L’Île du docteur Moreau

Chapitre 5DANS LA FORÊT

Je m’avançai à travers les broussailles qui revêtaient le talus,derrière la maison, ne me souciant guère de savoir oùj’allais ; je continuai sous un épais et obscur taillisd’arbres aux troncs droits, et me trouvai bientôt à quelquedistance sur l’autre pente, descendant vers un ruisseau qui couraitdans une étroite vallée. Je m’arrêtai pour écouter. La distance àlaquelle j’étais parvenu ou les masses intermédiaires des fourrésamortissaient tous les sons qui auraient pu venir de l’enclos.L’air était tranquille. Alors, avec un léger bruit, un lapin parutet décampa derrière la pente. J’hésitai et m’assis au bord del’ombre.

L’endroit était ravissant. Le ruisseau était dissimulé par lesluxuriantes végétations de ses rives, sauf en un point où jepouvais voir les reflets de ses eaux scintillantes. De l’autrecôté, j’apercevais, à travers une brume bleuâtre, un enchevêtrementd’arbres et de lianes au-dessus duquel surplombait le bleu lumineuxdu ciel. Ici et là des éclaboussures de blanc et d’incarnatindiquaient des touffes fleuries d’épiphytes rampants. Je laissaimes yeux errer un instant sur ce paysage, puis mon esprit revintsur les étranges singularités de l’homme de Montgomery. Mais ilfaisait trop chaud pour qu’il fût possible de réfléchir longuement,et bientôt je tombai dans une sorte de torpeur, quelque chose entrel’assoupissement et la veille.

Je fus soudain réveillé, je ne sais au bout de combien de temps,par un bruissement dans la verdure de l’autre côté du cours d’eau.Pendant un instant, je ne pus voir autre chose que les sommetsagités des fougères et des roseaux. Puis, tout à coup, sur le borddu ruisseau parut quelque chose – tout d’abord, je ne pusdistinguer ce que c’était. Une tête se pencha vers l’eau etcommença à boire. Alors je vis que c’était un homme qui marchait àquatre pattes comme une bête.

Il était revêtu d’étoffes bleuâtres. Sa peau était d’une nuancecuivrée et sa chevelure noire. Il semblait qu’une laideur grotesquefût la caractéristique invariable de ces insulaires. J’entendais lebruit qu’il faisait en aspirant l’eau.

Je m’inclinai en avant pour mieux le voir et un morceau de lavequi se détacha sous ma main descendit bruyamment la pente. L’êtreleva craintivement la tête et rencontra mon regard, immédiatement,il se remit sur pied et, sans me quitter des yeux, se mit às’essuyer la bouche d’un geste maladroit. Ses jambes avaient àpeine la moitié de la longueur de son corps. Nous restâmes ainsi,peut-être l’espace d’une minute, à nous observer, aussidécontenancés l’un que l’autre ; puis il s’esquiva parmi lesbuissons, vers la droite, en s’arrêtant une fois ou deux pourregarder en arrière, et j’entendis le bruissement des branchess’affaiblir peu à peu dans la distance. Longtemps après qu’il eutdisparu, je restai debout, les yeux fixés dans la direction où ils’était enfui. Je ne pus retrouver mon calme assoupissement.

Un bruit derrière moi me fit tressaillir et, me tournant tout àcoup, je vis la queue blanche d’un lapin qui disparaissait ausommet de la pente. Je me dressai d’un bond.

L’apparition de cette créature grotesque et à demi bestialeavait soudain peuplé pour mon imagination la tranquillité del’après-midi. Je regardai autour de moi, tourmenté et regrettantd’être sans armes. Puis l’idée me vint que cet homme était vêtu decotonnade bleue, alors qu’un sauvage eût été nu, et d’après ce faitj’essayai de me persuader qu’il était probablement d’un caractèretrès pacifique et que la morne férocité de son aspect lecalomniait.

Pourtant cette apparition me tourmentait grandement.

Je m’avançai vers la gauche au long du talus, attentif etsurveillant les alentours entre les troncs droits des arbres.Pourquoi un homme irait-il à quatre pattes et boirait-il à même leruisseau ? Bientôt j’entendis de nouveaux gémissements et,pensant que ce devait être le puma, je tournai dans une directiondiamétralement opposée. Cela me ramena au ruisseau, que jetraversai, et je continuai à me frayer un chemin à travers lesbroussailles de l’autre rive.

