L’Île du docteur Moreau

Chapitre 9LES MONSTRES

Je m’éveillai de très bonne heure, ayant encore claire et netteà l’esprit l’explication de Moreau. Quittant le hamac, j’allaijusqu’à la porte m’assurer que la clef était tournée. Puis je tiraisur la barre de la fenêtre que je trouvai fixée solidement. Sachantque ces créatures d’aspect humain n’étaient en réalité que desmonstres animaux, de grotesques parodies d’humanité, j’éprouvaisune inquiétude vague de ce dont ils étaient capables, et cetteimpression était bien pire qu’une crainte définie. On frappa à laporte et j’entendis la voix glutinante de M’ling qui parlait. Jemis un des revolvers dans ma poche, gardant l’autre à la main, etj’allai lui ouvrir.

« Bonjour, messié », dit-il, apportant, avec l’habituel déjeunerd’herbes bouillies, un lapin mal cuit.

Montgomery le suivait. Son œil rôdeur remarqua la position demon bras et il sourit de travers.

Le puma, ce jour-là, restait en repos pour hâter saguérison ; mais Moreau, dont les habitudes étaientsingulièrement solitaires, ne se joignit pas à nous. J’entamai laconversation avec Montgomery pour éclaircir un peu mes idées ausujet de la vie que menaient les bipèdes du navire. Je désiraisvivement savoir, en particulier, comment il se faisait que cesmonstres ne tombaient pas sur Moreau et Montgomery et ne sedéchiraient pas entre eux.

Il m’expliqua que leur relative sécurité, à Moreau et à lui,était due à la cérébralité limitée de ces monstres. En dépit deleur intelligence augmentée et de la tendance rétrograde vers leursinstincts animaux, ils possédaient certaines idées fixes,implantées par Moreau dans leur esprit, qui bornaient absolumentleur imagination. Ils étaient pour ainsi dire hypnotisés, on leuravait dit que certaines choses étaient impossibles, que d’autres nedevaient pas être faites, et ces prohibitions s’entremêlaient dansla contexture de ces esprits jusqu’à annihiler toute possibilité dedésobéissance ou de discussion. Certaines choses, cependant, pourlesquelles le vieil instinct était en conflit avec les intentionsde Moreau, se trouvaient moins stables. Une série de propositionsappelées : la Loi – les litanies que j’avais entendues –bataillaient dans leurs cerveaux contre les appétits profondémentenracinés et toujours rebelles de leur nature animale. Ilsrépétaient sans cesse cette loi et la transgressaient sans cesse.Montgomery et Moreau déployaient une surveillance particulière pourleur laisser ignorer le goût du sang. Ils redoutaient lessuggestions inévitables de cette saveur.

Montgomery me conta que le joug de la loi, spécialement parmiles monstres félins, s’affaiblissait singulièrement à la nuittombante ; l’animal, en eux, était alors prédominant ; aucrépuscule, un esprit d’aventure les agitait et ils osaient alorsdes choses qui ne leur seraient pas venues à l’idée pendant lejour. C’est à cela que j’avais dû d’être pourchassé parl’Homme-Léopard le soir de mon arrivée. Mais, dans les premierstemps de mon séjour, ils n’osaient enfreindre la loi quefurtivement et après le coucher du soleil ; au grand jour, ily avait, latent, un respect général pour les diversesprohibitions.

C‘est ici peut-être le moment de donner quelques faits etdétails généraux sur l’île et ses habitants. L’île, basse au-dessusde la mer, avait avec ses contours irréguliers une superficietotale d’environ huit ou dix kilomètres carrés. Elle étaitd’origine volcanique et elle était flanquée de trois côtés par desrécifs de corail. Quelques fumerolles, dans la partie nord, et unesource chaude étaient les seuls vestiges restants des forces quiavaient été sa cause. De temps à autre une faible secousse detremblement de terre se faisait sentir, et quelquefois lespaisibles spirales de fumées qui montaient vers le ciel devenaienttumultueuses sous des jets violents de vapeurs, mais c’était tout.Montgomery m’informa que la population s’élevait maintenant à plusde soixante de ces étranges créations de Moreau, sans compter lesmonstruosités moins considérables qui vivaient cachées dans lesfourrés du sous-bois, et n’avaient pas forme humaine. En tout, ilen avait fabriqué cent vingt, mais un grand nombre étaient mortes,et d’autres, comme le monstre rampant dont il m’avait parlé,avaient fini tragiquement. En réponse à une question que je luiposai, Montgomery me dit qu’ils donnaient réellement naissance àdes rejetons, mais que ceux-ci généralement ne vivaient pas, ouqu’ils ne prouvaient par aucun signe avoir hérité descaractéristiques humaines imposées à leurs parents. Quand ilsvivaient, Moreau les prenait pour leur parfaire une forme humaine.Les femelles étaient moins nombreuses que les mâles et exposées àmille persécutions sournoises, malgré la monogamie qu’enjoignait laLoi.

