Scène III
Créon,Jason,Créuse,Cléone,soldats
Créon
Te voilà sans rivale, et mon pays sansguerres,
Ma fille : c’est demain qu’elle sort denos terres.
Nous n’avons désormais que craindre de sapart ;
Acaste est satisfait d’un si prochedépart ;
Et si tu peux calmer le courage d’Égée,
Qui voit par notre choix son ardeurnégligée,
Fais état que demain nous assure à jamais
Et dedans et dehors une profonde paix.
Créuse
Je ne crois pas, seigneur, que ce vieux roid’Athènes,
Voyant aux mains d’autrui le fruit de tant depeines,
Mêle tant de faiblesse à son ressentiment,
Que son premier courroux se dissipeaisément.
J’espère toutefois qu’avec un peud’adresse
Je pourrai le résoudre à perdre unemaîtresse
Dont l’âge peu sortable et l’inclination
Répondaient assez mal à son affection.
Jason
Il doit vous témoigner par son obéissance
Combien sur son esprit vous avez depuissance ;
Et s’il s’obstine à suivre un injustecourroux,
Nous saurons, ma princesse, en rabattre lescoups ;
Et nos préparatifs contre la Thessalie
Ont trop de quoi punir sa flamme et safolie.
Créon
Nous n’en viendrons pas là : regardeseulement
À le payer d’estime et de remerciement.
Je voudrais pour tout autre un peu deraillerie ;
Un vieillard amoureux mérite qu’on enrie :
Mais le trône soutient la majesté des rois
Au-dessus du mépris, comme au-dessus deslois.
On doit toujours respect au sceptre, à lacouronne.
Remets tout, si tu veux, aux ordres que jedonne ;
Je saurai l’apaiser avec facilité,
Si tu ne te défends qu’avec civilité.