Une grande tache d’un rouge vif, sur le sol, attira soudain monattention, et, m’en approchant, je trouvai que c’était une sorte defongosité à branches rugueuses comme un lichen foliacé, mais sechangeant, si l’on y touchait, en une sorte de matière gluante.Plus loin, à l’ombre de quelques fougères géantes, je tombai sur unobjet désagréable : le cadavre encore chaud d’un lapin, la têtearrachée et couvert de mouches luisantes. Je m’arrêtai stupéfait àla vue du sang répandu. L’île, ainsi, était déjà débarrassée d’aumoins un de ses visiteurs.

Il n’y avait à l’entour aucune autre trace de violence. Ilsemblait que la bête eût été soudain saisie et tuée et, tandis queje considérais le petit cadavre, je me demandais comment la choseavait pu se faire. La vague crainte dont je n’avais pu me défendre,depuis que j’avais vu l’être à la face si peu humaine boire auruisseau, se précisa peu à peu. Je commençai à me rendre compte dela témérité de mon expédition parmi ces gens inconnus. Monimagination transforma les fourrés qui m’entouraient. Chaque ombredevint quelque chose de plus qu’une ombre, fut une embûche, chaquebruissement devint une menace. Je me figurais être épié par deschoses invisibles.

Je résolus de retourner à l’enclos. Faisant soudain demi-tour,je pris ma course, une course forcenée à travers les buissons,anxieux de me retrouver dans un espace libre.

Je ralentis peu à peu mon allure et m’arrêtai juste au moment dedéboucher dans une clairière. C’était une sorte de trouée faitedans la forêt par la chute d’un grand arbre ; les rejetonsjaillissaient déjà de partout pour reconquérir l’espace vacant, et,au-delà, se refermaient de nouveau les troncs denses, les lianesentrelacées et les touffes de plantes parasites et de fleurs.Devant moi, accroupis sur les débris fongueux de l’arbre etignorant encore ma présence, se trouvaient trois créaturesgrotesquement humaines. Je pus voir que deux étaient des mâles etl’autre évidemment une femelle. À part quelques haillons d’étoffeécarlate autour des hanches, ils étaient nus et leur peau étaitd’un rose foncé et terne que je n’avais encore jamais remarqué chezaucun sauvage. Leurs figures grasses étaient lourdes et sansmenton, avec le front fuyant et, sur la tête, une chevelure rare ethérissée. Je n’avais jamais vu de créatures à l’aspect aussibestial.

Elles causaient ou du moins l’un des mâles parlait aux deuxautres et tous trois semblaient être trop vivement intéressés pouravoir remarqué le bruit de mon approche. Ils balançaient de gaucheà droite leur tête et leurs épaules. Les mots me parvenaientembarrassés et indistincts ; je pouvais les entendre nettementsans pouvoir en saisir le sens. Celui qui parlait me semblaitréciter quelque baragouin inintelligible. Bientôt il articula d’unefaçon plus aiguë et, étendant les bras, il se leva.

Alors les autres se mirent à crier à l’unisson, se levant aussi,étendant les bras et balançant leur corps suivant la cadence deleur mélopée. Je remarquai la petitesse anormale de leurs jambes etleurs pieds longs et informes. Tous trois tournèrent lentement dansle même cercle, frappant du pied et agitant les bras ; unesorte de mélodie se mêlait à leur récitation rythmique, ainsi qu’unrefrain qui devait être : Aloula ou Baloula.Bientôt leurs yeux étincelèrent et leurs vilaines faces s’animèrentd’une expression d’étrange plaisir. Au coin de leur bouche sanslèvres la salive découlait.