Il me serait impossible de décrire en détail ces animaux-hommes– mes yeux ne sont nullement exercés et malheureusement je ne saispas dessiner. Ce qu’il y avait, peut-être de plus frappant dansleur aspect général était une disproportion énorme entre leursjambes et la longueur de leur buste ; et cependant, notreconception de la grâce est si relative que mon œil s’habitua àleurs formes, et à la fin je fus presque d’accord avec leur propreconviction que mes longues cuisses étaient dégingandées. Un autrepoint important était le port de la tête en avant et la courbureaccentuée et bestiale de la colonne vertébrale. À l’Homme-Singelui-même il manquait cette cambrure immense du dos, qui rend laforme humaine si gracieuse. La plupart de ces bipèdes avaient lesépaules gauchement arrondies et leurs courts avant-bras leurbattaient les flancs. Quelques-uns à peine étaient visiblementpoilus – du moins tant que dura mon séjour dans l’île.

Une autre difformité des plus évidentes était celle de leursfaces, qui, presque toutes, étaient prognathes, mal formées àl’articulation des mâchoires, près des oreilles, avec des nezlarges et protubérants, une chevelure très épaisse, hérissée etsouvent des yeux étrangement colorés ou étrangement placés. Aucunde ces bipèdes ne savait rire, bien que l’Homme-Singe ait étécapable d’une sorte de ricanement babillard. En dehors de cescaractères généraux, leurs têtes avaient peu de chose encommun ; chacune conservait les qualités de son espèceparticulière : l’empreinte humaine dénaturait, sans le dissimuler,le léopard, le taureau, la truie, l’animal ou les animaux diversavec lesquels la créature avait été confectionnée. Les voix, aussi,variaient extrêmement. Les mains étaient toujours mal formées, etbien que j’aie été surpris parfois de ce qu’elles avaientd’humanité imprévue, il manquait à la plupart le nombre normal desdoigts, ou bien elles étaient munies d’ongles bizarres, oudépourvues de toute sensibilité tactile.

Les deux bipèdes les plus formidables étaient l’Homme-Léopard etune créature mi-hyène et mi-porc. De dimensions plus grandesétaient les trois Hommes-Taureaux qui ramaient dans la chaloupe.Puis, venaient ensuite l’homme au poil argenté qui était lecatéchiste de la Loi, M’ling, et une sorte de satyre fait de singeet de chèvre. Il y avait encore trois Hommes-Porcs et uneFemme-Porc, une Femme-Rhinocéros et plusieurs autres femelles dontje ne vérifiai pas les origines, plusieurs Hommes-Loups, unHomme-Ours et Taureau et un Homme-Chien du Saint-Bernard. J’ai déjàdécrit l’Homme-Singe, et il y avait aussi une vieille femmeparticulièrement détestable et puante, faite de femelles d’ours etde renard et que j’eus en horreur dès le début. Elle était,disait-on, une fanatique de la Loi. De plus, il y avait un certainnombre de créatures plus petites.

D’abord. j’éprouvai une répulsion insurmontable pour ces êtres,sentant trop vivement qu’ils étaient encore des brutes, maisinsensiblement je m’habituai quelque peu à eux, et, d’ailleurs, jefus influencé par l’attitude de Montgomery à leur égard. Il étaitdepuis si longtemps en leur compagnie qu’il en était venu à lesconsidérer presque comme des êtres humains normaux – le temps de sajeunesse à Londres lui semblait passé glorieux qu’il neretrouverait plus. Une fois par an seulement, il allait à Aricapour trafiquer avec l’agent de Moreau, qui faisait, en cette ville,commerce d’animaux. Ce n’est pas dans ce village maritime de métisespagnols qu’il rencontrait de beaux types d’humanité, et leshommes, à bord du vaisseau, lui semblaient d’abord, me dit-il, toutaussi étranges que les hommes-animaux de l’île l’étaient pour moi –les jambes démesurément longues, la face aplatie, le frontproéminent, méfiants, dangereux, insensibles. De fait, il n’aimaitpas les hommes, et son cœur s’était ému pour moi, pensait-il, parcequ’il m’avait sauvé la vie.

