sur l’œil loyal dePardaillan, il dit :

– Vous vous portez garant que le prince n’entreprendra riencontre le trône, qu’il ne tentera pas de rentrer dans leroyaume ?

– J’ai engagé ma parole fit Pardaillan glacial. Celasuffit, je pense.

– Cela suffit, en effet, dit vivement d’Espinosa. Peut-êtreavez-vous trouvé la meilleure solution de cette grave affaire.

– En tout cas, dit gravement Pardaillan, ce que je vouspropose est humain… je ne saurais en dire autant de ce que vousvouliez faire.

– Eh bien ! ceci est accordé comme le reste.

– En ce cas, dit Pardaillan en se levant, il ne nous resteplus qu’à quitter au plus tôt ce lieu. L’air qu’on y respire n’estpas précisément agréable.

D’Espinosa se leva à son tour, et au moment d’ouvrir la portesecrète :

– Quelles garanties exigez-vous de la loyale exécution dupacte qui nous unit ? dit-il.

Pardaillan le regarda un instant droit dans les yeux, ets’inclinant avec une certaine déférence :

– Votre parole, monseigneur, dit-il très simplement, votreparole de gentilhomme.

Pour la première fois de sa vie, peut-être, d’Espinosa se sentitviolemment ému. Qu’un tel homme, après tout ce qu’il avait tentécontre lui, lui donnât une telle marque d’estime et de confiance,cela l’étonnait prodigieusement et bouleversait toutes sesidées.

Pardaillan, avec cette intuition merveilleuse qui le guidait,avait trouvé le meilleur moyen de le forcer à tenir sesengagements. Il savait très bien que des promesses s’oublient,qu’un serment perd sa valeur lorsque celui qui le fait est unprince de l’Église qui peut se délier lui-même, enfin qu’un ordrede ministre s’annule par un autre du même ministre et tout est dit.En faisant appel au gentilhomme, en s’en rapportant à sa foi, ilavait fait preuve d’une habileté consommée.

Quoi qu’il en soit, d’Espinosa, sous le coup de l’émotionsoutint le regard de Pardaillan avec une loyauté égale à celle deson ancien ennemi et, aussi simplement que lui, il lui ditgravement :

– Sire de Pardaillan, vous avez ma parole degentilhomme.

Et aussitôt, pour témoigner que lui aussi il avait pleineconfiance, il ouvrit la porte secrète sans chercher à cacher où setrouvait le ressort qui actionnait cette porte. Ce que voyant,Pardaillan eut un sourire indéfinissable.

Quelques instants plus tard, le grand inquisiteur et Pardaillanse trouvaient sur le seuil d’une maison de modeste apparence. Pourarriver là, il leur avait fallu ouvrir plusieurs portes secrètes.Et toujours d’Espinosa avait dévoilé sans hésiter le secret de cesouvertures, alors qu’il lui eût été facile de le dissimuler.

Remontant à la lumière, ils avaient traversé des galeries, descours, des jardins, de vastes pièces, croisant à tout instant desmoines qui circulaient affairés.

Aucun de ces moines ne s’était permis le moindre geste desurprise à la vue du prisonnier, paraissant sain et vigoureux, ets’entretenant familièrement avec le grand inquisiteur. Et au seinde ce va-et-vient continuel, à d’Espinosa qui l’observait du coinde l’œil, Pardaillan montra le même visage calme et confiant, lamême liberté d’esprit qui lui permettait de se maintenir sanseffort apparent au niveau de la conversation. Seulement,dame ! lorsqu’il se vit enfin dans la rue, le soupir qu’ilpoussa en dit long sur les transes qu’il venait d’endurer. Encoreeut-il la force de s’arranger de manière à ce que d’Espinosa nesurprît pas ce soupir. Au moment où Pardaillan allait le quitter,d’Espinosa demanda :

– Vous comptez continuer à loger à l’auberge de LaTour jusqu’à votre départ ?

– Oui, monsieur.

– Bien, monsieur.

Il eut une imperceptible hésitation, et brusquement :

– J’ai cru comprendre que vous portiez un vif intérêt àcette jeune fille… la Giralda.

– C’est la fiancée de don César pour qui je me sens unevive affection, expliqua Pardaillan qui fixait d’Espinosa.

– Je sais, fit doucement celui-ci. C’est pourquoi je pensequ’il vous importe peut-être de savoir où la trouver.

– Il m’importe beaucoup, en effet. À moins, reprit-il enfixant davantage d’Espinosa, à moins qu’on ne l’ait arrêtée… avecle Torero, peut-être ?

– Non, fit d’Espinosa avec une évidente sincérité. LeTorero n’a pas été arrêté. On le cache. J’ai tout lieu de croireque maintenant que vous voilà libre, ceux qui le séquestrentcomprendront qu’ils n’ont plus rien à espérer puisque nous sommesd’accord et que vous emmenez le prince avec vous, en France. Enconséquence, ils ne feront pas de difficulté à lui rendre laliberté. Si vous tenez à le délivrer, orientez vos recherches ducôté de la maison des Cyprès.

– Fausta ! s’exclama Pardaillan sur un ton qui eûtfait frissonner l’ancienne papesse, si elle avait pul’entendre.

– Je ne l’ai pas nommée sourit doucement d’Espinosa.

Et, sur un ton indifférent, il ajouta :

– Ce vous sera une occasion toute trouvée de lui dire cesdeux mots que vous regrettiez si vivement de ne pouvoir lui direavant votre départ pour l’éternel voyage. Mais je reviens à cettejeune fille. Elle aussi, elle est séquestrée. Si vous voulez laretrouver, allez donc du côté de la porte de Bib-Alzar, passez lecimetière, faites une petite lieue, vous trouverez un château fort,le premier que vous rencontrerez. C’est une résidence d’été denotre sire le roi qu’on appelle le Bib-Alzar, à cause de saproximité de la porte de ce nom. Soyez demain matin, avant onzeheures, devant le pont-levis du château. Attendez là, vous netarderez pas à voir paraître celle que vous cherchez. Un derniermot à ce sujet : il ne serait peut-être pas mauvais que vousfussiez accompagné de quelques solides lames, et souvenez-vous quepassé onze heures vous arriverez trop tard.

Pardaillan avait écouté avec une attention soutenue. Quand legrand inquisiteur eut fini, il lui dit, avec une douceur quicontrastait étrangement avec le ton narquois qu’il avait eujusque-là :

– Je vous remercie, monsieur… Voici qui rachète bien deschoses.

D’Espinosa eut un geste détaché, et avec un mince sourire, ildit :

– À propos, monsieur, remontez donc cette ruelle. Vousaboutirez à la place San Francisco, c’est votre chemin. Mais sur laplace, détournez-vous un instant de votre chemin. Allez donc devantl’entrée du couvent San Pablo… vous y trouverez quelqu’un qui,j’imagine, sera bien content de vous revoir, attendu que tous lesjours il vient là passer de longues heures… je ne sais troppourquoi.

Et sur ces mots, il fit un geste d’adieu, rentra dans la maisonet poussa la porte derrière lui.

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