Soudain, tandis que j’observais leur mimique grotesque etinexplicable, je perçus clairement, pour la première fois, ce quim’offensait dans leur contenance, ce qui m’avait donné ces deuximpressions incompatibles et contradictoires de complète étrangetéet cependant de singulière familiarité. Les trois créatures quiaccomplissaient ce rite mystérieux étaient de forme humaine, etcependant, ces êtres humains évoquaient dans toute leur personneune singulière ressemblance avec quelque animal familier. Chacun deces monstres, malgré son aspect humain, ses lambeaux de vêtementset la grossière humanité de ses membres, portait avec lui, dans sesmouvements, dans l’expression de ses traits et de ses gestes, danstoute son allure, quelque irrésistible suggestion rappelant leporc, la marque évidente de l’animalité.

Je restai là, abasourdi par cette constatation, et alors lesplus horribles interrogations se pressèrent en mon esprit. Lesbizarres créatures se mirent alors à sauter l’une après l’autre,poussant des cris et des grognements. L’une d’elles trébucha et setrouva un instant à quatre pattes pour se relever d’ailleursimmédiatement. Mais cette révélation passagère du véritableanimalisme de ces monstres me suffisait. En faisant le moins debruit possible, je revins sur mes pas, m’arrêtant à chaque instantdans la crainte que le craquement d’une branche ou le bruissementd’une feuille ne vînt à me faire découvrir, et j’allai longtempsainsi avant d’oser reprendre la liberté de mes mouvements.

Ma seule idée pour le moment était de m’éloigner de cesrépugnantes créatures et je suivais sans m’en apercevoir un sentierà peine marqué parmi les arbres. En traversant une étroiteclairière, j’entrevis, avec un frisson désagréable, au milieu dutaillis, deux jambes bizarres, suivant à pas silencieux unedirection parallèle à la mienne à trente mètres à peine de moi. Latête et le tronc étaient cachés par un fouillis de lianes. Jem’arrêtai brusquement, espérant que la créature ne m’aurait pas vu.Les jambes s’arrêtèrent aussitôt. J’avais les nerfs tellementirrités que je ne contins qu’avec la plus grande difficulté uneimpulsion subite de fuir à toute vitesse.

Je restai là un instant, le regard fixe et attentif, et jeparvins à distinguer, dans l’entrelacement des branches, la tête etle corps de la brute que j’avais vue boire au ruisseau. Sa têtebougea. Quand son regard croisa le mien, il y eut dans ses yeux unéclat verdâtre, à demi lumineux, qui s’évanouit quand il eut remuéde nouveau. Il resta immobile un instant, m’épiant dans lapénombre, puis, avec de silencieuses enjambées, il se mit à courirà travers la verdure des fourrés. L’instant d’après il avaitdisparu derrière les buissons. Je ne pouvais le voir, mais jesentais qu’il s’était arrêté et m’épiait encore.

Qui diable pouvait-il être ? Homme ou animal ? Que mevoulait-il ? Je n’avais aucune arme, pas même un bâton : fuireût été folie ; en tout cas, quel qu’il fût, il n’avait pas lecourage de m’attaquer. Les dents serrées, je m’avançai droit surlui. Je ne voulais à aucun prix laisser voir la crainte qui meglaçait. Je me frayai un passage à travers un enchevêtrement degrands buissons à fleurs blanches et aperçus le monstre à vingt pasplus loin, observant par-dessus son épaule, hésitant. Je fis deuxou trois pas en le regardant fixement dans les yeux.

« Qui êtes-vous ? » criai-je.

Il essaya de soutenir mon regard.

« Non ! » fit-il tout à coup et, tournant les talons ils’enfuit en bondissant à travers le sous-bois. Puis, se retournantencore, il se mit à m’épier : ses yeux brillaient dans l’obscuritédes branchages épais.

Je suffoquais, sentant bien que ma seule chance de salut étaitde faire face au danger, et résolument je me dirigeai vers lui.Faisant demi-tour, il disparut dans l’ombre. Je crus une fois deplus apercevoir le reflet de ses yeux et ce fut tout.

Alors seulement je me rendis compte que l’heure tardive pouvaitavoir pour moi des conséquences fâcheuses. Le soleil, depuisquelques minutes, était tombé derrière l’horizon ; le brefcrépuscule des tropiques fuyait déjà de l’orient ; unephalène, précédant les ténèbres, voltigeait silencieusement autourde ma tête. À moins de passer la nuit au milieu des dangersinconnus de la forêt mystérieuse, il fallait me hâter pour rentrerà l’enclos.