Je me figurai même qu’il avait une sorte de sournoisebienveillance pour quelques-unes de ces brutes métamorphosées, unesympathie perverse pour certaines de leurs manières de faire, qu’ils’efforça d’abord de me cacher.

M’ling, le bipède à la face noire, son domestique, le premierdes monstres que j’avais rencontrés, ne vivait pas avec les autresà l’extrémité de l’île, mais dans une sorte de chenil adossé àl’enclos. Il n’était pas aussi intelligent que l’Homme-Singe, maisbeaucoup plus docile, et c’est lui qui, de tous les monstres, avaitl’aspect le plus humain. Montgomery lui avait appris à préparer lanourriture et en un mot à s’acquitter de tous les menus soinsdomestiques qu’on lui demandait. C’était un spécimen complexe del’horrible habileté de Moreau, un ours mêlé de chien et de bœuf, etl’une des plus laborieusement composées de ses créatures. M’lingtraitait Montgomery avec un dévouement et une tendresseétranges ; quelquefois celui-ci le remarquait, le caressait,lui donnant des noms mi-moqueurs et mi-badins, à quoi le pauvreêtre cabriolait avec une extraordinaire satisfaction ;d’autres fois, quand Montgomery avait absorbé quelques doses dewhisky, il le frappait à coups de pied et de poing, lui jetait despierres et lui lançait des fusées allumées. Mais bien ou maltraité, M’ling n’aimait rien tant que d’être près de lui.

Je m’habituais donc à ces monstres, si bien que mille actionsqui m’avaient semblé contre nature et répugnantes devenaientrapidement naturelles et ordinaires. Toute chose dans l’existenceemprunte, je suppose, sa couleur à la tonalité moyenne de ce quinous entoure : Montgomery et Moreau étaient trop individuels ettrop particuliers pour que je pusse, d’après eux, garder, biendéfinies, mes impressions générales d’inhumanité. Si j’apercevaisquelqu’une des créatures bovines – celles de la chaloupe – marchantpesamment à travers les broussailles du sous-bois, il m’arrivait deme demander, d’essayer de voir en quoi ils différaient de quelquerustre réellement humain cheminant péniblement vers sa cabane aprèsson labeur mécanique quotidien, ou bien, rencontrant laFemme-Renard et Ours, à la face pointue et mobile, étrangementhumaine avec son expression de ruse réfléchie, je m’imaginaisl’avoir contre-passée déjà, dans quelque rue mal famée de grandeville.

Cependant, de temps à autre, l’animal m’apparaissait en eux,hors de doute et sans démenti possible. Un homme laid et, selontoute apparence, un sauvage aux épaules contrefaites, accroupi àl’entrée d’une cabane, étirait soudain ses membres et bâillait,montrant, avec une effrayante soudaineté, des incisives aiguiséeset des canines acérées brillantes et affilées comme des rasoirs.Dans quelque étroit sentier, si je regardais, avec une audacepassagère, dans les yeux de quelque agile femelle, j’apercevaissoudain, avec un spasme de répulsion, leurs pupilles fendues, ou,abaissant le regard, je remarquais la grille recourbée aveclaquelle elle maintenait sur ses reins son lambeau de vêtement.C’est, d’ailleurs, une chose curieuse et dont je ne saurais donnerde raison, que ces étranges créatures, ces femelles, eurent, dansles premiers temps de mon séjour, le sens instinctif de leurrépugnante apparence et montrèrent, en conséquence, une attentionplus qu’humaine pour la décence et le décorum extérieur.

