Scène première
Médée,Theudas
Theudas
Ah, déplorable prince ! ah, fortunecruelle !
Que je porte à Jason une tristenouvelle !
Médée,lui donnant un coup de baguette qui le fait demeurerimmobile.
Arrête, misérable, et m’apprends queleffet
A produit chez le roi le présent que j’aifait.
Theudas
Dieux ! je suis dans les fers d’uneinvisible chaîne !
Médée
Dépêche, ou ces longueurs attireront mahaine.
Theudas
Apprenez donc l’effet le plus prodigieux
Que jamais la vengeance ait offert à nosyeux.
Votre robe a fait peur, et sur Niseéprouvée,
En dépit des soupçons, sans péril s’esttrouvée ;
Et cette épreuve a su si bien les assurer,
Qu’incontinent Créuse a voulu s’enparer ;
Mais cette infortunée à peine l’a vêtue,
Qu’elle sent aussitôt une ardeur qui latue :
Un feu subtil s’allume, et ses brandonsépars
Sur votre don fatal courent de toutesparts ;
Et Cléone et le roi s’y jettent pourl’éteindre ;
Mais (ô nouveau sujet de pleurer et deplaindre !)
Ce feu saisit le roi ; ce prince en unmoment
Se trouve enveloppé du même embrasement.
Médée
Courage ! enfin il faut que l’un etl’autre meure.
Theudas
La flamme disparaît, mais l’ardeur leurdemeure ;
Et leurs habits charmés, malgré nos vainsefforts,
Sont des brasiers secrets attachés à leurscorps ;
Qui veut les dépouiller lui-même lesdéchire,
Et ce nouveau secours est un nouveaumartyre.
Médée
Que dit mon déloyal ? que fait-illà-dedans ?
Theudas
Jason, sans rien savoir de tous cesaccidents,
S’acquitte des devoirs d’une amitié civile
À conduire Pollux hors des murs de laville,
Qui va se rendre en hâte aux noces de sasœur,
Dont bientôt Ménélas doit êtrepossesseur ;
Et j’allais lui porter ce funeste message.
Médéelui donne un autre coup de baguette.
Va, tu peux maintenant achever ton voyage.