La pensée du retour à ce refuge de souffrance m’étaitextrêmement désagréable, mais l’idée d’être surpris par l’obscuritéet tout ce qu’elle cachait l’était encore davantage. Donnant undernier regard aux ombres bleues qui cachaient la bizarre créature,je me mis à descendre la pente vers le ruisseau, croyant suivre lechemin par lequel j’étais venu.

Je marchais précipitamment, fort troublé par tout ce que j’avaisvu, et je me trouvai bientôt dans un endroit plat, encombré detroncs d’arbres abattus. L’incolore clarté qui persiste après lesrougeurs du couchant s’assombrissait. L’azur du ciel devint demoment en moment plus profond et, une à une, les petites étoilespercèrent la lumière atténuée. Les intervalles des arbres, lestrouées dans les végétations, qui de jour étaient d’un bleubrumeux, devenaient noirs et mystérieux.

Je poussai en avant. Le monde perdait toute couleur : les arbresdressaient leurs sombres silhouettes contre le ciel limpide et toutau bas les contours se mêlaient en d’informes ténèbres. Bientôt lesarbres s’espacèrent et les broussailles devinrent plus abondantes.Ensuite, il y eut une étendue désolée couverte de sable blanc, puisune autre de taillis enchevêtrés.

Sur ma droite, un faible bruissement m’inquiétait. D’abord jecrus à une fantaisie de mon imagination, car, chaque fois que jem’arrêtais, je ne percevais dans le silence que la brise du soiragitant la cime des arbres. Quand je me remettais en route, il yavait un écho persistant à mes pas.

Je m’éloignai des fourrés, suivant exclusivement les espacesdécouverts et m’efforçant, par de soudaines volte-face, desurprendre, si elle existait, la cause de ce bruit. Je ne vis rienet néanmoins la certitude d’une autre présence s’imposait de plusen plus. J’accélérai mon allure et, au bout de peu de temps,j’arrivai à un léger monticule ; je le franchis, et, meretournant brusquement, je regardai avec grande attention le cheminque je venais de parcourir. Tout se détachait noir et net contre leciel obscur.

Bientôt une ombre informe parut momentanément contre la ligned’horizon et s’évanouit. J’étais convaincu maintenant que mon fauveantagoniste me pourchassait encore, et à cela vint s’ajouter uneautre constatation désagréable : j’avais perdu mon chemin.

Je continuai, désespérément perplexe, à fuir en hâte, persécutépar cette furtive poursuite. Quoi qu’il en soit, la créaturen’avait pas le courage de m’attaquer ou bien elle attendait lemoment de me prendre à mon désavantage. Tout en avançant, jerestais soigneusement à découvert, me tournant parfois pourécouter, et, de nouveau, je finis par me persuader que mon ennemiavait abandonné la chasse ou qu’il n’était qu’une simplehallucination de mon esprit désordonné. J’entendis le bruit desvagues. Je hâtai le pas, courant presque, et immédiatement jeperçus que, derrière moi, quelqu’un trébuchait.

Je me retournai vivement, tâchant de discerner quelque choseentre les arbres indistincts. Une ombre noire parut bondir dans uneautre direction. J’écoutai, immobile, sans rien entendre quel’afflux du sang dans mes oreilles. Je crus que mes nerfs étaientdétraqués et que mon imagination me jouait des tours. Je me remisrésolument en marche vers le bruit de la mer.

Les arbres s’espacèrent, et, deux ou trois minutes après, jedébouchai sur un promontoire bas et dénudé qui s’avançait dans leseaux sombres. La nuit était calme et claire et les reflets de lamultitude croissante des étoiles frissonnaient sur les ondulationstranquilles de la mer. Un peu au large, les vagues se brisaient surune bande irrégulière de récifs et leur écume brillait d’unelumière pâle. Vers l’ouest je vis la lumière zodiacale se mêler àla jaune clarté de l’étoile du soir. La côte, à l’est,disparaissait brusquement, et, à l’ouest, elle était cachée par unépaulement du cap. Alors, je me souvins que l’enclos de Moreau setrouvait à l’ouest.