Mais mon inexpérience de l’art d’écrire me trahit et je m’égarehors du sujet de mon récit. Après que j’eus déjeuné avecMontgomery, nous partîmes tous deux pour voir, à l’extrémité del’île, la fumerolle et la source chaude dans les eaux brûlantes delaquelle j’avais pataugé le jour précédent. Nous avions chacun unfouet et un revolver chargé. En traversant un fourré touffu, nousentendîmes crier un lapin ; nous nous arrêtâmes, aux écoutes,mais n’entendant plus rien nous nous remîmes en route et nous eûmesbientôt oublié cet incident. Montgomery me fit remarquer certainspetits animaux rosâtres qui avaient des pattes de derrière fortlongues et couraient par bonds dans les broussailles ; ilm’apprit que c’étaient des créatures que Moreau avait inventées etfabriquées avec la progéniture des grands bipèdes. Il avait espéréqu’ils pourraient fournir de la viande pour les repas, maisl’habitude qu’ils avaient, comme parfois les lapins, de dévorerleurs petits avait fait échouer ce projet. J’avais déjà rencontréquelques-unes de ces créatures la nuit où je fus poursuivi parl’Homme-Léopard et, la veille, quand je fuyais devant Moreau. Parhasard, l’un de ces animaux, en courant pour nous éviter, sautadans le trou qu’avaient fait les racines d’un arbre renversé par levent. Avant qu’il ait pu se dégager nous réussîmes àl’attraper ; il se mit à cracher, à égratigner comme un chat,en secouant vigoureusement son arrière-train, il essaya même demordre, mais ses dents étaient trop faibles pour faire davantageque pincer légèrement. La bête me parut être une jolie petitecréature et Montgomery m’ayant dit qu’elles ne creusaient jamais deterrier et avaient des habitudes de propreté parfaite, je suggéraique cette espèce d’animal pourrait être, avec avantage, substituéeau lapin ordinaire dans les parcs.

Nous vîmes aussi, sur notre route, un tronc rayé de longueségratignures et, par endroits, profondément entamé. Montgomery mele fit remarquer.

« Ne pas griffer l’écorce des arbres, c’est la Loi, dit-il. Ilsont vraiment l’air de s’en soucier. »

C’est après cela, je crois, que nous rencontrâmes le Satyre etl’Homme-Singe. Le Satyre était un souvenir classique de la part deMoreau, avec sa face d’expression ovine, tel le type sémiteaccentué, sa voix pareille à un bêlement rude et ses extrémitésinférieures sataniques. Il mâchait quelque fruit à cosse au momentoù il nous croisa. Les deux bipèdes saluèrent montgomery.

« Salut à l’Autre avec le fouet, firent-ils.

– Il y en a un troisième avec un fouet, dit Montgomery. Ainsi,gare à vous.

– Ne l’a-t-on pas fabriqué ? demanda l’Homme-Singe. Il adit… Il a dit qu’on l’avait fabriqué. »

Le Satyre m’examina curieusement.

« Le troisième avec le fouet, celui qui marche en pleurant dansla mer, a une pâle figure mince.

– Il a un long fouet mince, dit Montgomery.

– Hier, il saignait et il pleurait, dit le Satyre. Vous nesaignez pas et vous ne pleurez pas. Le Maître ne saigne pas et ilne pleure pas.

– La méthode Ollendorff, par cœur, railla Montgomery. Voussaignerez et vous pleurerez si vous n’êtes pas sur vos gardes.

– Il a cinq doigts – il est un cinq-doigts comme moi, ditl’Homme-Singe.

– Allons ! partons, Prendick ! » fit Montgomery en meprenant le bras, et nous nous remîmes en route.

Le Satyre et l’Homme-Singe continuèrent à nous observer et à secommuniquer leurs remarques.

« Il ne dit rien, fit le Satyre. Les hommes ont des voix.

– Hier, il m’a demandé des choses à manger ; il ne savaitpas », répliqua l’Homme-Singe.

Puis ils parlèrent encore un instant et j’entendis le Satyre quiricanait bizarrement.

Ce fut en revenant que nous trouvâmes les restes du lapin mort.Le corps rouge de la pauvre bestiole avait été mis en pièces, laplupart des côtes étaient visibles et la colonne vertébraleévidemment rongée.

À cette vue, Montgomery s’arrêta.

« Bon Dieu ! » fit-il.

Il se baissa pour ramasser quelques vertèbres brisées et lesexaminer de plus près.

« Bon Dieu ! répéta-t-il, qu’est-ce que cela veutdire ?

– Quelqu’un de vos carnivores s’est souvenu de ses habitudesanciennes, répondis-je, après un moment de réflexion. Ces vertèbresont été mordues de part en part. »

Il restait là, les yeux fixes, la face pâle et les lèvrestordues.

« Ça ne présage rien de bon, fit-il lentement.

– J’ai vu quelque chose de ce genre, dis-je, le jour même de monarrivée.

– Le diable s’en mêle, alors ? Qu’est-ce quec’était ?

– Un lapin avec la tête arrachée.

– Le jour de votre arrivée ?

– Le soir même, dans le sous-bois, derrière l’enclos, quand jesuis sorti, avant la tombée de la nuit. La tête était complètementtordue et arrachée. »

Il fit entendre, entre ses dents, un long sifflement.

« Et qui plus est, j’ai idée que je connais celle de vos brutesqui a fait le coup. Ce n’est qu’un soupçon pourtant. Avant detrouver le lapin, j’avais vu l’un de vos monstres qui buvait dansle ruisseau.

– En lapant avec sa langue ?

– Oui.

– Ne pas laper pour boire, c’est la Loi. Ils s’en moquent pasmal de la Loi, hein, quand Moreau n’est pas derrière leurdos ?

– C’était la brute qui m’a poursuivi.

– Naturellement, affirma Montgomery. C’est tout juste ce quefont les carnivores. Après avoir tué, ils boivent. C’est le goût dusang, vous le savez.

« Comment était-elle, cette brute ? Demanda-t-il encore.Pourriez-vous la reconnaître ? »

Il jeta un regard autour de nous, les jambes écartée, au-dessusdes restes du lapin mort, ses yeux errant parmi les ombres et lesécrans de verdure, épiant les pièges et les embûches de la forêtqui nous entourait.

« Le goût du sang », répéta-t-il.

Il prit son revolver, en examina les cartouches et le replaça.Puis il se mit à tirer sur sa lèvre pendante.

« Je crois que je reconnaîtrais parfaitement le monstre.

– Mais alors il nous faudrait prouver que c’est lui quia tué le lapin, dit Montgomery. Je voudrais bien n’avoir jamaisamené ici ces pauvres bêtes. »

Je voulais me remettre en chemin, mais il restait là, méditantsur ce lapin mutilé comme sur une profonde énigme. Bientôt,avançant peu à peu, je ne pus plus voir les restes du lapin.

« Allons, venez-vous ? » criai-je.

Il tressaillit et vint me rejoindre.

« Vous voyez, prononça-t-il presque à voix basse, nous leuravons inculqué à tous de ne manger rien de ce qui se meut sur lesol. Si, par accident, quelque brute à goûté du sang… »

Nous avançâmes un moment en silence.

« Je me demande ce qui a bien pu arriver, se dit-il. J’ai faitune rude bêtise l’autre jour, continua-t-il après une pause. Cetteespèce de brute qui me sert… Je lui ai montré à dépouiller et àcuire un lapin. C’est bizarre… Je l’ai vu qui se léchait les mains…Cela ne m’était pas venu à l’idée… Il nous faut y mettre un terme.Je vais en parler à Moreau. »

Il ne put penser à rien d’autre pendant le retour.

Moreau prit la chose plus sérieusement encore que Montgomery, etje n’ai pas besoin de dire que leur évidente consternation me gagnaaussitôt.

« Il faut faire un exemple, dit Moreau. Je n’ai pas le moindredoute que l’Homme-Léopard ne soit le coupable. Mais comment leprouver ? Je voudrais bien, Montgomery, que vous ayez résistéà votre goût pour la viande et que vous n’ayez pas amené cesnouveautés excitantes. Avec cela, nous pouvons nous trouvermaintenant dans une fâcheuse impasse.

– J’ai agi comme un imbécile, dit Montgomery, mais le mal estfait. Et puis, vous n’y aviez pas fait d’objection.

– Il faut nous occuper de la chose sans tarder, dit Moreau. Jesuppose, si quelque événement survenait, que M’ling pourrait s’entirer de lui-même ?

– Je ne suis pas si sûr que cela de M’ling, avouaMontgomery ; j’ai peur d’apprendre à le mieux connaître. »

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