Une branche sèche cassa derrière moi et il y eut un bruissement.Je fis face aux arbres sombres – sans qu’il fût possible de rienvoir – ou plutôt je voyais trop. Dans l’obscurité, chaque formevague avait un aspect menaçant, suggérait une hostilité aux aguets.Je demeurai ainsi, l’espace d’une minute peut-être, puis, sansquitter les arbres des yeux, je me tournai vers l’ouest pourfranchir le promontoire. Au moment même où je me tournai, uneombre, au milieu des ténèbres vigilantes s’ébranla pour mesuivre.

Mon cœur battait à coups précipités. Bientôt la courbe vasted’une baie s’ouvrant vers l’ouest devint visible, et je fis halte.L’ombre silencieuse fit halte aussi à quinze pas. Un petit point delumière brillait à l’autre extrémité de la courbe et la griseétendue de la plage sablonneuse se prolongeait faiblement sous lalueur des étoiles. Le point lumineux se trouvait peut-être à deuxmilles de distance. Pour gagner le rivage, il me fallait traverserle bois où les ombres me guettaient et descendre une pente couvertede buissons touffus.

Je pouvais maintenant apercevoir mon ennemi un peu plusdistinctement. Ce n’était pas un animal, car il marchait debout.J’ouvris alors la bouche pour parler, mais un phlegme rauque mecoupa la voix. J’essayai de nouveau :

« Qui va là ? » criai-je.

Il n’y eut pas de réponse. Je fis un pas. La silhouette nebougea pas et sembla seulement se ramasser sur elle-même ; monpied heurta un caillou.

Cela me donna une idée. Sans quitter des yeux la forme noire, jeme baissai pour ramasser le morceau de roc. Mais, à ce mouvement,l’ombre fit une soudaine volte-face, à la manière d’un chien, ets’enfonça obliquement dans les ténèbres. Je me souvins alors d’unmoyen ingénieux dont les écoliers se servent contre les chiens : jenouai le caillou dans un coin de mon mouchoir, que j’enroulaisolidement autour de mon poignet. Parmi les ombres éloignéesj’entendis le bruit de mon ennemi en retraite, et soudain monintense surexcitation m’abandonna. Je me mis à trembler et unesueur froide m’inonda, pendant qu’il fuyait et que je restais làavec mon arme inutile dans la main.

Un bon moment s’écoula avant que je pusse me résoudre àdescendre, à travers le bois et les taillis, le flanc dupromontoire jusqu’au rivage. Enfin, je les franchis en un seul élanet, comme je sortais du fourré et m’engageais sur la plage,j’entendis les craquements des pas de l’autre lancé à mapoursuite.

Alors la peur me fit complètement perdre la tête et je me mis àcourir sur le sable. Immédiatement, je fus suivi par ce même bruitde pas légers et rapides. Je poussai un cri farouche et redoublaide vitesse. Sur mon passage, de vagues choses noires, ayant troisou quatre fois la taille d’un lapin, remontèrent le talus encourant et en bondissant. Tant que je vivrai, je me rappellerai laterreur de cette poursuite. Je courais au bord des flots etj’entendais de temps en temps le clapotis des pas qui gagnaient surmoi. Au loin, désespérément loin, brillait faiblement la lueurjaune. La nuit, tout autour de nous, était noire et muette.Plaff ! Plaff ! faisaient continuellement les pieds demon ennemi. Je me sentis à bout de souffle, car je n’étaisnullement entraîné ; à chaque fois ma respiration sifflait etj’éprouvais à mon côté une douleur aiguë comme un coup decouteau.

Nous courions ainsi sous les étoiles tranquilles, vers le refletjaune, vers la clarté désespérément lointaine de la maison. Etbientôt, avec un réel soulagement, j’entendis le pitoyablegémissement du puma, ce cri de souffrance qui avait été la cause dema fuite et m’avait fait partir en exploration à travers l’îlemystérieuse. Alors, malgré ma faiblesse et mon épuisement, jerassemblai mes forces et me remis à courir vers la lumière. Il mesembla qu’une voix m’appelait. Puis, soudain, les pas derrière moise ralentirent, changèrent de direction et je les entendis sereculer dans la nuit.

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